Eidgenössisches Versicherungsgericht
Tribunale federale delle assicurazioni
Tribunal federal d'assicuranzas
Cour des assurances sociales
du Tribunal fédéral
Cause
{T 7}
I 491/03
Arrêt du 20 novembre 2003
IIe Chambre
Composition
MM. les Juges Schön, Président, Ursprung et Frésard. Greffière : Mme Piquerez
Parties
Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue Général-Guisan 8, 1800 Vevey, recourant,
contre
E.________, intimé, représenté par Me Laurent Damond, avocat, avenue du Tribunal-Fédéral 3, 1005 Lausanne
Instance précédente
Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne
(Jugement du 22 mai 2003)
Faits:
A.
A.a E.________, né en 1958, travailla en Suisse de 1988 jusqu'au 21 décembre 1994 comme ferrailleur en bâtiment. Souffrant de lombo-sciatalgies droites à la suite d'une hémilaminectomie inférieure de L4 et d'une laminectomie de L5 droite pour sténose ostéo-médiane et latérale L5-S1, il adressa une demande de prestations de l'assurance-invalidité à l'Agence communale d'assurances sociales de C.________ le 29 janvier 1996.
Dans un rapport du 12 mars 1996, le docteur Y.________, médecin traitant, recommandait un reclassement professionnel dans une activité physique, de préférence assise. Dans le cadre de l'instruction de la cause, E.________ suivit un stage d'observation professionnelle au COPAI à W.________. Ce stage a été interrompu prématurément, en raison de la dégradation de l'état de santé de l'intéressé durant la période d'observation. Tant le directeur du centre (rapport du 22 juillet 1997) que le médecin-conseil (rapport du 1er septembre 1997) constataient que l'assuré était très limité sur le plan fonctionnel et qu'il ne disposait plus d'aucune capacité de travail dans le circuit économique. Le médecin traitant se prononça à nouveau dans un rapport du 1er décembre 1997; il y indiquait, suivant l'avis du docteur A.________, spécialiste en neuro-chirurgie, qu'une activité sédentaire à 50 % était envisageable pour tester les capacités professionnelles du patient. L'Office AI pour le canton de Vaud (l'office) soumit encore E.________ à une expertise psychiatrique. Les médecins mandatés diagnostiquèrent une décompensation dépressive sévère avec symptômes psychotiques dans le cadre d'une probable évolution psychotique et conclurent à une capacité de travail nulle dans toute activité (rapport des docteurs V.________ et G.________ du 17 mars 1999).
Dès le 1er décembre 1995, l'assuré fut mis au bénéfice d'une rente entière d'invalidité en relation avec une incapacité de gain de 100 %, assortie d'une rente complémentaire pour conjoint et de rentes pour enfants, par décisions de l'office du 23 septembre 1999.
A.b Procédant à la révision du droit à la rente, l'office a soumis l'assuré à une expertise réalisée par le docteur S.________, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie. Ce médecin a diagnostiqué un épisode dépressif majeur chronique d'intensité légère à moyenne, un trouble douloureux associé à la fois à des facteurs psychologiques et à une affection médicale générale chronique, ainsi qu'un status post cure de hernie discale dorsale. Il a conclu à une capacité de travail de 50 % dans tout type d'activité (rapport du 1er mai 2001). Par décision du 14 mai 2002, l'office a remplacé la rente entière d'invalidité par une demi-rente avec effet au 1er juillet 2002, au motif que l'assuré était à nouveau en mesure d'exercer une activité lucrative adaptée à son état de santé à un taux de 50 %.
B.
Par jugement du 22 mai 2003, le Tribunal des assurances du canton de Vaud a admis le recours formé par E.________ contre cette décision et réformé la décision de révision de l'office en ce sens que le droit à la rente entière d'invalidité a été maintenu au-delà du 30 juin 2002.
C.
L'office interjette recours de droit administratif contre le jugement précité. Il conclut à son annulation et à la confirmation de sa décision du 14 mai 2002.
L'assuré conclut au rejet du recours, cependant que l'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à déposer des déterminations.
Considérant en droit:
1.
Les premiers juges ont correctement exposé les règles légales et les principes jurisprudentiels applicables en matière de révision du droit à la rente d'invalidité, de sorte qu'il suffit de renvoyer à leur jugement.
On y ajoutera que la loi fédérale sur la partie générale des assurances sociales (LPGA), du 6 octobre 2000, entrée en vigueur le 1er janvier 2003, n'est pas applicable au cas d'espèce, dès lors que le juge des assurances sociales n'a pas à prendre en considération les modifications du droit ou de l'état de fait postérieures à la décision litigieuse du 14 mai 2002 (ATF 127 V 467 consid. 1, 121 V 366 consid. 1b).
2.
2.1 En l'espèce, les premiers juges ont admis, en se référant au rapport des docteurs V.________ et G.________, qu'au moment de l'octroi de la rente, l'incapacité de travail de l'intimé était totale pour des motifs d'ordre psychique. Ils ont par ailleurs retenu que les tests psychologiques menés par l'expert psychiatre dans le cadre de la procédure de révision faisaient état d'une désorganisation de la personnalité de l'assuré et que ce médecin, dans le doute, préférait se rallier à l'avis de ses confrères somaticiens pour fixer l'incapacité de travail. Enfin, ils ont également pris en considération les avis des docteurs G.________ (certificat du 3 avril 2002) et Y.________ (rapport du 27 mars 2002), qui font état d'une aggravation de l'état de santé de l'intéressé, ainsi que les conclusions de l'expertise privée confiée au docteur X.________, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, et à la psychologue Z.________ (rapport du 22 octobre 2002). Ces derniers attestent une incapacité totale de travail pour des raisons psychiatriques. Les juges cantonaux ont déduit de l'ensemble de cette documentation qu'une amélioration de l'état de santé de l'intimé entre le moment de la décision initiale d'octroi d'une rente entière d'invalidité et celui de la décision litigieuse n'était pas établie. Par ailleurs, ils ont estimé que, dans la mesure où la décision initiale n'était pas manifestement mal fondée, la réduction de la rente par voie de reconsidération n'entrait pas en ligne de compte.
Dans son recours de droit administratif, l'office recourant s'attache à démontrer que l'expertise du docteur S.________ remplit les conditions requises par la jurisprudence pour que l'on puisse lui accorder pleine valeur probante.
2.2 Que l'intimé ait souffert, au moment de l'octroi de la rente d'invalidité, et souffre encore de troubles d'ordre psychiatrique n'est pas contestable. A l'époque de la décision initiale, les docteurs V.________ et G.________ avaient posé le diagnostic de décompensation dépressive sévère avec symptômes psychotiques dans le cadre d'une probable évolution psychotique; ils avaient conclu à une incapacité totale de travail en raison de cette affection. Le docteur S.________, qui s'est prononcé dans le cadre de la procédure de révision, estime que l'intimé souffre d'un épisode dépressif majeur d'intensité légère à moyenne, sans symptôme psychotique, ainsi que d'un trouble douloureux. Il fixe la capacité de travail à 50 % depuis 1998. Or, il appert à la lecture des deux rapports d'expertise que la situation médicale de l'intimé n'a pas évolué. Les constatations des médecins mandatés se recoupent. Les divergences portent sur une amplification volontaire des symptômes et une discordance dans les résultats des tests psychométriques constatés par le docteur S.________. Ce dernier ne fait au demeurant pas état d'une amélioration de l'état de santé de l'intéressé, mais porte plutôt une appréciation critique sur l'avis émis précédemment par ses confrères, pour étayer ses propres conclusions. Dans cette mesure, force est de constater qu'il ne s'est pas produit de changement important des circonstances au sens de la jurisprudence (ATF 125 V 369 consid. 2 et la référence; voir également ATF 112 V 372 consid. 2b et 390 consid. 1b) entre la décision initiale d'octroi d'une rente entière d'invalidité et la décision litigieuse. Il y a donc lieu de considérer que les conclusions du docteur S.________ relèvent plus vraisemblablement d'une appréciation différente d'une situation demeurée inchangée, ce qui, selon la jurisprudence, ne constitue pas un motif de révision (cf. RCC 1987 p. 36; Urs Müller, Die materiellen Voraussetzungen der Rentenrevision in der Invalidenversicherung, thèse Fribourg, 2003, p. 135 ch. 490).
3.
3.1 Le principe selon lequel l'administration peut en tout temps revenir d'office sur une décision formellement passée en force qui n'a pas donné lieu à un jugement sur le fond, lorsque celle-ci est certainement erronée et que sa rectification revêt une importance appréciable, l'emporte sur la procédure de révision au sens de l'art. 41 LAI. Ainsi, l'administration peut aussi modifier une décision de rente lorsque les conditions de la révision selon l'art. 41 LAI ne sont pas remplies. Si le juge est le premier à constater que la décision initiale était certainement erronée, il peut confirmer, en invoquant ce motif, la décision de révision prise par l'administration en vertu de l'art. 41 LAI (ATF 125 V 369 consid. 2 et les arrêts cités; cf. aussi ATF 112 V 373 consid. 2c et 390 consid. 1b). En outre, par analogie avec la révision des décisions rendues par les autorités judiciaires, l'administration est tenue de procéder à la révision (procédurale) d'une décision entrée en force formelle lorsque sont découverts des faits nouveaux ou de nouveaux moyens de preuve, susceptibles de conduire à une appréciation juridique différente (ATF 127 V 469 consid. 2c et les références; Damien Vallat, La nouvelle demande de prestations AI et les autres voies permettant la modification de décisions en force, in: RSAS 47/2003 p. 393, et les arrêts cités).
3.2 Le recourant, à juste titre, ne soutient pas qu'il existerait en l'occurrence un motif de reconsidération. En effet, il a fondé sa décision d'octroi de la rente sur le rapport d'expertise des docteurs V.________ et G.________ qui a été établi de manière détaillée et répondait aux exigences en matière de preuve (ATF 125 V 352 consid. 3a et les références). Au vu de cet avis médical, confirmé par les rapports du docteur C.________ du 27 mars 2002 et une expertise psychiatrique privée du 22 octobre 2002, il n'était en tout cas pas manifestement erroné d'accorder une rente entière à l'intimé.
D'autre part, l'éventualité d'une révision procédurale n'entre pas en ligne de compte puisqu'il n'existe aucun fait nouveau ou moyen de preuve nouveau qui serait susceptible de conduire à une appréciation juridique différente du cas d'espèce (ATF 110 V 141 consid. 2, 292 consid. 2a).
4.
4.1 Il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que les juges cantonaux ont annulé la décision du 14 mai 2002 par laquelle l'office a remplacé la rente entière d'invalidité de l'intimé par une demi-rente dès le 1er juillet 2002, dans la mesure où il n'existait aucun motif de révision au sens de l'art. 41 LAI, ni de reconsidération ou de révision procédurale.
4.2 La procédure, qui a pour objet des prestations d'assurance, est gratuite (art. 134 OJ). Représenté par un mandataire, l'intimé, qui obtient gain de cause, a droit à une indemnité de dépens pour l'instance fédérale (art. 159 al. 1 en corrélation avec l'art. 135 OJ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:
1.
Le recours est rejeté.
2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.
3.
L'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud versera à E.________ la somme de 800 francs à titre de dépens (y compris la taxe sur la valeur ajoutée) pour l'instance fédérale.
4.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.
Lucerne, le 20 novembre 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIe Chambre: La Greffière: