Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
7B_630/2023
Arrêt du 20 août 2024
IIe Cour de droit pénal
Composition
MM. les Juges fédéraux Abrecht, Président,
Hofmann et Brunner, Juge suppléant,
Greffière : Mme Kropf.
Participants à la procédure
A.A.________ et B.A.________,
tous les deux représentés par
Me Raphaël Guisan, avocat,
recourants,
contre
1. Ministère public de l'arrondissement de La Côte, p.a. Ministère public central du canton de Vaud, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens VD,
2. C.________,
représenté par Me Patrick Sutter, avocat,
3. D.________,
représenté par Me Rachel Rytz, avocate,
intimés.
Objet
Ordonnance de classement,
recours contre l'arrêt de la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 12 juin 2023 (398 - PE21.002059-SRD).
Faits :
A.
E.A.________ a déposé plainte pénale les 2 février et 23 mars 2021 contre D.________ et C.________. Elle s'est également constituée partie plaignante. Ses accusations portaient sur la nuit du 23 au 24 février 2020; D.________ et C.________ l'auraient contrainte à entretenir une relation sexuelle avec eux et à leur prodiguer à chacun une fellation, sous la menace de diffuser une vidéo intime la concernant si elle ne s'exécutait pas; durant la même nuit, D.________ l'aurait filmée alors qu'elle entretenait un rapport sexuel avec C.________.
Le Ministère public de l'arrondissement de La Côte (ci-après : le Ministère public) a par la suite ouvert une instruction pénale contre D.________ et C.________ pour contrainte sexuelle, viol et violation du domaine secret ou du domaine privé au moyen d'un appareil de prise de vues pour le premier, ainsi que contrainte sexuelle et viol pour le second.
E.A.________ a mis fin à ses jours le 7 décembre 2021. Ses parents, A.A.________ et B.A.________, ont pris sa place dans la procédure.
B.
Par ordonnance du 31 août 2022, le Ministère public a prononcé le classement des procédures pénales dirigées contre C.________ (pour contrainte sexuelle et viol) et contre D.________ (pour violation du domaine secret ou du domaine privé au moyen d'un appareil de prise de vues, contrainte sexuelle et viol).
Par arrêt du 12 juin 2023, la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal vaudois a rejeté le recours formé par A.A.________ et B.A.________ contre l'ordonnance de classement susmentionnée.
C.
A.A.________ et B.A.________ interjettent un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre cet arrêt, en concluant à son annulation et au renvoi de la cause au Ministère public.
Invité à se déterminer, D.________ (ci-après : l'intimé) a conclu au rejet du recours sous réserve de sa recevabilité. Quant à la cour cantonale, elle s'est référée aux considérants de sa décision. Le Ministère public n'a pas déposé d'observations.
Considérant en droit :
1.
1.1. La fille des recourants a déposé une plainte pénale contre C.________ et l'intimé notamment pour contrainte sexuelle et viol, soit de graves infractions contre l'intégrité sexuelle, qui sont susceptibles de fonder des prétentions en réparation d'un tort moral (ATF 141 IV 1 consid. 1.1; arrêts 7B_174/2024 du 22 avril 2024 consid. 1.1; 6B_488/2021 du 22 décembre 2021 consid. 3; 6B_1164/2020 du 10 juin 2021 consid. 1.2); ces accusations sont étroitement liées, dans le cas d'espèce, au reproche de violation du domaine privé au moyen d'un appareil de prise de vues, étant donné qu'il s'agit de l'enregistrement d'une partie des actes sexuels qui auraient été commis sous contrainte. Les prétentions civiles ont d'ailleurs été chiffrées à 10'000 fr. durant la procédure cantonale.
1.2. Après le décès de la victime le 7 décembre 2021, ses droits de procédure ont été transmis aux recourants, qui sont les premiers héritiers de leur fille (art. 121 al. 1 CPP et 458 al. 1 CC) et font en outre partie du cercle des proches au sens de l'art. 110 al. 1 CP (cf. ATF 148 IV 256 consid. 3.1; arrêt 7B_115/2022 du 23 octobre 2023 consid. 3.2.2). Dans la présente procédure, les recourants défendent d'ailleurs expressément les droits de leur fille décédée et non pas leurs propres prétentions (civiles; dossier cantonal, actes 35/1 et 35/2). Ils ont donc qualité pour recourir au sens de l'art. 81 al. 1 let. b ch. 5 LTF.
