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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1C_617/2022, 1C_499/2023  
 
 
Arrêt du 20 février 2024  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président, 
Müller et Merz. 
Greffier : M. Kurz. 
 
Participants à la procédure 
A.________, représenté par Me Pascal Pétroz, avocat 
recourant, 
 
contre  
 
Département du territoire de la République et canton de Genève, Office des autorisations de construire, Service des affaires juridiques, case postale 22, 1211 Genève 8. 
 
Objet 
1C_617/2022 
Permis de construire, changement d'affectation, 
 
1C_499/2023 
demande de révision, 
 
recours contre les arrêts de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, des 18 octobre 2022 et 18 juillet 2023. 
 
 
Faits :  
 
A.  
Au mois de mars 1997, A.________ a acquis (avec B.B.________ et C.B.________) la parcelle n° 3'427 de la commune de Bellevue, sur laquelle se trouve la Villa Turrettini (ci-après : la Villa). Selon le registre foncier, l'immeuble, construit en 1831, était affecté à l'habitation. Au moment de l'acquisition, il était occupé par le concierge d'un ensemble résidentiel voisin ("Les Arbres") et contenait quelques bureaux. 
Les 5 juin et 7 novembre 2001, le Département de l'aménagement, du logement et de l'énergie du canton de Genève (devenu par la suite le Département du territoire, ci-après : le département ou DT) a autorisé la réalisation de transformations et rénovations dans l'immeuble. Les demandes d'autorisation de construire indiquaient notamment que "le programme de ces 15 dernières années a été essentiellement de bureaux. Seul un petit logement de 2 pièces et des chambres d'étudiants subsistent". Toutefois, sur les plans de l'étage et des combles faisant l'objet des autorisations, la dénomination des pièces (séjour, chambre, salle à manger, cuisine, salle de bains) se rapporte à des logements. 
 
B.  
Lors d'une inspection effectuée le 21 avril 2015, il a été constaté que des entreprises occupaient le rez-de-chaussée ainsi que le premier étage du bâtiment. Une procédure d'infraction a été ouverte par le département. A.________ a expliqué que l'immeuble était entièrement affecté en bureaux depuis le milieu des années 1960 et que l'autorisation de construire avait pour but de réhabiliter un certain nombre de bureaux en appartements. Invité par le département à prouver l'affectation en bureaux depuis les années 60, il a produit divers documents. 
Par décision du 23 juin 2015, le département a ordonné à A.________ de requérir une autorisation de construire afin de régulariser la situation; il constatait que la preuve formelle requise n'avait pas été fournie. Le recours formé contre cette décision incidente a été déclaré irrecevable par jugement du Tribunal administratif de première instance (TAPI) du 5 octobre 2016, jugement confirmé le 28 mars 2017 par la Chambre administrative de la Cour de justice, puis par arrêt du Tribunal fédéral (1C_278/2017) du 10 octobre 2017. 
Par la suite, A.________ a demandé en vain au département de constater qu'il était libéré de toute obligation de présenter une autorisation de construire pour l'exploitation de bureaux dans la Villa. 
 
C.  
Le 13 mars 2020, A.________ a présenté une demande d'autorisation de construire intitulée "constatation de l'inexistence d'un changement d'affectation", assortie de plans dont il ressortait que le rez-de-chaussée de la Villa était composé de bureaux, le premier étage et les combles étant affectés en logements. Cette demande, traitée comme une demande de régularisation, a donné lieu à divers préavis positifs, certains (Office de l'urbanisme, CFF, Service du feu) sous conditions. Le 16 avril 2021, le département a délivré l'autorisation, sous les conditions posées notamment par la Police du feu. Par décision du même jour - annulée par la suite -, le département a infligé à A.________ une amende de 2'000 fr. 
Par jugement du 28 avril 2022, le TAPI a confirmé la décision de régularisation/changement d'affectation. Que le changement d'affectation ait eu lieu au milieu des années 1960 ou au début des années 1980, il ne bénéficiait d'aucune autorisation. Les conditions posées par la police du feu étaient justifiées et auraient aussi pu être exigées en dehors de toute procédure d'autorisation de construire. Le principe de la proportionnalité était respecté, le coût des travaux d'adaptation n'apparaissant pas exorbitant. 
Par arrêt du 18 octobre 2022, la Chambre administrative a rejeté le recours formé par A.________, refusant, tout comme l'instance précédente, l'audition de deux témoins. Le dossier ne contenait pas de trace d'une autorisation accordée entre 1925 et 2001. Le changement d'affectation était postérieur à l'entrée en vigueur de l'ancienne loi cantonale du 9 mai 1961 sur les constructions et installations diverses (LCI, RG/GE L 5 05) et était donc soumis à autorisation. Les exigences relatives à la police du feu avaient été posées par l'instance spécialisée, sur la base des normes de l'Association des établissements cantonaux d'assurance incendie (AEAI). 
A.________ a formé un recours en matière de droit public (cause 1C_617/2022) par lequel il demande au Tribunal fédéral d'annuler ce premier arrêt cantonal ainsi que des décisions du 23 juin 2015 et du 16 avril 2021. Subsidiairement, il conclut au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
La Chambre administrative persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. Le DT conclut au rejet du recours. Le recourant a ensuite persisté dans ses conclusions. 
 
D.  
Le 27 février 2023, A.________ a également demandé la révision de l'arrêt cantonal. Il se prévalait de nouvelles pièces découvertes en consultant les archives de la commune, démontrant qu'une entreprise déployait des activités de bureaux dans la Villa depuis le début des années 1970, au vu et au su de tout le monde. 
Par arrêt du 18 juillet 2023, la Chambre administrative a déclaré irrecevable la demande de révision. Les faits invoqués existaient au moment du prononcé du premier arrêt et avaient été découverts postérieurement, alors que le recourant connaissait depuis longtemps la nécessité de prouver un changement d'affectation; il ne pouvait spéculer sur les actes d'instruction qui pourraient être ordonnés en procédure de recours. 
Par acte du 14 septembre 2023, A.________ forme un nouveau recours en matière de droit public (cause 1C_499/2023) par lequel il demande au Tribunal fédéral l'annulation du second arrêt cantonal et le renvoi de la cause à la Chambre administrative pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Il demande en outre la jonction de cette cause avec la précédente. 
La Chambre administrative persiste dans les considérants et le dispositif de son second arrêt. Le département conclut au rejet du recours. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Compte tenu de leur connexité et conformément à la requête du recourant, les deux causes peuvent être jointes afin qu'il soit statué par un seul arrêt. 
 
2.  
Dirigés contre deux décisions prises en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF) dans le domaine du droit public des constructions (art. 82 let. a LTF), les recours sont en principe recevables comme recours en matière de droit public selon les art. 82 ss LTF, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. 
 
2.1. Le recourant a pris part à la procédure de recours cantonale et à la procédure de révision. En tant que le premier arrêt attaqué confirme le prononcé d'une décision d'autorisation de construire assortie de conditions, celui-ci peut se prévaloir d'un intérêt personnel et digne de protection à l'annulation de l'arrêt attaqué, dans la mesure où l'admission du recours pourrait le dispenser d'une demande de régularisation. Il a dès lors qualité pour recourir contre le premier au sens de l'art. 89 al. 1 LTF. En tant qu'auteur de la demande de révision déclarée irrecevable par la cour cantonale, le recourant a aussi qualité pour contester ce prononcé.  
 
2.2. Conformément à l'art. 93 al. 3 LTF, le recourant peut, au moyen d'un recours dirigé contre l'octroi de l'autorisation de régularisation, recourir contre la décision incidente précédente qui confirme l'obligation de présenter une telle demande.  
Il convient dès lors d'entrer en matière. 
 
3.  
Il convient de statuer en premier lieu sur le recours relatif à la demande de révision (cause 1C_499/2023) puisqu'en cas d'admission de celui-ci, il y aurait lieu de renvoyer la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision. 
 
3.1. Le recourant se plaint d'arbitraire dans l'application des art. 19, 76 et 80 de la loi genevoise sur la procédure administrative (LPA, RS/GE E 5 10). Il relève que l'autorité doit, selon l'art. 19 LPA, établir les faits d'office, sans être limitée par les allégués et les offres de preuves des parties. Il appartenait donc au département de procéder aux investigations nécessaires, puis à la juridiction administrative de donner suite aux offres de preuves du recourant; l'on ne pouvait sans arbitraire reprocher à ce dernier d'avoir tardé à consulter les archives de la commune alors que ce n'était pas à lui d'effectuer ce travail.  
 
