Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
6B_981/2022
Arrêt du 20 octobre 2022
Cour de droit pénal
Composition
Mme et MM. les Juges fédéraux
Denys, Juge présidant, Muschietti et Koch.
Greffière : Mme Kistler Vianin.
Participants à la procédure
A.________,
recourant,
contre
Ministère public central du canton de Vaud,
avenue de Longemalle 1, 1020 Renens VD,
intimé.
Objet
Ordonnance de classement; indemnité,
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale, du 16 mai 2022
(n° 344 PE20.014751-JON).
Faits :
A.
Par ordonnance du 13 décembre 2021, le Ministère public de l'arrondissement de Lausanne a prononcé le classement de la procédure pénale dirigée contre A.________ pour viol, subsidiairement actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance. Il a alloué à A.________, à la charge de l'Etat, une indemnité de 2'299 fr. 60 (1'789 fr. 60 pour ses frais d'avocat plus 510 fr. de tort moral), valeur échue, et a rejeté toute autre indemnité fondée sur l'art. 429 CPP.
B.
Par arrêt du 16 mai 2022, la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal vaudois a admis partiellement le recours formé par A.________. Elle a réformé l'ordonnance attaquée en ce sens qu'elle a alloué au recourant une indemnité au sens de l'art. 429 CPP de 4'789 fr. 60 (1'789 fr. 60 pour ses frais d'avocat plus 3'000 fr. de tort moral), valeur échue, à la charge de l'État.
C.
Contre l'arrêt attaqué, A.________ dépose un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral. Il conclut, principalement, à la réforme de l'arrêt attaqué en ce sens qu'il lui est alloué une indemnité de 31'789 fr. 60 (30'000 fr. de tort moral et 1'789 fr. 60 à titre de frais de défense). A titre subsidiaire, il requiert l'annulation de l'arrêt attaqué et le renvoi de la cause à la cour cantonale pour une nouvelle décision dans le sens des considérants. En outre, il sollicite l'assistance judiciaire.
Considérant en droit :
1.
Le recourant critique le montant qui lui a été octroyé à titre d'indemnité pour la réparation du tort moral subi en raison d'une atteinte particulièrement grave à sa personnalité (cf. art. 429 al. 1 let. c CPP). Il dispose sous cet angle d'un intérêt juridique à l'annulation de l'arrêt attaqué et a la qualité pour recourir en tant que prévenu en vertu de l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 1 LTF (cf. ATF 147 IV 47 consid. 4.1; 139 IV 206 consid. 1; arrêt 6B_230/2021 du 17 novembre 2021 consid. 1 et les arrêts cités).
2.
Le recourant a déposé un mémoire de recours complémentaire le 21 septembre 2022. Déposé après l'échéance du délai de recours, celui-ci est irrecevable.
3.
Le recourant critique le montant de l'indemnité qui lui a été allouée pour la réparation du tort moral qu'il a subi en raison de la procédure menée contre lui.
3.1. Aux termes de l'art. 429 al. 1 let. c CPP, si le prévenu est acquitté totalement ou partiellement ou s'il bénéficie d'une ordonnance de classement, il a droit à la réparation du tort moral subi en raison d'une atteinte particulièrement grave à sa personnalité, notamment en cas de privation de liberté.
Pour justifier un droit à l'indemnité visée par l'art. 429 al. 1 let. c CPP, l'intensité de l'atteinte à la personnalité doit être analogue à celle requise dans le contexte de l'art. 49 CO (ATF 143 IV 339 consid. 3.1). L'indemnité pour tort moral sera régulièrement allouée si le prévenu s'est trouvé en détention provisoire ou en détention pour des motifs de sûreté. Outre la détention, peuvent constituer une grave atteinte à la personnalité, par exemple, une arrestation ou une perquisition menée en public ou avec un fort retentissement médiatique, une durée très longue de la procédure ou une importante exposition dans les médias, ainsi que les conséquences familiales, professionnelles ou politiques d'une procédure pénale, de même que les assertions attentatoires aux droits de la personnalité qui pourraient être diffusées par les autorités pénales en cours d'enquête. En revanche, il n'y a pas lieu de prendre en compte les désagréments inhérents à toute poursuite pénale comme la charge psychique que celle-ci est censée entraîner normalement chez une personne mise en cause (ATF 143 IV 339 consid. 3.1; arrêts 6B_571/2021 du 24 novembre 2021 consid. 2.1; 6B_1220/2020 du 1er juillet 2021 consid. 3.1).
La fixation de l'indemnité pour tort moral procède pour une part importante de l'appréciation des circonstances, et l'autorité compétente bénéficie d'un large pouvoir d'appréciation en la matière. Le Tribunal fédéral n'intervient que si cette dernière a mésusé de son pouvoir d'appréciation, en se fondant sur des considérations étrangères à la disposition applicable, en omettant de tenir compte d'éléments pertinents ou encore en fixant une indemnité inéquitable parce que manifestement trop faible ou trop élevée (ATF 143 IV 339 consid. 3.1 p. 342).
