Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
6B_456/2022
Arrêt du 20 octobre 2022
Cour de droit pénal
Composition
M. et Mmes les Juges fédéraux
Denys, Juge présidant, van de Graaf et Koch.
Greffier : M. Tinguely.
Participants à la procédure
A.A.________,
représenté par Me Hrant Hovagemyan, avocat,
recourant,
contre
Ministère public de la République et canton de Genève,
route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy,
intimé.
Objet
Ordonnance de non-entrée en matière (tentative d'extorsion; chantage, etc.),
recours contre l'arrêt de la Cour de justice
de la République et canton de Genève,
Chambre pénale de recours, du 1er mars 2022
(P/20086/2018 ACPR/135/2022).
Faits :
A.
Le 11 octobre 2018, A.A.________, domicilié à U.________ (GE), a déposé une plainte pénale contre son frère B.A.________, domicilié aux États-Unis d'Amérique, auprès du Ministère public de la République et canton de Genève pour tentative d'extorsion et chantage (art. 156 CP), voire de contrainte (art. 181 CP).
En substance, A.A.________ reprochait à B.A.________, dans le cadre du partage de la succession de leur père et de leur mère, décédés respectivement les 17 janvier 2017 et 28 janvier 2018, d'avoir tenu des propos menaçants et fallacieux à son égard ainsi qu'à celui de leur frère C.A.________ et de leur soeur D.A.________, dans le but d'obtenir une part successorale supérieure à celle à laquelle il pouvait légalement prétendre.
B.A.________ se serait ainsi d'abord opposé à la délivrance du certificat d'héritiers de feu leur père, prétendant qu'en tant que fils aîné de la fratrie, il devait hériter de la totalité de la succession, conformément à la "loi islamique". Il se serait par ailleurs opposé à ce que les frais médicaux de leur mère, alors gravement malade, fussent acquittés sur les avoirs de la succession, contraignant le plaignant à demander l'instauration d'une administration d'office de la succession auprès de la Justice de paix. Puis, à la suite du décès de leur mère, B.A.________ aurait une nouvelle fois fait obstacle à la délivrance du certificat d'héritiers, émettant cette fois-ci des doutes au sujet de la réalité du décès.
Entre mai et septembre 2018, B.A.________ aurait adressé plusieurs courriels au conseil du plaignant, aux termes desquels il refusait d'admettre que sa part légale représentait un quart de la succession de leurs défunts parents et tenait des propos calomnieux et menaçants. Tentant d'obtenir davantage que sa part successorale, B.A.________ l'aurait menacé, lui le plaignant, ainsi que les autres membres de l'hoirie du dépôt de plaintes pénales pour fraude fiscale et blanchiment d'argent, s'ils ne lui proposaient pas un accord satisfaisant.
B.
Par ordonnance du 8 décembre 2021, le ministère public a refusé d'entrer en matière sur la plainte du 11 octobre 2018.
Par arrêt du 1er mars 2022, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice genevoise a rejeté, dans la mesure de sa recevabilité, le recours que A.A.________ avait interjeté contre l'ordonnance du 8 décembre 2021.
C.
A.A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 1er mars 2022. Il conclut, avec suite de frais et dépens, principalement à sa réforme en ce sens qu'il est enjoint au ministère public d'instruire les faits dénoncés dans la plainte du 11 octobre 2018. Subsidiairement, il conclut à l'annulation de l'arrêt et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision.
Considérant en droit :
1.
1.1. Selon l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 5 LTF, la partie plaignante qui a participé à la procédure de dernière instance cantonale est habilitée à recourir au Tribunal fédéral, si la décision attaquée peut avoir des effets sur le jugement de ses prétentions civiles. Constituent de telles prétentions celles qui sont fondées sur le droit civil et doivent en conséquence être déduites ordinairement devant les tribunaux civils. Il s'agit principalement des prétentions en réparation du dommage et du tort moral au sens des art. 41 ss CO.