3.2. Le Tribunal fédéral ne revoit l'interprétation et l'application faite du droit cantonal que sous l'angle de l'arbitraire (ATF 147 I 433 consid. 4.2; 146 II 367 consid. 3.1.5). Une décision est arbitraire lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou lorsqu'elle contredit d'une manière choquante le sentiment de justice et d'équité. Le Tribunal fédéral n'a pas à déterminer quelle est l'interprétation correcte que l'autorité cantonale aurait dû donner des dispositions applicables; il doit uniquement examiner si l'interprétation qui a été faite est défendable (cf. également consid. 3.1 ci-dessus). Si l'application de la loi défendue par l'autorité cantonale ne se révèle pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation en cause, cette interprétation sera confirmée, même si une autre solution - éventuellement plus judicieuse - paraît possible (ATF 145 II 32 consid. 5.1; 145 I 108 consid. 4.4.1).  
 
3.3. Selon l'art. 80 let. b LPA, il y a notamment lieu à révision lorsque, dans une affaire réglée par une décision définitive, il apparaît que des faits ou des moyens de preuve nouveaux et importants existent, que le recourant ne pouvait pas connaître ou invoquer dans la procédure précédente (let. b). Selon la jurisprudence cantonale genevoise rappelée dans l'arrêt attaqué et non contestée par le recourant, l'art. 80 let. b LPA vise uniquement les faits et moyens de preuve qui existaient au moment de la première procédure, mais n'avaient alors pas été soumis au juge (faits nouveaux "anciens"). Sont "nouveaux", au sens de cette disposition, les faits qui, survenus à un moment où ils pouvaient encore être allégués dans la procédure principale, n'étaient pas connus du requérant malgré toute sa diligence. Ces faits nouveaux doivent en outre être importants, c'est-à-dire de nature à modifier l'état de fait qui est à la base de l'arrêt entrepris et à conduire à un jugement différent en fonction d'une appréciation juridique correcte (cf. arrêt 8D_10/2022 du 2 mai 2023 consid. 4.1.2). La demande de révision doit, à teneur de l'art. 81 al. 1 LPA, être formée dans les trois mois qui suivent la découverte du motif allégué.  
 
3.4. Comme le relève l'arrêt attaqué, le département avait indiqué au recourant, dès 2015, qu'il n'y avait pas de trace dans ses propres dossiers d'un changement d'affectation autorisé; il l'a confirmé à plusieurs reprises par la suite. C'est donc bien au recourant qu'il appartenait d'apporter la preuve inverse. Le recourant l'avait bien compris puisqu'il a, comme on le verra ci-dessous, produit des documents et présenté diverses offres de preuve dans ce but. Il n'a en revanche pas demandé d'investigations auprès de la commune. Par ailleurs, ni le département, ni la cour cantonale n'avaient de raison d'instruire d'office dans ce sens dès lors que les autorités communales ne sont pas compétentes pour statuer sur un changement d'affectation. En retenant que le moyen de preuve pouvait - et devait - être produit par le recourant dans le cadre de la procédure principale, la cour cantonale n'a donc commis aucun arbitraire. Il n'y a pas lieu, cela étant, d'examiner si la demande de révision a, comme le soutient le département, été déposée après l'échéance du délai de trois mois fixé à l'art. 81 al. 1 LPA.  
Le recours doit dès lors être rejeté. 
 
4.  
Dans le cadre du premier recours (cause 1C_617/2022), le recourant invoque d'abord son droit d'être entendu. Il reproche à la cour cantonale d'avoir refusé l'audition de l'historienne de l'art auteure d'une étude réalisée en janvier 2021 et dont il ressortait que la société américaine ayant fait l'acquisition de la Villa au début des années 1960 devait changer l'affectation de la parcelle. Il s'agirait de savoir si l'auteure en question disposait d'informations qui ne figuraient pas dans son rapport afin de pouvoir confirmer ou infirmer le changement d'affectation. 
 
4.1. Le droit d'être entendu découlant de l'art. 29 al. 2 Cst. comprend pour le justiciable le droit d'obtenir l'administration des preuves pertinentes et valablement offertes (cf. ATF 142 II 218 consid. 2.3; 140 I 285 consid. 6.3.1). Cette garantie constitutionnelle n'empêche toutefois pas l'autorité de renoncer à procéder à des mesures d'instruction, lorsque les preuves administrées lui ont permis de forger sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient l'amener à modifier son opinion (cf. ATF 140 I 285 consid. 6.3.1). Il s'ensuit que le droit d'être entendu n'emporte avec lui aucun droit absolu d'obtenir l'audition de témoins; l'autorité peut renoncer à les faire citer si, dans le cadre d'une appréciation anticipée non arbitraire des preuves, elle peut d'emblée dénier à ces témoignages une valeur probante décisive pour le jugement (ATF 130 II 425 consid. 2.1).  
 
4.2. L'étude historique et architecturale précitée de janvier 2021, produite par le recourant, est consacrée à la promotion de l'ensemble résidentiels "Les Arbres", soit un ensemble de 55 villas mitoyennes construites entre 1973 et 1980. L'étude retrace notamment l'historique de la Villa Turrettini. Dans cette perspective, l'étude est consacrée à l'ensemble des projets de développement dont la propriété a fait l'objet. Elle fait certes état d'une occupation par le concierge des Arbres et sa famille avec quelques bureaux, précisant que l'occupation actuelle est de deux logements et de bureaux. L'auteure de l'étude n'avait toutefois aucune raison de chercher à déterminer si cette affectation reposait sur un titre juridique spécifique, en particulier s'il existait une autorisation de changement d'affectation. Comme le relève la cour cantonale, elle s'est fondée sur des sources publiques auxquelles le recourant avait lui aussi accès. Dans ces conditions, l'appréciation anticipée à laquelle s'est livrée la cour cantonale n'a rien d'arbitraire.  
 
4.3. Le recourant se plaint aussi du refus d'ordonner la production d'un mémoire de recours déposé en 1973 auprès de l'ancienne Commission cantonale de recours en matière de constructions. Il est vrai que l'arrêt attaqué ne fait nulle mention de cette réquisition. Point n'est besoin de rechercher si cela justifierait, comme le prétend le recourant, une modification de l'état de fait retenu (art. 105 al. 2 LTF). En effet, le grief soulevé à cet égard est insuffisamment motivé (art. 42 al. 2 et 106 al. 2 LTF). Le recourant se contente ainsi d'affirmer que la pièce en question serait "à l'évidence de nature à contenir de précieuses informations quant à la nature des autorisations délivrées", mais il n'indique nullement sur quel objet portait la procédure, ce qui ne permet pas d'évaluer la pertinence du moyen de preuve en question (cf. art. 97 al. 1 LTF). Le grief est dès lors irrecevable sur ce point.  
 
5.  
Sur le fond, le recourant se plaint d'arbitraire dans l'application des art. 19 et 76 LPA, dispositions selon lesquelles l'autorité de recours doit établir les faits d'office. Il estime avoir collaboré suffisamment à l'établissement des faits, s'agissant d'une autorisation accordée entre 1925 et 2001, de sorte que la cour cantonale, après avoir rejeté ses offres de preuves, ne pourrait lui reprocher de ne pas avoir établi que les affirmations du département sur l'absence d'une telle autorisation seraient incorrectes. 
 
5.1. L'art. 19 LPA prévoit que l'autorité établit les faits d'office sans être limitée par les allégués et les offres de preuves des parties. Selon l'art. 76 LPA, les règles générales de procédure de la loi, notamment celles relatives à l'établissement des faits, sont applicables à l'instruction du recours.  
 
5.2. A l'instar du TAPI, la cour cantonale a relevé que le département n'avait trouvé dans ses archives aucune trace d'une demande d'autorisation concernant la Villa Turrettini entre 1925 et 2001. Aucune des pièces produites ou invoquées par le recourant (en particulier l'étude de 2021, la présentation du projet architectural de 2001, le mémoire de recours de 1973 et des procès-verbaux de séances du Conseil municipal de Bellevue) ne permettait de soutenir le contraire. En particulier, les deux derniers documents cités semblaient se rapporter à la construction des villas. Par ailleurs, comme cela est relevé ci-dessus, les autres moyens de preuve proposés par le recourant ne permettraient pas d'étayer ses affirmations. Ce refus d'instruire plus avant n'étant pas arbitraire, l'on ne saurait reprocher à la cour cantonale de ne pas avoir instruit d'office sur la même question.  
 