2.
Il convient tout d'abord de noter que, comme lors de la procédure cantonale, les recourants ne contestent expressément pas le classement de la procédure en ce qui concerne C.________ (cf. consid. 3 p. 14 de l'arrêt attaqué). Il n'y a pas lieu d'y revenir.
3.
3.1. En ce qui concerne ensuite les accusations portées contre l'intimé, la cour cantonale a tout d'abord retenu, s'agissant des accusations de contrainte sexuelle voire de viol, que le récit de la fille des recourants selon lequel elle aurait été contrainte à coucher avec l'intimé et C.________, sous la menace de la diffusion d'une vidéo intime entre elle et D.________, n'était pas crédible à la lumière de tous les moyens de preuve disponibles; les probabilités d'un acquittement de l'intimé étaient très nettement supérieures à celles d'une condamnation, de sorte que le classement de la procédure ne saurait être contesté (cf. consid. 4.3 p. 19 ss de l'arrêt attaqué). S'agissant ensuite du reproche de violation du domaine privé au moyen d'un appareil de prise de vues, elle a conclu que les locaux dans lesquels le contact sexuel entre la fille des recourants et C.________ avait été enregistré ne relevaient pas du domaine privé; en outre, rien n'était visible sur la vidéo réalisée par l'intimé, de sorte que les éléments objectifs de l'art. 179quater CP n'étaient manifestement pas réunis (cf. consid. 5.3 p. 27 s. de l'arrêt entrepris).
Les recourants contestent le classement de la procédure tant pour le reproche de contrainte sexuelle (art. 189 CP; consid. 3.3
infra) que pour le reproche de violation du domaine privé au moyen d'un appareil de prise de vues (art. 179quater CP; consid. 3.4
infra). Ils invoquent dans les deux cas une violation de l'art. 319 al. 1 CPP, à savoir du principe "
in dubio pro duriore ".
3.2.
3.2.1. Aux termes de l'art. 319 al. 1 CPP, le ministère public ordonne le classement de tout ou partie de la procédure lorsqu'aucun soupçon justifiant une mise en accusation n'est établi (let. a), lorsque les éléments constitutifs d'une infraction ne sont pas réunis (let. b), lorsque des faits justificatifs empêchent de retenir une infraction contre le prévenu (let. c), lorsqu'il est établi que certaines conditions à l'ouverture de l'action pénale ne peuvent pas être remplies ou que des empêchements de procéder sont apparus (let. d) ou lorsqu'on peut renoncer à toute poursuite ou à toute sanction en vertu de dispositions légales (let. e).
La décision de classer la procédure doit être prise en application du principe "
in dubio pro duriore ". Ce principe vaut également pour l'autorité judiciaire chargée de l'examen d'une décision de classement. Il signifie qu'en règle générale, un classement ou une non-entrée en matière ne peut être prononcé par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un pouvoir d'appréciation que le Tribunal fédéral revoit avec retenue. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave. En effet, en cas de doute s'agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer (ATF 146 IV 68 consid. 2.1 s.; 143 IV 241 consid. 2.2.1; arrêts 7B_144/2024 du 15 avril 2024 consid. 6.3.2; 7B_5/2022 du 12 octobre 2023 consid. 4.1).
Dans les procédures où l'accusation repose essentiellement sur les déclarations de la victime, auxquelles s'opposent celles du prévenu, et lorsqu'il n'est pas possible d'estimer que certaines dépositions sont plus crédibles que d'autres, le principe "
in dubio pro duriore " impose en règle générale que le prévenu soit mis en accusation. Cela vaut en particulier lorsqu'il s'agit de délits commis typiquement "entre quatre yeux" pour lesquels il n'existe souvent aucune preuve objective. Il peut toutefois être renoncé à une mise en accusation lorsque la partie plaignante fait des dépositions contradictoires, rendant ses accusations moins crédibles, ou encore lorsqu'une condamnation apparaît au vu de l'ensemble des circonstances
a priori improbable pour d'autres motifs (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.2; arrêts 6B_1148/2021 du 23 juin 2023 consid. 3.1; 6B_1056/2018 du 29 janvier 2019 consid. 2.2.2). Face à des versions contradictoires des parties, il peut être exceptionnellement renoncé à une mise en accusation lorsqu'il n'est pas possible d'apprécier l'une ou l'autre version comme étant plus ou moins plausible et qu'aucun résultat n'est à escompter d'autres moyens de preuve (arrêts 7B_5/2022 précité consid. 4.1; 6B_1148/2021 précité consid. 3.1; 6B_790/2022 du 15 juin 2023 consid. 4.2.2; 6B_996/2021 du 31 mai 2022 consid. 3.2).
3.2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'ils aient été établis en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, soit pour l'essentiel de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (cf. ATF 148 IV 356 consid. 2.1; 147 IV 73 consid. 4.1.2; 140 III 115 consid. 2; arrêt 7B_683/2024 du 10 juillet 2024 consid. 1.3.1). L'art. 97 al. 1 LTF est également applicable aux recours en matière pénale contre les décisions de classement ou confirmant de telles décisions. Saisi d'un tel recours, le Tribunal fédéral examine sous l'angle de l'arbitraire l'appréciation des preuves opérée par l'autorité précédente en application du principe "
in dubio pro duriore " (ATF 143 IV 241 consid. 2.3.3) et si l'autorité précédente a arbitrairement jugé la situation probatoire claire ou a admis arbitrairement que certains faits étaient clairement établis (ATF 143 IV 241 consid. 2.3.2; arrêts 7B_139/2023 du 25 juin 2024 consid. 3.3; 7B_89/2023 du 21 décembre 2023 consid. 3.2.2).
3.3. En ce qui concerne la contrainte sexuelle (art. 189 CP) reprochée à l'intimé, les recourants estiment que la cour cantonale n'aurait pas suffisamment pris en considération l'état psychique de leur fille. À tort : les recourants perdent de vue que l'autorité précédente a tenu compte de manière détaillée des rapports psychiatriques figurant au dossier et qu'elle les a mis en relation avec les différents autres moyens de preuve disponibles. Au vu des déclarations concordantes des différentes personnes impliquées dans les faits en question, de l'historique des messages WhatsApp figurant au dossier, ainsi qu'en particulier de la déclaration de la fille des recourants enregistrée le soir du 27 février 2020 (cf. sur ce dernier point consid. 4.3 p. 23 de l'arrêt attaqué), il ne peut pas être reproché à la cour cantonale d'avoir conclu qu'il était clairement établi que la fille des recourants s'était rendue de son plein gré au studio d'enregistrement et qu'elle avait activement participé aux relations sexuelles avec C.________ et avec l'intimé. Les recourants ne parviennent pas à démontrer le caractère arbitraire de l'appréciation de l'instance précédente à cet égard (cf. consid. 3.2.2
supra), comme le fait d'ailleurs remarquer avec raison l'intimé dans ses déterminations du 19 juin 2024 (ch. 2 p. 5). La cour cantonale a donc confirmé à juste titre le classement de la procédure par rapport à l'intimé en ce qui concerne l'infraction de contrainte sexuelle, l'élément objectif de la contrainte (art. 189 CP; sur cette notion, ATF 148 IV 234 consid. 3.3; arrêt 6B_88/2023 du 8 février 2024 consid. 2.1.2 et les nombreux arrêts cités) faisant défaut (cf. art. 319 al. 1 let. b CPP).
3.4. Il reste à examiner la question de savoir si c'est à juste titre que l'autorité précédente a confirmé le classement de la procédure pénale dirigée contre l'intimé en ce qui concerne l'art. 179quater CP.
3.4.1. Selon l'art. 179quater CP, celui qui, sans le consentement de la personne intéressée, aura observé avec un appareil de prise de vues ou fixé sur un porteur d'images un fait qui relève du domaine secret de cette personne ou un fait ne pouvant pas être perçu sans autre par chacun et qui relève du domaine privé de celle-ci sera, sur plainte, puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
Sont protégés les faits qui se déroulent dans la sphère privée au sens étroit, c'est-à-dire qui ne peuvent pas être perçus sans autre par tout un chacun. Pour délimiter la sphère privée au sens étroit des autres domaines, il convient d'examiner si l'on peut sans autre - c'est-à-dire sans surmonter un obstacle physique ou juridico-moral - prendre connaissance des événements concernés. Fait partie de la sphère privée au sens étroit le domaine privé protégé dans le contexte de la violation de domicile (cf. art. 186 CP), soit une maison, un appartement, une pièce fermée d'une maison ou une place, une cour ou un jardin clos aux environs immédiats d'une maison. Si l'auteur pénètre physiquement dans le domaine privé protégé par l'art. 186 CP pour y observer un fait au moyen d'un appareil de prise de vues ou pour le fixer sur un porteur d'images, il remplit les conditions de l'infraction prévue à l'art. 179quater CP. Conformément au sens et au but de cette disposition, l'observation ou l'enregistrement d'un fait se déroulant dans la sphère domestique au moyen d'un appareil de prise de vues est également punissable si l'auteur n'a pas à franchir physiquement la limite de cette sphère (arrêt 6B_1171/2022 du 19 octobre 2023 consid. 2.1 et les arrêts cités).
3.4.2. Dans un arrêt récent, le Tribunal fédéral a considéré que les différents occupants d'un immeuble ne disposaient pas d'un droit exclusif les uns par rapport aux autres sur les parties communes de l'immeuble, de sorte qu'ils ne bénéficiaient pas entre eux d'une protection de leur sphère privée en ces lieux (arrêt 6B_1171/2022 du 19 octobre 2023 consid. 2.1 et l'arrêt cité); sur ce point, il existait donc une différence par rapport aux tiers qui observaient la zone de l'entrée d'un immeuble (ATF 118 IV 41 consid. 4e). Il en résulte que la délimitation de la sphère privée au sens de l'art. 179quater CP peut varier en fonction des circonstances et de la personne qui entre en ligne de compte comme auteur de l'infraction (cf. Peter Jäggi, Fragen des privatrechtlichen Schutzes der Persönlichkeit, in ZSR 1960/2, p. 133a ss, ch. 54 p. 227a). Ce qui est déterminant, c'est de savoir si, de l'avis général, il existe un obstacle juridico-moral à la prise de connaissance des événements concernés (cf. consid. 3.4.1
supra).
3.4.3. La cour cantonale est arrivée à la conclusion que l'espace du studio d'enregistrement dans lequel avaient eu lieu les actes sexuels entre C.________ et la fille des recourants ne relevait pas de la sphère privée. L'espace était certes séparé par une porte coulissante opaque; C.________ et la fille des recourants savaient toutefois que quelqu'un pouvait arriver à tout moment, ce qui s'était d'ailleurs effectivement produit puisque F.________ avait déclaré qu'il était entré dans la pièce (cf. consid. 4.3 p. 20 et 5.3 p. 27 de l'arrêt attaqué).
Comme le font valoir à juste titre les recourants, cette motivation ne saurait être suivie à la lumière de la jurisprudence susmentionnée (cf. consid. 3.4.1 et 3.4.2
supra). Il ressort en effet des constatations de l'autorité précédente que C.________ et la fille des recourants s'étaient retirés, pour entretenir leurs rapports sexuels, dans une pièce séparée du lieu où les autres personnes passaient la soirée ensemble. Ils ont ainsi fait savoir qu'ils avaient un intérêt à préserver leur sphère privée. F.________ a d'ailleurs déclaré qu'il avait surpris les intéressés en train d'avoir une relation sexuelle (cf. consid. 5.3 p. 27 de l'arrêt attaqué) et que cela l'avait gêné (cf. consid. 4.3 p. 20 de l'arrêt attaqué). On peut aisément en déduire que les faits se sont déroulés dans une pièce où la fille des recourants et C.________ comptaient sur le respect de leur intimité; la porte coulissante permettant la séparation des pièces était d'ailleurs fermée (cf. les déclarations de F.________ [consid. 4.3 p. 20 de l'arrêt attaqué]). Le fait que des amis se trouvaient juste à côté n'y change rien : si la fille des recourants et C.________ devaient éventuellement s'attendre à ce que l'une de ces personnes pénètre dans la pièce - risque qui ne semblait
a priori pas les gêner -, il existait manifestement en l'espèce un obstacle juridico-moral à franchir pour ces tiers afin d'atteindre la sphère d'intimité créée par la cloison. L'argument selon lequel la fille des recourants "ne présentait aucune pudeur en s'exhibant nue devant F.________ juste après avoir entretenu des relations sexuelles avec C.________" (cf. ch. 1 p. 2 des déterminations du 19 juin 2024 de l'intimé) n'a pas d'incidence à cet égard, pas plus que le fait que la pièce séparée n'était pas fermée à clé (cf. ch. 1 p. 3 des écritures précitées). En ce qui concerne ce dernier point, il convient de se référer à un arrêt récent du Tribunal fédéral, dans lequel celui-ci a qualifié le bureau d'un époux dans la maison d'habitation commune de domaine privé au sens de l'art. 179quater al. 1 CP, non seulement vis-à-vis des tiers, mais aussi vis-à-vis de l'autre époux qui avait un libre accès à ce bureau (cf. arrêt 6B_902/2019 du 8 janvier 2020 consid. 1.4.1).
Au vu de ce qui précède, il serait donc erroné en l'espèce de nier l'existence d'un obstacle juridico-moral à passer pour atteindre la sphère d'intimité découlant de la cloison séparant le studio au moment des évènements litigieux, ce qui s'applique d'ailleurs d'autant plus à l'utilisation d'un appareil d'enregistrement à l'insu des personnes concernées. Ainsi, contrairement à ce qu'affirme la cour cantonale, l'espace en question relève de la sphère privée protégée par l'art. 179quater CP.
3.4.4. Contrairement à ce que paraît penser également l'autorité précédente (cf. notamment consid. 5.3 p. 28 de l'arrêt attaqué), le classement de la procédure pénale ne peut pas non plus être motivé par le fait que l'enregistrement vidéo réalisé par l'intimé à l'insu de l'intéressée ne révèle rien de compromettant. En effet, dès lors que le domaine privé est concerné, le contenu des enregistrements n'a pas d'importance (Henzelin/Massrouri, in Commentaire romand, Code pénal II, 2017, no 4 ad art. 179quater CP; Bernard Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. I, 3e éd. 2010, no 4 ad art. 179quater CP; José Hurtado Pozo, Droit pénal, Partie spéciale, 2009, no 2251 p. 670).
Le point de vue du Ministère public - confirmé par la cour cantonale (cf. consid. 5.3
in fine p. 28 de l'arrêt attaqué) -, selon lequel la fille des recourants aurait accepté à des occasions antérieures que l'intimé puisse enregistrer des interactions sexuelles la concernant, est également erroné dans le cas d'espèce. Rien ne permet en effet de retenir que l'accord éventuellement donné le 9 février 2020 à l'intimé pour filmer la fille des recourants en train de lui prodiguer une fellation (cf. consid. 4.3 p. 21 de l'arrêt attaqué) aurait également visé d'éventuelles relations sexuelles - en outre futures - de la fille des recourants avec C.________; un tel consentement ne résulte pas non plus des enregistrements des rapports sexuels intervenus entre la première précitée et l'intimé ce même soir, puisqu'ils ont été effectués ultérieurement au film relatif à C.________ (cf. les heures d'enregistrement indiqués au consid. 4.3 p. 21 de l'arrêt attaqué). Il n'appartient d'ailleurs pas au Tribunal fédéral de trancher en tant que première instance la question de savoir s'il faut éventuellement partir du principe qu'il y a eu consentement en raison d'autres circonstances.
3.5. Il s'ensuit que c'est à tort que la cour cantonale a confirmé le classement de la procédure pénale dirigée contre l'intimé en ce qui concerne l'art. 179quater CP.
4.
Il résulte de ce qui précède que le recours doit être admis en ce qui concerne le classement de la procédure pénale dirigée contre l'intimé pour violation de l'art. 179quater CP. Pour le surplus (c'est-à-dire en ce qui concerne l'accusation de contrainte sexuelle), le recours doit être rejeté. L'arrêt attaqué sera donc partiellement annulé et la cause renvoyée à l'autorité précédente pour nouvelle décision.
Vu le sort du recours, une partie des frais de procédure sera mise à la charge des recourants - solidairement entre eux - et de l'intimé qui tous succombent partiellement (art. 66 al. 1 LTF), le Ministère public n'ayant pas à en supporter (art. 66 al. 4 LTF). Les recourants peuvent prétendre à une indemnité de dépens réduite à la charge du canton de Vaud. Les dépens seront pour le surplus compensés entre les recourants et l'intimé (art. 68 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est partiellement admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision. Pour le surplus, le recours est rejeté.
2.
Une partie des frais judiciaires, arrêtée à 1'500 fr., est mise à la charge des recourants.
3.
Une partie des frais judiciaires, arrêtée à 1'500 fr., est mise à la charge de l'intimé D.________.
4.
Le canton de Vaud versera aux recourants une indemnité de 1'500 fr. à titre de dépens.
5.
Les dépens sont compensés entre les recourants et l'intimé D.________.
6.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Lausanne, le 20 août 2024
Au nom de la IIe Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Abrecht
La Greffière : Kropf