En vertu de l'art. 42 al. 1 LTF, il incombe à la partie recourante d'alléguer les faits qu'elle considère comme propres à fonder sa qualité pour recourir. Lorsque le recours est dirigé contre une décision de non-entrée en matière ou de classement de l'action pénale, la partie plaignante n'a pas nécessairement déjà pris des conclusions civiles. Quand bien même la partie plaignante aurait déjà déclaré des conclusions civiles (cf. art. 119 al. 2 let. b CPP), il n'en reste pas moins que le procureur qui refuse d'entrer en matière ou prononce un classement n'a pas à statuer sur l'aspect civil (cf. art. 320 al. 3 CPP). Dans tous les cas, il incombe par conséquent à la partie plaignante d'expliquer dans son mémoire au Tribunal fédéral quelles prétentions civiles elle entend faire valoir contre l'intimé. Comme il n'appartient pas à la partie plaignante de se substituer au ministère public ou d'assouvir une soif de vengeance, la jurisprudence entend se montrer restrictive et stricte, de sorte que le Tribunal fédéral n'entre en matière que s'il ressort de façon suffisamment précise de la motivation du recours que les conditions précitées sont réalisées, à moins que l'on puisse le déduire directement et sans ambiguïté compte tenu notamment de la nature de l'infraction alléguée (ATF 141 IV 1 consid. 1.1).
1.2. En l'espèce, le recourant soutient que les actes d'obstruction menés par son frère B.A.________, tels que décrits dans la plainte du 11 octobre 2018, l'ont empêché, entre le 11 mars 2017 et le 3 février 2022, de disposer et de faire fructifier la part de la succession qui lui revenait. Il explique, en d'autres termes, qu'en raison du blocage opéré par son frère, il n'avait pas eu d'autre choix que d'attendre que l'action en partage, introduite le 29 juin 2018 auprès du Tribunal de première instance, fît l'objet d'un jugement - ce qui a été le cas le 29 octobre 2021 -, puis, une fois ce jugement entré en force, que les premiers actes de partage fussent réalisés, l'amenant ainsi à devoir renoncer à un retour sur investissement de sa part successorale qu'il estime à au moins 5 % l'an, compte tenu de son expérience professionnelle dans le domaine bancaire.
Le dommage subi correspondrait dès lors à l'intérêt compensatoire, calculé à raison de 5 % l'an pour la période du 11 mars 2017 au 3 février 2022, sur la part de succession qui lui est finalement revenue (5'079'315 fr. 19). Selon les calculs du recourant, son dommage s'élèverait ainsi à 1'243'021 fr. 30.
1.3. A l'appui de sa plainte du 11 octobre 2018, le recourant avait produit une copie de la demande qu'il avait adressée le 29 juin 2018 au Tribunal de première instance, conjointement avec son frère C.A.________ et sa soeur D.A.________ (action en partage; art. 604 CC). Il en ressort que, dans ce cadre, les demandeurs avaient notamment pris les conclusions suivantes:
" 2.4 Dire et constater que l'attitude du défendeur [ndr: B.A.________] après le décès de ses père et mère a abouti au blocage du partage.
2.4.1 Dire et constater de surcroît que l'opposition du défendeur est de mauvaise foi et téméraire, que le défendeur est animé de desseins de vengeance et qu'il a pour seul but de porter dommage à ses frères et soeur ainsi qu'à la masse successorale.
2.4.2 Dire par conséquent que la part de M. B.A.________ est imputée du dommage qu'il a causé à ses frères et soeur, et notamment imputée des éléments de dommage suivants:
a) d'intérêts compensatoires en faveur des demandeurs au taux de l'intérêt moratoire de l'art. 105 CO (5 % l'an) sur les trois quarts de la masse successorale depuis le 18 janvier 2017 et ce jusqu'au partage effectif;
b) de l'intérêt négatif prélevé par les banques sur les dépôts en espèces de la masse successorale;
c) de l'intérêt hypothécaire sur les biens immobiliers de la masse successorale;
d) de tous les frais et honoraires engendrés par l'administration d'office des successions de [leur père et de leur mère];
e) des frais et dépens mis à leur charge dans la présente procédure;
f) de dommages-intérêts en faveur de M. A.A.________ et Mme D.A.________ pour la dénonciation calomnieuse dont ils ont fait l'objet de la part de M. B.A.________;
g) de tous autres dommages consécutifs à la perte d'opportunité de vendre les biens immobiliers de la masse successorale ".
