Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
7B_645/2024, 7B_648/2024
Arrêt du 20 novembre 2024
IIe Cour de droit pénal
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Abrecht, Président,
Koch et Hofmann.
Greffière : Mme Kropf.
Participants à la procédure
7B_645/2024
A.________,
représentée par
Me Guerric Canonica, avocat,
recourante,
et
7B_648/2024
B.________,
représenté par
Me Jean-Marc Carnicé, avocat,
recourant,
contre
7B_645/2024 et 7B_648/2024
C.________,
expert,
intimé,
7B_645/2024
1. B.________,
représenté par
Me Jean-Marc Carnicé, avocat,
2. Ministère public de la République et canton de Genève,
route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy,
7B_648/2024
1. A.________,
représentée par
Me Guerric Canonica, avocat,
2. Ministère public de la République et canton de Genève,
route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy.
Objet
Récusation (expert),
recours contre l'arrêt de la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 8 mai 2024 (ACPR/342/2024 - PS/10/2024).
Faits :
A.
A.a. À la suite de la plainte déposée par D.________ (ci-après : la partie plaignante) le 14 août 2020, une instruction pénale est menée contre B.________ et A.________ pour abus de confiance (art. 138 CP) et pour escroquerie (art. 146 CP).
La partie plaignante leur reprochait d'avoir, dans le cadre de la relation contractuelle qu'ils avaient établie par l'entremise de la société E.________ SA (société H.________ dont B.________ était l'administrateur), abusé du mandat de fiducie qui leur avait été confié pour prendre le contrôle de F.________ Limited (maison d'édition sise à l'étranger, dont la partie plaignante était l'animatrice et l'ayant droit économique) ainsi que de ses avoirs. A l'appui de sa plainte, elle s'est notamment prévalue des documents "Agreement for services" et "Fiduciary agreement and indemnity", datés du 25 juillet 2012, signés par elle-même ainsi que par les prévenus; les pièces originales ont été déposées.
A.b. Les deux prévenus contestent les faits qui leur sont reprochés. À l'appui de ses dires, B.________ a invoqué le document "Nominee Agreement" du 1er juin 2017, signé par lui-même et par la partie plaignante.
A.c. Les prévenus ayant contesté l'authenticité des signatures figurant sur les documents produits par la partie plaignante, laquelle a fait de même s'agissant de la pièce déposée par B.________, le Ministère public de la République et canton de Genève (ci-après : le Ministère public) a décidé le 6 septembre 2022 de mandater l'École des sciences criminelles de l'Université de V.________ pour une expertise en écriture.
A.c.a. Par courrier du 7 septembre 2022, le docteur C.________ a accepté ce mandat et a requis la transmission de différents documents où figuraient les signatures des parties, soit notamment les documents contestés originaux ou à défaut en copie de première génération, ainsi que des documents de référence comportant la signature authentique des parties "si possible en original ainsi que chronologiquement antérieurs, contemporains et postérieurs à la date que portent les documents contestés".
A.c.b. Le 2 juin 2023, le Ministère public s'est informé auprès de C.________ sur la faisabilité de l'expertise (authentification des signatures et datation de celles-ci, ainsi que des caractères imprimés sur les trois pièces litigieuses) au regard des pièces transmises par les parties.
Dans sa réponse du 5 juin 2023, C.________ a sollicité la transmission de documents originaux sur lesquels figuraient les signatures des deux prévenus et de la partie plaignante, de pièces datées de 2016 à 2018 comportant la signature originale de cette dernière et de B.________, ainsi que d'une photocopie couleur de la pièce d'identité du prévenu.
A.c.c. Le 20 juillet 2023, le Ministère public a imparti aux parties un délai au 7 août 2023 pour se déterminer sur le choix de l'expert et formuler leurs propositions quant au mandat à lui confier en lien avec son écriture du 2 juin 2023.
