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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
5P.95/2004 /frs 
 
Arrêt du 20 août 2004 
IIe Cour civile 
 
Composition 
M. et Mmes les Juges Raselli, Président, 
Escher et Hohl. 
Greffier: M. Braconi. 
 
Parties 
X.________ 
recourante, représentée par Me Laurent Didisheim, avocat, 
 
contre 
 
1. Hoirie Y.________, soit pour elle: 
- A.________, 
- B.________, 
2. B.________ et A.________, 
intimés, 
représentés par Me Pierre-André Béguin, avocat, 
rue Sénebier 20, case postale 166, 1211 Genève 12, 
1ère Section de la Cour de justice du canton de Genève, case postale 3108, 1211 Genève 3. 
 
Objet 
art. 9 Cst. (séquestre), 
 
recours de droit public contre l'arrêt de la 1ère Section 
de la Cour de justice du canton de Genève du 29 janvier 2004. 
 
Faits: 
A. 
A.a Le 15 mars 1996, le Président du Tribunal de première instance de Genève a ordonné sur réquisition de X.________, en application de l'art. 271 al. 1 ch. 4 LP, un séquestre à concurrence de 250'000 fr., plus intérêts à 5% l'an dès le 14 mars 1996, au préjudice de A.________, prise conjointement et solidairement avec B.________. La poursuite en validation a été frappée d'opposition. 
A.b Le 9 juin 1998, la Cour d'appel d'Aix-en-Provence a, notamment, condamné solidairement A.________ et B.________ à verser, «en deniers ou quittances», à X.________ la somme de 103'800'000 FF, outre les intérêts au taux légal à compter du 29 juin 1990. Le 28 mai 2002, ladite juridiction a rendu entre les mêmes parties un arrêt au fond, aux termes duquel le legs particulier attribué à X.________ par la décision précédente ne dépasse pas la quotité disponible dont feu Y.________ a pu disposer; le 25 juin suivant, cet arrêt a été rectifié en ce sens que la somme de 103'800'000 FF correspond à 15'824'208 euros. 
A.c Le 16 juillet 2002, X.________ a sollicité l'exequatur des arrêts de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence des 28 mai/25 juin 2002, ainsi que la mainlevée définitive de l'opposition. Par jugement du 17 octobre 2002, le Tribunal de première instance de Genève a rejeté la requête; ce jugement a été annulé le 30 janvier 2003 par la Cour de justice du canton de Genève, qui a déclaré exécutoires les décisions françaises et levé définitivement l'opposition. 
A.d Par arrêt du 4 juillet 2003 (5P.82/2003), la cour de céans a admis le recours de droit public formé par A.________ et annulé l'arrêt précité pour violation du droit d'être entendu. 
 
Statuant à nouveau, le 29 janvier 2004, la Cour de justice a considéré que la condition de l'identité entre la créance déduite en poursuite et celle allouée par l'arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence n'était pas satisfaite, que les poursuites étaient périmées et que, partant, les séquestres étaient caducs. 
B. 
B.a Le 22 juillet 2003, X.________ a saisi le Tribunal de première instance de Genève d'une nouvelle requête tendant au séquestre des biens de B.________ déposés en mains de Me L.________, à concurrence de 350'000 fr., plus intérêts à 5% l'an dès le 22 juillet 2003. Par ordonnance du même jour, l'autorité de séquestre a fait droit à la réquisition, moyennant fourniture d'une somme de 30'000 fr. à titre de sûretés (cf. 5P.94/2004). 
B.b Le 25 juillet 2003, X.________ a obtenu du Tribunal de première instance de Genève, sans dépôt préalable de sûretés, un séquestre à hauteur de 125'000 fr., plus intérêts à 5% l'an dès le 25 juillet 2003, au préjudice de A.________. 
B.c Par jugement du 9 septembre 2003, la Présidente du Tribunal de première instance de Genève a accueilli l'opposition de «A.________ et B.________», et révoqué l'ordonnance de séquestre du 25 juillet 2003 (cf. supra, let. B.b). 
 