3.2. Alors que le tribunal de première instance avait fixé l'indemnité pour la réparation du tort moral à 510 fr., la cour cantonale en a augmenté le montant à 3'000 francs. Elle a tenu compte de la longueur de la procédure, de la gravité et du caractère dégradant des faits reprochés (qui pouvaient entraîner une peine importante de détention doublée d'une mesure d'expulsion), ainsi que des mesures d'instruction prises durant l'enquête (surveillance rétroactive du téléphone du recourant, perquisition à son domicile, interrogatoire de la police, examen capillaire). Elle a insisté sur le fait que l'enquête avait conduit à une importante ingérence dans la sphère intime du recourant; en effet, pour se disculper, il avait dû parler de sa maladie psychique, mais également de son homosexualité et de ses problèmes d'érection; en outre, la police avait consulté son téléphone, ses photos et vidéos privées, voire intimes. Elle a admis, en outre, que la perquisition au domicile du recourant avait provoqué chez celui-ci une souffrance particulière en raison de son état psychique fragile et qu'une indemnisation plus importante se justifiait à ce titre; elle a en revanche nié un lien direct entre la perquisition et l'hospitalisation du recourant (cette dernière étant liée avant tout à son passé, à sa maladie psychique et également à une médication moins efficace). Enfin, si elle a constaté que les trois mèches qui avaient été coupées pour les recherches de traces de stupéfiants avaient causé un trou sur la tête du recourant, qui avait été source de questions de son entourage, elle a considéré que cette atteinte n'était que passagère et qu'elle ne constituait pas une atteinte grave à sa personnalité qui justifiait une indemnisation.
3.3. Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir nié qu'un lien direct existait entre la perquisition de son domicile et son hospitalisation subséquente.
Selon l'attestation du 16 mars 2021 de la Fondation C.________, le diagnostic principal d'état de stress post-traumatique et le diagnostic secondaire de schizophrénie paranoïde ont été posés lors de l'hospitalisation du recourant. Il est mentionné que celui-ci a été victime d'une agression et que la police s'est présentée à son domicile très tôt le matin, des témoignages l'accusant de trafic de drogue. Il y est indiqué « Bien que rien n'ait été trouvé chez lui, le patient apparaît traumatisé par cet épisode. Il reste la plupart du temps reclus dans son appartement, verbalise des idées délirantes de persécution (des caméras auraient été posées un peu partout chez lui et il a le sentiment que les gens le surveillent quant il sort). Bien que M. A.________ dit prendre son traitement, il y aurait des doutes concernant la surveillance ». Il ressort par ailleurs de ce rapport que le passage à tabac et la perquisition ont réactivé un vécu traumatique de maltraitance au cours d'une peine de prison s'étant déroulée à U.________. Se fondant sur ce rapport, la cour cantonale a considéré qu'« on ne saurait faire un lien direct entre la perquisition et l'hospitalisation tant cette dernière est liée au passé du recourant et à sa maladie psychique, et également à une médication moins efficace » (arrêt attaqué p. 7).
La cour cantonale n'a pas contesté que la perquisition du domicile du recourant était l'un des éléments ayant entraîné son hospitalisation (lien de causalité naturelle). Elle a en revanche à juste titre nié tout lien de causalité adéquate. En effet, la perquisition du domicile du recourant n'était pas propre, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience générale de la vie, à entraîner son hospitalisation. Ce sont le passé du recourant, sa maladie psychique, la médication moins efficace et l'agression subie qui sont les causes les plus immédiates de l'hospitalisation, le rôle de la perquisition étant relégué à l'arrière-plan. A défaut de rapport de causalité adéquate entre la perquisition et l'hospitalisation, il n'y avait pas lieu d'indemniser le recourant en raison de son hospitalisation. Dans tous les cas, on peut relever que la cour cantonale a toutefois tenu compte de manière indirecte de l'hospitalisation du recourant dans la fixation du montant de l'indemnité, considérant que « la perquisition avait provoqué chez le recourant une souffrance particulière en raison de son état psychique fragile, qui avait entraîné une hospitalisation » et qu'elle a fixé en conséquence une indemnisation plus importante (arrêt attaqué p. 7).
3.4. Le recourant fait grief à la cour cantonale de ne pas avoir retenu que l'examen capillaire dont il a fait l'objet, qui constituait une mesure de contrainte, avait porté une atteinte grave à sa personnalité. Il expose que cet examen, qui avait été ordonné malgré le fait qu'il avait prouvé son innocence, a eu comme conséquence que les questions de son entourage lui ont causé une véritable souffrance.
Le trou dans la chevelure du recourant n'a été que passager. Il a certes été source de questions de son entourage, ce qui a créé une certaine souffrance chez le recourant. Cet élément n'est toutefois pas suffisant pour retenir une atteinte grave à sa personnalité. C'est en conséquence à juste titre que la cour cantonale a refusé d'indemniser le recourant pour cette atteinte.
3.5. En définitive, la cour cantonale n'a pas omis de tenir compte d'éléments pertinents pour fixer l'indemnité pour le tort moral. Compte tenu de l'ensemble des circonstances mentionnées ci-dessus, le montant de 3'000 fr. est adéquat. Les griefs soulevés doivent donc être rejetés.
4.
Le recours doit être rejeté.
Comme ses conclusions étaient vouées à l'échec, l'assistance judiciaire ne peut être accordée (art. 64 al. 1 LTF). Le recourant devra donc supporter les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF), dont le montant sera toutefois fixé en tenant compte de sa situation financière.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'200 fr., sont mis à la charge du recourant.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale.
Lausanne, le 20 octobre 2022
Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Juge présidant : Denys
La Greffière : Kistler Vianin