Par courrier du 7 août 2023, B.________ a déclaré n'avoir aucune remarque s'agissant du choix de l'expert; il s'est en revanche opposé à l'examen de l'authenticité du document "Nominee Agreement", puisque son original n'avait pas pu être retrouvé. Quant à la partie plaignante, elle n'a formulé aucune objection s'agissant du choix de l'expert; dès lors qu'elle contestait avoir signé le document "Nominee Agreement", il était nécessaire que l'expert se détermine sur celui-ci; elle a également sollicité l'expertise d'un document supplémentaire et a formulé des questions complémentaires. A.________ n'a pas déposé d'observation sur le choix de l'expert; elle souhaitait que l'attention de celui-ci soit expressément attirée sur le fait que l'original du document "Nominee Agreement" n'avait pas été retrouvé.
A.c.d. Le 19 octobre 2023, le Ministère public a désigné C.________ en tant qu'expert et lui a confié le mandat d'expertise suivant :
- "Prendre connaissance des pièces à analyser dans la procédure, soit [les documents]
Agreement for services, [...]
Fiduciary agreement and indemnity et [...]
Nominee Agreement, ainsi que des documents transmis le 2 juin 2023;
- S'entourer de tous renseignements utiles;
- Comparer les signatures de D.________, respectivement B.________ et A.________, sur les documents susvisés avec leurs signatures respectives figurant sur les documents envoyés le 2 juin 2023;
- Prendre des informations sur tout élément utile à l'accomplissement de la mission, notamment la nécessité de recevoir des versions digitales de certains documents;
- Établir un rapport dont les conclusions doivent répondre aux questions suivantes :
1. Les signatures de D.________, B.________ et A.________ apposées sur [les documents]
Agreement for services et [...]
Fiduciary agreement and indemnity sont-elles authentiques ?
2. Les signatures visées sous chiffre 1 ont-elles été apposées manuellement ou par un mécanisme de reproduction ?
3. Est-il possible de dater le support, soit le papier sur lequel [les documents]
Agreement for services " et [...]
Fiduciary agreement and indemnity a été rédigé ? Dans l'affirmative, veuillez dater ledit support.
4. Est-il possible de dater les caractères imprimés sur [les documents]
Agreement for services, [...]
Fiduciary agreement and indemnity ? Dans l'affirmative, veuillez dater l'impression de ces contrats.
5. Est-il possible, dans la mesure où le document est une copie, d'authentifier les signatures de D.________ et de B.________ sur le [document]
Nominee Agreement ? Dans l'affirmative, veuillez indiquer votre raisonnement.
6. Les signatures de D.________, de B.________ et de A.________ apposées sur le [document]
Nominee Agreement sont-elles authentiques ?
7. Est-il possible, dans la mesure où il s'agit d'une copie, de dater les caractères imprimés sur le [document]
Nominee Agreement ? Dans l'affirmative, veuillez dater l'impression de ce contrat.
8. Est-il possible de dater les caractères imprimés sur le [document]
Nominee Agreement du 1er juin 2017 ? Dans l'affirmative, veuillez dater l'impression de ce contrat".
Un extrait des art. 56, 183 à 185 CPP était joint au mandat.
A.c.e. Le 20 décembre 2023, l'expert a rendu son rapport, lequel a été transmis aux parties le 15 janvier 2024.
Il en ressort notamment que l'expert a, par courriel du 6 novembre 2023, sollicité de l'avocate de la partie plaignante que celle-ci produise des documents originaux présentant la signature de sa mandante. Y est également mentionné un entretien téléphonique du 22 novembre 2023 avec cette avocate; cette dernière avait alors déclaré que la partie plaignante reconnaissait avoir signé les documents "Agreement for services" et "Fiduciary agreement and indemnity", mais contestait avoir signé le document "Nominee Agreement"; selon l'avocate, il existait une meilleure copie, au format digital, du document "Nominee Agreement" et "un document, en copie, dont la signature de D.________ serait identique à celle figurant sur le [document]
Nominee Agreement ". L'expert avait sollicité ces pièces.
Dans la rubrique "conclusions", en réponse à la première question du mandat, l'expert a précisé que, selon l'entretien du 22 novembre 2023 avec l'avocate de la partie plaignante, cette dernière reconnaissait avoir signé les documents "Agreement for services" et "Fiduciary agreement and indemnity"; les résultats d'examen soutenaient fortement la position selon laquelle les signatures au nom de B.________ et de A.________ apposées sur les documents précités étaient de leurs mains plutôt que des imitations réalisées par un tiers. Quand aux signatures visées sous chiffre 1 des questions du mandat, elles avaient été apposées manuellement (question 2); il n'était toutefois pas possible de dater le support (question 3); cela étant, les caractères imprimés sur les documents précités étaient disponibles sur le marché à la date que portaient ces documents (25 juillet 2012; question 4). Enfin, la mauvaise qualité de la copie du document "Nominee Agreement" n'avait pas permis d'expertiser les signatures de la partie plaignante ainsi que de B.________ et de répondre en conséquence aux questions 5 à 7.
B.
B.a. Le 19 janvier 2024, B.________ a demandé la récusation de l'expert au motif que rien ne justifiait les échanges "exclusifs" des 6 et 22 novembre 2023 entre celui-ci et l'avocate de la partie plaignante; en particulier, l'expert aurait dû s'adresser au Ministère public pour solliciter des documents et non procéder à l'insu de celui-ci et des autres parties. Selon le susmentionné, une apparence de prévention de l'expert à son égard résulterait également de la forme du second entretien, soit une conversation téléphonique dont le contenu ne pouvait pas être restitué et sur laquelle se fondaient pourtant les conclusions de l'expert.
Le même jour, A.________ a déposé une requête similaire, laquelle reposait sur les mêmes motifs (contacts individuels à l'insu des parties ainsi que du Ministère public et conclusions du rapport d'expertise fondées sur ces échanges).
B.b. Dans ses déterminations du 1er février 2024, l'expert s'est en substance opposé à ces requêtes. Il a expliqué, en se référant à la teneur du mandat reçu, qu'il pouvait notamment prendre tous renseignements utiles; il avait dès lors pris contact avec l'avocate de la partie plaignante afin de savoir si cette dernière reconnaissait avoir signé les documents litigieux ou non. Lors du téléphone du 22 novembre 2023, l'avocate lui avait parlé de l'existence d'une "meilleure copie du [document]
Nominee Agreement " et d'un "autre document [où] la signature de sa cliente était identique à celle figurant sur le document précité", pièces qui malgré sa sollicitation n'avaient pas été produites, mais qui auraient permis de répondre à la question 6 du mandat.
B.c. Dans sa réplique, B.________ a relevé que l'expert n'expliquait pas pourquoi il s'était adressé à l'avocate à l'insu des autres parties; les teneurs de l'entretien du 22 novembre 2023 et du courriel du 6 novembre 2023 - lequel n'avait pas été joint à ses observations par l'expert - étaient inconnues; ce dernier et l'avocate de la partie plaignante n'avaient en outre pas informé les parties et le Ministère public du fait que ladite avocate était chargée de cours à la Faculté de droit [...] de l'Université de V.________, à laquelle était rattachée l'École des sciences criminelles où l'expert faisait ses recherches. En retenant une allégation de la partie plaignante alors qu'il ne disposait d'aucune preuve ni même d'un indice que la signature de celle-ci avait été apposée en juillet 2012 - et non en été 2020 lorsque le litige était survenu - et sans procéder à l'analyse de la signature, l'expert démontrerait une prévention en faveur de la partie plaignante au détriment des prévenus. Enfin, si les documents requis avaient été utiles à l'accomplissement de sa mission, l'expert aurait d'autant plus dû les demander au Ministère public.
A.________ a également confirmé sa requête, relevant que la portée donnée au contenu du mandat par l'expert était erronée; le manque de transparence de celui-ci - qui n'expliquait pas la genèse des contacts et le défaut de production du courriel du 6 novembre 2023 - renforçait les soupçons contre lui; l'expert n'avait répondu à certaines questions du mandat que sur la base de ses communications avec l'avocate de la partie plaignante et si les documents suggérés avaient été utiles à sa mission, l'expert aurait dû les solliciter auprès du Ministère public.
B.d. Le 21 mars 2024, la partie plaignante a conclu au rejet de ces requêtes en raison de leur tardiveté vu la possibilité de recourir contre le mandat d'expertise du 19 octobre 2023; ce même document autorisait l'expert à prendre contact avec les parties pour clarifier les faits utiles au mandat; les prétendus rapports liant son avocate à l'expert - tout en étant faux et non prouvés - découlaient d'une information publique et connue au moment de la proposition de l'expert par le Ministère public.
Vu le mandat d'expertise, elle a considéré que les échanges intervenus entre son avocate et l'expert étaient connus et autorisés par le Ministère public, lequel avait reçu en copie le courriel du 6 novembre 2023; à la suite de la correction des dates indiquées par l'expert dans le courriel précité (2016 à 2018) par courriel du 8 novembre 2023 (2011 à 2018), l'avocate avait sollicité par courriel du même jour auprès du Ministère public l'autorisation d'y donner suite, accord qui avait été donné par téléphone le 14 novembre 2023; la partie plaignante a produit ces différents courriels. Quant à la conversation téléphonique du 22 novembre 2023, l'expert avait alors indiqué que l'utilité des échantillons de signature dépendait de la reconnaissance ou non par la partie plaignante de la signature figurant sur les documents "Agreement for services" et "Fiduciary agreement and indemnity"; en cas d'accord - qui avait été donné par l'avocate -, aucune authentification ne s'imposait. S'agissant du document "Nominee Agreement", l'expert avait indiqué ne pas être en mesure de procéder à son expertise puisqu'il s'agissait d'une copie; l'avocate l'avait alors interrogé sur l'opportunité de lui transmettre une copie de meilleure qualité; l'expert, qui y était favorable, avait cependant précisé qu'en présence d'une simple copie, il ne serait probablement pas en mesure d'effectuer l'examen. L'avocate lui avait ensuite demandé s'il lui serait utile de disposer de copies de première génération ou simples de la signature de sa mandante, dont une copie dont la signature semblait identique à celle apposée sur le document "Nominee Agreement" - ce que l'expert avait jugé utile si cette pièce n'était pas contestée par les parties adverses ou n'avait pas été utilisée par ceux-ci dans une procédure antérieure -, ainsi que des copies de première génération ou simples des signatures des parties adverses, étant précisé que celles-ci s'étaient opposées à la transmission de ces documents. L'avocate avait par conséquent indiqué tenir à disposition les pièces proposées si l'expert souhaitait en faire la demande auprès du Ministère public; en l'absence d'une telle demande, elle n'avait pas transmis lesdits documents.
B.e. Dans sa duplique du 8 avril 2024, B.________ a relevé apprendre que le Ministère public avait eu en copie les courriels échangés entre l'expert et l'avocate de la partie plaignante, respectivement que celle-ci avait eu un entretien téléphonique avec le Ministère public, à propos duquel aucune note au dossier ne figurait; si une clarification par le Ministère public s'imposait, cela indiquait que le champ des documents soumis à l'expertise n'était pas clair. Il a également considéré que si l'avocate de la partie plaignante avait été autorisée à répondre à l'expert par le Ministère public, l'entretien subséquent du 22 novembre 2023 n'était pas nécessaire; il ignorait ce qui avait alors été dit, les explications de l'avocate et de l'expert en lien avec la non-transmission des documents divergeant.
Quant à A.________, elle a indiqué, le 9 avril 2024, que l'autorisation par le Ministère public n'était pas établie; si l'expert avait procédé de manière conforme à la loi, l'avocate n'aurait pas eu besoin de prendre contact avec le Ministère public. Les éléments échangés le 22 novembre 2023 dépassaient en outre le cadre de l'autorisation donnée par le Ministère public et la requête de l'expert; ce dernier passait au demeurant sous silence la question de la date à laquelle la partie plaignante avait signé les documents qu'elle reconnaissait comme de sa main.
B.f. Le 19 avril 2024, la partie plaignante a notamment relevé que la demande du 6 novembre 2023 de l'expert - qui n'avait appelé aucune réaction de la part du Ministère public - correspondait à sa requête du 5 juin 2023.
B.g. B.________ a déposé des ultimes déterminations le 25 avril 2024.
B.h. Par arrêt du 8 mai 2024, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève (ci-après : la Chambre pénale de recours) a joint les requêtes de récusation déposées par A.________ et par B.________ et les a rejetées.
C.
Par actes séparés du 10 juin 2024, A.________ (cause 7B_645/2024) et B.________ (cause 7B_648/2024) interjettent chacun un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre cet arrêt, en concluant à sa réforme en ce sens que la récusation du docteur C.________ (ci-après : l'expert intimé) soit ordonnée, que le mandat d'expertise confié au précité le 19 octobre 2023 soit annulé et que le rapport d'expertise du 20 décembre 2023 soit annulé et retiré du dossier de la procédure. A titre subsidiaire, ils concluent à l'annulation de l'arrêt entrepris et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision au sens des considérants. Préalablement, ils requièrent, à titre de mesures superprovisionnelles (cause 7B_645/2024) et provisionnelles (causes 7B_645/2024 et 7B_648/2024), qu'ordre soit donné au Ministère public de suspendre toute mesure d'instruction dans la procédure xxx concernant le rapport d'expertise litigieux jusqu'à droit connu sur leur recours.
L'autorité précédente s'est référée aux considérants de ses arrêts, sans formuler d'observations. Quant au Ministère public, il s'est opposé aux mesures provisionnelles et a conclu au rejet des recours. Le recourant a appuyé les conclusions prises par la recourante dans la cause 7B_645/2024, laquelle a fait de même dans la cause 7B_648/2024. Invité à se déterminer sur le recours et les écritures produites au cours de la procédure fédérale dans les deux causes, l'expert intimé n'a déposé aucune détermination. Le 25 juillet 2024, le recourant a indiqué n'avoir pas d'autres observations à formuler.
Par ordonnances du 2 juillet 2024, le Président de la IIe Cour de droit pénal du Tribunal fédéral a rejeté les requêtes de mesures provisionnelles.
Considérant en droit :
1.
Les recours dans les causes 7B_645/2024 et 7B_648/2024 sont dirigés contre le même arrêt de la Chambre pénale de recours et visent l'un comme l'autre à obtenir la récusation de l'expert intimé. Les recourants y soulèvent également des griefs similaires.
Par économie de procédure, il se justifie dès lors de joindre ces deux causes et de statuer dans un seul et même arrêt (cf. art. 71 LTF et 24 PCF).
2.
2.1. L'arrêt attaqué - rendu par une autorité statuant en tant qu'instance cantonale unique (cf. art 80 al. 2 LTF) - constitue une décision incidente notifiée séparément. Il porte sur des requêtes de récusation déposées dans le cadre d'une procédure pénale et peut donc en principe faire l'objet d'un recours immédiat en matière pénale au Tribunal fédéral (cf. art. 78 ss et 92 LTF ; ATF 144 IV 90 consid. 1). Les deux recourants, prévenus dont les requêtes de récusation ont été rejetées, ont un intérêt juridique à obtenir l'annulation ou la modification de l'arrêt attaqué et la qualité pour recourir doit par conséquent leur être reconnue (cf. art. 81 al. 1 let. a et b LTF ; arrêt 7B_266/2023 du 6 décembre 2023 consid. 1.1).
2.2. L'autorité précédente a considéré comme tardive la requête de récusation du recourant en tant qu'elle reprochait à l'expert intimé d'être rattaché à la même Faculté de l'Université de V.________ que l'avocate de la partie plaignante (cf. consid. 2.3.2 p. 10 de l'arrêt attaqué).
Le recourant ne le conteste pas dans son recours au Tribunal fédéral et la mention de cet élément ne saurait donc entrer en considération pour étayer les éventuels motifs de récusation soulevés contre l'expert intimé (cf. ch. 55 p. 14 du recours 7B_648/2024).
2.3. Pour le surplus, les recours ont été déposés en temps utile (cf. art. 45 al. 1 et 100 al. 1 LTF) et dans les formes requises (cf. art. 42 al. 2 LTF), de sorte qu'il y a lieu d'entrer en matière.
3.
3.1. Les deux recourants reprochent à l'autorité précédente d'avoir écarté leur requête de récusation visant l'expert intimé. À l'appui de leurs griefs, ils soutiennent en substance que le comportement adopté par l'expert intimé (les prises de contacts directes avec l'avocate de la partie plaignante à leur insu, notamment en violation de l'art. 185 al. 3 CPP, les conclusions de son rapport fondées uniquement sur les déclarations faites par l'avocate lors de la conversation téléphonique du 22 novembre 2023 et le défaut de production du courriel du 6 novembre 2023) démontrerait sa prévention à leur égard.
3.2.
3.2.1. Selon l'art. 56 let. f CPP, toute personne exerçant une fonction au sein d'une autorité pénale est tenue de se récuser lorsque d'autres motifs, notamment un rapport d'amitié étroit ou d'inimitié avec une partie ou son conseil juridique, sont de nature à la rendre suspecte de prévention. L'art. 56 let. f CPP - également applicable aux experts en vertu du renvoi de l'art. 183 al. 3 CPP - a la portée d'une clause générale recouvrant tous les motifs de récusation non expressément prévus aux lettres précédentes de l'art. 56 CPP. Cette clause correspond à la garantie d'un tribunal indépendant et impartial instituée par les art. 30 al. 1 Cst. et 6 par. 1 CEDH (ATF 148 IV 137 consid. 2.2 et les arrêts cités). Elle concrétise aussi les droits déduits de l'art. 29 al. 1 Cst. garantissant l'équité du procès et assure au justiciable cette protection lorsque d'autres autorités ou organes que des tribunaux sont concernés (ATF 141 IV 178 consid. 3.2.2), soit notamment des experts (arrêts 7B_443/2024 du 26 juillet 2024 consid. 3.1.1; 7B_266/2023 du 6 décembre 2023 consid. 4.2 et l'arrêt cité). Cette clause générale n'impose pas la récusation seulement lorsqu'une prévention effective du magistrat, respectivement de l'expert, est établie, car une disposition interne de sa part ne peut guère être prouvée. Il suffit ainsi que ces circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale de la personne en cause (ATF 149 I 14 consid. 5.3.2; arrêt 7B_443/2024 du 26 juillet 2024 consid. 3.1.1). Seules des circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération, les impressions purement subjectives des parties n'étant pas décisives (ATF 148 IV 137 consid. 2.2; 144 I 159 consid. 4.3 et les nombreux arrêts cités; arrêt 7B_443/2024 du 26 juillet 2024 consid. 3.1.1).
Des décisions ou des actes de procédure qui se révèlent par la suite erronés ne fondent pas en soi une apparence objective de prévention; seules des erreurs particulièrement lourdes ou répétées, constitutives de violations graves des devoirs de la personne en cause, peuvent fonder une suspicion de partialité, pour autant que les circonstances dénotent que cette dernière est prévenue ou justifient à tout le moins objectivement l'apparence de prévention. Il appartient en outre aux juridictions de recours normalement compétentes de constater et de redresser les erreurs éventuellement commises dans ce cadre (ATF 143 IV 69 consid. 3.2; arrêt 7B_443/2024 du 26 juillet 2024 consid. 3.1.2 et l'arrêt cité).
3.2.2. A teneur de l'art. 185 al. 1 CPP, l'expert répond personnellement de l'exécution de l'expertise. La direction de la procédure peut convier l'expert à assister aux actes de procédure et l'autoriser à poser des questions aux personnes qui doivent être entendues (art. 185 al. 2 CPP). Si l'expert estime nécessaire d'obtenir des compléments au dossier, il en fait la demande à la direction de la procédure (art. 185 al. 3 CPP). L'expert peut procéder lui-même à des investigations simples qui ont un rapport étroit avec le mandat qui lui a été confié et convoquer des personnes à cet effet; celles-ci doivent donner suite à la convocation; si elles refusent, la police peut les amener devant l'expert (art. 185 al. 4 CPP). Si l'expert procède à des investigations, le prévenu et les personnes qui ont le droit de refuser de déposer ou de témoigner peuvent, dans les limites de ce droit, refuser de collaborer ou de faire des déclarations; l'expert informe les personnes concernées de leur droit au début des investigations (art. 185 al. 5 CPP).
Selon la jurisprudence, la réquisition de documents auprès d'une autorité ou d'une clinique ne constitue pas une investigation simple à laquelle l'expert peut procéder de lui-même (cf. art. 185 al. 4 CPP), mais une demande de complément du dossier au sens de l'art. 185 al. 3 CPP, laquelle suppose l'intervention de la direction de la procédure (ATF 144 IV 302 consid. 3.4.2); cela tend notamment à permettre le respect du droit d'être entendu des parties, en particulier à pouvoir vérifier les conclusions de l'expertise en disposant des mêmes informations et documents que l'expert (ATF 144 IV 302 consid. 3.3.3; arrêt 1B_546/2020 du 10 décembre 2020 consid. 3.1). Le Tribunal fédéral a également retenu qu'eu égard aux circonstances concrètes de l'espèce - où l'autorité en cause pouvait en substance guérir le vice en ordonnant la production des documents litigieux qui avaient été remis à l'expert et permettre ensuite aux parties de les consulter -, l'obligation de solliciter la production des pièces par l'intermédiaire de la direction de la procédure ne constituait qu'une simple prescription d'ordre au sens de l'art. 141 al. 3 CPP, dont la violation ne rendait pas inexploitable l'expertise contestée (ATF 144 IV 302 consid. 3.4.3).
3.3.
3.3.1. On rappellera tout d'abord aux recourants que le seul fait que les conclusions de l'expert intimé ne correspondent pas à celles attendues ne constitue pas un motif de récusation. Assistés de mandataires professionnels, ils ne prétendent d'ailleurs pas être dans l'incapacité de contester le cas échéant ces conclusions dans le cadre de la procédure pénale (cf. notamment l'art. 189 let. c CPP) ou de requérir les pièces demandées par l'expert intimé afin notamment de remettre en cause l'appréciation de celui-ci relative à l'absence de nécessité d'authentifier la signature de la partie plaignante sur les deux documents litigieux produits par celle-ci au motif qu'elle reconnaissait les avoir signés. Il apparaît en outre que l'information donnée en substance à ce propos par l'avocate de la partie plaignante le 22 novembre 2023 ne constitue pas un élément nouveau, puisqu'il était connu dès le dépôt de la plainte pénale (cf. let. B.a p. 2 de l'arrêt attaqué), ce que reconnaît d'ailleurs la recourante (cf. ch. 88 p. 18 du recours 7B_645/2024). Dans le cadre d'une requête de récusation, cette information - soit la répétition des propos déjà avancés - suffit pour écarter une éventuelle prévention de l'expert intimé en faveur de la partie plaignante, dès lors que, sur un plan objectif, ses conclusions n'apparaissent pas fondées uniquement sur la conversation du 22 novembre 2023.
3.3.2. Il importe ensuite peu de savoir si l'expert intimé aurait été autorisé à solliciter directement l'avocate de la partie plaignante, par exemple en application de l'art. 185 al. 4 CPP au vu de la teneur du mandat d'expertise, si les actes entrepris peut-être sans l'intermédiaire du Ministère public constitueraient une violation de l'art. 185 al. 3 CPP ou si l'autorité précédente pouvait considérer que la jurisprudence rappelée ci-dessus ne s'appliquerait pas lorsque les pièces sont requises auprès d'une personne manifestement concernée par l'expertise et non auprès d'un tiers.
En effet, aucun des recourants ne prétend que la partie plaignante aurait en l'état produit les pièces requises par l'expert intimé, respectivement celles proposées par son avocate (cf. let. C.c p. 6 [déterminations de l'expert intimé] et C.f p. 8 [observations de la partie plaignante] de l'arrêt attaqué). On ne voit ainsi pas que le droit d'être entendu des recourants ait été violé, ni qu'ils soient dans l'incapacité de vérifier les conclusions prises par l'expert intimé sur la base des informations dont celui-ci disposait (voir également ci-dessus s'agissant des déclarations - connues - faites par l'avocate de la partie plaignante le 22 novembre 2023). Ces circonstances suffisent pour considérer que, faute
a priori de conséquences pour les recourants, l'éventuelle violation de l'art. 185 al. 3 CPP par l'expert intimé, serait-elle avérée, ne constitue pas dans le cas d'espèce une faute de procédure particulièrement lourde qui justifierait sa récusation.
Cette appréciation s'impose d'autant plus qu'au vu de la teneur du mandat d'expertise et de l'absence de réaction du Ministère public lors de l'envoi de son courriel du 6 novembre 2023, l'expert intimé pouvait légitimement croire qu'il disposait d'une certaine marge de manoeuvre pour remplir sa mission.
3.3.3. Enfin, rien ne permet de retenir que l'expert intimé aurait eu l'intention de cacher ses échanges avec l'avocate de la partie plaignante. Certes, il n'a pas produit en annexe à son rapport du 20 décembre 2023 le courriel échangé le 6 novembre 2023 avec celle-ci, respectivement avec les déterminations déposées au cours de la procédure de récusation; aucune partie ne soutient d'ailleurs le contraire, ce qui suffit pour écarter toute omission arbitraire de la part de l'autorité précédente en lien avec un éventuel constat sur ce point (cf. en particulier ch. 39 ss p. 10 du recours 7B_645/2024). L'expert a toutefois expressément mentionné ce courriel - ainsi que son téléphone avec l'avocate - dans son rapport, ce que les deux recourants ne remettent pas en cause. Il est également incontesté que le courriel susmentionné a été adressé en copie au Ministère public, lequel a ainsi été informé dès le premier échange de l'expert intimé avec l'avocate de la partie plaignante. Au vu de ces circonstances objectives, on ne saurait donc considérer que l'expert intimé entendait garder le secret sur ses contacts avec l'avocate de la partie plaignante, ce qui exclut également une apparence de prévention de sa part pour ce motif.
3.3.4. Sur le vu de ce qui précède, la Chambre pénale de recours n'a pas violé le droit fédéral en rejetant les requêtes de récusation déposées par les deux recourants.
4.
Il s'ensuit que les recours dans les causes 7B_645/2024 et 7B_648/2024 doivent être rejetés, le second dans la mesure où il est recevable (cf. consid. 2.2
supra).
Les recourants, qui succombent, supporteront les frais de la cause les concernant (cf. art. 66 al. 1 LTF); ce montant sera fixé en tenant compte notamment de la jonction des causes. Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens (cf. art. 68 al. 1 et 3 LTF ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Les causes 7B_645/2024 et 7B_648/2024 sont jointes.
2.
Le recours dans la cause 7B_645/2024 est rejeté.
3.
Le recours dans la cause 7B_648/2024 est rejeté dans la mesure où il est recevable.
4.
Les frais de la cause 7B_645/2024, fixés à 2'500 fr., sont mis à la charge de la recourante.
5.
Les frais de la cause 7B_648/2024, fixés à 2'500 fr., sont mis à la charge du recourant.
6.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Ministère public de la République et canton de Genève, à la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève et, pour information, à la mandataire de la partie plaignante.
Lausanne, le 20 novembre 2024
Au nom de la IIe Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Abrecht
La Greffière : Kropf