Eidgenössisches Versicherungsgericht
Tribunale federale delle assicurazioni
Tribunal federal d'assicuranzas
Cour des assurances sociales
du Tribunal fédéral
Cause {T 7}
U 278/05
Arrêt du 20 octobre 2006
IIe Chambre
Composition
Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Borella et Kernen. Greffier : M. Beauverd
Parties
F.________, recourant, représenté par Me Pierre Seidler, avocat, avenue de la Gare 42, 2800 Delémont,
contre
Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, intimée
Instance précédente
Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Chambre des assurances, Porrentruy
(Jugement du 17 juin 2005)
Faits:
A.
F.________ est assuré obligatoirement contre le risque d'accident auprès de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA).
Le 24 octobre 2003, son employeur a annoncé à la CNA un accident survenu le 14 octobre précédent à l'occasion d'une séance d'acupuncture. Consulté le 20 octobre 2003, le docteur T.________, spécialiste en pneumologie, a fait état d'un pneumothorax gauche iatrogène sur acupuncture (rapport du 3 novembre 2003).
Par lettre du 16 janvier 2004, la CNA a informé l'assuré de son refus d'allouer ses prestations pour l'affection annoncée, motif pris que les circonstances dans lesquelles l'atteinte s'était produite ne constituaient pas un accident au sens de la loi et qu'il ne s'agissait pas d'une faute professionnelle. Cette écriture contenait en outre la mention selon laquelle l'assureur, en cas de demande, rendrait une "décision formelle avec délai de recours".
Par courrier du 19 janvier 2004, Me Seidler, avocat à Delémont, a informé la CNA que l'assuré l'avait chargé de la défense de ses intérêts et il a demandé à consulter le dossier. Celui-ci a été transmis à Me Seidler le 29 janvier 2004, lequel l'a renvoyé à la CNA le 2 février suivant.
Par lettre du 11 février 2004, le docteur T.________ a fait part à la CNA de sa surprise quant à sa position exprimée le 16 janvier 2004 et a exposé son point de vue selon lequel l'assureur-accidents devrait prendre en charge le cas. Au cours d'un entretien téléphonique, le 18 février 2004, un employé de la CNA a expliqué au docteur T.________ les raisons pour lesquelles elle n'avait pas à allouer des prestations.
Par écriture du 28 juin 2004, Me Seidler a contesté le point de vue de la CNA et lui a demandé de "reconsidérer (sa) prise de position (...) et, le cas échéant, (de) rendre une décision formelle avec possibilité (...) de former opposition".
Par décision du 16 août 2004, qualifiée de non susceptible d'être attaquée en justice par les voies de droit ordinaires, la CNA a refusé d'entrer en matière sur la demande de reconsidération de sa position exprimée par sa lettre du 16 janvier 2004, qu'elle considérait comme une décision entrée en force de chose décidée.
Saisie d'une opposition, la CNA l'a rejetée par décision du 7 septembre 2004.
B.
F.________ a recouru contre cette décision devant le Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, en concluant au renvoi de la cause à la CNA pour qu'elle alloue ses prestations.
La juridiction cantonale a rejeté le recours par jugement du 17 juin 2005.
C.
F.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement, dont il requiert l'annulation, en reprenant, sous suite de frais et dépens, ses conclusions formulées en instance cantonale.
La CNA conclut au rejet du recours. De son côté, l'Office fédéral de la santé publique a renoncé à présenter des déterminations.
Considérant en droit:
1.
Le litige porte sur le point de savoir si la CNA était fondée à refuser d'entrer en matière sur la demande de l'assuré tendant à la révocation de son refus d'allouer ses prestations pour le trouble allégué.
La décision litigieuse n'ayant pas pour objet l'octroi ou le refus de prestations d'assurance, le Tribunal fédéral des assurances doit se borner à examiner si les premiers juges ont violé le droit fédéral, y compris par l'excès ou par l'abus de leur pouvoir d'appréciation, ou si les faits pertinents ont été constatés d'une manière manifestement inexacte ou incomplète, ou s'ils ont été établis au mépris de règles essentielles de procédure (art. 132 en corrélation avec les art. 104 let. a et b et 105 al. 2 OJ ).