Statuant le 29 janvier 2004, la Cour de justice du canton de Genève a confirmé cette décision. 
C. 
X.________ interjette un recours de droit public au Tribunal fédéral contre cet arrêt, concluant à son annulation. 
 
Des observations sur le fond n'ont pas été requises. 
D. 
Par ordonnance du 25 mars 2004, l'effet suspensif a été attribué au recours. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 130 II 65 consid. 1 p. 67 et les arrêts cités). 
1.1 Interjeté à temps contre une décision sur opposition au séquestre rendue en dernière instance cantonale (SJ 1998 p. 146 consid. 2, non publié aux ATF 123 III 494; arrêt 5P.248/2002 du 18 septembre 2002, consid. 1.1, in: Pra 2003 p. 376), le présent recours est recevable sous l'angle des art. 84 al. 2, 86 al. 1, 87 et 89 al. 1 OJ. 
1.2 Sous réserve d'exceptions non réalisées en l'espèce (cf. ATF 124 I 327 consid. 4b p. 332/333 et la jurisprudence citée), le recours de droit public est de nature cassatoire et ne peut tendre qu'à l'annulation de la décision attaquée (ATF 129 I 129 consid. 1.2.1 p. 131/132 et les arrêts cités). Sont, partant, irrecevables les (nombreux) chefs de conclusions de la recourante qui excèdent ce cadre. 
1.3 L'écriture de la recourante du 29 juin 2003 (recte: 2004) ayant été produite après l'échéance du délai de recours (art. 89 al. 1 OJ), elle ne saurait être prise en considération. 
2. 
La recourante articule un seul moyen: en niant que le cas de séquestre de l'art. 271 al. 1 ch. 2 LP soit réalisé, la Cour de justice a interprété d'une manière arbitraire la notion de vraisemblance posée à l'art. 272 al. 1 ch. 2 LP
2.1 D'après la jurisprudence, une décision est arbitraire lorsqu'elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et incontesté, ou heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité; il ne suffit pas qu'une autre solution apparaisse concevable, voire préférable; pour que la décision attaquée soit annulée, encore faut-il qu'elle se révèle arbitraire, non seulement dans ses motifs, mais aussi dans son résultat (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9; 128 I 177 consid. 2.1 p. 182, 273 consid. 2.1 p. 275 et les arrêts cités). 
 
En vertu de l'art. 90 al. 1 let. b OJ, l'acte de recours doit contenir, sous peine d'irrecevabilité (cf. ATF 123 II 552 consid. 4d p. 558), un exposé succinct des droits constitutionnels ou des principes juridiques violés, précisant en quoi consiste la violation. Dans le cadre d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'examine que les griefs expressément soulevés, et exposés de façon claire et détaillée, le principe jura novit curia étant inapplicable (ATF 130 I 26 consid. 2.1 p. 31). Le justiciable qui exerce un recours de droit public pour arbitraire ne peut dès lors se borner à critiquer la décision attaquée comme il le ferait en procédure d'appel, où l'autorité supérieure jouit d'une libre cognition; il ne peut, en particulier, se contenter d'opposer son opinion à celle de l'autorité cantonale, mais il doit démontrer, par une argumentation précise, que cette décision repose sur une application de la loi ou une appréciation des preuves manifestement insoutenables (ATF 129 I 113 consid. 2.1 p. 120; 128 I 295 consid. 7a p. 312; 125 I 492 consid. 1b p. 495). 
2.2 Aux termes de l'art. 271 al. 1 ch. 2 LP, le créancier d'une dette échue et non garantie par gage peut requérir le séquestre des biens du débiteur qui, dans l'intention de se soustraire à ses obligations, fait disparaître ses biens, s'enfuit ou prépare sa fuite. Cette norme n'ayant subi que des modifications de nature rédactionnelle lors de la révision du 16 décembre 1994 (cf. FF 1991 III 187 ch. 208.1), la jurisprudence rendue sous l'ancien droit reste valable. Le débiteur cèle ses biens, au sens de la disposition précitée, lorsqu'il les dissimule, les donne, les vend à un prix dérisoire ou les transfère à l'étranger (ATF 119 III 92 consid. 3b p. 93; arrêts 5P.403/1999 du 13 janvier 2000, consid. 2c, et 5P.303/1993 du 6 décembre 1993, consid. 2). Le cas de séquestre doit être réalisé à la date de l'ordonnance (ATF 54 III 143 p. 145). 
 
Conformément à l'art. 272 al. 1 ch. 2 LP, il suffit que la présence d'un cas de séquestre soit rendue vraisemblable. Il en est ainsi lorsque le juge, se fondant sur des éléments objectifs, a l'impression que les faits pertinents se sont produits, mais sans qu'il doive exclure pour autant la possibilité qu'ils aient pu se dérouler autrement (v. notamment pour les mesures provisionnelles en général: ATF 104 Ia 408 consid. 4a p. 413 et les arrêts cités). Savoir si le degré de vraisemblance exigé par le droit fédéral est atteint dans le cas concret est une question qui relève de l'appréciation des preuves (SJ 1998 p. 146 consid. 3 et l'arrêt cité, non publié aux ATF 123 III 494). Dans ce domaine, le Tribunal fédéral reconnaît un large pouvoir aux juridictions cantonales, en sorte que la décision critiquée ne sera annulée que si cette appréciation apparaît insoutenable (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9). 
2.3 
2.3.1 La Cour de justice a retenu que, en l'occurrence, la requérante n'avait apporté aucun indice tangible tendant à démontrer la réalité de ses allégations quant aux subterfuges dont userait A.________ pour celer ses biens. Son changement de domicile et la clôture de ses comptes en 1998 auprès de banques françaises ne sont pas décisifs s'agissant d'un séquestre prononcé le 25 juillet 2003; au demeurant, ces éléments ne suffiraient pas à étayer la thèse invoquée à l'appui de la réquisition, la débitrice séquestrée ayant quitté Paris pour s'installer officiellement à Lausanne, où elle réside toujours. Même si l'intéressée effectue de nombreux voyages à l'étranger, rien ne permet d'admettre qu'elle envisage d'abandonner son domicile ou prépare sa fuite. Enfin, il n'est pas établi, même au degré de la vraisemblance, qu'elle aurait reçu tout ou partie de son héritage, ni qu'elle aurait dissimulé de façon quelconque les biens qui en dépendent, par exemple en les transférant à l'étranger, ni procédé à des donations douteuses ou des aliénations insolites. 
2.3.2 Pour toute argumentation, la recourante se borne à exposer sa propre interprétation des pièces corroborant l'existence d'une célation de biens, ainsi que du comportement de la débitrice séquestrée, mais sans réfuter les motifs de la cour cantonale; appellatoire, le recours est irrecevable dans cette mesure (cf. supra, consid. 2.1). S'appuyant sur un auteur (cf. Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, vol. IV, n. 35 ad art. 272 et n. 83 ad art. 278 LP), elle affirme, au surplus, que la «simple vraisemblance» satisferait aux exigences légales; elle ne dit cependant pas en quoi l'opinion de la cour cantonale, selon laquelle la vraisemblance doit être au contraire appréciée avec sévérité (cf. pour l'existence de la créance: SJ 1998 p. 149 consid. 3b, non publié aux ATF 123 III 494; en général: Cometta, Il sequestro nella prassi giudiziaria ticinese, Rep. 133/2000 p. 14 ss et les références citées), serait insoutenable (art. 90 al. 1 let. b OJ). 
3. 
En conclusion, le présent recours doit être déclaré irrecevable dans son intégralité, avec suite de frais (art. 156 al. 1 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens aux intimés, qui n'ont pas été invités à répondre sur le fond (art. 159 al. 2 OJ) et se sont opposés à tort à l'attribution de l'effet suspensif (arrêt 5P.73/2004 du 4 mai 2004, consid. 3). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours est irrecevable. 
2. 
Un émolument judiciaire de 4'000 fr. est mis à la charge de la recourante. 
3. 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la 1ère Section de la Cour de justice du canton de Genève. 
Lausanne, le 20 août 2004 
Au nom de la IIe Cour civile 
du Tribunal fédéral suisse 
Le Président: Le Greffier: