Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
9C_524/2023
Arrêt du 20 mars 2024
IIIe Cour de droit public
Composition
M. et Mmes les Juges fédéraux Parrino, Président, Moser-Szeless et Scherrer Reber.
Greffier : M. Cretton.
Participants à la procédure
A.________, représentée par Me Agnès von Beust, avocate,
recourante,
contre
Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève, rue des Gares 12, 1201 Genève,
intimé.
Objet
Assurance-invalidité (évaluation de l'impotence),
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 29 juin 2023 (A/3407/2022 - ATAS/506/2023).
Faits :
A.
A.________, née en 1969, souffre des séquelles d'une poliomyélite infantile du membre inférieur droit. Elle bénéfice de moyens auxiliaires de l'assurance-invalidité (chaussures orthopédiques, béquilles, lift de bain et véhicule à moteur modifié) et perçoit une rente entière d'invalidité depuis le 1er août 2019. Elle a déposé une demande d'allocation pour impotent auprès de l'Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après: l'office AI) le 1er décembre 2021. Se fondant sur les conclusions d'un rapport d'enquête à domicile du 31 mai 2022, l'office AI a rejeté la demande par décision du 14 septembre 2022.
B.
A.________ a déféré cette décision à la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève. Elle a produit un rapport d'évaluation de son impotence établi par B.________ SA le 12 octobre 2022. Sa fille et elle ont en outre été auditionnées le 4 mai 2023.
Le tribunal cantonal a rejeté le recours par arrêt du 29 juin 2023.
C.
Agissant par la voie d'un recours en matière de droit public, A.________ requiert l'annulation de cet arrêt et conclut principalement à l'octroi d'une allocation pour impotent de degré moyen dès le 1er février 2020 et, subsidiairement, au renvoi de la cause à la juridiction cantonale pour instruction complémentaire.
L'administration a conclu au rejet du recours. L'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer. L'assurée a encore produit un rapport établi par le docteur C.________, médecin traitant, spécialiste en rhumatologie, le 11 septembre 2023.
Considérant en droit :
1.
Le recours en matière de droit public (au sens des art. 82 ss LTF) peut être formé pour violation du droit (circonscrit par les art. 95 et 96 LTF ). Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est limité ni par l'argumentation de la partie recourante ni par la motivation de l'autorité précédente. Il statue sur la base des faits établis par cette dernière (art. 105 al. 1 LTF). Cependant, il peut rectifier les faits ou les compléter d'office s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Le recourant ne peut critiquer les faits que s'ils ont été constatés de façon manifestement inexacte ou contraire au droit et si la correction d'un tel vice peut influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).
2.
La recourante a produit pour la première fois devant le Tribunal fédéral le rapport du docteur C.________ du 11 septembre 2023 concernant le risque de chutes lorsqu'elle prend ses douches. Elle prétend que la production de ce rapport à ce stade de la procédure se justifie par le fait que le tribunal cantonal a nié un besoin d'aide pour "se laver", la surveillance effective de sa fille lors de l'accomplissement de cet acte ordinaire n'ayant pas été jugée indispensable. D'après l'art. 99 al. 1 LTF, aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente. Le rapport du médecin traitant ayant en l'espèce été établi après le prononcé de l'arrêt attaqué, il s'agit d'un vrai nova irrecevable devant le Tribunal fédéral (ATF 143 V 19 consid. 1.2 et les références). Les constatations de la juridiction cantonale à propos du rôle de la fille de l'assurée n'y changent rien dans la mesure où le besoin d'aide pour se doucher était déjà nié dans le rapport d'enquête à domicile sur lequel s'était fondé l'office intimé, la présence de la fille y étant seulement qualifiée de rassurante. Dans ces circonstances, le rapport du docteur C.________ ne saurait être considéré comme justifié par les considérations des premiers juges et ne doit dès lors pas être pris en compte dans la présente procédure.
3.
Est litigieux le droit de la recourante à une allocation pour impotent (de degré moyen).
4.
L'arrêt attaqué cite les normes et la jurisprudence concernant la notion d'impotence (art. 9 LPGA), les conditions du droit à une allocation pour impotent et les degrés d'impotence (art. 42 LAI et 37 RAI). Il expose en outre les principes jurisprudentiels relatifs aux notions d'aide en relation avec la réalisation des actes ordinaires de la vie (ATF 121 V 88 consid. 3c; 117 V 146 consid. 3; 106 V 153 consid. 2b), de surveillance personnelle permanente (9C_831/2017 du 3 avril 2018 consid. 3.1) et d'accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie (ATF 133 V 450). Il cite aussi la jurisprudence portant sur le rôle des médecins en matière d'assurance-invalidité (ATF 140 V 193 consid. 3.2), la valeur probante des rapports médicaux (ATF 134 V 231 consid. 5.1), en particulier ceux des médecins traitants (ATF 125 V 351 consid. 3b), et la valeur probante des rapports d'enquête à domicile (ATF 130 V 61 consid. 6.2). Il rappelle finalement l'obligation qu'ont les assurés de réduire leur dommage (ATF 138 I 205 consid. 3.2) et le degré de vraisemblance auquel les faits doivent être établis dans le domaine des assurances sociales (ATF 126 V 353 consid. 5b). Il suffit d'y renvoyer.
5.
Le tribunal cantonal a nié le droit de l'assurée à une allocation pour impotent. Il a examiné seulement les trois actes ordinaires de la vie pour la réalisation desquels la recourante alléguait rencontrer des difficultés. Il a concrètement apprécié les rapports d'enquête à domicile établis par l'office intimé le 31 mai 2022 et par B.________ SA le 12 octobre 2022, ainsi que les procès-verbaux des auditions de l'assurée et de sa fille du 4 mai 2023. Il a également relevé que les rapports médicaux figurant au dossier ne relataient pas de difficultés particulières justifiant l'octroi d'une allocation pour impotent. Il a déduit de ce qui précède que la recourante n'avait pas besoin d'aide régulière importante, directe ou indirecte pour "se lever, s'asseoir et se coucher", "faire sa toilette" et "se déplacer à l'intérieur ou l'extérieur". Il a en outre nié la réalisation des conditions d'un besoin d'accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie au sens de l'art. 38 al. 1 RAI.
6.
6.1. La recourante conteste d'abord être en mesure de "faire sa toilette" de façon autonome. Elle prétend que, contrairement à ce que la juridiction cantonale a retenu, la présence de sa fille quand elle se douche n'est pas seulement rassurante mais nécessaire en tant que celle-ci l'aide, directement, pour rentrer et sortir de la baignoire et, indirectement, en la surveillant pour prévenir tout risque de blessures en cas de chute. Elle reproche aux premiers juges d'avoir examiné superficiellement le risque de chutes et de ne s'être fondés sur aucun rapport pour apprécier le besoin d'assistance. Elle soutient que de nombreuses pièces figurant au dossier montrent que ce risque, concrétisé à plusieurs reprises, est réel et justifie un besoin d'aide et de surveillance de la part d'une tierce personne. Elle considère par ailleurs que le rapport d'enquête établi par l'office intimé est imprécis sur plusieurs points pour lesquels une aide est aussi nécessaire. Elle conteste pouvoir se laver au lavabo, laver ses parties intimes, son dos, ses pieds et ses cheveux, ainsi que s'épiler sans assistance.
6.2. Contrairement à ce qu'allègue l'assurée, l'appréciation du tribunal cantonal sur l'accomplissement de l'acte ordinaire "faire sa toilette" n'est pas arbitraire. Au contraire, elle repose pour l'essentiel sur les rapports d'enquête à domicile et les procès-verbaux d'audition auxquels se réfère également prioritairement la recourante. Ainsi, la fille de l'assurée a certes déclaré assister sa mère pour rentrer et sortir de la baignoire et rester pour s'assurer qu'elle ne tombait pas. Toutefois, d'après les constatations cantonales, qui tiennent compte des déclarations de sa fille et qui lient le Tribunal fédéral (cf. consid. 1 supra), la recourante a indiqué tant à l'enquêtrice de l'office intimé qu'à celle de B.________ SA qu'elle était autonome notamment pour se baigner (dans la mesure où elle possédait un lift de bain) mais qu'elle préférait attendre que sa fille soit présente pour prendre des douches afin de se rassurer ou ne pas prendre de douches sans la présence de sa fille par peur de tomber (sur la portée des déclarations de la première heure, cf. ATF 121 V 45 consid. 2a). En mettant en avant les déclarations faites par sa fille à l'occasion de son audition en première instance, l'assurée ne démontre pas que le moyen auxiliaire qui avait été mis à sa disposition (et dont la remise vise notamment le maintien de l'autonomie de la personne à laquelle il est remis [cf. art. 21 al. 2 LAI]) n'était pas, ou plus, suffisant pour pallier le risque de chutes qu'elle évoque et lui permettre de rentrer et de sortir de la baignoire de façon autonome. Elle n'établit dès lors pas que la présence de sa fille était indispensable. Au contraire, elle se contente de procéder à sa propre appréciation des preuves sans démontrer en quoi celle de la juridiction cantonale serait arbitraire.
Il en va de même lorsque la recourante essaie de justifier le besoin d'aide pour "faire sa toilette" par le motif que le rapport d'enquête établi par l'office intimé serait imprécis ou erroné à propos de sa capacité à se laver au lavabo, laver ses parties intimes, son dos, ses pieds et ses cheveux ou s'épiler sans assistance. L'assurée oublie en effet que les premiers juges ne se sont pas contentés de reprendre les conclusions de ce rapport. Ils ont aussi pris en compte le rapport de B.________ SA. Leur appréciation de la situation intègre dès lors les différents actes que l'assurée déclare ne pas pouvoir réaliser. Ainsi, le tribunal cantonal a relevé la contradiction entre les premières déclarations faites par la recourante à l'office intimé et les secondes à B.________ SA quant à son aptitude à se laver au lavabo. Il a en outre constaté qu'elle avait indiqué à B.________ SA être en mesure de se laver les parties intimes même si cela était plus difficile en raison de la position assise. Il a considéré qu'on pouvait exiger d'elle qu'elle utilisât des moyens auxiliaires pour se laver le dos et les pieds. Il a encore relevé que l'assistance de la fille pour lui laver les cheveux visait plus à soulager les bras fatigués par l'utilisation des béquilles que par une incapacité à accomplir l'acte en lui-même. Il ne s'est enfin pas exprimé sur le fait que l'assurée n'était pas capable de s'épiler seule, mais on relèvera à cet égard qu'il ne peut y avoir d'impotence en relation avec des actes qui ne doivent pas être assumés quotidiennement (ATF 147 V 35 consid. 9.2.3; arrêt 9C_562/2016 du 13 janvier 2017 consid. 6.2). La recourante ne s'en prend pas à ces éléments d'appréciation. Elle n'établit dès lors pas que ceux-ci seraient arbitraires. Son premier grief est par conséquent mal fondé.
7.
L'assurée conteste aussi être en mesure de "se déplacer et entretenir des contacts avec l'extérieur" sans l'aide d'un tiers. Il n'est cependant plus nécessaire d'examiner ce grief dès lors que, le besoin d'assistance pour "faire sa toilette" ayant été nié, les conditions d'octroi d'une allocation pour impotent de degré moyen d'après l'art. 37 al. 2 let. c RAI et de degré faible selon l'art. 37 al. 3 let. a RAI ne peuvent plus être remplies. Il convient en revanche encore d'examiner si, comme le soutient la recourante, la juridiction cantonale a nié à tort un besoin d'accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie puisqu'un tel besoin ouvre à lui seul le droit à une allocation pour impotent de degré faible au sens de l'art. 37 al. 3 let. e RAI.
8.
8.1. L'assurée prétend avoir besoin d'un accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie au sens de l'art. 38 al. 1 RAI. Elle soutient en substance que, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, elle ne peut pas vivre de façon indépendante puisque, ne pouvant se tenir debout sans appui, elle ne participe ni aux tâches ménagères, qui sont accomplies exclusivement par sa fille et par sa tante, ni à la préparation des repas autrement qu'en réchauffant des produits finis ou des aliments préparés à l'avance. Elle prétend par ailleurs ne pas pouvoir entretenir des contacts sociaux conformes à ceux d'une personne de son âge.
8.2. Se fondant principalement sur les rapports d'enquête à domicile de l'office intimé et de B.________ SA, le tribunal cantonal a en l'espèce nié le besoin d'accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie. Il a en particulier constaté (plus ou moins explicitement) que l'assurée pouvait faire sa cuisine et son ménage dans la mesure de ses possibilités, qu'elle bénéficiait de l'aide de sa fille (qui était exigible de la part d'un parent proche) ainsi que de l'Institution genevoise de maintien à domicile (Imad) pour les tâches les plus lourdes et qu'elle pouvait se déplacer seule à l'intérieur et à l'extérieur sur de courtes distances ou faire ses courses par internet, de sorte qu'elle conservait son indépendance. Ils ont aussi relevé qu'elle était capable d'organiser et de structurer sa vie, de s'occuper des formalités administratives, de se rendre chez le médecin sans accompagnement ou d'aller au travail deux fois par semaine. Ils ont ajouté qu'une fois ses cours de conduite finalisés, elle bénéficierait d'une autonomie plus étendue pour se déplacer à l'extérieur et établir des contacts sociaux. Ils ont encore nié le risque d'isolement durable, même s'ils ont admis qu'elle sortait peu, dès lors que sa fille était présente tous les jours (du moins pour quelques heures), que sa tante s'était installée chez elle pour l'aider et lui tenir compagnie et qu'elle avait des contacts téléphoniques avec sa mère, ses neveux et une amie d'enfance qui venaient aussi lui rendre visite régulièrement.
La recourante se limite en l'occurrence à contredire de manière péremptoire les conclusions auxquelles est parvenue la juridiction cantonale. Elle n'avance aucun élément qui démontrerait que les faits auraient été constatés de façon manifestement inexacte ou que leur appréciation serait arbitraire. On précisera encore que, contrairement à ce que prétend l'assurée, les premiers juges n'ont nullement évalué l'aide apportée par des tiers dans l'accomplissement du ménage à 1h50 par semaine. Seule l'enquêtrice de l'office intimé a fait allusion à ce chiffre en relation avec la durée de l'aide généralement accordée par l'Imad pour le genre de tâches lourdes réalisées par la tante et la fille de la recourante, en plus des tâches que celle-ci conservait la possibilité d'effectuer. Son grief est dès lors mal fondé.
9.
Entièrement mal fondé, le recours doit être rejeté.
10.
Vu l'issue du litige, la recourante supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales.
Lucerne, le 20 mars 2024
Au nom de la IIIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Parrino
Le Greffier : Cretton