Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
8C_604/2023
Arrêt du 20 juin 2024
IVe Cour de droit public
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Wirthlin, Président,
Viscione et Métral.
Greffière : Mme Barman Ionta.
Participants à la procédure
A.________,
représentée par Me Franziska Lüthy, avocate,
Procap Association suisse des invalides,
recourante,
contre
Office de l'assurance-invalidité du canton de Neuchâtel,
rue Chandigarh 2, 2300 La Chaux-de-Fonds,
intimé.
Objet
Assurance-invalidité (rente d'invalidité),
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel du 22 août 2023 (CDP.2022.233-AI).
Faits :
A.
A.________, née en 1972, ressortissante étrangère, en Suisse depuis 1999, est mariée et mère de quatre enfants nés en 1990, 1992, 1995 et 2009. Sans formation professionnelle, elle a exercé des activités de conciergerie et de femme de ménage à temps partiel.
Le 6 mai 2020, elle a déposé une demande de prestations de l'assurance-invalidité en raison d'un trouble psychique, d'un diabète de type II et d'une hypertension artérielle existant depuis 2012 et engendrant une incapacité de travail totale depuis février 2020. Le 3 juin 2020, elle a rempli un formulaire de détermination du statut, dans lequel elle a indiqué que, si elle n'était pas atteinte dans sa santé, elle travaillerait à 100 % comme femme de chambre ou femme de ménage.
L'Office de l'assurance-invalidité du canton de Neuchâtel (ci-après: l'office AI) a fait procéder à une enquête économique sur le ménage. Dans son rapport du 2 novembre 2020, l'évaluatrice a considéré l'assurée comme active à 60 % et évalué les empêchements dans les travaux ménagers à 43.2 %. Sur proposition du Service médical régional de l'assurance-invalidité (ci-après: SMR), l'office AI a confié une expertise pluridisciplinaire (médecine interne, rhumatologie et psychiatrie) au Centre Médical Expertises (ci-après: CEMEDEX), dont le rapport a été rendu le 14 février 2022. Dans le cadre de leur évaluation consensuelle, les experts ont constaté une incapacité de travail de 50 % d'ordre psychiatrique, dans toute activité, ceci au moins depuis la demande de prestations du 6 mai 2020. Dans un avis du 17 février 2022, relevant que selon les experts, les troubles fonctionnels avancés dans le rapport d'enquête ménagère n'étaient pas plausibles d'un point de vue médical et l'état de santé n'expliquait pas les empêchements retenus dans ce rapport, le SMR a conclu à l'absence d'empêchements dans les tâches ménagères. Par décision du 21 juin 2022, appliquant la méthode mixte d'évaluation de l'invalidité, l'office AI a nié le droit de l'assurée à une rente d'invalidité, en présence d'un taux d'invalidité global de 30 % (50 % de 60 % pour la part active et 0 % de 40 % pour la part ménagère).
B.
Saisie d'un recours contre cette décision, la Cour de droit public du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel l'a rejeté par arrêt du 22 août 2023.
C.
A.________ interjette un recours en matière de droit public contre cet arrêt, en concluant à son annulation et au renvoi de la cause à l'office AI pour complément d'instruction et nouvelle décision tendant à l'octroi de prestations. Elle requiert par ailleurs le bénéfice de l'assistance judiciaire.
L'office AI conclut au rejet du recours. La juridiction cantonale et l'Office fédéral des assurances sociales ont renoncé à se déterminer.
Considérant en droit :
1.
Le recours est dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière de droit public (art. 82 ss LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF). Il a été déposé dans le délai (art. 100 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. Il est donc recevable.
2.
2.1. Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 148 V 366 consid. 3.3 et les références) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et pour autant que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). Si le recourant entend s'écarter des constatations de fait de l'autorité précédente, il doit expliquer de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées; à défaut, un état de fait divergent de celui de la décision attaquée ne peut pas être pris en compte (ATF 145 V 188 consid. 2).
2.2. Les constatations de l'autorité cantonale de recours sur l'atteinte à la santé, la capacité de travail de la personne assurée et l'exigibilité - pour autant qu'elles ne soient pas fondées sur l'expérience générale de la vie - relèvent du fait et peuvent donc être contrôlées par le Tribunal fédéral uniquement sous l'angle restreint de l'arbitraire (ATF 142 V 178 consid. 2.4; 137 V 210 consid. 3.4.2.3; 132 V 393 consid. 3.2). L'appréciation des preuves est arbitraire lorsqu'elle est manifestement insoutenable, en contradiction avec le dossier, ou lorsque l'autorité ne tient pas compte, sans raison sérieuse, d'un élément propre à modifier la décision, se trompe sur le sens et la portée de celui-ci ou, se fondant sur les éléments recueillis, en tire des conclusions insoutenables (ATF 147 V 35 consid. 4.2; 143 IV 500 consid. 1.1; 140 III 264 consid. 2.3).
3.
3.1. Le litige porte sur le droit de la recourante à une rente de l'assurance-invalidité. Il s'agit en particulier de déterminer si, comme le soutient la recourante, elle doit être considérée comme ayant un statut de personne active ou, ainsi que l'a retenu le tribunal cantonal, un statut mixte de personne active à 60 % et de ménagère à 40 %.
3.2. L'arrêt entrepris expose les dispositions légales - dans leur version en vigueur jusqu'au 31 décembre 2021 (pour le droit en vigueur postérieurement, cf. modification de la LAI du 19 juin 2020 [Développement continu de l'AI]; RO 2021 705) - et la jurisprudence nécessaires à la résolution du litige, en particulier celles relatives à la notion d'invalidité ( art. 7 et 8 LPGA en lien avec l'art. 4 al. 1 LAI) et à son évaluation (art. 28a LAI en lien avec l'art. 16 LPGA et les art. 27 et 27bis RAI [RS 831.201]; ATF 137 V 334 consid. 3.2), aux conditions du droit à une rente (art. 28 LAI), ainsi qu'à l'appréciation des preuves (art. 61 let. c LPGA), notamment la valeur probante des rapports médicaux (ATF 125 V 351 consid. 3a) et d'un rapport d'enquête ménagère (ATF 140 V 543 consid. 3.2.1; arrêt 9C_687/2014 du 30 mars 2015 consid. 4.2.1). Il suffit d'y renvoyer.
3.3. On rappellera que pour évaluer le taux d'invalidité, il existe principalement trois méthodes: la méthode générale de comparaison des revenus, la méthode spécifique et la méthode mixte, dont l'application dépend du statut du bénéficiaire potentiel de la rente: assuré exerçant une activité lucrative à temps complet, assuré non actif, assuré exerçant une activité lucrative à temps partiel (ATF 137 V 334 consid. 3.1). Pour déterminer la méthode applicable au cas particulier, il faut se demander ce que la personne assurée aurait fait si l'atteinte à la santé n'était pas survenue. Lorsqu'elle accomplit ses travaux habituels, il convient d'examiner, à la lumière de sa situation personnelle, familiale, sociale et professionnelle, si, étant valide, elle aurait consacré l'essentiel de son activité à son ménage ou si elle aurait exercé une activité lucrative. Pour déterminer le champ d'activité probable de la personne assurée, il faut notamment prendre en considération la situation financière du ménage, l'éducation des enfants, l'âge de l'assuré, ses qualifications professionnelles, sa formation ainsi que ses affinités et talents personnels. En pratique, on tiendra compte de l'évolution de la situation jusqu'au prononcé de la décision administrative litigieuse, en admettant la reprise hypothétique d'une activité lucrative partielle ou complète, si cette éventualité présente un degré de vraisemblance prépondérante (ATF 144 I 28 consid. 2.3; 137 V 334 consid. 3.2).
Le choix de la méthode d'évaluation de l'invalidité est une question de droit sur laquelle le Tribunal fédéral se prononce librement (arrêt 9C_541/2022 du 20 juillet 2023 consid. 4.3 et la référence). Le point de savoir si et dans quelle mesure la personne assurée exercerait une activité lucrative ou resterait au foyer si elle n'était pas atteinte dans sa santé, en tant qu'il repose sur l'évaluation du cours hypothétique des événements, est une question de fait, pour autant qu'il repose sur une appréciation des preuves, et cela même si les conséquences tirées de l'expérience générale de la vie sont également prises en considération (ATF 144 I 28 consid. 2.4; arrêts 8C_713/2022 du 8 août 2023 consid. 4.2; 9C_250/2021 du 24 mars 2022 consid. 2.2).
4.
4.1. Les premiers juges ont confirmé l'application de la méthode mixte, corollairement le statut de personne active à 60 % et de ménagère à 40 %. Ils ont constaté que la recourante n'avait entrepris aucune formation professionnelle et n'avait dans un premier temps exercé d'activité lucrative ni dans son pays d'origine ni à son arrivée en Suisse. Elle avait débuté une activité de conciergerie à temps partiel (45 %) en octobre 2010, un an après la naissance de son quatrième enfant, moment pouvant raisonnablement être mis en relation avec le début de l'incapacité de travail de son mari (au bénéfice d'un quart de rente d'invalidité depuis mars 2011), ce qui laissait à penser que la prise d'un emploi résultait de la nécessité d'obtenir une nouvelle source de revenus. Après la perte de son emploi en 2015, la recourante s'était inscrite au chômage, indiquant rechercher une activité à 60 %. Le dossier ne permettait pas de retenir un empêchement médical qui se serait opposé à la recherche d'un emploi à 100 %, dès lors que si la recourante était effectivement suivie depuis juin 2012 pour des attaques de panique ayant connu une évolution vers un état dépressif, il n'était relevé aucune incapacité de travail en découlant pour la période en cause. Estimant que l'envie de travailler relevait plus de la compensation d'une perte de revenus que d'une réalisation personnelle, et tenant compte du départ de la maison des trois premiers enfants avec, pour conséquence, une diminution des besoins en revenus supplémentaires, les juges cantonaux ont considéré que l'appréciation globale du dossier ne permettait pas de retenir que la recourante exercerait une activité lucrative à plein temps, sans atteinte à la santé.
4.2. La recourante conteste le choix de la méthode d'évaluation de l'invalidité. Elle reproche aux juges cantonaux de ne pas avoir reconnu son statut de personne active à 100 %, annoncé dans le formulaire de détermination du statut du 3 juin 2020 puis lors de l'enquête économique sur le ménage, et cela conformément à la jurisprudence qui privilégie les déclarations de la première heure. Les premiers juges auraient en outre fait preuve d'arbitraire en réfutant que la nécessité d'obtenir une nouvelle source de revenus puisse apparaître comme une raison valable et courante pour un travail à plein temps. De plus, ils auraient procédé à une appréciation arbitraire des preuves en constatant qu'aucun empêchement médical ne se serait opposé à une activité à 100 % lorsqu'elle s'était inscrite au chômage en 2016, alors que ses problèmes de santé avaient commencé à se manifester en 2012.
4.3. En l'occurrence, il y a lieu d'admettre, avec la recourante, que le raisonnement des premiers juges prête le flanc à la critique à plusieurs égards et ne peut être suivi.
Premièrement, les juges cantonaux ont considéré qu'un statut mixte correspondait aux besoins de la famille sans procéder à des constatations sur la situation financière du ménage. Or comme le relève la recourante, le fait qu'elle a débuté une activité professionnelle lorsque son mari s'est retrouvé en incapacité de travail ne suffit pas à retenir comme hautement vraisemblable qu'elle se serait contentée, dix ans plus tard, d'un emploi à temps partiel sans atteinte à la santé. En effet, il importe de tenir compte de l'évolution de la situation, cela jusqu'au prononcé de la décision administrative litigieuse (cf. consid. 3.3 supra). On peut ainsi aisément comprendre l'exercice d'une activité à temps partiel en octobre 2010, lorsque ses enfants étaient âgés de 20, 17, 14 ans et le dernier d'à peine une année, et la prise d'un emploi à 100 % en juin 2022, alors que seul son quatrième enfant, âgé de 12 ans, était encore à la maison. A noter également que la juridiction cantonale a considéré comme établie l'indigence de la recourante lors de l'octroi de l'assistance judiciaire.
Ensuite, l'absence de tout empêchement médical qui se serait opposé à la recherche d'un emploi à 100 % lors de l'inscription au chômage en 2016 ne peut être confirmée. En effet, la constatation des premiers juges selon laquelle le dossier ne faisait état d'aucune incapacité de travail à cette période est manifestement erronée. Dans son rapport du 10 juin 2016 à l'office intimé, le docteur B.________ (spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, psychiatre traitant) a attesté d'une incapacité de travail de 50 % depuis le 15 janvier 2015, et jusqu'au 25 février 2020. En outre, si le docteur B.________ a retenu une incapacité de travail totale dès février 2020, la recourante avait été antérieurement hospitalisée au Centre C.________ (la première fois en janvier 2018), pour cause de décompensation dépressive, décompensation thymique, péjoration de l'humeur avec des idées suicidaires. Ces éléments ressortent également de l'anamnèse de l'expertise du CEMEDEX, dont la pleine valeur probante a été reconnue par les juges cantonaux (cf. consid. 5.1 infra).
Au final, on ne voit aucun motif de s'écarter des déclarations de la recourante faites au début de la procédure administrative, selon lesquelles, en bonne santé, elle aurait exercé une activité à 100 %. Compte tenu des naissances successives de ses 4 enfants, dont le premier à l'âge de 18 ans, des besoins financiers de la famille, des atteintes à la santé qui restreignent la recourante dans l'exercice d'une activité à plein temps depuis au moins 2015, les premiers juges ne pouvaient pas retenir, sans faire preuve d'arbitraire, que rien ne permettait d'étayer les déclarations pourtant constantes et non contradictoires de la recourante. Les éléments au demeurant retenus par l'enquêtrice pour retenir un statut mixte (exercice concret d'activités à taux réduit, absence de permis de conduire, rareté des offres d'emploi à plein temps) relèvent d'un procédé consistant à entériner la situation effective, ce qui est contraire à l'évaluation hypothétique exigée sous l'angle juridique (cf. arrêt 9C_612/2023 du 3 avril 2024 consid. 8).
Il convient ainsi de reconnaître à la recourante un statut de personne active à plein temps et il n'y a donc pas lieu d'examiner ses griefs relatifs à l'accomplissement des tâches ménagères.
5.
5.1. Il reste à déterminer les effets de ce statut sur l'éventuel droit à la rente de la recourante. À ce propos, les juges cantonaux ont reconnu pleine valeur probante à l'expertise du CEMEDEX, au terme de laquelle était retenue une capacité de travail de 50 %, l'incapacité étant d'ordre psychiatrique, dans l'activité habituelle de femme de ménage et dans une activité professionnelle adaptée, au moins depuis le dépôt de la demande AI. Les premiers juges ont exposé que les conclusions des experts étaient établies en pleine connaissance du dossier, en particulier des rapports du psychiatre traitant et du médecin traitant (docteure D.________, spécialiste en médecine interne générale), des rapports d'hospitalisation du Centre C.________, de l'enquête ménagère et des avis médicaux du SMR. Les conclusions étaient fondées sur les propres constatations des experts, qui avaient rencontré personnellement l'assurée et décrit clairement le contexte médical et les plaintes exprimées. Elles étaient exemptes de contradictions notables et dûment motivées. Les arguments de la recourante en contestation du volet psychiatrique ne recelaient aucun indice concret permettant de mettre en doute la valeur et le bien-fondé de l'expertise.
5.2. La recourante se plaint d'arbitraire dans l'appréciation des preuves. Elle reproche aux juges cantonaux d'avoir reconnu une pleine valeur probante au rapport de l'expert psychiatre, qui ne serait pas complet ni conforme à sa situation effective. L'expert aurait sous-estimé voire ignoré ses angoisses, ses troubles du sommeil, ses troubles neurocognitifs et sa peur de mourir, et aurait fait preuve de préjugés en référence à une "pensée magique" influencée par ses croyances culturelles. Par ailleurs, les juges cantonaux n'auraient pas tenu compte de l'avis divergent de ses médecins traitants ni examiné l'ensemble des critiques formulées.
5.3. En l'occurrence, les critiques relatives au rapport d'expertise psychiatrique ne suffisent pas à démontrer le manque d'objectivité de l'expert ou l'absence de valeur probante de son expertise. Singulièrement, en ce qui concerne les troubles neurocognitifs, il ressort de l'arrêt attaqué que dans le cadre de l'entretien psychiatrique, la recourante a été capable de donner des dates précises et de citer des exemples à ce propos. Bien qu'elle ait dit avoir des troubles de la concentration et de la mémoire, l'expert n'a pas pu les objectiver pendant l'entretien. Il a souligné l'absence de troubles de l'attention et de la compréhension, l'absence de troubles de la mémoire d'anciens souvenirs ou de faits nouveaux. L'expert a ainsi fait la distinction entre les troubles cognitifs relatés comme plaintes par la recourante et ses observations médicales objectives à l'examen clinique. En tant que la recourante fait référence aux troubles neurocognitifs observés par ses médecins traitants, et de manière plus générale soutient que l'expertise présente des divergences importantes avec les rapports de ses médecins traitants, il n'appartient pas au Tribunal fédéral d'aller rechercher lui-même dans le dossier les pièces permettant d'appuyer les allégations de la recourante. Celle-ci ne fait, en tout état de cause, pas état d'éléments objectivement vérifiables qui auraient été ignorés dans le cadre de l'expertise psychiatrique et qui seraient suffisamment pertinents pour en remettre en cause les conclusions.
Pour le reste, s'agissant de la notion de mort imminente, l'expert psychiatre a mentionné la période de guerre vécue par la recourante dans son pays d'origine, lorsqu'elle a été bloquée les 3 ou 4 derniers mois dans sa maison avec ses enfants en raison de la présence de soldats serbes qui leur intimaient de rester à l'intérieur, sans retenir d'élément objectif permettant de diagnostiquer un état de stress post-traumatique. En se plaignant du fait que l'expert et la juridiction cantonale n'ont pas pris en compte sa peur imminente de mourir lors de la guerre des Balkans, elle n'établit pas en quoi cet élément serait, en l'état, décisif. En effet, les premiers juges ont relevé que le désaccord sur la notion de menace de mort imminente n'était pas déterminant, eu égard à la jurisprudence du Tribunal fédéral relative au diagnostic d'état de stress post-traumatique (ATF 142 V 342 consid. 5.1 recte 5.2.2; arrêt 9C_480/2021 du 8 novembre 2022 consid. 5.3.2). Le Tribunal fédéral a admis que pour que le diagnostic d'état de stress post-traumatique de survenue différée puisse être retenu, l'ensemble des critères diagnostiques du CIM-10 doit être présent au plus tard six mois après l'événement; exceptionnellement, une durée supérieure à six mois peut être admise, mais elle doit alors faire l'objet d'une motivation toute particulière. Or la recourante ne prétend pas que cette condition serait remplie en l'espèce.
Quant au fait que l'expert aurait fait référence à une "pensée magique" influencée par des croyances culturelles, on ne voit pas en quoi son impartialité serait remise en cause. L'expert a constaté, concernant les troubles de la perception et le fait que la recourante disait entendre des voix, que cela ne correspondait pas à la sémiologie d'un trouble de la perception dans le sens d'hallucinations auditives et visuelles. Il n'a relevé aucune angoisse chez l'assurée lorsqu'elle évoquait ses voix, n'a noté aucun autre symptôme du registre psychotique et a compris cela comme étant des illusions senso-perceptives (rapport d'expertise p. 12), procédant ainsi à une évaluation psychiatrique objective.
Il s'ensuit que le grief tiré de l'arbitraire - s'agissant de l'appréciation de l'expertise du CEMEDEX - est mal fondé. Les juges cantonaux étaient ainsi fondés à reconnaître à la recourante, sur la base de cette expertise, une capacité de travail de 50 % dans toute activité, sans autre mesure d'instruction.
6.
Cela étant, l'arrêt entrepris et la décision administrative doivent être annulés, et la cause renvoyée à l'office intimé pour qu'il statue à nouveau sur le droit à la rente d'invalidité en tenant compte d'un statut de personne active à plein temps et d'une incapacité de travail de 50 %. La conclusion tendant à un complément d'instruction sur le plan médical est infondée, de sorte que le recours n'est que partiellement admis.
7.
En ce qui concerne la répartition des frais judiciaires et des dépens, le renvoi de la cause pour nouvelle décision revient à obtenir gain de cause au sens des art. 66 al. 1 et 68 al. 1 et 2 LTF, indépendamment du fait qu'une conclusion ait ou non été formulée à cet égard, à titre principal ou subsidiaire (ATF 141 V 281 consid. 11.1). Les frais judiciaires ainsi que les dépens auxquels peut prétendre la recourante seront dès lors mis à la charge de l'intimé, qui succombe, ce qui rend la demande d'assistance judiciaire sans objet. La cause sera renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure antérieure (art. 68 al. 5 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est partiellement admis. L'arrêt de la Cour de droit public du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel du 22 août 2023 ainsi que la décision de l'Office de l'assurance-invalidité du canton de Neuchâtel du 21 juin 2022 sont annulés. La cause est renvoyée à l'intimé pour qu'il procède conformément aux considérants et rende une nouvelle décision. Le recours est rejeté pour le surplus.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge de l'intimé.
3.
L'intimé versera à la recourante une indemnité de 2'800 fr. à titre de dépens pour la procédure fédérale.
4.
La cause est renvoyée à la Cour de droit public du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure antérieure.
5.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de droit public du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel et à l'Office fédéral des assurances sociales.
Lucerne, le 20 juin 2024
Au nom de la IVe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Wirthlin
La Greffière : Barman Ionta