Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
5A_933/2023
Arrêt du 20 mars 2024
IIe Cour de droit civil
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux
Herrmann, Président, Bovey et De Rossa.
Greffière : Mme Achtari.
Participants à la procédure
A.________,
représentée par Me Anath Guggenheim, avocate,
recourante,
contre
Office des faillites du canton de Genève,
B.________,
représentée par Me Homayoon Arfazadeh, avocat,
Objet
plainte (inventaire, état de colocation),
recours contre la décision de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre de surveillance des Offices des poursuites et faillites, du 23 novembre 2023 (A/4021/2021-CS, DCSO/522/23).
Faits :
A.
A.a. C.________ est une société anonyme fondée en 1964, au capital de 51'000 fr. et dont le siège est à U.________.
A.________ en est l'administratrice unique depuis une date indéterminée, mais en tous les cas depuis 1994, avec signature individuelle. D.________ en a également été administrateur de septembre 2019 à septembre 2021, sans pouvoir de signature.
La société a été créée, financée et dirigée par trois entités israéliennes, E.________, F.________, G.________, dans le but de servir de prête-nom à celles-ci dans l'acquisition de pétrole destiné à Israël, auprès de la société B.________, ayant son siège en Iran.
A.b.
A.b.a. Des contrats de vente de pétrole ont été conclus selon ces modalités de 1964 à 1979.
Les dernières livraisons de pétrole n'ont pas été payées.
A.b.b. B.________ a requis l'arbitrage prévu dans le contrat de vente. Le litige a été tranché par une sentence arbitrale partielle du 3 mars 1999 et par une sentence finale du 8 juin 2001 dans laquelle le Tribunal arbitral siégeant à Téhéran (Iran) a condamné E.________, F.________, G.________ et C.________, conjointement et solidairement, à verser à B.________ la somme totale de 96'993'890 USD, composée de 30'130'396 USD représentant le prix des dernières livraisons de pétrole, de 65'968'828 USD d'intérêts à 10 % courus sur ledit prix entre la date de son exigibilité et le prononcé de la sentence arbitrale, ainsi que de 894'666 USD à titre d'honoraires d'arbitrage.
A.c.
A.c.a. B.________ a fait notifier à C.________, le 11 mars 2011, par l'Office des poursuites de Genève, un commandement de payer la somme de 93'994'800 fr., contre-valeur en francs suisses de la somme de 96'993'890 USD, avec intérêts à 5% l'an dès le 8 juin 2001.
A.c.b. Statuant le 25 septembre 2012, le Tribunal de première instance de Genève (ci-après: tribunal de première instance) a reconnu et déclaré exécutoires en Suisse les deux sentences arbitrales. Il a, en outre, prononcé la mainlevée définitive de l'opposition pour un montant de 93'994'800 fr., plus intérêts à 5% sur la contrevaleur en francs suisses de 30'130'396 USD, dus à compter du 12 mars 2011.
Par arrêt du 22 mars 2013, la Cour de justice du canton de Genève (ci-après: cour de justice), saisie de recours formés par chacune des parties, les a rejetés tous deux, sauf sur un point. Elle a considéré, s'agissant des intérêts moratoires, que, dans la mesure où le Tribunal arbitral n'en avait pas alloués pour la période postérieure au 8 juin 2001, la sentence finale rendue à cette date ne constituait pas un titre de mainlevée définitive pour ces intérêts-là. Par conséquent, elle a modifié le chiffre topique du dispositif du jugement de première instance en y supprimant toute référence aux intérêts et en restreignant l'objet de la mainlevée définitive à la créance de 93'994'800 fr.
Cet arrêt a été confirmé par le Tribunal fédéral le 21 janvier 2014 (arrêt 4A_250/2013).
A.c.c. En raison de la péremption du commandement de payer notifié le 11 mars 2011, la réquisition de continuer la poursuite a été rejetée.
A.d. En juin 2014, E.________, F.________ et G.________ ont remis, en exécution de la sentence arbitrale du 8 juin 2001, un montant de 96'993'890 USD au "Consignataire de la propriété ennemie", un organisme d'état israélien chargé de conserver les prestations commerciales destinées à des entreprises mentionnées comme ennemies en application de l'ordonnance sur le commerce avec l'ennemi de 1939, dont B.________ fait partie. Selon cette ordonnance, la remise en consignation à cet organisme vaut exécution de l'obligation et libère le débiteur.
A.e. B.________ a fait notifier à C.________ le 2 mars 2017 un nouveau commandement de payer portant sur la somme de 94'433'251 fr. 30, sans intérêt, plus diverses sommes relatives aux frais et dépens de la procédure de mainlevée consécutive au premier commandement de payer.