6.  
Invoquant le principe de la bonne foi (art. 9 et 5 al. 3 Cst.), le recourant estime que le département aurait toléré la présence de bureaux dans la Villa dès lors que la demande d'autorisation de construire déposée en 2001 faisait déjà état de cette affectation. 
 
6.1. Le principe de la bonne foi (art. 5 al. 3 Cst.) implique notamment que les organes de l'Etat s'abstiennent d'adopter un comportement contradictoire ou abusif (ATF 136 I 254 consid. 5.2). De ce principe général découle notamment le droit fondamental du particulier à la protection de sa bonne foi dans ses relations avec l'Etat, consacré à l'art. 9 in fine Cst. (ATF 138 I 49 consid. 8.3.1 et les arrêts cités). Le citoyen est ainsi protégé dans la confiance légitime qu'il met dans les assurances reçues des autorités, lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de celles-ci (ATF 143 V 95 consid. 3.6).  
 
6.2. La question de savoir si le département avait (ou devait avoir) connaissance du changement d'affectation sur le vu de la demande d'autorisation déposée en 2001 peut demeurer indécise. En effet, ce changement d'affectation a été autorisé le 16 avril 2021 et aucun comportement contradictoire ne peut dès lors être reproché à l'autorité. Celle-ci a certes assorti son autorisation de diverses conditions, contestées par le recourant, notamment s'agissant de mesures de protection incendie. Toutefois, même à admettre une tolérance de la part de l'autorité, celle-ci n'impliquait nullement une renonciation à imposer de telles mesures. Le grief doit lui aussi être écarté.  
 
7.  
Le recourant se plaint enfin d'une application arbitraire de l'art. 121 al. 2 LCI (disposition selon laquelle les exigences imposées pour les constructions et les installations en matière de prévention des incendies sont régies par la norme de protection incendie et les directives de l'AEAI) et d'une violation de la norme AEAI elle-même. Il relève que selon l'art. 2 de cette norme, les prescriptions de protection incendie s'appliquent aux nouveaux bâtiments (al. 1) ainsi qu'aux bâtiments existants, en cas de changement d'affectation important (al. 2 let. a) ou de danger particulièrement important (al. 2 let. b); la cour cantonale n'aurait pas examiné ces deux conditions, se fiant aveuglément à l'avis de la police du feu. 
 
7.1. La norme AEAI est directement applicable à titre de droit intercantonal. En vertu de l'art. 95 let. e LTF, le recours peut être formé pour violation du droit intercantonal, soit de tous les accords passés entre les cantons, qu'ils revêtent ou non la forme d'un concordat (FF 2001 p. 4133). Le pouvoir d'examen du Tribunal fédéral n'est donc pas limité à l'arbitraire; la motivation du recours doit toutefois satisfaire aux exigences accrues de l'art. 106 al. 2 LTF (cf. arrêts 1C_666/2021 du 28 juillet 2022 consid. 2.1.1; 1C_31/2021 du 16 juillet 2021 consid. 4.1.1; 1C_234/2020 du 5 février 2021 consid. 5).  
 
7.2. Contrairement à ce que soutient le recourant, la cour cantonale a examiné la question de savoir si les exigences de sécurité incendie imposaient les travaux, ce qu'elle a admis en se référant à l'avis de la police du feu (consid. 4 de l'arrêt attaqué). Indépendamment de l'existence d'un danger particulièrement important, l'arrêt attaqué rappelle que l'existence d'un changement d'affectation est démontrée (consid. 5), et celui-ci peut être qualifié d'important dès lors que l'affectation en logements est remplacée par un usage de bureaux. La condition posée à l'art. 2 let. a AEAI est ainsi réalisée et le grief apparaît infondé.  
 
8.  
Sur le vu de ce qui précède, les recours sont rejetés dans la mesure de leur recevabilité, aux frais du recourant qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Les causes 1C_617/2022 et 1C_499/2023 sont jointes. 
 
2.  
Le recours 1C_617/2022 est rejeté. 
 
3.  
Le recours 1C_499/2023 est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
4.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 6'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
5.  
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Département du territoire de la République et canton de Genève et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative. 
 
 
Lausanne, le 20 février 2024 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Kneubühler 
 
Le Greffier : Kurz