2.
2.1 Selon l'art. 49 LPGA, l'assureur doit rendre par écrit les décisions qui portent sur des prestations, créances ou injonctions importantes ou avec lesquelles l'intéressé n'est pas d'accord (al. 1). Les décisions indiquent les voies de droit. Elles doivent être motivées si elles ne font pas entièrement droit aux demandes des parties. La notification irrégulière d'une décision ne doit entraîner aucun préjudice pour l'intéressé (al. 3).
2.2 Par sa décision du 16 août 2004, confirmée par décision sur opposition du 7 septembre suivant, l'intimée a refusé d'entrer en matière sur la demande de reconsidération de sa "décision" du 16 janvier 2004, par laquelle elle avait refusé d'allouer ses prestations pour l'affection annoncée le 24 octobre 2003. Elle a considéré que cette dernière "décision" était entrée en force - à défaut d'une opposition formée en temps utile - et qu'en vertu de l'art. 53 al. 2 LPGA, elle n'était pas tenue de reconsidérer sa position.
De son côté, la juridiction cantonale a considéré que la "décision" de la CNA du 16 janvier 2004 contenait l'information selon laquelle une décision formelle avec indications des voies de recours serait établie sur demande. Aussi, appartenait-il à l'assuré, représenté par un mandataire professionnel, de solliciter une décision formelle dans un délai raisonnable qui ne saurait, compte tenu des circonstances, être supérieur à trente jours. En n'agissant que le 28 juin 2004, soit quelque cinq mois après avoir demandé à consulter le dossier, l'intéressé a contrevenu aux règles de la bonne foi, de sorte que la "décision non formelle du 16 janvier 2004" est entrée en force et que, partant, la CNA était fondée à refuser de rendre une décision formelle.
3.
3.1 En vertu de l'art. 49 al. 1 LPGA, l'assureur est tenu dans tous les cas de rendre par écrit les décisions qui portent sur des prestations importantes. En revanche, en ce qui concerne les autres prestations, l'assureur ne doit rendre une décision écrite que si l'intéressé n'est pas d'accord avec sa position (Ueli Kieser, ATSG-Kommentar: Kommentar zum Bundesgesetz über den Allgemeinen Teil des Sozialversicherungsrechts vom 6. Oktober 2000, Zurich 2003, n. 8 et 9 ad art. 49). Aussi, dans les cas portant sur des prestations qui ne sauraient être qualifiées d'importantes, appartient-il à l'assureur, en vertu de son obligation de conseil prescrite à l'art. 27 al. 2 LPGA, d'informer l'intéressé qu'il lui est loisible, en cas de désaccord, de réclamer une décision écrite. A cet effet, l'assuré doit agir dans un délai raisonnable, conformément aux règles de la bonne foi et aux principes de sécurité du droit (ATF 122 V 369 consid. 3; Ueli Kieser, op. cit. n. 10 ad art. 49).
Sans avoir voulu modifier en profondeur le système qui existait jusque-là, le législateur a cependant consacré avec l'art. 49 al.1 LPGA le principe de la décision administrative comme règlement des rapports de droit entre l'assureur et son assuré; celle-ci s'impose d'entrée de cause lorsque le droit à des prestations importantes est en jeu. Ainsi, l'assureur-accidents ne peut-il signifier à l'assuré la fin du droit aux prestations pour les suites d'un accident assuré qu'au moyen d'une décision formelle (arrêt G. du 7 septembre 2006, U 62/06, prévu pour la publication dans le Recueil officiel).
3.2 En l'espèce, le docteur T.________ a posé le diagnostic de pneumothorax gauche iatrogène. Il a proposé un drainage thoracique et attesté une incapacité de travail entière du 15 octobre au 2 novembre 2003, puis de 75 % à partir du 3 novembre suivant. Cela étant, les prestations que l'intimée pourrait être appelée à allouer doivent être qualifiées d'importantes au sens de l'art. 49 al. 1 LPGA (sur ce point, cf. Ueli Kieser, op. cit., n. 8 ad art. 49). Aussi, saisie d'une demande de prestations, la CNA était-elle tenue, en vertu de cette disposition légale, de rendre par écrit une décision au sujet desdites prestations, sans exiger que l'intéressé manifestât son désaccord et demandât de rendre une décision formelle indiquant les voies de droit.
Or, il est incontestable que la lettre de la CNA du 16 janvier 2004 ne satisfait pas aux exigences posées à l'art. 49 al. 3 LPGA, du moment que cette écriture n'indique pas les voies de droit et que la motivation du refus de prestations apparaît pour le moins laconique. C'est pourquoi on ne saurait partager le point de vue de l'intimée, selon lequel cette écriture constitue une décision de refus de prestations entrée en force, qui ne pourrait être révoquée qu'aux conditions de la reconsidération. La décision du 16 août 2004, confirmée sur opposition le 7 septembre suivant, de refus d'entrer en matière sur la demande de l'assuré n'est dès lors pas conforme au droit.
Au demeurant, il est incontestable que le recourant n'a jamais retiré la demande de prestations dont il avait saisi l'intimée. Le fait qu'à l'issue de son intervention du 26 janvier 2004, l'assuré semble - aux termes du jugement cantonal - avoir compris la position de la CNA, ne saurait être assimilé, en effet, à un retrait de la demande, pas plus d'ailleurs que l'intervention du docteur T.________ qui n'agissait ni au nom ni pour le compte de l'assuré. Cela étant, saisie, le 7 décembre 2004, d'un recours dirigé contre le refus de la CNA d'entrer en matière, la juridiction cantonale devait le considérer comme un recours au sens de l'art. 56 al. 2 LPGA, formé contre le refus de l'assureur-accidents de rendre une décision répondant aux exigences posées à l' art. 49 al. 1 et 3 LPGA , en dépit de la demande adressée le 28 juin 2004.
Selon la jurisprudence (SVR 2001 KV n. 38), qui a gardé sa valeur sous l'empire de la LPGA (Ueli Kieser, op. cit., n. 12 ad art. 56), une autorité judiciaire qui admet un recours formé contre un refus de statuer ne doit pas examiner l'affaire au fond mais doit renvoyer la cause à l'administration. En l'occurrence, il convient, par économie de procédure, de renvoyer directement la cause à l'intimée pour qu'elle rende une décision conforme aux exigences de l' art. 49 al. 1 et 3 LPGA sur le droit éventuel du recourant à des prestations de l'assurance-accidents pour l'affection annoncée le 24 octobre 2003.
4.
Vu la nature du litige, la procédure est onéreuse (art. 134 OJ a contrario). Succombant, l'intimée supportera les frais de justice (art. 156 OJ). Elle versera en outre une indemnité de dépens au recourant, qui obtient gain de cause (art. 159 al. 1 OJ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:
1.
Le recours est admis en ce sens que le jugement du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura du 17 juin 2005, ainsi que la décision sur opposition de la CNA du 7 septembre 2004 sont annulés, la cause étant renvoyée à la CNA pour qu'elle statue à nouveau en procédant conformément aux considérants.
2.
Les frais de justice, d'un montant de 500 fr., sont mis à la charge de l'intimée. L'avance de frais versée par le recourant, d'un montant de 500 fr., lui est restituée.
3.
L'intimée versera au recourant une indemnité de 1'500 fr. (y compris la taxe sur la valeur ajoutée) à titre de dépens pour l'ensemble de la procédure.
4.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Chambre des assurances, et à l'Office fédéral de la santé publique.
Lucerne, le 20 octobre 2006
Au nom du Tribunal fédéral des assurances
La Présidente de la IIe Chambre: Le Greffier: