Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
6B_12/2024
Arrêt du 20 novembre 2024
Ire Cour de droit pénal
Composition
Mme et MM. les Juges fédéraux
Jacquemoud-Rossari, Présidente,
Denys et von Felten.
Greffière : Mme Meriboute.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Marie Signori, avocate,
recourant,
contre
1. Ministère public central du canton de Vaud, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens VD,
2. B.B.________,
3. C.B.________,
intimés.
Objet
Homicide par négligence; droit d'être entendu,
recours contre le jugement de la Cour d'appel
pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud
du 21 septembre 2023 (n° 294 PE20.016102-ANM).
Faits :
A.
Par jugement du 6 février 2023, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de La Côte a constaté que A.________ s'était rendu coupable d'homicide par négligence (l), l'a condamné à une peine pécuniaire de 150 jours-amende à 60 fr. le jour, avec sursis pendant 2 ans (II), a donné acte à B.B.________ et C.B.________ de leurs réserves civiles (Ill), a ordonné le maintien au dossier de certaines pièces à conviction (IV) et a statué sur les frais et indemnités des avocats (V,VI) et a dit que le remboursement à l'État de ces indemnités ne sera exigé que si la situation financière de A.________ le permettait.
B.
Par jugement du 21 septembre 2023, la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal vaudois a rejeté l'appel de A.________ et a confirmé le jugement de première instance.
En substance, la cour cantonale a retenu les faits suivants.
B.a. À U.________, chemin V.________, à la sortie du dépôt des bus de l'entreprise D.________, le 21 septembre 2020, à 12h12, A.________ n'a pas entièrement immobilisé le bus (E.________) qu'il conduisait à la ligne d'arrêt du signal "Stop". Il a rapidement regardé à gauche et à droite pour vérifier qu'aucun usager de la route n'arrivait. Il n'a toutefois pas voué l'attention suffisante commandée par les circonstances et n'a pas aperçu F.B.________, qui circulait régulièrement au guidon de son motocycle en venant de U.________ en direction de W.________. A.________ a ainsi obliqué à gauche et s'est engagé sur la route cantonale reliant U.________ à W.________, violant de ce fait la priorité au motocycle. Cette manoeuvre a pris environ 3 secondes, durant lesquelles le bus, mesurant plus de 12 mètres de long, a entièrement obstrué les deux voies de circulation de la route cantonale. Apercevant cette situation, F.B.________ a effectué un freinage d'urgence mais n'a pas réussi à éviter le bus conduit par A.________ et l'a percuté sur le côté gauche, juste derrière la roue avant, puis a été désarçonné et projeté au sol.
B.b. L'impact a causé des blessures très importantes à F.B.________. Malgré l'intervention rapide des secours, il est décédé des suites de ses blessures sur les lieux de l'accident à 13h00.
C.
A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre le jugement du 21 septembre 2023. Il conclut, avec suite de frais et dépens, principalement à la réforme de ce jugement en ce sens qu'il est libéré du chef d'infraction d'homicide par négligence, les frais de la cause, ainsi que l'indemnité due au conseil juridique des plaignantes étant laissés à la charge de l'État. Subsidiairement, il conclut à l'annulation du jugement attaqué et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour complément d'instruction dans le sens des considérants. Plus subsidiairement, il conclut à la réforme de ce jugement en ce sens qu'il est exempté de toute peine, les frais de la cause, ainsi que l'indemnité due au conseil juridique gratuit des plaignantes étant laissés à la charge de l'État, subsidiairement réduits dans une mesure équitable pour tenir compte de sa situation personnelle et financière.
Considérant en droit :
1.
Le recourant se plaint d'une violation du droit d'être entendu (art. 3 CPP et 29 al. 2 Cst.).
1.1. Le droit d'être entendu, garanti à l'art. 29 al. 2 Cst., comprend notamment celui de produire ou de faire administrer des preuves, à condition qu'elles soient pertinentes et de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1; 143 V 71 consid. 4.1; 142 II 218 consid. 2.3; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les références citées). Il n'empêche pas le juge de mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de se forger une conviction et que, procédant à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, il a la certitude qu'elles ne pourraient pas l'amener à modifier son opinion; le refus d'instruire ne viole le droit d'être entendu des parties que si l'appréciation anticipée de la pertinence du moyen de preuve offert, à laquelle le juge a procédé, est entachée d'arbitraire (ATF 145 I 167 consid. 4.1; 144 II 427 consid. 3.1.3).
1.2. L'obligation de motiver, telle qu'elle découle du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.; cf. aussi art. 3 al. 2 let. c et 107 CPP), est respectée lorsque le juge mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision (ATF 147 IV 409 consid. 5.3.4; 146 II 335 consid. 5.1; 141 IV 249 consid. 1.3.1), de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 143 IV 40 consid. 3.4.3; 141 IV 249 consid. 1.3.1; 139 IV 179 consid. 2.2). Il n'a toutefois pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à ceux qui lui paraissent pertinents (ATF 147 IV 249 consid. 2.4; 142 II 154 consid. 4.2; 139 IV 179 consid. 2.2). La motivation peut être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1).
1.3. Le recourant reproche à la cour cantonale de ne s'être nullement prononcée sur l'absence d'expertise (ou de complément d'expertise) qu'il aurait requise. Celle-ci aurait dû permettre d'établir la vitesse de la victime, ainsi que la distance de visibilisé. Il invoque également un défaut de motivation.
En l'espèce, il ne ressort pas du jugement entrepris que le recourant aurait réitéré une quelconque requête de mise en oeuvre d'une expertise, notamment lors des débats d'appel (art. 331 al. 3 CPP). D'ailleurs, il ne le prétend pas. Dès lors, il paraît douteux que le grief soit recevable sous l'angle du principe de la bonne foi en procédure (art. 5 al. 3 Cst.) et de l'épuisement des voies de droit (art. 80 al. 1 LTF; cf. ATF 143 IV 397 consid. 3.4.2). En outre, on comprend de manière satisfaisante pourquoi la cour cantonale a estimé qu'il n'était pas nécessaire de déterminer la vitesse du motocycliste, ainsi que la distance de visibilité. En effet, comme cela sera examiné ci-après (cf. consid. 2.4.1), même à supposer que la vitesse de la victime eût été excessive, cela n'aurait pas permis de retenir une rupture du lien de causalité, au regard des circonstances d'espèce. Ainsi la cour cantonale, pouvait considérer, comme on le comprend, qu'il n'était pas pertinent de déterminer ces éléments. Il s'ensuit également que les critiques relatives à un défaut de motivation sur cette question ne sont pas fondées.
Mal fondé, le grief du recourant est rejeté.
2.
Le recourant conteste sa condamnation pour homicide par négligence, il s'en prend à l'établissement des faits ainsi qu'à l'appréciation des preuves. Il invoque en outre une violation du principe
in dubio pro reo.
2.1.
Le Tribunal fédéral n'est pas une autorité d'appel, auprès de laquelle les faits pourraient être rediscutés librement. Il est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'elles n'aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, à savoir, pour l'essentiel, de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation mais aussi dans son résultat (ATF 146 IV 88 consid. 1.3.1; 145 IV 154 consid. 1.1; 143 IV 500 consid. 1.1; sur la notion d'arbitraire v. ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2; 143 IV 241 consid. 2.3.1). Le Tribunal fédéral n'entre en matière sur de tels moyens que s'ils ont été invoqués et motivés de manière précise (art. 106 al. 2 LTF; ATF 148 IV 356 consid. 2.1; 147 IV 73 consid. 4.1.2; 143 IV 500 consid. 1.1). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 148 IV 356; 147 IV 73 consid. 4.1.2; 146 IV 114 consid. 2.1; 146 IV 88 consid. 1.3.1; 145 IV 154 consid. 1.1).
Lorsque l'appréciation des preuves et la constatation des faits sont critiquées en référence à la présomption d'innocence (art. 6 par. 2 CEDH, 32 al. 1 Cst. et 10 CPP), le principe
in dubio pro reo n'a pas de portée plus large que l'interdiction de l'arbitraire (ATF 148 IV 409 consid. 2.2; 146 IV 88 consid. 1.3.1; 145 IV 154 consid. 1.1).
2.2. Le recourant soutient que la cour cantonale aurait arbitrairement retenu que la route était parfaitement visible depuis la ligne du "Stop" malgré la haie qui longeait la route au moment des faits.
2.2.1. Pour ce faire, il se prévaut d'un courrier de l'association G.________, daté du 22 mars 2021, adressé à la municipalité de U.________ informant que "
des situations conflictuelles se présentent chaque semaine entre des véhicules sortant de la ville à 80 km/h et ceux qui s'élancent du Stop pour sortir du Centre ou de la décharge ". Suite à cela la Direction générale de la mobilité et des routes (DGMR) avait pris la décision d'abaisser la limitation de vitesse de 80 km/h à 60 km/h sur le tronçon, mais aurait également demandé à la commune de tailler les haies aux carrefours. Ce faisant, le recourant se borne à présenter en instance fédérale des critiques soulevées devant la cour cantonale et auxquelles cette dernière a répondu de manière exhaustive et convaincante. En effet, elle avait, à juste titre, souligné que le fait que des mesures aient été prises à la suite d'un accident mortel pour renforcer la sécurité d'un carrefour ne signifiait pas encore que la route en provenance de U.________ ne fût pas visible, ou peu, depuis la ligne du "Stop". Le rôle de la DGMR était de renforcer au maximum la sécurité et, quand cela était possible, rapidement et à moindre frais; ce qui expliquait que des mesures aient été rapidement ordonnées après un tel drame et lorsqu'un carrefour était connu pour être accidentogène. Il ressortait de la procédure administrative relative à la modification de la signalisation que ce n'était pas tant la visibilité qui était remise en question que la vitesse excessive possible sur le tronçon, limitée alors à 80 km/h. Évidemment, l'élagage de la haie effectué depuis lors était également de nature à améliorer la visibilité et partant la sécurité. Toutefois, la consultation du cahier photo prises au moment de l'accident permettait de constater que la haie ne posait alors pas de problème particulier de visibilité quand on se situe sur la ligne du "Stop". En outre, le motocycliste circulait avec le phare allumé, ce qui augmentait sa visibilité et contrairement à ce que prétend le recourant, lors de sa première audition, il n'avait pas évoqué que la haie posait un problème de visibilité.
2.2.2. Le recourant affirme encore qu'en raison de la taille de la cabine du bus, il se trouvait en réalité derrière la ligne du "Stop" et n'avait d'autre choix que de franchir la ligne du "Stop" pour être en mesure d'apercevoir d'éventuels véhicules venant de la route W.________. Cet élément ne ressort pas des faits, toutefois même dans l'hypothèse d'une telle configuration, un chauffeur de bus aurait dû redoubler de vigilance pour s'assurer de la possibilité de s'engager et accorder la priorité aux véhicules circulant sur la route cantonale. Or il est établi que le recourant n'a pas immobilisé le bus au "Stop" et que la manoeuvre effectuée, en environ 3 secondes, avait entièrement obstrué les deux voies de circulation de la route cantonale ce qui est incompatible avec le devoir de prudence (cf. consid. 2.3.1
infra).
Mal fondés, les griefs du recourant doivent, partant, être rejetés.
2.3. Le recourant conteste sa condamnation pour homicide par négligence, il considère que la cour cantonale aurait dû retenir une rupture de la chaîne causale.
2.3.1. Aux termes de l'art. 117 CP, celui qui, par négligence, aura causé la mort d'une personne sera puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
Conformément à l'art. 12 al. 3 CP, il y a négligence si, par une imprévoyance coupable, l'auteur a agi sans se rendre compte ou sans tenir compte des conséquences de son acte. Il faut que l'auteur ait, d'une part, violé les règles de prudence que les circonstances lui imposaient pour ne pas excéder les limites du risque admissible et que, d'autre part, il n'ait pas déployé l'attention et les efforts que l'on pouvait attendre de lui pour se conformer à son devoir (ATF 143 IV 138 consid. 2.1; 135 IV 56 consid. 2.1 et les références citées). Pour déterminer plus précisément les devoirs imposés par la prudence, on peut se référer à des normes édictées par l'ordre juridique pour assurer la sécurité et éviter des accidents (ATF 143 IV 138 consid. 2.1). S'agissant d'un accident de la route, il convient de se référer aux règles de la circulation routière (ATF 122 IV 133 consid. 2a; arrêts 6B_58/2024 du 8 août 2024 consid. 1.2; 6B_286/2022 du 15 juin 2023 consid. 4.1.1).
Il faut en outre qu'il existe un rapport de causalité entre la violation fautive du devoir de prudence et les lésions de la victime. Le rapport de causalité est qualifié d'adéquat lorsque, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le comportement était propre à entraîner un résultat du genre de celui qui s'est produit (ATF 138 IV 57 consid. 4.1.3). La causalité adéquate sera admise même si le comportement de l'auteur n'est pas la cause directe ou unique du résultat. Peu importe que le résultat soit dû à d'autres causes, notamment à l'état de la victime, à son comportement ou à celui de tiers (ATF 131 IV 145 consid. 5.2). La causalité adéquate peut être exclue si une autre cause concomitante, par exemple une force naturelle, le comportement de la victime ou d'un tiers, constitue une circonstance tout à fait exceptionnelle ou apparaît si extraordinaire que l'on ne pouvait s'y attendre. L'imprévisibilité d'un acte concurrent ne suffit pas en soi à interrompre le rapport de causalité adéquate. Il faut encore que cet acte ait une importance telle qu'il s'impose comme la cause la plus probable et la plus immédiate de l'événement considéré, reléguant à l'arrière-plan tous les autres facteurs qui ont contribué à l'amener et notamment le comportement de l'auteur (ATF 143 III 242 consid. 3.7; 134 IV 255 consid. 4.4.2; 133 IV 158 consid. 6.1). La question de la causalité adéquate constitue une question de droit que le Tribunal fédéral revoit librement (ATF 142 IV 237 consid. 1.5.1 et 1.5.2; 139 V 176 consid 8.4.1 à 8.4.3; 138 IV 57 consid. 4.1.3).
2.3.2. Pour la cour cantonale, les relevés du tachygraphe montraient que le recourant ne s'était pas arrêté au signal "Stop". Le visionnage des images de vidéosurveillance du bus conduisait au même constat, à savoir que le recourant s'était engagé sans marquer de stop. Dans la mesure où celui-ci savait que ce carrefour était dangereux, il aurait dû être d'autant plus prudent. L'endroit était par ailleurs notoirement fréquenté par de nombreux apprentis conducteurs compte tenu de la proximité du centre de l'association G.________. En outre, la localisation du point d'impact sur le bus, derrière la roue avant gauche, contredisait la version du recourant, selon laquelle il n'aurait pas pu voir la victime, car celle-ci roulait sur l'extrême droite de sa voie de circulation et était ainsi cachée par la haie qui était située au bord de la route. En ne vouant pas toute son attention à la route et à la circulation et en ne s'arrêtant pas au signal "Stop", le recourant n'avait pas accordé la priorité à la victime, ce qu'il était tenu de faire. Il avait ainsi bien violé gravement plusieurs règles de prudence et avait commis une faute grossière.
De plus, pour la cour cantonale aucune rupture du lien de causalité adéquate ne pouvait être retenue. La vitesse du motocycliste, même à supposer qu'elle eût été excessive, ne permettait pas de conclure à un comportement irrationnel de la part d'un usager de la route circulant en motocyclette sur une route cantonale prioritaire en ligne droite avec une bonne visibilité, en milieu de journée et par beau temps. Un dépassement de la vitesse autorisée sur un tronçon rectiligne à une heure de faible circulation ne relevait pas d'une circonstance exceptionnelle, extraordinaire, imprévisible et s'imposant à l'esprit comme la cause première de l'accident, contrairement au comportement du recourant. Ainsi, si la vitesse - même par hypothèse excessive - du motocycle pouvait constituer une cause naturelle de l'accident, elle n'en constituait toutefois pas la cause adéquate primant celle de la violation de priorité par le recourant. La cour cantonale a également souligné que l'absence de traces de freinage ne signifiait pas que la victime n'avait pas tenté un freinage d'urgence. Nonobstant cette absence de traces, les images de vidéosurveillance du bus permettaient de constater que la victime avait bien freiné brusquement puisque la roue arrière de la moto était soulevée au-dessus du sol juste avant l'impact. Pour ce qui était du temps de réaction et de freinage qui pourraient avoir été tardifs, ces éléments pouvaient s'expliquer par le fait que le motocycliste, alors qu'il était sur une route longiligne et prioritaire, avait été totalement surpris par la manoeuvre effectuée par le recourant, qu'il ne pouvait pas anticiper, qu'il se soit figé ou qu'il ait paniqué, perdant ses moyens. Une réaction différée n'était ainsi pas surprenante dans une telle situation. La cour cantonale avait noté, à cet égard, qu'un véhicule circulant à 80 km/h parcourt 22.22 mètres par seconde, ce qui signifiait qu'il lui fallait moins de 5 secondes pour couvrir une distance de 100 mètres. Certes, l'accident aurait certainement été moins grave si la victime avait décéléré avant l'intersection ou à l'apparition du bus, par prudence, mais un freinage tardif n'était pas exceptionnel au point d'apparaître comme une faute prépondérante.
De même, le fait que le conducteur aurait été sous l'influence de stupéfiants, sans que l'expertise ne permette de déterminer le taux exact de THC que la victime avait dans le sang au moment de l'accident - le CURML ayant précisé qu'une redistribution post-mortem du THC provenant d'une consommation plus ancienne ne pouvait être exclue comme explication de la concentration de cette substance dans le sang de la victime -, n'était pas non plus à ce point insolite et imprévisible qu'il reléguerait à l'arrière-plan la faute du conducteur et interrompait le lien de causalité entre la faute du conducteur et la mort de la victime. Ainsi, même à retenir que le comportement reproché par le recourant à la victime constituerait une faute, ce qui n'était pas établi, il ne revêtait pas un caractère suffisamment extraordinaire pour considérer qu'il s'agissait d'une faute prépondérante.
Ainsi, pour la cour cantonale, le fait de ne pas avoir respecté le "Stop" et la priorité alors que la visibilité n'était pas particulièrement mauvaise était bien l'élément factuel décisif dans la survenance de l'accident, à laquelle s'ajoutait l'absence d'attention suffisante que le recourant avait portée à l'observation de la situation avant de s'engager. Quant aux supposées fautes de la victime, même cumulées, elles ne seraient quoi qu'il en soit pas suffisamment exceptionnelles ou imprévisibles, pour apparaître comme la cause la plus probable et la plus immédiate de la collision.
2.4. Le recourant soutient qu'en l'absence d'informations sur la vitesse, la distance de visibilité de la victime et sur l'éventuelle capacité de freiner à temps, il n'était pas possible de démontrer sa culpabilité, conformément à l'art. 10 CPP, faute de pouvoir statuer sur une éventuelle rupture du lien de causalité en raison du comportement de la victime.
2.4.1. En l'espèce, s'agissant de la vitesse, la victime circulait sur une route cantonale longiligne et prioritaire. La vitesse maximale était de 80 km/h, ce qui signifie qu'un véhicule circulant à 80 km/h parcourt 22.22 mètres par seconde, et qu'il faut ainsi moins de 5 secondes pour parcourir une distance de 100 mètres. La cour cantonale a retenu, à juste titre, que même à supposer un dépassement de la vitesse autorisée par la victime, cela ne permettait pas de conclure à un comportement irrationnel de la part du motocycliste qui circulait avec une bonne visibilité, en milieu de journée, par beau temps, à une heure de faible circulation. Ainsi, dans ces circonstances, l'hypothèse d'un dépassement de vitesse par la victime ne pouvait, de toute manière, pas apparaître comme une circonstance imprévisible et encore moins, reléguer à l'arrière-plan la faute du recourant.
2.4.2. Pour ce qui est des critiques du recourant concernant une prétendue influence de stupéfiants (THC) sur le temps de réaction de la victime, elles sont appellatoires. En effet, il n'est pas établi que la victime était sous l'influence de stupéfiants au moment de l'accident, dès lors que le CURML avait précisé qu'une redistribution post-mortem du THC provenant d'une consommation plus ancienne ne pouvait être exclue comme explication de la concentration de cette substance dans le sang de la victime. En outre, le temps de réaction et de freinage n'a pas été établi comme étant tardif, et, en tout état, la cour cantonale a retenu, sans arbitraire, que, dans une telle hypothèse, cela pouvait s'expliquer par le fait que le motocycliste, qui circulait sur une route longiligne et prioritaire, avait été totalement surpris par la manoeuvre du recourant, qu'il ne pouvait pas anticiper. Il se serait figé ou aurait paniqué, perdant ainsi ses moyens. Ainsi, une réaction différée n'était pas surprenante dans une telle configuration et un freinage tardif ne pouvait pas apparaître comme un élément exceptionnel au point qu'il puisse constituer une faute prépondérante.
Les critiques du recourant sont rejetées faute de fondement.
2.5. Le recourant se prévaut de plusieurs arrêts du Tribunal fédéral. Cependant, ces derniers ne sont pas pertinents en tant que les circonstances d'espèce sont très différentes. Par exemple, le recourant se réfère à l'arrêt 6B_163/2010 du 23 avril 2010 dans lequel une rupture de la chaîne causale a été retenue. Il concernait un cycliste ayant percuté un camping-car arrêté de manière irrégulière après un rond-point, sur une chaussée rectiligne et qui avait allumé ses feux de détresse. Il en ressortait que le cycliste aurait pu et dû voir le véhicule et que rien ne l'empêchait de freiner, or ce dernier circulait à courte vue, soit à l'aveugle. Contrairement à ce qu'affirme le recourant, cette affaire n'est pas similaire. En effet, on ne peut nullement comparer le cas d'un vélo roulant "à l'aveugle" avec celui d'une moto circulant sur une route cantonale dont la vitesse autorisée était de 80 km/h et pour lequel il est établi que la victime avait bien freiné puisque les images de vidéosurveillance montraient la roue arrière de la moto se soulever au-dessus du sol juste avant l'impact. En outre, un véhicule à l'arrêt avec les feux de détresse enclenchés ne saurait être assimilé à l'apparition soudaine d'un camion obstruant totalement la route suite à une manoeuvre effectuée en violation de la priorité.
2.6. Sur la base de l'état de fait retenu par la cour cantonale, dont le recourant échoue à démontrer l'arbitraire, la cour cantonale a écarté, sans violer le droit fédéral, une rupture du lien de causalité. Elle pouvait ainsi confirmer la condamnation pour homicide par négligence.
3.
Dans une argumentation subsidiaire, le recourant reproche à la cour cantonale de ne pas l'avoir exempté de toute peine (art. 54 CP).
3.1. À teneur de l'art. 54 CP, si l'auteur a été directement atteint par les conséquences de son acte au point qu'une peine serait inappropriée, l'autorité compétente renonce à le poursuivre, à le renvoyer devant le juge ou à lui infliger une peine.
Selon la jurisprudence, une exemption de peine se justifie lorsque l'auteur paraît déjà suffisamment puni et que la fonction compensatrice de la peine est déjà réalisée (ATF 137 IV 105 consid. 2.3; arrêts 6B_1350/2023 du 9 septembre 2024 consid. 2.1; 6B_792/2022 du 16 janvier 2024 consid. 2.1; 6B_432/2021 du 21 février 2022 consid. 4.3.2). Pour déterminer si une peine serait disproportionnée, il convient de mettre en balance les conséquences de l'acte et la faute de l'auteur. Ainsi, l'art. 54 CP peut s'appliquer dans le cas où une faute légère a entraîné des conséquences directes très lourdes pour l'auteur et à l'inverse, ne doit pas être appliqué lorsqu'une faute grave n'a entraîné que des conséquences légères pour l'auteur. En cas d'infraction intentionnelle, une réduction de la peine en application de l'art. 54 CP est possible, mais ne doit être admise qu'avec retenue (arrêts 6B_792/2022 précité consid. 2.1; 6B_432/2021 précité consid. 4.3.2). Le juge doit prendre sa décision en analysant
in concreto les circonstances du cas et il dispose d'un large pouvoir d'appréciation (cf. ATF 121 IV 162 consid. 2d; 117 IV 245 consid. 2a; arrêts 6B_1350/2023 précité consid. 2.1; 6B_792/2022 précité consid. 2.1; 6B_432/2021 précité consid. 4.3.2).
3.2. La cour cantonale n'a pas fait application de l'art. 54 CP. Elle a retenu qu'après l'accident, le recourant qui travaillait en qualité de chauffeur professionnel, s'était trouvé en incapacité de travailler de manière ininterrompue jusqu'à aujourd'hui. En outre, il souffrait depuis l'accident de troubles psychologiques. Toutefois, ces troubles ne constituaient pas de telles atteintes qu'il serait inapproprié de le poursuivre au sens de l'art. 54 CP qui s'applique uniquement dans des situations exceptionnelles. La faute du recourant n'était pas négligeable. En "coulant" le "Stop" avec le bus, alors qu'il savait que l'endroit était dangereux, il avait créé un sérieux danger pour la sécurité d'autrui ou en avait pris le risque. Le prononcé d'une peine pécuniaire n'était pas choquant au vu de la faute commise et des risques qu'elle pouvait faire courir à des tiers. Ainsi, pour la cour cantonale, le fait que le recourant rencontrait des troubles psychiques et qu'il avait subi une incapacité de travail ne constituait pas des conséquences directes suffisamment graves permettant de l'exempter de toute peine. Les infractions routières avaient au demeurant souvent des conséquences importantes. En outre, la perte de son emploi était considérée comme une conséquence indirecte de l'acte et n'était pas pertinente pour évaluer l'application de l'art. 54 CP. La cour cantonale a refusé l'exemption de peine, mais sous l'angle de l'appréciation de la culpabilité a retenu à décharge du recourant qu'il avait été fortement affecté par les évènements et qu'il devra vivre avec le fardeau de cet accident tragique sur la conscience, qu'il était suivi médicalement et que l'accident avait eu des répercussions sur sa vie professionnelle.
3.3. En se référant à deux arrêts du Tribunal fédéral, le recourant soutient qu'il devait bénéficier d'une exemption de peine. Toute comparaison avec d'autres affaires est d'emblée délicate, dès lors que le juge doit prendre sa décision en analysant
in concreto les circonstances de chaque cas et dispose d'un large pouvoir d'appréciation. Le recourant cite l'arrêt 6B_1030/2008 du 23 février 2009, dans lequel il a été tenu à décharge de l'auteur responsable d'un accident de la route ayant entraîné le décès de son neveu, qu'il avait été profondément marqué par l'accident et portait sur la conscience le décès de son neveu, sans toutefois l'exempter de peine. La comparaison avec un cas relatif au décès d'une personne de la famille, à savoir un jeune neveu, est hasardeuse dans la mesure où le recourant n'avait pas de lien avec la victime. En outre, la cour cantonale, dans l'appréciation de la culpabilité du recourant a retenu à sa décharge les conséquences de l'accident sur lui. Pour ce qui est de l'ATF 143 IV 500, également cité par le recourant, le Tribunal fédéral mentionne l'exemption de peine (art. 54 CP) accordée, au niveau cantonal, à un automobiliste devenu tétraplégique suite à un accident de la route, sans toutefois examiner la question. Le recourant ne saurait prétendre à des similitudes entre son état de santé et un tel handicap, de sorte que toute comparaison est vaine.
La cour cantonale a procédé, d'une manière convaincante, à la mise en balance de la faute commise par le recourant et les conséquences subies par celui-ci. Elle a estimé, à juste titre, qu'au regard de la faute commise par le recourant, les troubles psychiques et l'incapacité de travail ne constituaient pas des conséquences directes suffisamment graves rendant le prononcé d'une peine inapproprié. Pour ce qui est des conséquences professionnelles et financières pour le recourant, il s'agit de conséquences indirectes de l'infraction sans pertinence sous l'angle de l'art. 54 CP. Ainsi, c'est à tort que le recourant affirme que la cour cantonale se serait écartée de la jurisprudence du Tribunal fédéral en matière d'exemption de peine.
Partant, la cour cantonale n'a pas outrepassé le large pouvoir d'examen dont elle dispose en refusant d'appliquer l'art. 54 CP.
4.
Au vu de ce qui précède, le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. Le recourant, qui succombe, doit supporter les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Lausanne, le 20 novembre 2024
Au nom de la Ire Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : Jacquemoud-Rossari
La Greffière : Meriboute