Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
2C_129/2024
Arrêt du 20 mars 2024
IIe Cour de droit public
Mmes les Juges fédérales Aubry Girardin, Présidente,
Hänni et Ryter.
Greffière : Mme Vuadens.
1. A.________,
2. B.________,
3. C.________,
4. D.________,
tous les quatre représentés par Me Mohamed Mardam Bey, avocat,
recourants,
contre
Administration fédérale des contributions, Service d'échange d'informations en matière fiscale SEI,
Eigerstrasse 65, 3003 Berne,
intimée.
Assistance administrative (CDI CH-IN),
recours contre l'arrêt du Tribunal administratif fédéral, Cour I, du 7 février 2024 (A-5180/2020).
Considérant en fait et en droit :
1.
Le 7 décembre 2012, le Foreign Tax & Tax Research Division du gouvernement indien (ci-après: l'autorité requérante) a adressé quatre demandes d'assistance administrative internationale en matière fiscale à l'Administration fédérale des contributions (ci-après: l'Administration fédérale) concernant respectivement A.________, B.________, C.________ et D.________, afin d'obtenir des renseignements, pour la période allant du 1er avril 1995 au 31 mars 2012, sur des comptes bancaires ouverts auprès de la banque suisse E.________ SA (ci-après: la Banque), que ces personnes étaient soupçonnées de ne pas avoir déclarés.
Par courrier du 20 février 2014 concernant de nombreuses demandes pendantes de l'Inde, y compris les quatre demandes du 7 décembre 2012 précitées, l'Administration fédérale a informé l'autorité requérante qu'il ne lui était pas possible d'accorder l'assistance administrative dans les cas où les demandes étaient fondées, comme en l'espèce, sur des informations obtenues à la suite d'une infraction pénale au regard du droit suisse et qu'elle considérait donc que ces demandes étaient closes. L'Administration fédérale précisait que la situation aurait pu être différente si l'autorité requérante avait pu démontrer que les enquêtes menées en Inde avaient été initiée indépendamment des informations que F.________ avait volées au sein de la Banque (ci-après: les données F.________) et qui lui avaient ensuite été transmises par la France.
Le 19 août 2016, l'Administration fédérale a rédigé une note interne relative à l'assistance administrative avec l'Inde. Cette note comprend le passage suivant, sous la section intitulée "Progress on 7C":
" It was conveyed by the Indian side that, it may be difficult to re-draft the large numbers of requests (in excess of 500) which are waiting for the change of law in 7 (c). It was agreed that a solution on reopening old cases shall be worked out, once the law is changed" (arrêt attaqué consid. 4.3.2.1).
"Du côté indien, il a été souligné qu'il serait difficile de reformuler le grand nombre de demandes (plus de 500) qui attendent la modification de la loi à [ l'article] 7 (c) [LAAF]. Il a été convenu qu'une solution sur la réouverture des anciens dossiers serait trouvée une fois la loi modifiée" (
traduction libre).
Le 31 octobre 2018, l'autorité requérante, se référant à l'arrêt 2C_648/2017 rendu le 17 juillet 2018 par le Tribunal fédéral, a adressé à l'Administration fédérale une liste de ses demandes antérieures, (comprenant les quatre demandes précitées du 7 décembre 2012), pour lesquelles elle attendait une réponse de l'Administration fédérale. A la suite de ce courrier, l'Administration fédérale a réactivé les demandes d'assistance administrative indiennes concernées. Par ordonnances de production du 19 décembre 2018, elle a ainsi ordonné à la Banque de produire des renseignements sur les comptes bancaires concernés par les quatre demandes du 7 décembre 2012, pour la période du 1er avril 2011 au 31 mars 2012.
La Banque s'est exécutée les 13 mars, 11 avril et 13 mai 2019. Il ressort des documents transmis que, durant la période du 1er avril 2011 au 31 mars 2012, A.________, B.________, C.________ et D.________ étaient les bénéficiaires du trust G.________ et que la société H.________ AG était l'un des deux trustees de ce trust. La société I.________ Ltd, société sous-jacente du trust, détenait auprès de la Banque la relation bancaire n° xxx, laquelle avait été clôturée le 4 novembre 2011.
Le 17 juin 2019, J.________ SA, qui avait succédé par fusion à H.________ AG, a informé l'Administration fédérale que la qualité de bénéficiaire du trust G.________ de A.________, de B.________, de C.________ et de D.________ avait été radiée des livres des trustees au 28 octobre 2009. Le 11 juillet 2019, J.________ SA a transmis à l'Administration fédérale des documents sur ce point.
2.
Par décision finale du 18 septembre 2020 notifiée à A.________, B.________, C.________ et D.________, l'Administration fédérale a accordé l'assistance administrative à l'Inde et décidé de lui transmettre les documents relatifs à la relation bancaire n° xxx, que la Banque lui avait communiqués. Elle a en revanche refusé de transmettre également à l'autorité requérante, comme l'avaient demandé les personnes concernées, les documents que J.________ SA lui avait transmis le 11 juillet 2019 concernant leur radiation de la liste des bénéficiaires du G.________.
Le 19 octobre 2020, A.________, B.________, C.________ et D.________ ont recouru contre la décision finale du 18 septembre 2020 auprès du Tribunal administratif fédéral. Au cours de la procédure, ils ont notamment demandé, à titre de preuves complémentaires, que l'Administration fédérale produise au dossier la copie non caviardée de sa note interne du 19 août 2016.
3.
Le Tribunal administratif fédéral a statué le 7 février 2024. En substance, il a rappelé que, dans l'arrêt 2C_648/2017 du 17 juillet 2018, le Tribunal fédéral avait jugé que l'on ne pouvait pas reprocher à l'Inde d'avoir adopté un comportement contraire à la bonne foi en sollicitant l'assistance administrative même si la demande était fondée sur des renseignements obtenus par des actes punissables au regard du droit suisse. Comme le Tribunal fédéral avait, dans cet arrêt, clarifié la jurisprudence sur la question de la bonne foi en lien avec l'utilisation de tels renseignements, le législateur fédéral avait renoncé à son projet de modifier l'art. 7 let. c LAAF, l'interprétation donnée par le Tribunal fédéral dans l'arrêt 2C_648/2017 étant suffisante. Le Tribunal administratif fédéral en a conclu que, dans ce contexte, il était compréhensible que, le 31 octobre 2018, l'autorité requérante ait demandé à la Suisse de donner suite à ses demandes d'assistance administrative antérieures même sans la révision prévue de l'art. 7 let. c LAAF, puisque cette modification de la LAAF, dont il était fait mention dans la note interne du 19 août 2016 (supra consid. 1), avait été concrétisée dans l'arrêt du 17 juillet 2018 et que le législateur avait de ce fait renoncé à toute révision de cette disposition.
Le Tribunal administratif fédéral a par ailleurs jugé qu'au vu de l'incertitude qui existait quant à l'identité des bénéficiaires du trust G.________ durant la période concernée par l'échange de renseignements, c'était à tort que l'Administration fédérale avait refusé de transmettre à l'autorité requérante le document que J.________ SA lui avait transmis le 11 juillet 2019 (cf. consid. 5.2.3 de l'arrêt).
En conséquence, le Tribunal administratif fédéral a très partiellement admis le recours (chiffre 1 du dispositif de l'arrêt), modifié le dispositif de la décision finale de l'Administration fédérale du 18 septembre 2020 conformément au consid. 5.2.3 de son arrêt et ordonné à l'Administration fédérale de joindre à la documentation à transmettre le document non daté produit par J.________ SA le 11 juillet 2019 (cf. chiffre 2 du dispositif de l'arrêt).
4.
Dans un arrêt du 30 mai 2023 (cause A-3241/2021), le Tribunal administratif fédéral a rejeté le recours qu'une personne (non concernée par la présente procédure) avait formé contre le refus de l'Administration fédérale de lui donner un accès intégral à sa note interne du 19 août 2016 (cf. supra consid. 1) en application de la loi fédérale du 17 décembre 2004 sur la transparence. Cet arrêt a fait l'objet d'un recours au Tribunal fédéral, lequel est actuellement pendant (cause 1C_346/2023).
5.
Contre l'arrêt du Tribunal administratif fédéral du 7 février 2024, A.________, B.________, C.________ et D.________ forment un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral. Sous suite de frais et dépens, ils demandent au Tribunal fédéral, principalement, de l'annuler, d'annuler la décision finale de l'Administration fédérale du 18 septembre 2020 et de déclarer les demandes d'assistance administratives du 7 décembre 2012 irrecevables; subsidiairement, d'annuler partiellement l'arrêt attaqué et d'ordonner à l'Administration fédérale de procéder à des caviardages supplémentaires. Ils requièrent préalablement qu'un délai soit imparti à l'Administration fédérale pour qu'elle produise l'extrait complet de sa note du 19 août 2016, respectivement qu'elle leur donne un résumé de son contenu ou les autorise à consulter cette note à son siège.
Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures.
6.
Selon l'art. 83 let. h LTF, le recours en matière de droit public est irrecevable contre les décisions en matière d'entraide administrative internationale, à l'exception de l'assistance administrative en matière fiscale. Il découle de l'art. 84a LTF que, dans ce dernier domaine, le recours n'est recevable que lorsqu'une question juridique de principe se pose ou lorsqu'il s'agit, pour d'autres motifs, d'un cas particulièrement important au sens de l'art. 84 al. 2 LTF.
6.1. Selon la jurisprudence, la présence d'une question juridique de principe suppose que la décision en cause soit importante pour la pratique; cette condition est en particulier réalisée lorsque les instances inférieures doivent traiter de nombreuses causes analogues ou lorsqu'il est nécessaire de trancher une question juridique qui se pose pour la première fois et qui donne lieu à une incertitude caractérisée, laquelle appelle de manière pressante un éclaircissement du Tribunal fédéral (ATF 139 II 404 consid. 1.3; arrêt 2C_289/2015 du 5 avril 2016 consid. 1.2.1 non publié in ATF 142 II 218). En outre, dans le contexte de l'art. 84a LTF, la question juridique de principe doit concerner le domaine de l'assistance administrative en matière fiscale, c'est-à-dire l'application de normes spécifiques à ce domaine, qu'elles soient de rang international ou qu'il s'agisse de dispositions du droit interne (arrêt 2C_57/2022 du 24 janvier 2022 consid. 3.1 et les références).
6.2. En l'occurrence les recourants soutiennent que la présente cause soulève deux questions juridiques de principe.
6.2.1. La première porte sur le point de savoir si la note interne de l'Administration fédérale du 19 août 2016 permet de retenir l'existence d'une assurance de l'Inde de ne pas renouveler ses précédentes requêtes classées en 2014 tant que l'art. 7 let. c LAAF ne serait pas modifié par le Parlement. Ils admettent que le Tribunal fédéral a déjà tranché cette question, mais soutiennent qu'un réexamen s'impose en raison de la circonstance nouvelle que cette note interne du 19 août 2016 est désormais en mains du Tribunal fédéral dans sa version intégrale ensuite du recours qui a été formé contre l'arrêt du Tribunal administratif fédéral du 30 mai 2023 (supra consid. 4). En effet, de l'avis des recourants, le fait que l'Administration fédérale ait refusé de donner l'accès à l'intégralité de cette note ne pourrait que signifier que son contenu devrait amener au refus de l'assistance administrative et au constat que les demandes d'assistance administrative indiennes concernées sont irrecevables.
Contrairement à ce que soutiennent les recourants, l'existence d'une procédure pendante au Tribunal fédéral sur la question de l'accès à cette note en vertu de la loi fédérale sur la transparence ne représente pas une circonstance nouvelle propre à entraîner un réexamen de la question de la bonne foi de l'Inde, dès lors que, dans sa jurisprudence, le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion de confirmer sa position, initiée dans l'arrêt 2C_648/2017 du 17 juillet 2018 en reproduisant l'extrait topique de cette note interne (arrêt 2C_819/2017 du 2 août 2018 consid. 3.1) et le Tribunal administratif fédéral, dans l'arrêt attaqué, ne fait que confirmer, en le développant, ce raisonnement. Au surplus, la question de l'accès intégral à cette note interne en vertu de la loi fédérale sur la transparence ne concerne pas le domaine de l'assistance administrative et ne peut donc pas justifier de revenir sur la jurisprudence précitée sous l'angle de l'art. 84a LTF (supra consid. 6.1 in fine).
6.2.2. Les recourants font aussi valoir que la présente cause soulève une question juridique de principe en lien avec les "client profiles" figurant dans la documentation à transmettre. Ils allèguent que, comme ces "client profiles" contiennent des renseignements sur des comptes qui ont été clôturés avant le 1er avril 2011, date à partir de laquelle l'échange de renseignements avec l'Inde peut intervenir, la question juridique de principe consiste à savoir si la transmission de renseignements sur des comptes clôturés avant le 1er avril 2011 est admissible ou si elle aboutit à détourner les règles présidant à l'échange de renseignements entre la Suisse et l'Inde.
La question soulevée, qui revient à s'interroger sur le caractère transmissible d'informations contenues dans les "client profiles", en particulier lorsqu'elles comprennent des informations établies avant la date à partir de laquelle l'assistance administrative peut être octroyée, a déjà été tranchée par le Tribunal fédéral dans l'arrêt 2C_703/2020 du 15 mars 2021 consid. 7.4 (cf. aussi arrêts 2C_791/2021 du 6 juillet 2022 consid. 7.4 et 2C_918/2020 du 28 décembre 2021 consid. 5.2). Elle n'était donc plus ouverte au moment du dépôt du recours dans la présente affaire et ne peut donc donc plus représenter une question juridique de principe au sens de l'art. 84a LTF.
7.
Il découle de ce qui précède que le recours doit être déclaré irrecevable en application des art. 107 al. 3 et 109 al. 1 LTF, étant précisé que, comme l'arrêt attaqué émane du Tribunal administratif fédéral, la voie du recours constitutionnel subsidiaire n'entre pas en considération (art. 113 LTF a contrario).
8.
Succombant, les recourants doivent supporter les frais de justice devant le Tribunal fédéral, solidairement entre eux ( art. 66 al. 1 et 3 LTF ). Il ne sera pas alloué de dépens ( art. 68 al. 1 et 3 LTF ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est irrecevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge des recourants, solidairement entre eux.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des recourants, à l'Administration fédérale des contributions, Service d'échange d'informations en matière fiscale SEI, et au Tribunal administratif fédéral, Cour I.
Lausanne, le 20 mars 2024
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : F. Aubry Girardin
La Greffière : S. Vuadens