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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
6B_672/2018  
 
 
Arrêt du 20 septembre 2018  
 
Cour de droit pénal  
 
Composition 
MM. et Mmes les Juges fédéraux Denys, Président, 
Jacquemoud-Rossari, Oberholzer, Rüedi et Jametti. 
Greffier : M. Graa. 
 
Participants à la procédure 
Ministère public de la République et canton de Genève, 
recourant, 
 
contre  
 
X.________, 
intimé. 
 
Objet 
Violation grave des règles de la circulation routière, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision, du 4 juin 2018 (AARP/172/2018 P/9802/2017). 
 
 
Faits :  
 
A.   
Par jugement du 22 novembre 2017, le Tribunal de police de la République et canton de Genève a condamné X.________, pour violation simple des règles de la circulation routière, à une amende de 1'500 francs. 
 
B.   
Par arrêt du 4 juin 2018, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice genevoise a rejeté l'appel formé par le ministère public contre ce jugement. 
 
La cour cantonale a retenu les faits suivants. 
 
Le 1er février 2017, à 9 h 06, sur la route de A.________ en direction de B.________, X.________ a circulé au volant de son véhicule automobile à la vitesse de 86 km/h - alors que la vitesse maximale autorisée à cet endroit était de 40 km/h - effectuant ainsi un dépassement de vitesse de 41 km/h, une fois la marge de sécurité déduite. 
 
C.   
Le Ministère public de la République et canton de Genève forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 4 juin 2018, en concluant, avec suite de frais, principalement à sa réforme en ce sens que X.________ est condamné, pour violation grave des règles de la circulation routière, à une peine pécuniaire de 180 jours-amende à 260 fr. le jour, avec sursis durant trois ans, ainsi qu'à une amende de 9'360 francs. Subsidiairement, il conclut à son annulation et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision. 
 
D.   
Invités à se déterminer, la cour cantonale ainsi que X.________ ont conclu au rejet du recours. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir condamné l'intimé sur la base de l'art. 90 al. 1 et non de l'art. 90 al. 2 de la loi fédérale sur la circulation routière (LCR; RS 741.01). 
 
1.1. Conformément à l'art. 90 LCR, celui qui viole les règles de la circulation prévues par ladite loi ou par les dispositions d'exécution émanant du Conseil fédéral est puni de l'amende (al. 1). Celui qui, par une violation grave d'une règle de la circulation, crée un sérieux danger pour la sécurité d'autrui ou en prend le risque est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire (al. 2). Pour déterminer si une violation d'une règle de la circulation doit être qualifiée de grave au sens de l'art. 90 al. 2 LCR, il faut procéder à une appréciation aussi bien objective que subjective.  
 
D'un point de vue objectif, la violation grave d'une règle de circulation au sens de l'art. 90 al. 2 LCR suppose que l'auteur ait mis sérieusement en danger la sécurité du trafic. Il y a création d'un danger sérieux pour la sécurité d'autrui non seulement en cas de mise en danger concrète, mais déjà en cas de mise en danger abstraite accrue (ATF 143 IV 508 consid. 1.3 p. 512; 142 IV 93 consid. 3.1 p. 96; 131 IV 133 consid. 3.2 p. 136). 
 
Subjectivement, l'état de fait de l'art. 90 al. 2 LCR exige, selon la jurisprudence, un comportement sans scrupules ou gravement contraire aux règles de la circulation, c'est-à-dire une faute grave et, en cas d'acte commis par négligence, à tout le moins une négligence grossière. Celle-ci doit être admise lorsque le conducteur est conscient du caractère généralement dangereux de son comportement contraire aux règles de la circulation. Mais une négligence grossière peut également exister lorsque, contrairement à ses devoirs, l'auteur ne prend absolument pas en compte le fait qu'il met en danger les autres usagers, en d'autres termes s'il se rend coupable d'une négligence inconsciente. Dans de tels cas, une négligence grossière ne peut être admise que si l'absence de prise de conscience du danger créé pour autrui repose elle-même sur une absence de scrupules (ATF 131 IV 133 consid. 3.2 p. 136; arrêt 6B_1300/2016 du 5 décembre 2017 consid. 2.1.2 non publié aux ATF 143 IV 500). Plus la violation de la règle de la circulation est objectivement grave, plus on admettra l'existence d'une absence de scrupule, sauf indice particulier permettant de retenir le contraire (ATF 142 IV 93 consid. 3.1 p. 96). 
 
Dans le domaine des excès de vitesse, la jurisprudence a été amenée à fixer des règles précises afin d'assurer l'égalité de traitement. Ainsi, le cas est objectivement grave au sens de l'art. 90 al. 2 LCR, sans égard aux circonstances concrètes, en cas de dépassement de la vitesse autorisée de 25 km/h ou plus à l'intérieur des localités, de 30 km/h ou plus hors des localités et sur les semi-autoroutes dont les chaussées, dans les deux directions, ne sont pas séparées et de 35 km/h ou plus sur les autoroutes (ATF 143 IV 508 consid. 1.3 p. 512; 132 II 234 consid. 3.1 p. 237 s.; 124 II 259 consid. 2b p. 261 ss; 123 II 106 consid. 2c p. 113 et les références citées). Cependant, la jurisprudence admet que dans des circonstances exceptionnelles, il y a lieu d'exclure l'application du cas grave alors même que le seuil de l'excès de vitesse fixé a été atteint (cf. ATF 143 IV 508 consid. 1.3 p. 512 s.). Ainsi, sous l'angle de l'absence de scrupules, le Tribunal fédéral a retenu que le cas grave n'était pas réalisé lorsque la vitesse avait été limitée provisoirement à 80 km/h sur un tronçon autoroutier pour des motifs écologiques liés à une présence excessive de particules fines dans l'air (arrêt 6B_109/2008 du 13 juin 2008 consid. 3.2; voir également le considérant 1.3.2 de l'arrêt 6B_444/2016 du 3 avril 2017), ou encore lorsque la limitation de vitesse violée relevait notamment de mesures de modération du trafic (arrêt 6B_622/2009 du 23 octobre 2009 consid. 3.5). 
 
1.2. La cour cantonale a exposé que l'excès de vitesse avait eu lieu sur un tracé de route rectiligne, alors que les conditions de circulation étaient bonnes (bonne visibilité, route sèche, trafic fluide, beau temps). D'ordinaire, la vitesse sur le tronçon en cause était limitée à 80 km/h. Le 1er février 2017, elle était toutefois abaissée à 40 km/h, dans les deux sens de circulation, en raison de travaux sur la chaussée opposée à celle empruntée par l'intimé. L'appareil radar qui avait photographié sa voiture était installé à la fin de la zone des travaux, adossé à la dernière barrière, dans le sens de circulation de l'intéressé. L'intimé avait admis les faits, indiquant qu'il effectuait ce trajet quotidiennement afin d'amener ses enfants à l'école. Il avait indiqué avoir ralenti, le jour des faits, en arrivant à hauteur des travaux - alors même qu'il n'y avait aucun obstacle sur la route, notamment aucun ouvrier -, puis avoir accéléré à la hauteur de la fin du chantier.  
 
L'autorité précédente a considéré que des circonstances exceptionnelles étaient réalisées. En accélérant en prévision de la fin du chantier, l'intimé avait circulé, à 1 km/h près, à la vitesse normalement autorisée sur le tronçon en question. En l'absence de relevés métriques, voire d'une expertise permettant d'identifier précisément la hauteur, par rapport à la fin des travaux - qui se trouvait également constituer l'emplacement du radar -, à laquelle l'intimé avait commencé à accélérer pour atteindre la vitesse à laquelle sa voiture avait été photographiée, il convenait de retenir que l'intéressé était tout proche de cette limite. Ainsi, selon la cour cantonale, l'intimé avait certes commis un excès de vitesse qui, objectivement, tombait sous le coup de l'art. 90 al. 2 LCR, mais dans un contexte particulier, soit alors que la vitesse était abaissée à cause des risques causés par la présence du chantier sur la chaussée opposée. A la fin du chantier, dans le sens de marche de l'intimé, les conditions concrètes de circulation étaient celles qui se présentaient d'ordinaire sur le tronçon, soit des conditions permettant de rouler à 80 km/h. Cela permettait exceptionnellement d'exclure que l'intéressé eût fait preuve d'absence de scrupules, nonobstant l'ampleur de son excès de vitesse. Il convenait en définitive, pour la cour cantonale, de retenir une violation simple des règles de la LCR. 
 
1.3. Le raisonnement de la cour cantonale ne saurait être suivi. En effet, la limitation de vitesse, circonscrite aux abords du chantier, était en l'occurrence destinée à protéger celui-ci et en particulier les personnes y travaillant. Or, comme l'a déjà relevé le Tribunal fédéral, la présence d'un chantier sur la chaussée doit inciter les conducteurs à une attention et une prudence accrues (cf. arrêt 6B_444/2016 précité consid. 1.3.2). Contrairement aux situations prévalant dans les cas mentionnés par l'autorité précédente (arrêts 6B_109/2008 précité; 6B_622/2009 précité), la chaussée était en l'espèce physiquement entravée - fût-ce sur la voie de circulation inverse - par des travaux, ceux-ci devant par ailleurs laisser prévoir la présence d'ouvriers alentour. L'intimé devait tenir compte de cette présence potentielle, quand bien même - selon l'état de fait de la cour cantonale qui lie le Tribunal fédéral (cf. art. 105 al. 1 LTF) - il n'y avait pas de tiers à la sortie des abords du chantier. En outre, il ressort de l'arrêt attaqué que l'intimé n'a pas accéléré après avoir dépassé le chantier et avant de quitter la zone de limitation de vitesse, mais qu'il l'a fait avant d'atteindre la hauteur de la fin des travaux, de manière à circuler à 81 km/h - marge de sécurité déduite - au moment de quitter cet emplacement. L'excès de vitesse commis par l'intimé aux abords d'un chantier a ainsi été réalisé sans scrupule.  
 
En conséquence, le cas devait être qualifié de grave, tant objectivement que subjectivement, au regard de la jurisprudence précitée (cf. consid. 1.1 supra). On ne voit pas quelle circonstance exceptionnelle aurait permis de considérer que le l'excès de vitesse commis par l'intimé n'aurait pas été grave au sens de l'art. 90 al. 2 LCR. La cour cantonale a donc violé le droit fédéral en condamnant l'intimé sur la base de l'art. 90 al. 1 LCR. Le recours doit être admis sur ce point, l'arrêt attaqué annulé et la cause renvoyée à l'autorité cantonale afin qu'elle condamne l'intimé pour violation grave des règles de la circulation au sens de l'art. 90 al. 2 LCR
 
2.   
Le recours doit être admis. Il n'y a pas lieu d'allouer une indemnité au recourant, qui obtient gain de cause (cf. art. 68 al. 3 LTF). L'intimé, qui a conclu au rejet du recours et qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'500 fr., sont mis à la charge de X.________. 
 
3.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision. 
 
 
Lausanne, le 20 septembre 2018 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Denys 
 
Le Greffier : Graa