C.________ a fait opposition au commandement de payer, laquelle a été levée par jugement du tribunal de première instance du 26 janvier 2019, confirmé par arrêt de la cour de justice du 16 mai 2019.
B.________ ayant requis la continuation de la poursuite, l'Office cantonal genevois des poursuites (ci-après: office) a notifié le 14 juin 2019 à C.________ une commination de faillite.
A.f. Le 4 juillet 2019, C.________ a déposé une requête d'arbitrage fondée sur le contrat de fourniture de pétrole de 1977 en vue de faire constater que le paiement des dernières livraisons de pétrole avait eu lieu par consignation auprès du "Consignataire de la propriété ennemie". B.________ a répondu à la requête d'arbitrage le 17 décembre 2019, formulant des conclusions reconventionnelles et appelant en cause l'Etat d'Israël.
La procédure arbitrale est en cours, émaillée d'incidents portant sur la désignation des arbitres.
C.________ a également agi le 22 juillet 2019 auprès du tribunal de première instance en annulation de la poursuite, avec requête provisionnelle de suspension de la poursuite. Cette demande en annulation a été déclarée irrecevable par jugement du 14 septembre 2020, C.________ n'ayant pas versé les sûretés auxquelles elle avait été condamnée par ordonnance du 17 février 2020, confirmée par arrêt de la cour de justice du 24 juillet 2020.
A.g. C.________ a été déclarée en faillite le 8 octobre 2020 par le tribunal de première instance sur requête de B.________. La faillite fait l'objet d'une liquidation en la forme sommaire.
B.
B.a.
B.a.a. Au cours de son interrogatoire du 5 novembre 2020, la faillie a estimé les dettes de la société à 94'000'000 fr., composées essentiellement de la créance de B.________, contestée, mais provisionnée à hauteur de 92'591'104 fr., et de créances fiscales.
La faillie a approuvé par courrier du 24 juin 2021 l'inventaire de la faillite contenant la mention "aucun bien à inventorier".
B.a.b. L'office a procédé à la publication de la faillite et à l'appel aux créanciers le 30 juin 2021 et fixé un délai au 1
er août 2021 aux créanciers et aux détenteurs de biens appartenant à la faillie pour s'annoncer.
A.________ a produit une créance de 13'220 fr. 71 à titre d'honoraires d'administratrice. D.________ a produit une créance de 13'698 fr. à titre d'honoraires d'administrateur.
B.________ a produit une créance de 283'445'186 fr. 98, composée d'une créance principale de 96'615'613 fr. 82, soit la contre-valeur en francs suisses de la créance découlant de la sentence arbitrale du 8 juin 2001 de 96'993'890 USD au cours du 30.01.2019, d'une créance d'intérêt de 186'763'349 fr. 05, soit les intérêts générés entre le 8 juin 2001 et la faillite au taux de 10 %, des frais de justice et dépens alloués dans le cadre des procédures d'exécution forcée en Suisse de 228'572 fr. 45, d'une créance d'intérêt de 42'724 fr. 11 sur lesdits frais judiciaires et dépens, le tout sous déduction de 205'072 fr. 45 versés par C.________ à l'office des poursuites le 17 juillet 2019.
B.a.c. La faillie a été convoquée par l'Office le 12 octobre 2021 pour se prononcer sur les productions des créanciers.
A.________ allègue qu'elle s'est opposée à la créance de 283'445'186 fr. 98 produite par B.________, au motif qu'elle avait été éteinte par la consignation du montant de 96'993'890 USD par E.________, F.________ et G.________ auprès du "Consignataire de la propriété ennemie". Elle allègue également s'être étonnée du montant de la créance articulée, qui comprenait des intérêts très importants, incompatibles avec ceux admis par le jugement de mainlevée du 25 septembre 2012 et l'arrêt de la cour de justice du 22 mars 2013 qu'elle a présentés à l'office.
Lors de cette séance, l'office n'aurait pas soumis à la faillie une version modifiée de l'inventaire pour approbation.
B.a.d. L'office a publié le dépôt de l'inventaire et de l'état de collocation le 15 novembre 2021. Ces documents ont été adressés le même jour à la faillie par courriel. L'office a envoyé le même jour à A.________ un courrier l'informant de l'inscription à l'inventaire de la faillite de C.________, sur requête de B.________, d'une créance à son encontre de 175'152'079 fr. 41 et l'a invitée à régler ce montant.
L'état de collocation admettait notamment la créance de B.________ résultant de la sentence arbitrale du 8 juin 2001, à hauteur de 175'107'600 fr., comprenant 88'957'000 fr. de créance principale (93'908'945 USD au taux de change du 8.10.2020, jour du prononcé de la faillite), 86'127'600 fr. d'intérêts au taux légal de 5 % l'an, courus entre le 8 juin 2001 et le prononcé de la faillite, et 23'000 fr. à titre de solde de frais et dépens issus des procédures de mainlevée et de faillite à Genève.
L'inventaire, qui avait été modifié depuis son approbation du 24 juin 2021 par A.________, mentionnait six prétentions litigieuses, toutes estimées à 1 fr., de 175'152'079 fr. 41 contre A.________, D.________ et H.________ SA (réviseur de C.________), fondées sur leur responsabilité d'organes de C.________, et de 175'107'600 fr. contre E.________, F.________ et G.________, fondées sur leur condamnation conjointe et solidaire avec C.________ dans la sentence arbitrale du 8 juin 2001.
B.a.e. Le 28 septembre 2021, l'office a conclu à la suspension de la procédure arbitrale initiée le 4 juillet 2019 par C.________ et de la procédure en désignation d'arbitre, en application de l'art. 207 LP. Le tribunal de première instance a toutefois rejeté cette requête, considérant que la procédure en désignation d'arbitre n'avait pas à être suspendue en application de l'art. 207 LP, tout comme la procédure arbitrale internationale.
Par circulaire du 1
er décembre 2021 aux créanciers de C.________, l'office a proposé à la masse en faillite de renoncer à ses droits dans la procédure d'arbitrage initiée le 4 juillet 2019 et de céder ces droits aux créanciers qui le souhaitaient.
Par courrier du 20 décembre 2021, A.________ et D.________ (décédé par la suite) ont approuvé la proposition de l'office et demandé la cession des droits de la masse dans la procédure arbitrale. L'office a fait droit à cette demande par décision du 23 décembre 2021. Les administrateurs susmentionnés ont dès lors repris la place de la masse en faillite de C.________ dans les procédures d'arbitrage et de désignation d'arbitre.
B.b.
B.b.a. Par acte déposé le 25 novembre 2021, à l'attention de la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et faillites de la cour de justice (ci-après: chambre de surveillance), "A.________
, plaignante ", a déposé plainte contre l'inventaire et l'état de collocation établis par l'office.
Elle a conclu à ce que ces actes soient annulés, à ce que la mention d'une créance à son encontre et de créances à l'encontre de E.________, F.________ et G.________ soit supprimée de l'inventaire et à ce que l'état de collocation soit modifié en ce sens que la créance de B.________ ne soit pas simplement colloquée à concurrence de 175'107'600 fr., mais le soit "
pour mémoire " à concurrence de 88'979'997 fr. plus frais judiciaires.
Dans sa plainte, elle annonçait agir "
tant en qualité de représentante de la société faillite qu'en tant que créancière et débitrice ".
B.b.b. La plaignante a sollicité l'effet suspensif à la plainte, lequel a été prononcé par la chambre de surveillance par ordonnance du 1
er décembre 2021. Dans le cadre des considérants de cette ordonnance, la chambre de surveillance a mentionné, en se fondant sur l'entête de la plainte, que la plaignante agissait pour elle-même et non pour C.________.
Par courrier du 9 décembre 2021 à la chambre de surveillance, la plaignante a réagi au fait que l'ordonnance sur effet suspensif mentionnait qu'elle n'agissait que pour elle-même, en renvoyant au passage de sa plainte à ce sujet et en soutenant qu'elle agissait tant à titre personnel qu'au nom de la société faillie.
B.b.c. Dans ses observations du 21 janvier 2022, l'office a conclu à l'irrecevabilité de la plainte en tant qu'elle visait l'inventaire et à son rejet en tant qu'elle visait l'état de collocation. Pour sa part B.________ a conclu 26 août 2022 à l'irrecevabilité de la plainte de A.________, subsidiairement à son rejet, et à la révocation de l'effet suspensif octroyé à la plainte.
B.b.d. Par décision du 23 novembre 2023, la chambre de surveillance a rejeté, dans la mesure de sa recevabilité, la plainte formée le 25 novembre 2021 dans la faillite de C.________.
C.
Par acte posté le 7 décembre 2023, A.________ interjette un recours en matière civile devant le Tribunal fédéral contre la décision du 23 novembre 2023. Principalement, elle conclut, "relativement à la décision d'inventaire", à l'annulation de la décision attaquée et au renvoi de la cause à l'autorité de surveillance pour examen des griefs soulevés à l'encontre de la décision d'inventaire du 15 novembre 2021 rendue par l'office; "relativement à la décision d'état de collocation", elle conclut à la réforme de la décision attaquée, en ce sens qu'ordre soit donné à l'office de modifier l'état de collocation publié le 15 novembre 2021 en ce sens que la créance de B.________ n'est pas colloquée en 3
ème classe pour un montant de 175'107'600 fr. mais que cette créance est colloquée
pro memoria pour un montant maximal de 115'198'318 fr. 50. Subsidiairement, elle conclut à l'annulation de la décision du 23 novembre 2023 et au renvoi de la cause à l'autorité de surveillance pour nouvelle décision dans le sens des considérants. En substance, elle se plaint de déni de justice (art. 29 al. 1 Cst.), de la violation des art. 207 LP et 63 al. 1 à 3 OAOF ainsi que de celle des art. 244 ss LP.
Des observations au fond n'ont pas été requises.
D.
Par ordonnance du 4 janvier 2024, la requête d'effet suspensif assortissant le recours a été admise.
Considérant en droit :
1.
Le recours est dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF), rendue dans le cadre d'une procédure de faillite, soit en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 72 al. 2 let. a LTF en lien avec l'art. 19 LP), par une autorité cantonale de surveillance statuant en dernière (unique) instance cantonale (art. 75 al. 1 LTF). La voie du recours en matière civile est ainsi ouverte, indépendamment de la valeur litigieuse (art. 74 al. 2 let. c LTF). Le recours a par ailleurs été interjeté dans le délai (art. 100 al. 2 let. a LTF) par une partie qui a succombé dans ses conclusions prises devant l'autorité précédente et a un intérêt digne de protection à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée (art. 76 al. 1 LTF).
2.
2.1. Le recours en matière civile peut être formé pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 s. LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Cela étant, eu égard à l'exigence de motivation contenue à l' art. 42 al. 1 et 2 LTF , il n'examine en principe que les griefs soulevés (ATF 142 III 364 consid. 2.4 et les références). Le Tribunal fédéral ne connaît par ailleurs de la violation de droits fondamentaux que si un tel grief a été expressément invoqué et motivé de façon claire et détaillée par le recourant ("principe d'allégation", art. 106 al. 2 LTF; ATF 146 IV 114 consid. 2.1; 144 II 313 consid. 5.1).
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art.105 al. 2 LTF (ATF 142 I 155 consid. 4.4.3).
3.
Examinant la qualité pour former plainte, l'autorité de surveillance a retenu que A.________ développait une argumentation exclusivement orientée sur la préservation de ses propres intérêts, et non de ceux de la faillie, puisque seul son nom apparaissait dans ses écritures, et non celui de C.________, de sorte que la prétendue extension de la qualité de plaignante à C.________ qu'elle alléguait était sans portée, même en interprétant largement les termes de la plainte. C'était par conséquent à l'aune des intérêts de A.________ que la plainte allait être examinée, à l'exclusion de griefs qui auraient été invoqués dans le seul intérêt de la faillie, qui n'était pas plaignante.
Au fond, quant au grief visant le caractère infondé des créances inscrites à l'inventaire, l'autorité de surveillance a jugé qu'elle n'était pas compétente pour s'en saisir, dans la mesure où la plaignante n'invoquait pas l'insaisissabilité ou l'incessibilité patente des créances inscrites, mais le caractère infondé desdites créances, lequel relevait de la compétence exclusive du juge du fond. Quant au grief d'absence de soumission de l'inventaire à la faillie pour examen et approbation, l'autorité de surveillance a jugé que, dans la mesure où la plaignante agissait à titre personnel, soit un tiers à la faillite, le fait d'inventorier une créance à son encontre n'avait aucune conséquence sur sa situation juridique. Elle n'avait donc aucun intérêt à attaquer l'inventaire et ne disposait pas de la qualité pour agir, que ce fût pour contester le fondement des créances inscrites à l'inventaire ou pour remettre en cause la manière dont l'office avait confectionné l'inventaire. Dans la mesure où la plaignante agissait en qualité de créancière inscrite à l'état de collocation, elle n'avait pas d'intérêt à contester l'inventaire en vue d'en soustraire des actifs. Si la plaignante agissait à titre personnel, mais en sa qualité d'organe de la faillie, la qualité pour agir devait également lui être déniée faute d'intérêt. Selon l'autorité de surveillance, la qualité pour déposer plainte était offerte à l'administrateur d'une société anonyme à titre personnel lorsqu'une mesure de l'office portait atteinte à ses intérêts en cette qualité. Or, en l'occurrence, la plaignante ne reprochait pas à l'office d'avoir adopté des comportements préjudiciables à son égard dans ses investigations au cours de la confection de l'inventaire, mais d'avoir omis de soumettre à la faillie l'ultime version de l'inventaire avant publication. Ce faisant, elle n'invoquait pas une atteinte à son détriment personnel mais à celui de la faillie, qui n'était pas plaignante. En conséquence, les griefs adressés par la plaignante à l'encontre de l'inventaire établi par l'office étaient irrecevables.
Ensuite, l'autorité de surveillance a examiné le grief que la recourante faisait à l'office d'avoir admis la créance de B.________ à l'état de collocation à un montant insoutenable sous l'angle de la vraisemblance et de n'avoir pas fait figurer la mention
pro memoria en regard de la créance alors que celle-ci faisait l'objet de procédures en cours dont l'objectif était d'établir son extinction par consignation du montant litigieux. Elle a tout d'abord jugé que l'office n'avait pas à mentionner la créance de B.________
pro memoria puisque la procédure d'arbitrage international et la procédure satellite en désignation des arbitres n'avaient pas été suspendues en application de l'art. 207 LP. Dans une motivation subsidiaire, elle a souligné que, dans tous les cas, la suspension de l'art. 207 LP et la mention
pro memoria en marge de l'état de collocation au sens de l'art. 63 OAOF avaient vocation à durer jusqu'à vingt jours après le dépôt de l'état de collocation, de sorte que la plainte ne présentait plus aucun intérêt pour la plaignante et était irrecevable, le délai étant échu et la masse ayant cédé les droits relatifs à ces procès.
Enfin, statuant sur le grief relatif à la quotité de la créance de B.________ inscrite à l'état de collocation, l'autorité de surveillance a considéré que l'office avait respecté son obligation d'examen sommaire de la créance en inscrivant celle-ci à concurrence du capital auquel C.________ avait été condamnée par la sentence arbitrale du 8 juin 2001, plus les intérêts moratoires au taux de 5 % l'an courus entre le 8 juin 2001 et le prononcé de la faillite. Dans un contexte présentant des divergences d'opinions - B.________ prétendant à un intérêt à 10%, sur des intérêts capitalisés, et C.________ prétendant qu'aucun intérêt n'était dû -, la solution de l'office était en effet soutenable, sous l'angle de la vraisemblance, au vu des pièces dont il disposait. Il appartenait donc aux créanciers insatisfaits de contester la collocation de la créance de B.________ devant le juge du for de la faillite, et non de former une plainte auprès de l'autorité de surveillance, de sorte que la plainte devait, sur ce grief également, être déclarée irrecevable.
4.
La recourante se plaint à deux égards d'un déni de justice formel (art. 29 al. 1 Cst.).
4.1. Elle reproche tout d'abord à l'autorité de surveillance de ne pas être entrée en matière sur son grief tiré de l'interdiction de l'abus de droit (art. 2 CC) dans l'établissement de l'inventaire et de ne pas s'être prononcée non plus sur l'existence des créances récursoires inscrites à l'inventaire contre F.________, E.________ et G.________ alors que les créances qui ne sont pas nées sont par définition insaisissables.
Ensuite, elle soutient que l'autorité de surveillance aurait dû se saisir de son argumentation relative à la violation des art. 228 al. 1 LP et 29 al. 3 et 4 OAOF. Elle affirme que cette autorité a retenu qu'elle n'était plaignante qu'à titre personnel et n'avait visé que la préservation de ses propres intérêts alors qu'elle avait pourtant reconnu qu'elle avait indiqué agir également en qualité de représentante de la société faillie et, surtout, en contradiction avec ses précédentes constatations, avait rejeté tous les griefs qui auraient été dans le seul intérêt de la faillie, reconnaissant ainsi qu'elle avait également développé une argumentation visant à préserver les intérêts de la faillie.
4.2.
4.2.1. Selon la jurisprudence, l'autorité qui ne traite pas un grief relevant de sa compétence, motivé de façon suffisante et pertinent pour l'issue du litige, commet un déni de justice formel proscrit par l'art. 29 al. 1 Cst. (ATF 142 II 154 consid. 4.2; 141 V 557 consid. 3.2.1 et les références).
4.2.2.
4.2.2.1. L'inventaire (art. 221 LP) est une mesure interne de l'administration de la faillite. Cet acte ne produit aucun effet à l'égard des tiers et ne fixe pas encore définitivement l'appartenance des biens à la masse; il n'a d'autre but et d'autre conséquence que d'énumérer et d'établir les biens et les droits que la masse considère comme appartenant au failli et tend à assurer la conservation du patrimoine du failli (arrêt 5A_301/2023 du 14 décembre 2023 consid. 5.1.1 et les références).