Dans son recours en matière pénale, le recourant n'apporte aucune précision sur le sort qui a été réservé aux conclusions qu'il avait prises auprès de la juridiction civile, lors même que les prétentions en cause se recoupent manifestement avec celles qu'il entend faire valoir par voie d'adhésion à la procédure pénale. C'est le lieu de rappeler qu'en tout état, la partie plaignante n'est pas habilitée à recourir en matière pénale lorsque ses prétentions civiles sont traitées dans une procédure civile parallèle (cf. art. 59 al. 2 let. d CPC; cf. arrêts 6B_413/2022 du 5 octobre 2022 consid. 2.3.1; 6B_1025/2021 du 2 mai 2022 consid. 1.2; 6B_1285/2019 du 22 décembre 2020 consid. 2.4.2). La qualité pour recourir doit également être déniée lorsque les prétentions civiles font déjà l'objet d'un jugement entré en force (cf. art. 59 al. 2 let. e CPC; cf. arrêt 6B_92/2019 du 21 mars 2019 consid. 4; CHRISTIAN DENYS, in: Commentaire de la LTF, 3e éd., 2022, n° 60 ad art. 81 LTF). Au demeurant, le recourant ne prétend avoir retiré ou modifié les prétentions qu'il avait fait valoir auprès de la juridiction civile avant que cette dernière rende son jugement du 29 octobre 2021, ni, le cas échéant, qu'au regard de l'art. 65 CPC, les conditions d'une réintroduction de la demande seraient réunies en l'espèce.
Ainsi, à défaut pour le recourant d'avoir suffisamment exposé en quoi consistaient ses prétentions civiles, le recours est irrecevable sur le fond.
2.
L'hypothèse visée à l'art. 81 al. 1 let. b ch. 6 LTF n'entre pas en considération, dès lors que le recourant ne soulève aucun grief concernant son droit de porter plainte.
3.
Indépendamment des conditions posées par l'art. 81 al. 1 LTF, la partie recourante est aussi habilitée à se plaindre d'une violation de ses droits de partie équivalant à un déni de justice formel, sans toutefois pouvoir faire valoir par ce biais, même indirectement, des moyens qui ne peuvent être séparés du fond (ATF 141 IV 1 consid. 1.1 et les références citées). Elle peut ainsi invoquer la violation de règles de procédure destinées à sa protection. Par exemple, elle peut faire valoir que son recours a été déclaré à tort irrecevable, qu'elle n'a pas été entendue, qu'on ne lui a pas donné l'occasion de présenter ses moyens de preuve ou qu'elle n'a pas pu prendre connaissance du dossier (ATF 121 IV 317 consid. 3b; arrêts 6B_382/2022 du 12 septembre 2022 consid. 2; 6B_996/2020 du 2 février 2021 consid. 2.1).
3.1. Le recourant fait valoir, par deux griefs distincts, que l'arrêt entrepris ne répond pas aux exigences de motivation déduites de l'art. 112 al. 1 let. b LTF, ni aux garanties constitutionnelles relatives au droit d'être entendu, la cour cantonale n'étant selon lui jamais entrée concrètement dans les détails des moyens qu'il avait développés en instance cantonale, ce qui équivaudrait à un déni de justice formel (art. 29 al. 1 Cst.) et l'aurait empêché de recourir utilement (art. 29 al. 2 Cst.).
Ce faisant, le recourant ne précise toutefois pas quels sont les griefs formels sur lesquels la cour cantonale aurait omis de se prononcer, mais s'en prend uniquement à l'état de fait retenu dans l'arrêt attaqué, qui serait selon lui incomplet et erroné, en tant qu'il ne correspondrait pas à celui qui aurait dû être déduit des moyens de preuve qu'il avait proposés. Il apparaît ainsi que, sous couvert de prétendues violations de ses droits de partie, le recourant s'attache en réalité à vouloir obtenir que l'état de fait soit étoffé, invoquant par là des moyens exclusivement en lien avec le fond du litige, d'une manière irrecevable.
En tout état, il est observé que la décision attaquée expose notamment les faits qui devaient être tenus pour pertinents (cf. arrêt attaqué, ad "En fait", let. B p. 2 ss), les conclusions et les griefs invoqués par le recourant (cf. arrêt attaqué, let. D p. 7 s.), les motifs justifiant le rejet de son grief relatif à une violation de son droit d'être entendu par le ministère public (cf. arrêt attaqué, consid. 3 p. 10) ainsi que, sur trois pages en l'occurrence, les déductions juridiques qui sont tirées de l'état de fait déterminant (cf. arrêt attaqué, consid. 5 p. 11 ss), cela conformément aux exigences fixées à l'art. 112 al. 1 let. b LTF (cf. ATF 141 IV 244 consid. 1.2.1; 135 II 145 consid. 8.2).
3.2. Le recourant ne présente au surplus, quant à des violations de leurs droits de parties, aucun grief répondant aux exigences de motivation déduites des art. 42 al. 2 et 106 al. 2 LTF.
4.
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Le recourant, qui succombe, supporte les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours.
Lausanne, le 20 octobre 2022
Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Juge présidant : Denys
Le Greffier : Tinguely