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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
6B_868/2008 /rod 
 
Arrêt du 20 janvier 2009 
Cour de droit pénal 
 
Composition 
MM. les Juges Favre, Président, 
Schneider et Ferrari. 
Greffière: Mme Gehring. 
 
Parties 
X.________, 
recourante, représentée par Me Roland Schaller, avocat, 
 
contre 
 
A.________, 
intimé, représenté par Me Claude Brügger, avocat, 
Procureur général du canton de Berne, case postale, 3001 Berne, 
intimé. 
 
Objet 
Homicide par négligence, 
 
recours contre le jugement de la Cour suprême du canton de Berne, 2ème Chambre pénale, du 16 avril 2008. 
 
Faits: 
 
A. 
Par jugement du 29 octobre 2007, le Président 1 de l'arrondissement judiciaire I Courtelary-Moutier-La Neuveville a libéré X.________ de la prévention d'homicide par négligence et réservé les droits civils du plaignant. 
 
B. 
Statuant le 16 avril 2008 sur appels de la partie civile et du Procureur 2 du Ministère public I Jura bernois-Seeland, la IIème Chambre pénale de la Cour suprême bernoise a reconnu X.________ coupable d'homicide par négligence. Elle l'a condamnée à une peine pécuniaire de cinq jours-amende de 50 fr. chacun avec sursis pendant deux ans ainsi qu'au paiement à la partie civile d'une indemnité pour tort moral de 30'000 fr. Ce jugement est fondé en substance sur les faits suivants. 
 
Le 30 mai 2005 aux environs de 19 h. 15, X.________ s'est rendue au domicile de B.________ avec sa voiture. Après avoir embarqué sa passagère, elle a emprunté le chemin de gravier reliant la maison à la route cantonale ralliant Sorvilier à Moutier pour se rendre en sa compagnie à une séance d'aquagym. Arrivée à la limite de la propriété clôturée d'une haie entravant sérieusement la visibilité sur la route, elle a traversé le trottoir et avancé son véhicule jusqu'au bord de la chaussée dans l'intention d'obliquer à droite en direction de Sorvilier. Afin d'accorder la priorité aux véhicules approchant de la gauche, elle s'est immobilisée durant quelques instants avant de démarrer immédiatement après le passage de C.________ et avant celui de D.________. Ce faisant, elle a heurté E.________ qui circulait à vélo sur le trottoir et contournait au même moment le véhicule de X.________ par la droite. A la suite de la collision, le cycliste - qui ne portait pas de casque - a été renversé et sa tête a percuté directement l'asphalte. Prise de panique, X.________ n'a pas eu le réflexe de freiner. Selon ses déclarations, elle a "tout lâché" et coupé le moteur, laissant couler le véhicule jusqu'à ce qu'il s'immobilise sur la voie gauche à 11,8 m du point de collision, soit entre 3,2 et 4 secondes plus tard. Le vélo et son conducteur ont été entraînés dans le sillage de la voiture sur une distance de respectivement 3m et 6m. Le véhicule a d'abord franchi le vélo puis le cycliste qui a roulé une fois sous la voiture avant d'émerger entre les roues arrière. Il est décédé à l'hôpital des suites de ses blessures. 
 
C. 
X.________ interjette un recours en matière pénale contre ce jugement dont elle requiert l'annulation en concluant, sous suite de frais et dépens, à son acquittement et au renvoi de l'action civile. En outre, elle sollicite l'octroi de l'effet suspensif. 
 
Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures. 
 
Considérant en droit: 
 
1. 
Dans un premier moyen, la recourante se plaint à divers titres d'appréciation arbitraire des preuves et de violation de la présomption d'innocence. 
 
1.1 D'une part, elle conteste les causes du décès, considérant que celui-ci serait survenu en raison du choc contre l'asphalte et non par écrasement de la victime comme retenu par la Cour cantonale. Aucun lien de causalité naturelle (sur ce point cf. consid. 2.3.1 ci-dessous) ne serait ainsi établi entre la perte de maîtrise du véhicule et la mort de E.________. 
 
1.2 D'autre part, elle reproche aux juges cantonaux d'avoir interprété la manoeuvre du cycliste comme tendant au contournement d'un véhicule obstruant le trottoir plutôt qu'à son insertion dans le trafic. 
 
1.3 Enfin, elle leur fait grief de n'avoir pas considéré qu'au moment du démarrage, sa visibilité sur la route cantonale était fortement réduite non seulement par la haie bordant la propriété des B.________ ainsi que le montant et le rétroviseur avant droits de la voiture, mais en outre par la position de la passagère qui essayait d'ouvrir la fenêtre avant droite afin de s'entretenir avec sa fille qui accompagnait E.________. 
 
1.4 Au regard des considérants ci-après, elle se prévaut ainsi de moyens qui ne sont pas susceptibles d'influer sur le sort de la cause (cf. art. 97 al. 1 LTF), de sorte qu'ils sont irrecevables. 
 
2. 
La recourante conteste ensuite s'être rendue coupable d'homicide par négligence, niant en particulier tout manquement à ses devoirs de prudence. Elle estime qu'en s'insérant dans le trafic par la droite immédiatement après le passage du dernier véhicule venant de gauche, elle était dispensée de jeter un dernier coup à droite avant de démarrer, arguant qu'il était inimaginable qu'un véhicule circulât alors en sens inverse sur la même voie sans entrer en collision avec celui de C.________. Elle ajoute qu'au moment de l'accident, le cycliste ne circulait plus sur le trottoir mais sur la chaussée. Ce faisant, il effectuait une manoeuvre d'insertion dans le trafic, de sorte qu'il ne bénéficiait d'aucune priorité sur l'automobiliste. Cette dernière n'avait donc violé ni son obligation d'accorder la priorité aux usagers de la route ou du trottoir, ni celle d'accorder toute son attention à la circulation. On ne pouvait davantage lui reprocher de n'avoir pas freiné après la collision, son comportement s'expliquant par l'état de choc et l'effet de surprise induit par la manoeuvre insolite et dangereuse d'un autre usager de la route. Enfin, elle considère qu'en circulant à vélo sur le trottoir en violation des règles de la circulation routière et en surgissant sur la chaussée à contre-sens entre deux voitures, la victime a commis une faute grave constitutive d'un motif interruptif du lien de causalité adéquate entre son décès et la négligence qui serait éventuellement imputée à la conductrice. 
 
2.1 L'art. 117 CP réprime le comportement de celui qui, par négligence, aura causé la mort d'une personne. Il en résulte que la réalisation de cette infraction suppose la réunion de trois conditions: le décès d'une personne, une négligence et un lien de causalité entre la négligence et la mort (ATF 122 IV 145 consid. 3 p. 147). 
Seules prêtent à discussion en l'espèce la négligence et le rapport de causalité. 
2.1.1 Selon l'art. 12 al. 3 CP, il y a négligence si, par une imprévoyance coupable, l'auteur agit sans se rendre compte ou sans tenir compte des conséquences de son acte. L'imprévoyance est coupable quand l'auteur de l'acte n'a pas usé des précautions commandées par les circonstances et par sa situation personnelle. 
Pour qu'il y ait homicide par négligence, il faut tout d'abord que l'auteur ait, d'une part, violé les règles de prudence que les circonstances lui imposaient pour ne pas excéder les limites du risque admissible et que, d'autre part, il n'ait pas déployé l'attention et les efforts que l'on pouvait attendre de lui pour se conformer à son devoir. Pour déterminer plus précisément quels étaient les devoirs imposés par la prudence, on peut se référer à des normes édictées par l'ordre juridique pour assurer la sécurité et éviter des accidents. 
S'agissant en l'espèce d'un accident de la route, il convient de se référer aux règles de la circulation routière (ATF 122 IV 133 consid. 2a p. 135). L'art. 26 al. 1 LCR prescrit de manière générale à chacun un devoir de prudence qui lui impose de se comporter, dans la circulation, de manière à ne pas gêner ni mettre en danger ceux qui utilisent la route conformément aux règles établies. En particulier, le conducteur devra rester constamment maître de son véhicule de façon à pouvoir se conformer aux devoirs de la prudence (art. 31 al. 1 LCR). Il ne lâchera pas l'appareil de direction (art. 3 al. 3 OCR). S'il veut engager son véhicule dans la circulation, faire demi-tour ou marche arrière, il ne doit pas entraver les autres usagers de la route; ces derniers bénéficient de la priorité (art. 36 al. 4 LCR). Avant de démarrer, il s'assurera qu'il ne met en danger aucun enfant ou autre usager de la route (art. 17 al. 1 1ère phrase OCR). Celui qui, sortant d'une fabrique, d'une cour, d'un garage, d'un chemin rural, etc., ou traversant un trottoir, débouche sur une route principale ou secondaire, est tenu d'accorder la priorité aux usagers de cette route. Si l'endroit est sans visibilité, le conducteur doit s'arrêter; au besoin, il doit avoir recours à l'aide d'une tierce personne, qui surveillera la manoeuvre (art. 15 al. 3 OCR). Selon la jurisprudence, le conducteur doit ainsi vouer à la route et au trafic toute l'attention possible, le degré de cette attention devant être apprécié au regard de toutes les circonstances, telles que la densité du trafic, la configuration des lieux, l'heure, la visibilité et les sources de danger prévisibles (ATF 103 IV 101 consid. 2b p. 104). 
2.1.2 Selon les constatations cantonales, la recourante a quitté le domicile des B.________ en empruntant le chemin de gravier reliant la villa à la route. Parvenue à la limite de la propriété, elle s'est assurée en regardant à gauche et à droite de n'heurter aucun passant avant de traverser le trottoir et de s'avancer jusqu'au bord de la chaussée. Elle y a alors immobilisé son véhicule, l'orientant légèrement sur la droite afin de faciliter le virage dans la même direction et d'éviter de perturber le trafic circulant en sens inverse. A ce moment-là, elle ne pouvait pas apercevoir les adolescents qui se trouvaient à plus de 16,6m de son véhicule, soit en dehors de son champ de visibilité. Elle est restée ainsi arrêtée quelques secondes sur le trottoir. Portant son attention sur sa gauche, elle a en effet vu arriver le véhicule conduit par C.________ dont elle a attendu le passage avant de démarrer. Tournant alors la tête dans le sens de la marche, elle a aperçu E.________ qui se trouvait devant sa voiture et qui a été renversé par cette dernière. 
2.1.3 La recourante a ainsi dûment regardé à droite et à gauche avant de traverser le trottoir et de s'immobiliser au bord de la chaussée pour accorder la priorité au véhicule venant de gauche. Immédiatement après le passage de ce dernier, elle a démarré en même temps qu'elle portait son regard dans le sens de la marche. En d'autres termes, elle a commencé à rouler sans regarder devant elle, ni prendre la précaution préalable de vérifier que la voie était libre alors qu'elle était pourtant immobilisée, et son attention focalisée dans une autre direction, depuis plusieurs secondes au cours desquelles des usagers du trottoir - qu'elle n'avait précédemment pas pu voir compte tenu de la configuration des lieux et de la visibilité réduite en résultant - pouvaient être parvenus à sa hauteur. Dans ces circonstances, il lui incombait indiscutablement de s'assurer moyennant un coup d'oeil supplémentaire à droite qu'elle pouvait démarrer sans danger pour tous les autres usagers de la route. Contrairement à ce qu'elle prétend, une telle précaution ne requiert que quelques fractions de seconde, ne retarde pas davantage la manoeuvre de démarrage et ne suppose pas un nouveau regard à gauche. Si la recourante avait ainsi prêté attention à la route avant de démarrer, elle aurait vu E.________ dont elle a croisé le regard avant la collision - selon les constatations cantonales qui lient le Tribunal fédéral (art. 105 LTF) - et qui était parfaitement visible. Dans cette mesure, les considérations relatives à l'étendue du champ de visibilité de la conductrice au moment de l'accident ne sont pas décisives. C'est donc à juste titre que les juges cantonaux ont considéré qu'elle avait manqué à ses devoirs de prudence, en démarrant sans préalablement jeter un coup d'oeil supplémentaire à droite et sans voir le cycliste devant elle, cela indépendamment de tout ordre de priorité entre les divers usagers de la route ou du trottoir. 
La recourante n'ayant par ailleurs tenté aucun freinage d'urgence immédiatement après la collision, c'est à bon escient que la Cour cantonale l'a reconnue coupable d'une double violation de ses devoirs de prudence. Dans ces circonstances, elle ne saurait invoquer le principe de la confiance déduit de l'art. 26 LCR, seul celui qui se comporte réglementairement pouvant s'en prévaloir (ATF 118 IV 277 consid. 4a p. 280). En outre, il ne ressort nullement des faits constatés que des circonstances particulières l'auraient empêchée de se conformer à ses devoirs. En particulier, celle-ci ne saurait faire valoir l'état de choc subi pour justifier l'absence de freinage ou de réaction adéquate dès lors que la loi lui impose précisément la maîtrise constante de son véhicule (art. 31 al. 1 LCR). La recourante s'est ainsi rendue coupable d'une double négligence. Cela étant, il n'est pas décisif de déterminer si les blessures à l'origine du décès de E.________ sont survenues à la suite du choc contre l'asphalte ou par écrasement de la victime, attendu qu'elles sont imputables, dans un cas comme dans l'autre, à la conduite fautive de la recourante. 
 
2.2 Reste à examiner le rapport de causalité entre les négligences commises et le décès de la victime. 
2.2.1 Selon la jurisprudence, un comportement est la cause naturelle d'un résultat s'il en constitue l'une des conditions sine qua non, c'est-à-dire si, sans lui, le résultat ne se serait pas produit (ATF 133 IV 158 consid. 6.1 p. 167; 125 IV 195 consid. 2b p. 197). Il n'est toutefois pas nécessaire que ce comportement soit la cause unique ou immédiate du résultat (ATF 116 IV 306 consid. 2a p. 310) La constatation du rapport de causalité naturelle relève du fait. Il y a toutefois violation du droit fédéral si l'autorité cantonale méconnaît le concept même de causalité naturelle (ATF 122 IV 17 consid. 2c/aa p. 23 et les arrêts cités). 
 
Lorsque la causalité naturelle est établie, il faut encore rechercher si le comportement incriminé est la cause adéquate du résultat. Tel est le cas lorsque, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le comportement était propre à entraîner un résultat du genre de celui qui s'est produit (ATF 133 IV 158 consid. 6.1 p. 168; 131 IV 145 consid. 5.1 p. 147). Il s'agit là d'une question de droit (ATF 122 IV 17 consid. 2c/bb p. 23). La causalité adéquate peut cependant être exclue si une autre cause concomitante, par exemple une force naturelle, le comportement de la victime ou d'un tiers, constitue une circonstance tout à fait exceptionnelle ou apparaît si extraordinaire que l'on ne pouvait s'y attendre. L'imprévisibilité d'un acte concurrent ne suffit pas en soi à interrompre le rapport de causalité adéquate. Il faut encore que cet acte ait une importance telle qu'il s'impose comme la cause la plus probable et la plus immédiate de l'événement considéré, reléguant à l'arrière-plan tous les autres facteurs qui ont contribué à l'amener et notamment le comportement de l'auteur (ATF 133 IV 158 consid. 6.1 p. 168; 131 IV 145 consid. 5.2 p. 148). 
2.2.2 En l'espèce, en démarrant sans regarder dans le sens de la marche, ni jeter un dernier coup d'oeil avant de démarrer et en omettant de freiner à la suite de la collision, la recourante a adopté un comportement de nature, selon le cours ordinaire des choses et selon l'expérience générale de la vie, à entraîner un accident aux conséquences mortelles ou au moins à en favoriser l'avènement. Bien que fautif, le comportement de la victime qui circulait à vélo sur un trottoir et avait entrepris le contournement d'un véhicule à l'arrêt, n'a cependant rien d'extraordinaire, ni d'exceptionnel, de sorte qu'il ne saurait reléguer à l'arrière-plan le facteur essentiel qui a contribué à l'avènement du résultat, soit la conduite de la recourante. Aussi l'enchaînement des événements n'est-il pas de nature à interrompre le lien de causalité adéquate entre les négligences commises et le décès de la victime. 
 
3. 
Au reste, la recourante conteste l'application du code pénal selon sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2007 (RO 2006 3459), considérant que les sanctions qu'il aménage sont plus sévères que celles prévues sous le régime de l'ancien droit. Elle ne saurait être suivie. Selon la jurisprudence, une peine de jours-amende avec sursis prononcée en application des art. 34 et 42 CP est en effet plus favorable au condamné qu'une peine d'emprisonnement, même avec sursis, ou qu'une peine d'amende, nécessairement ferme, prononcée en application des art. 36, 41 et 48 aCP (cf. arrêt 6B_202/2007 du 13 mai 2008 consid. 3.2, non publié in ATF 134 IV 255). 
 
4. 
Sur le vu de ce qui précède, le recours se révèle mal fondé. La recourante, qui succombe, doit supporter les frais de justice (art. 66 al. 1 LTF). Vu l'issue du recours, la requête d'effet suspensif devient sans objet. 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Dans la mesure où il est recevable, le recours est rejeté. 
 
2. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 4000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3. 
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour suprême du canton de Berne, 2ème Chambre pénale. 
 
Lausanne, le 20 janvier 2009 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président: Favre 
 
La Greffière: Gehring