Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
9C_615/2024
Arrêt du 20 novembre 2024
IIIe Cour de droit public
Composition
M. le Juge fédéral Parrino, Président.
Greffière : Mme Perrenoud.
Participants à la procédure
A.________ SA,
représentée par M e Guy Longchamp, avocat,
recourante,
contre
ASSURA-Basis SA,
avenue Charles-Ferdinand-Ramuz 70, 1009 Pully,
représentée par M e Julien Chappuis, avocat,
intimée.
Objet
Assurance-maladie (condition de recevabilité),
recours contre le jugement incident du Tribunal arbitral des assurances du canton de Vaud du 13 septembre 2024 (ZK20.007850).
Faits :
A.
A.________ SA a pour but en particulier l'exploitation d'établissements et de services médicaux dans le domaine des soins psychiatriques et psychothérapeutiques. Elle est au bénéfice d'une autorisation d'exploiter un établissement de soins ambulatoires depuis le 1er décembre 2009, exploite deux succursales dans le canton de Vaud (situées à U.________ et à V.________) et facture ses prestations aux assureurs-maladie sous le numéro de registre des comptes-créanciers (RCC) xxx.
Par courrier du 11 février 2019, Assura-Basis SA a notamment informé A.________ SA qu'elle n'était pas en droit de facturer les positions du chapitre 02.04 du TARMED, faute de mandat de proximité, et l'a invitée à entamer toutes les démarches nécessaires pour obtenir ledit mandat et figurer dans la banque de données des unités fonctionnelles. En fonction du mandat ou de la date de son octroi, Assura-Basis SA se réservait le droit de demander la restitution des prestations fournies par du personnel non médical (infirmières, ergothérapeutes, assistants sociaux, etc.), indemnisées à tort.
B.
Par demande du 21 février 2020, faisant suite à l'échec d'une requête de conciliation adressée à la Commission paritaire SVM-santésuisse le 8 novembre 2019, Assura-Basis SA a ouvert action contre A.________ SA devant le Tribunal arbitral des assurances du canton de Vaud. Elle a en substance requis que la société soit condamnée à restituer les montants de 1'084'500 fr. 95 et 24'002 fr. 95, correspondant à la facturation de prestations prodiguées entre le 8 novembre 2014 et le 8 novembre 2019, respectivement après le 8 novembre 2019, en application des positions tarifaires relevant du chapitre 02.04 du TARMED. Le 11 novembre 2020, le président du tribunal arbitral a tenu une audience de conciliation à l'issue de laquelle aucun accord n'a pu être trouvé entre les parties. À cette occasion, les parties se sont déclarées d'accord avec la proposition qu'un jugement de principe soit rendu dans un premier temps, sans qu'il ne soit statué sur la problématique des prestations passées. Après avoir imparti aux parties un délai unique au 13 octobre 2023 pour produire un mémoire de droit sur la question de la conformité à la LAMal des positions du TARMED pour des prestations - psychiatriques ou autres - effectuées par du personnel non médical (chapitre 02.04), la juridiction arbitrale a statué sur cette question par jugement incident du 13 septembre 2024. Elle a considéré que le chapitre 02.04 du TARMED doit être interprété conformément à ce qui est dit au considérant 7 du jugement qu'elle a rendu, à savoir, en particulier, que la reconnaissance par la Commission paritaire "Bases de données de la valeur intrinsèque et des unités fonctionnelles" (ci-après: la Commission PaKoDig) en tant qu'unité fonctionnelle est constitutive du droit de facturer les positions du chapitre 02.04 du TARMED.
C.
A.________ SA interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement. À titre principal, elle demande la réforme du ch. 1 de son dispositif, en ce sens que le chapitre 02.04 du TARMED doit être interprété dans le sens où il y a "mandat" de "prise en charge de proximité" selon le chapitre 02.04 du TARMED à compter de la notification par l'autorité cantonale de l'autorisation de pratiquer la psychiatrie de proximité en ambulatoire; quant à la "reconnaissance" par la Commission PaKoDig comme unité fonctionnelle et son inscription dans la base de données correspondantes, il ne s'agit pas de conditions constitutives pour facturer les prestations du chapitre 02.04 du TARMED à la charge de l'assurance obligatoire des soins. Subsidiairement, la société conclut à l'annulation du jugement entrepris et au renvoi de la cause au tribunal arbitral pour nouvelle décision dans le sens des considérants. A.________ SA sollicite également l'octroi de l'effet suspensif à son recours.
Considérant en droit :
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 147 I 89 consid. 1; 144 V 280 consid. 1).
2.
2.1. Le recours en matière de droit public est recevable contre les décisions qui mettent fin à la procédure (décisions finales; art. 90 LTF), les décisions partielles (art. 91 LTF) et les décisions préjudicielles ou incidentes aux conditions prévues par les art. 92 et 93 LTF . Cette réglementation est fondée sur des motifs d'économie de procédure. En tant que cour suprême, le Tribunal fédéral ne doit en principe s'occuper qu'une seule fois d'un procès, et cela seulement lorsqu'il est certain que le recourant subit effectivement un dommage définitif (ATF 144 III 253 consid. 1.3; 141 III 80 consid. 1.2).
2.2.
2.2.1. Constitue une décision finale au sens de l'art. 90 LTF celle qui met définitivement fin à la procédure, qu'il s'agisse d'une décision sur le fond ou d'une décision qui clôt l'affaire pour un motif tiré des règles de procédure (ATF 141 III 395 consid. 2.1; 135 III 566 consid. 1.1).
2.2.2. Aux termes de l'art. 91 LTF, traitant des décisions partielles, le recours est recevable contre toute décision qui statue sur un objet dont le sort est indépendant de celui qui reste en cause (let. a) ou qui met fin à la procédure à l'égard d'une partie des consorts (let. b). La décision partielle au sens de l'art. 91 let. a LTF est une variante de la décision finale visée par l'art. 90 LTF. Il s'agit d'une décision par laquelle le juge statue de manière définitive sur une partie de ce qui est demandé, qui aurait pu être jugée indépendamment des autres prétentions formulées. Cette indépendance suppose en particulier qu'il n'existe pas de risque que la décision à rendre sur le reste du litige ne se trouve en contradiction avec la décision partielle, destinée à entrer en force (cf. ATF 146 III 254 consid. 2.1.1 et les arrêts cités; arrêt 9C_664/2020 du 27 janvier 2021 consid. 1.2).
2.2.3. Hormis les décisions mentionnées à l'art. 92 al. 1 LTF (décisions préjudicielles et incidentes qui sont notifiées séparément et qui portent sur la compétence ou sur une demande de récusation), une décision préjudicielle ou incidente peut être entreprise immédiatement si elle peut causer un préjudice irréparable (art. 93 al. 1 let. a LTF) ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (art. 93 al. 1 let. b LTF).
2.3. En l'espèce, comme le fait valoir à juste titre la recourante, l'arrêt attaqué, par lequel l'autorité précédente a statué sur la question de la conformité à la LAMal des positions du TARMED pour des prestations - psychiatriques ou autres - effectuées par du personnel non médical (chapitre 02.04), ne met pas fin à la procédure. La juridiction cantonale a exposé à cet égard que l'arrêt qu'elle a rendu le 13 septembre 2024 avait pour unique objet de statuer préalablement, par le biais d'une décision préjudicielle, sur cette question. Selon elle, il existait en effet un intérêt commun aux parties à ce que le tribunal arbitral tranche de façon séparée ce point. Une décision préjudicielle sur cette question devait ainsi permettre aux parties, selon les précisions apportées, de déterminer si les prestations qui sont à l'origine du litige sont conformes ou non à la LAMal et, le cas échéant, de favoriser une résolution du litige par la voie transactionnelle. Partant, un recours contre le jugement préjudiciel du 13 septembre 2024 n'est dès lors recevable qu'aux conditions posées par l'art. 93 LTF.
3.
3.1. Selon la jurisprudence constante, le préjudice irréparable dont il est question à l'art. 93 al. 1 let. a LTF doit être de nature juridique et ne pas pouvoir être réparé ultérieurement par une décision finale favorable au recourant. Tel est le cas lorsqu'une décision finale, même favorable au recourant, ne ferait pas disparaître entièrement le préjudice, en particulier lorsque la décision incidente contestée ne peut plus être attaquée avec la décision finale, rendant ainsi impossible le contrôle par le Tribunal fédéral. En revanche, un dommage de pur fait, tel que la prolongation de la procédure ou un accroissement des frais de celle-ci, n'est pas considéré comme un dommage irréparable de ce point de vue. Il appartient au recourant d'alléguer et d'établir la possibilité que la décision préjudicielle ou incidente lui cause un dommage irréparable, à moins que celui-ci ne fasse d'emblée aucun doute (ATF 141 III 395 consid. 2.5; 138 III 46 consid. 1.2; 137 V 314 consid. 2.2.1 et les arrêts cités).
3.2. À l'appui de son recours, A.________ SA allègue que dans la mesure où le "coeur de la procédure entre les parties, à savoir la conformité des prestations litigieuses à la LAMal", a déjà été tranché, la décision finale concernant la restitution éventuelle des montants facturés ne pourra en aucun cas revenir sur cette question. Il en résulte, selon elle, que le jugement entrepris lui cause un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF.