Tous les éléments du patrimoine sis en Suisse sont portés à l'inventaire. Il s'agit, d'une part, des biens en possession du failli (appartenant ou non à la masse) et, d'autre part, des valeurs patrimoniales qui ne sont pas en sa possession, mais dont ce dernier déclare être propriétaire, ainsi que des valeurs appartenant vraisemblablement au failli. Les créances du failli contre des tiers sont aussi portées à l'inventaire, qu'elles soient contestées ou non (VOUILLOZ,
in Commentaire romand, LP, 2005, n° 4 et 11 ad art. 221 LP). Si l'existence d'un droit ou l'appartenance de celui-ci à la masse est litigieuse, l'office doit s'en tenir aux indications des créanciers et inscrire la créance ou le droit à l'inventaire. Il doit donner suite à la réquisition d'inventorier sans égard à l'opinion que la masse peut avoir sur l'existence du droit contesté (ATF 114 III 21 consid. 5b; 104 III 23 consid. 2). Il suffit que l'allégation soit "en quelque mesure spécifiée". Il est toutefois dans son pouvoir d'appréciation d'y renoncer si, d'après les indications mêmes du créancier, il apparaît d'emblée que le droit invoqué ne saurait exister (ATF 72 III 120 [121 s., 124]). Il en va de même si l'incessibilité du droit est manifeste (ATF 81 III 122 [123]; arrêt 5A_301/2023 précité consid. 5.1.3).
4.2.2.2. Conformément à son devoir général de coopération, le failli doit participer à la prise de l'inventaire (art. 229 LP). Il doit présenter à l'office tous ses biens et les mettre à sa disposition. L'inventaire établi est présenté au failli pour qu'il prenne position et s'exprime sur son caractère exact et complet. Sa réponse est transcrite dans l'inventaire, qu'il signe ( art. 228 al. 1 et 2 LP , 29 s. OAOF; VOUILLOZ,
op. cit., n° 20 ad art. 221 LP). Le but de cette soumission est d'établir rigoureusement dans l'inventaire l'étendue du patrimoine du failli (VOUILLOZ,
op. cit., n° 3 ad art. 228 LP).
4.2.2.3. La qualité pour porter plainte, selon l'art. 17 LP, est reconnue à toute personne lésée ou exposée à l'être dans ses intérêts juridiquement protégés, ou à tout le moins atteinte dans ses intérêts de fait, par une mesure ou une omission d'un organe de la poursuite (ATF 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3). Le plaignant doit dans tous les cas poursuivre un but concret; il doit être matériellement lésé par les effets de la décision attaquée et avoir un intérêt digne de protection à sa modification ou à son annulation (ATF 138 précité consid. 2.3; 120 II 5 consid. 2a; arrêt 5A_517/2012 du 24 août 2012 consid. 4.1.1, publié
in Pra 2013 (n°16) p. 142). Ainsi, le failli peut porter plainte contre l'inventaire. Par ce moyen, il entend généralement obtenir la libre disposition sur les biens qu'il estime de stricte nécessité. Les créanciers ont également qualité pour porter plainte contre |a décision de l'office des faillites refusant d'inventorier un bien (ATF 141 III 590 consid. 3.5.1; arrêt 5A_301/2023 précité consid. 5.1.4 et les autres références). En revanche, la prise d'inventaire ne déployant pas d'effets juridiques à l'égard des tiers, ceux-ci n'ont qualité pour porter plainte contre la prise en compte ou non de biens dans l'inventaire (ATF 54 III 15 consid. 2; arrêt 5A_517/2012 précité consid. 4.1.2; VOUILLOZ,
op. cit., n° 21 s. ad art. 221 LP).
4.2.3. En l'espèce, la recourante méconnaît le but de l'inventaire de même que celui de la déclaration du failli sur l'inventaire. Par ses arguments, elle ne vise qu'à radier la créance inscrite à l'inventaire à son encontre en cherchant à détourner à son avantage cette mesure.
En effet, en lien avec le grief tiré de la déclaration du failli sur l'inventaire (art. 228 LP), l'autorité de surveillance s'est saisie de la question de la recevabilité de celui-ci au vu de la qualité de la personne qui agissait devant elle. Au vu de cette motivation, aucun déni de justice ne peut lui être reproché. Au demeurant, dans la mesure où la recourante se plaindrait en réalité de la violation de l'art. 17 LP, la motivation de l'autorité de surveillance signifie que la recourante ne peut pas se prévaloir d'une norme destinée à protéger la faillie pour défendre ses propres intérêts lorsqu'elle ne formule la plainte qu'en son nom. Contrairement à ce que soutient la recourante, cette motivation ne contient pas d'arguments contradictoires. En outre, même à suivre la recourante qui soutient qu'elle agissait au nom de la faillie, il ressort de la plainte que le seul but poursuivi par la plaignante était de faire retirer de l'inventaire les créances dirigées contre elle et les sociétés tierces. Non seulement ce but ne sert pas les intérêts de la faillie, de sorte que même formulée au nom de celle-ci, la plainte ne serait pas recevable, mais la soumission de l'inventaire au failli, qui vise à établir le patrimoine de celui-ci afin d'en réaliser l'entier en vue de désintéresser au mieux l'ensemble des créanciers, ne permet pas de réaliser un tel but. Contrairement à ce que soutient la recourante, l'art. 228 LP n'a pas pour vocation de faire retirer des créances sous prétexte que le failli estime que celles-ci sont inexistantes.
En lien avec le grief tiré de la confection de l'inventaire (art. 221 LP), étant donné que la recourante ne poursuivait que ses intérêts et n'agissait donc qu'à titre personnel (créancière, débitrice, administratrice de la faillie), elle n'avait pas qualité pour porter plainte contre l'inventaire aux fins d'en faire retirer des créances. En conséquence, aucun déni de justice ne peut être retenu contre l'autorité de surveillance. Dans tous les cas, même à supposer que la plainte était formée au nom de la faillie, comme le soutient la recourante, celle-ci se méprend sur l'intérêt du failli à former plainte contre l'inventaire: comme dit précédemment, si le failli peut avant tout se prévaloir de l'insaisissabilité de certains de ses biens, il n'a, au même titre que les créanciers selon la jurisprudence constante, pas d'intérêt à faire retirer des créances au motif que celles-ci seraient matériellement infondées.
Il suit de là que le grief tiré d'un déni de justice (art. 29 al. 1 Cst.) doit être rejeté.
5.
La recourante se plaint de la violation des art. 207 LP et 63 al. 1 à 3 OAOF. Elle soutient qu'il aurait fallu inscrire uniquement
pro memoria la créance de B.________ à l'état de collocation étant donné que l'existence de cette créance fait l'objet d'une procédure arbitrale.
5.1. A l'appui de son propos, elle prétend tout d'abord que l'autorité de surveillance considère à tort que la suspension est une exigence formelle à l'inscription
pro memoria des créances et qu'elle aurait dû examiner si la procédure arbitrale étrangère était " conforme à l'art. 207 LP en ce qu'elle a permis
de facto une coordination avec la procédure de faillite ". Elle affirme ensuite que c'est aussi à tort que l'autorité de surveillance a considéré que les conséquences de l'inscription
pro memoria perdurent uniquement durant vingt jours après le dépôt de l'état de collocation. Selon elle, cette inscription aurait pour conséquence que la procédure arbitrale pendante se substituera au procès en contestation de l'état de collocation au sens de l'art. 250 LP, la sentence rendue à son terme pouvant ensuite être reconnue et contraignante pour la procédure de faillite suisse dès lors que les créanciers cessionnaires, dont elle fait partie, ont d'ores et déjà marqué leur intention de continuer cette procédure. Elle soutient ainsi que la position de l'autorité de surveillance est incompatible avec la jurisprudence fédérale selon laquelle la sentence arbitrale pourra être reconnue en Suisse avec effet contraignant sur l'état de collocation.
5.2. Les art. 207 LP et 63 OAOF ont pour objet de coordonner la procédure de faillite avec les litiges en cours. Ainsi, lors d'une faillite, les procès civils auxquels le failli est partie et qui influent sur l'état de la masse en faillite sont suspendus, sauf dans les cas d'urgence (art. 207 al. 1 1
ère phr. LP). Les créances litigieuses qui faisaient l'objet d'un procès au moment de l'ouverture de la faillite sont simplement mentionnées pour mémoire dans l'état de collocation, sans que l'administration de la faillite ne statue à leur sujet (art. 63 al. 1 OAOF). Si le procès n'est continué ni par la masse, ni par les créanciers individuellement à teneur de l'art. 260 LP, la créance est considérée comme reconnue et les créanciers n'ont plus le droit d'attaquer son admission à l'état de collocation, à teneur de l'art. 250 LP (art. 63 al. 2 OAOF). Si au contraire le procès est continué, cette créance sera, selon l'issue du litige, ou bien radiée ou colloquée définitivement; cette collocation ne pourra pas non plus être attaquée par les créanciers (art. 63 al. 3 OAOF).
La mention pour mémoire selon l'art. 63 OAOF trouve son fondement dans l'art. 207 LP. L'application de ces normes se limite, en vertu du principe de territorialité, aux procès internes (ATF 141 III 382 consid. 5.3 et consid. 5.6.2; 140 III 320 consid. 8.3.2; 135 III 127 consid. 3.3.1; 133 III 386 consid. 4.3.3). La question de savoir si le procès étranger est suspendu relève de la seule compétence du tribunal étranger (HIERHOLZER/SOGO,
in Basler Kommentar, SchKG II, 3
ème éd., 2021, n° 6i, 6l et 6m ad art. 245 LP). Ainsi, les créances litigieuses qui font déjà l'objet d'une procédure d'arbitrage étrangère au moment de l'ouverture de la faillite ne doivent être inscrites pour mémoire à l'état de collocation que si la procédure en cours est suspendue par le tribunal arbitral (le cas échéant conventionnellement ou à la requête de la partie demanderesse) en application de l'art. 207 LP (arrêt 5A_910/2019 du 1
er mars 2021 consid. 3.10 et 3.12, publié
in Pra 2021 (n° 91) p. 912 et JdT 2021 II p. 216; HIERHOLZER/SOGO,
op. cit., n° 6q et 6r ad art. 245 LP).
5.3. En l'espèce, c'est à raison que l'autorité de surveillance a jugé que, faute de coordination des procédures par une suspension de la procédure d'arbitrage internationale, l'art. 63 OAOF ne s'appliquait pas.
Le grief doit être rejeté.
6.
La recourante se plaint de la violation des art. 244 ss LP. Elle considère que la " vraisemblance de la solution de l'office " d'appliquer des intérêts moratoires à 5% l'an, entre le 8 juin 2001 et le prononcé de la faillite, sur une créance de 96'615'613 fr. de l'intimée n'est pas compatible avec l'art. 105 al. 3 CO. Selon elle, ces intérêts ne peuvent porter que sur le capital de 30'130'396 USD, de sorte que, même à suivre la position de l'office, les intérêts générés ne pourraient pas dépasser la contrevaleur de 28'640'615.31 USD, soit 5% appliqués du 8 juin 2001 au jour de la faillite sur 30'130'396 USD.
Comme l'a exposé l'autorité de surveillance, l'administration de la faillite ne doit examiner les productions que sommairement et décider de l'admission ou du rejet de la production en fonction du critère de la vraisemblance, dans le délai de 60 jours qui suit l'expiration du délai pour les productions (cf. art. 244 s., 247 al. 1 LP; arrêts 5A_814/2019 du 3 juin 2020 consid. 2.1.1, publié
in BlSchK 2020 p. 241; 5A_27/2016 du 28 juin 2016 consid. 4.1.2 et les références). La violation du devoir de vérification par l'administration de la faillite peut, en tant que vice de procédure, faire l'objet d'une plainte (art. 17 LP), mais non les déductions de droit matériel que l'administration de la faillite fait suite à son examen (arrêt 5A_105/2013 du 12 juin 2013 consid. 3.4.1). Si la plainte contre l'admission d'une créance insuffisamment étayée est admise, cela entraîne l'annulation de la décision de collocation correspondante et une modification de l'état de collocation (arrêt 5A_476/2007 du 2 novembre 2007 consid. 3 et les références). Le rejet de la plainte n'empêche pas le créancier de prouver l'inexistence de la créance dans le procès de collocation.
Or, en l'espèce, la recourante admet elle-même ne soulever qu'une question de droit matériel, à savoir la violation de l'art. 105 al. 3 CO. Elle ne présente aucun élément permettant de remettre en cause l'examen sommaire de l'office, confirmé par l'autorité de surveillance. Elle ne fait que soulever l'incompatibilité de la décision avec l'art. 105 al. 3 CO, sans même exposer à quel droit était soumis l'arbitrage ni les motifs pour lesquels le tribunal arbitral, bien qu'il ait capitalisé les intérêts vraisemblablement moratoires et ajouté ce montant à la créance de prix, aurait voulu exclure que la totalité de la créance en paiement porte intérêts en cas de demeure.
Il suit de là que le grief doit être rejeté, dans la mesure où il est recevable.
7.
En définitive, le recours est rejeté, dans la mesure de sa recevabilité. Les frais judiciaires, arrêtés à 10'000 fr., sont mis à la charge de la recourante qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). Aucuns dépens ne sont dus, l'office n'y ayant pas droit (art. 68 al. 3 LTF) et l'intimée, dont les conclusions sur effet suspensif n'ont pas été suivies, n'ayant pas été invitée à répondre au fond (art. 68 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté, dans la mesure de sa recevabilité.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 10'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3.
Le présent arrêt est communiqué à la recourante, à l'Office des faillites du canton de Genève, à B.________ et à la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et faillites de la Cour de justice du canton de Genève.
Lausanne, le 20 mars 2024
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Herrmann
La Greffière : Achtari