3.3. L'argumentation de la recourante est mal fondée. Quoi qu'elle en dise, il lui sera loisible de s'en prendre à la décision préjudicielle ou incidente que constitue le jugement attaqué à l'occasion d'un recours dirigé contre la décision finale du tribunal arbitral sur le montant réclamé par l'intimée au titre des prestations facturées en application des positions tarifaires relevant du chapitre 02.04 du TARMED à compter du 8 novembre 2014, en reprenant son argumentation actuelle. La condition posée par l'art. 93 al. 1 let. a LTF n'est dès lors manifestement pas réalisée en l'occurrence.
4.
Comme indiqué ci-dessus (consid. 2.2.3 supra), le recours est également ouvert contre les décisions préjudicielles ou incidentes, notifiées séparément, si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (art. 93 al. 1 let. b LTF).
En ce qu'elle se contente d'affirmer que si l'instruction devait se poursuivre, il faudrait tenir compte de frais d'expertise et d'analyse de nombreuses factures payées par l'intimée afin d'examiner, dans le détail, les prestations fournies, la recourante n'établit pas de manière détaillée quelles questions de fait sont encore litigieuses et quelles sont les preuves longues et coûteuses qui devraient être administrées. On rappellera à cet égard que tout complément d'instruction entraîne nécessairement des frais et un prolongement de la procédure et que cela ne suffit pas pour ouvrir le recours immédiat. Pour que la condition légale soit remplie, il faut que la procédure probatoire, par sa durée et son coût, s'écarte notablement des procès habituels. Tel peut être le cas lorsqu'il faut envisager une expertise complexe ou plusieurs expertises, l'audition de très nombreux témoins, ou encore l'envoi de commissions rogatoires dans des pays lointains (arrêts 9C_732/2023 du 4 mars 2024 consid. 2.2.2; 4A_632/2012 du 21 février 2013 consid. 2.2.2). L'art. 93 al. 1 let. b LTF doit par ailleurs être appliqué de façon stricte, dès lors que le recours immédiat se conçoit comme une exception et que l'irrecevabilité d'un tel recours ne porte pas préjudice aux parties, qui peuvent contester la décision incidente en même temps que la décision finale (ATF 133 IV 288 consid. 3.2). Dans ce contexte, une entrée en matière exceptionnelle en application de l'art. 93 al. 1 let. b LTF apparaît exclue en l'occurrence.
5.
Dans une argumentation subsidiaire, la recourante allègue que si contrairement à son intitulé, le jugement entrepris devait être considéré comme une décision partielle, il y aurait lieu d'entrer en matière sans aucune restriction sur son recours, selon l'art. 91 let. a LTF. Elle fait valoir que ce qui a été jugé dans la décision querellée n'est en réalité qu'une phase préalable nécessaire pour juger le reste, si bien que la décision partielle relative à la conformité (de manière générale) à la LAMal des positions du chapitre 02.04 du TARMED en lien avec les prestations - psychiatriques et non médicales - effectuées par du personnel non médical se présenterait comme une décision définitive sur une partie du litige. Il n'y aurait par ailleurs a priori pas de risque de contradiction avec ce qui reste à juger.
L'argumentation de la recourante est mal fondée, dès lors déjà qu'elle n'allègue pas que dans le jugement entrepris, la juridiction arbitrale aurait statué sur un objet dont le sort est indépendant de celui qui reste en cause, comme l'exige pourtant l'art. 91 let. a LTF pour que le recours soit recevable (consid. 2.2.2 supra). Elle ne prétend en particulier pas que la recourante aurait formé plusieurs requêtes séparées, et non une seule requête tendant à la restitution des montants correspondant à la facturation des prestations qu'elle avait prodiguées en application des positions tarifaires relevant du chapitre 02.04 du TARMED (cf. arrêt 1C_551/2021 du 15 mai 2023 consid. 1.5).
6.
Compte tenu de ce qui précède, le recours est irrecevable. La recourante, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). L'intimée n'a pas droit à une indemnité de dépens (art. 68 al. 3 LTF, ATF 149 II 381 consid. 7.3.1).
7.
Le présent arrêt rend sans objet la demande d'effet suspensif qui assortit le recours.
Par ces motifs, le Président prononce :
1.
Le recours est irrecevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal arbitral des assurances du canton de Vaud et à l'Office fédéral de la santé publique.
Lucerne, le 20 novembre 2024
Au nom de la IIIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Parrino
La Greffière : Perrenoud