Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
9C_581/2021
Arrêt du 21 février 2022
IIe Cour de droit social
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Parrino, Président,
Moser-Szeless et Kradolfer, Juge suppléant.
Greffière : Mme Oswald.
Participants à la procédure
A.________,
représentée par M e Guy Longchamp, avocat,
recourante,
contre
Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud,
avenue du Général-Guisan 8, 1800 Vevey,
intimé.
Objet
Assurance-invalidité (rente d'invalidité; nouvelle demande de prestations),
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 24 septembre 2021 (AI 319/19 - 286/2021).
Faits :
A.
A.a. A.________, née en 1958, a été employée au service de la B.________ SA en qualité de collaboratrice de vente à 50 % du 1er avril 1980 au 30 juin 2016. Le 13 mars 2014, elle a chuté sur son lieu de travail, s'est tordue la cheville gauche et a heurté son épaule droite contre un mur. Le 11 février 2015, elle a déposé une demande de prestations de l'assurance-invalidité auprès de l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud (ci-après: l'office AI). Celui-ci a recueilli notamment le rapport du docteur C.________, spécialiste en chirurgie et médecin d'arrondissement de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (ci-après: la CNA), du 30 novembre 2015, selon lequel l'assurée disposait d'une capacité entière de travail dans une activité adaptée (respectant certaines limitations fonctionnelles). L'administration a également requis l'avis du médecin de son Service médical régional (SMR), selon lequel l'activité habituelle de l'assurée (collaboratrice de vente à la B.________ SA) était adaptée (rapport du 17 février 2016). Par décision du 27 mai 2016, l'office AI a nié le droit de l'assurée à une rente d'invalidité. Le 20 octobre 2016, la CNA a accordé à A.________ une rente d'invalidité de l'assurance-accidents de 27 % à partir du 1er avril 2016, ainsi qu'une indemnité pour atteinte à l'intégrité de 5 %.
A.b. Après avoir interpellé l'office AI sur le réexamen de son dossier en fonction d'un changement législatif au 1er janvier 2018 (courrier du 4 juillet 2018 et réponse de l'office AI du 9 août suivant), l'assurée a déposé une nouvelle demande de prestations le 6 décembre 2018. Elle a transmis à l'office AI notamment des avis médicaux, dont un rapport du docteur D.________, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur, du 5 février 2019. Après avoir consulté le médecin du SMR, selon lequel il n'y avait pas d'indication pour une aggravation de l'état de santé, l'office AI a refusé d'entrer en matière sur la nouvelle demande (décision du 22 juillet 2019).
B.
L'assurée a déféré cette décision à la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud, qui l'a déboutée par arrêt du 24 septembre 2021.
C.
A.________ forme un recours en matière de droit public contre cet arrêt. Elle conclut à son annulation ainsi qu'au renvoi de la cause à la juridiction précédente pour nouveau jugement.
Considérant en droit :
1.
1.1. Le recours en matière de droit public (au sens des art. 82 ss LTF) peut être formé pour violation du droit (circonscrit par les art. 95 et 96 LTF ). Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est limité ni par l'argumentation de la partie recourante ni par la motivation de l'autorité judiciaire précédente. Il statue sur la base des faits établis par celle-ci (art. 105 al. 1 LTF) mais peut rectifier ou compléter d'office les lacunes ou les erreurs manifestes (art. 105 al. 2 LTF). Il n'examine en principe que les griefs motivés (art. 42 al. 2 LTF), en particulier s'ils concernent la violation des droits fondamentaux (art. 106 al. 2 LTF), et ne peut aller au-delà des conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF). La recourante peut critiquer la constatation des faits, qui peuvent exercer une influence sur le sort du litige, uniquement s'ils ont été établis en violation du droit ou d'une façon manifestement inexacte (art. 97 al. 1 LTF), notion qui correspond à celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 145 V 188 consid. 2).
1.2. Les constatations de l'autorité cantonale de recours sur l'atteinte à la santé, la capacité de travail de la personne assurée et l'exigibilité - pour autant qu'elles ne soient pas fondées sur l'expérience générale de la vie - relèvent d'une question de fait et peuvent donc être contrôlées par le Tribunal fédéral uniquement sous l'angle restreint de l'arbitraire (ATF 142 V 178 consid. 2.4; 137 V 210 consid. 3.4.2.3; 132 V 393 consid. 3.2). L'appréciation des preuves est arbitraire lorsqu'elle est manifestement insoutenable, en contradiction avec le dossier, ou lorsque l'autorité ne tient pas compte, sans raison sérieuse, d'un élément propre à modifier la décision, se trompe sur le sens et la portée de celui-ci ou, se fondant sur les éléments recueillis, en tire des conclusions insoutenables (ATF 140 III 264 consid. 2.3). Il n'y a pas arbitraire du seul fait qu'une solution autre que celle de l'autorité cantonale semble concevable, voire préférable (ATF 143 IV 347 consid. 4.4; 141 I 70 consid. 2.2; 140 I 201 consid. 6.1). Pour qu'une décision soit annulée pour cause d'arbitraire, il ne suffit pas que sa motivation soit insoutenable; il faut encore que cette décision soit arbitraire dans son résultat (ATF 146 II 111 consid. 5.1.1; 143 I 321 consid. 6.1; 141 I 49 consid. 3.4).
2.
La modification de la loi fédérale sur l'assurance-invalidité du 19 juin 2020 (Développement continu de l'AI; RO 2021 705) est entrée en vigueur le 1er janvier 2022. La décision administrative litigieuse a été rendue antérieurement à cette date, le 22 juillet 2019. Selon les principes généraux du droit intertemporel (cf. p.ex. ATF 129 V 354 consid. 1 et les références), les dispositions de la LAI et du règlement sur l'assurance-invalidité (RAI; RS 831.201) ainsi que de la LPGA sont donc applicables en l'espèce dans leur teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2021.
3.
3.1. Le litige porte sur le point de savoir si la juridiction cantonale était fondée à confirmer le refus de l'intimé d'entrer en matière sur la nouvelle demande présentée par la recourante le 6 décembre 2018.
3.2. A la suite du Tribunal cantonal, on rappellera qu'en vertu de l' art. 87 al. 2 et 3 RAI , lorsque la rente a été refusée parce que le degré d'invalidité était insuffisant, la nouvelle demande ne peut être examinée que si la personne assurée rend plausible que son invalidité ou son impotence s'est modifiée de manière à influencer ses droits. Cette exigence doit permettre à l'administration qui a précédemment rendu une décision de refus de prestations entrée en force d'écarter sans plus ample examen de nouvelles demandes dans lesquelles la personne assurée se borne à répéter les mêmes arguments, sans alléguer une modification des faits déterminants (ATF 130 V 64 consid. 5.2.3; 117 V 198 consid. 4b et les références).
4.
4.1. Les premiers juges ont examiné les rapports médicaux produits à l'appui de la nouvelle demande du 6 décembre 2018 et ont considéré qu'ils n'apportaient aucun élément nouveau qui aurait attesté d'une évolution défavorable de l'état de santé de la recourante depuis le 27 mai 2016, date à laquelle l'intimé n'avait retenu aucun empêchement dans les tâches ménagères, ni aucune incapacité de travail (au-delà du mois de mai ou juin 2015). Ils ont en outre constaté que la recourante n'avait pas non plus rendu plausible que, dans sa situation personnelle, le nouveau mode de calcul du degré d'invalidité des personnes avec un statut mixte (selon l'art. 27bis RAI, en vigueur depuis le 1er janvier 2018) aurait fait naître un droit à la rente, compte tenu de sa capacité de travail entière dans toute activité adaptée à ses limitations fonctionnelles, telles que déjà connues en date du 27 mai 2016. En conséquence, ils ont confirmé la décision de non-entrée en matière sur la nouvelle demande de l'office AI du 22 juillet 2019.
4.2. La recourante fait d'abord grief à la juridiction cantonale d'avoir violé l'art. 8 LPGA en ne tenant pas compte de la décision de la CNA rendue le 20 octobre 2016, soit postérieurement à la décision de refus de prestations de l'office AI, dans laquelle l'assureur-accidents avait retenu un degré d'invalidité de 27 %.
4.2.1. Le taux d'invalidité de 27 % déterminé par la CNA (conformément à l'art. 16 LPGA) se rapporte exclusivement aux revenus réalisés dans l'exercice d'une activité lucrative: la CNA a comparé le montant de 84'981 fr. correspondant au salaire obtenu dans son activité à plein temps auprès de la B.________ SA (où elle a été employée jusqu'au 30 juin 2016) avec le montant de 62'308 fr. qu'elle serait en mesure de gagner hypothétiquement dans un emploi adapté, également à plein temps. Contrairement à ce que semble soutenir la recourante, la CNA s'est alors fondée, tout comme l'office AI dans sa décision du 27 mai 2016, sur une pleine capacité de travail dans une activité adaptée. Ainsi, le taux d'invalidité de 27 % ne reflète pas une détérioration de l'état de santé de l'assurée qui serait intervenue après le 27 mai 2016, mais la diminution de la capacité de gain établie par l'assureur-accidents en fonction des revenus avant et après invalidité qu'il a déterminés au préalable. Dans la mesure où la recourante entend en tirer une "remise en cause" de la décision de l'intimé du 27 mai 2016, elle perd de vue que ce prononcé est entré en force et ne constitue pas l'objet du présent litige.
4.2.2. Pour ce qui est du calcul de l'invalidité dans le domaine de l'assurance-invalidité, l'art. 27bis al. 2 RAI (dans sa teneur en vigueur du 1er janvier 2018 et au 31 décembre 2021, applicable en l'espèce) - dont se prévaut d'ailleurs la recourante - prévoit que le taux d'invalidité pour des personnes ayant un statut mixte, soit exerçant une activité lucrative à temps partiel et accomplissant pour le reste des travaux habituels, est déterminé par l'addition des taux d'invalidité respectifs dans ces deux domaines. Ces taux doivent toutefois être pondérés (art. 27bis al. 3 let. b et al. 4, 2e phrase, RAI), ce que méconnaît la recourante lorsqu'elle soutient que son taux d'invalidité en lien avec l'activité lucrative aurait dû être fixé à 27 % par la juridiction cantonale. Or même s'il y avait lieu de retenir le taux de 27 % déterminé par la CNA, celui-ci devrait être pondéré en fonction du taux d'occupation qu'aurait la recourante sans invalidité, soit 50 % (pourcentage qu'elle admet du reste explicitement), conformément à l'art. 27bis al. 3 let. b RAI. Il correspondrait alors à un taux d'invalidité pour la part lucrative de 13,5 %, qui ne constituerait pas une modification suffisante pour influencer les droits de la recourante au sens de l' art. 87 al. 2 et 3 RAI (consid. 3.2 supra).
4.3. L'assurée fait ensuite valoir une invalidité d'au moins 30 % dans l'accomplissement de ses travaux habituels au sens de l'art. 27bis al. 2 RAI. Dans ce contexte, elle affirme être "empêchée dans ses différentes activités ménagères" et ne plus pouvoir assurer la surveillance personnelle de sa mère - dont l'allocation pour impotent aurait été augmentée - en raison de l'aggravation de ses troubles de la santé. Elle reproche en outre à l'office AI d'avoir violé ses devoirs d'information (art. 27 LPGA) et d'instruction (art. 43 LPGA en lien avec l'art. 46 LPGA portant sur la gestion des documents) en ne tenant pas compte de l'aggravation de l'impotence de sa mère et en ne l'ayant pas conseillée au sujet de l'incidence d'un empêchement dans ses travaux habituels sur son degré d'invalidité.
4.3.1. L'allégation d'un empêchement dans les travaux habituels repose en l'espèce sur la présentation de faits nouveaux par la recourante, qui produit par ailleurs des pièces qui ne se trouvent pas dans le dossier cantonal (ainsi les documents relatifs à l'allocation pour impotent de sa mère), sans qu'elle indique pourquoi elle n'a pas été en mesure de les verser en instance cantonale. Une telle allégation, de plus assortie de pièces nouvelles, n'est pas admissible devant le Tribunal fédéral, conformément à l'art. 99 al. 1 LTF, selon lequel aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente, et la jurisprudence y relative (ATF 143 V 19 consid. 1.2; 136 III 123 consid. 4.4.3). En procédure cantonale, la recourante s'est limitée à invoquer le fait qu'elle s'occupait "en quasi-permanence de sa mère au bénéfice d'une allocation pour impotent" (observations du 8 juillet 2020), sans faire valoir une quelconque limitation en lien avec cette occupation, ni d'ailleurs dans d'autres travaux habituels. Au demeurant, l'affirmation d'une telle limitation nouvelle ou aggravée ne trouve aucun appui dans le rapport du docteur D.________ du 5 février 2019. Dans la mesure ensuite où la recourante se réfère à une augmentation du degré de l'allocation pour impotent de sa mère à partir du 1er avril 2020, il s'agit en tout état de cause d'un fait postérieur à la décision de l'intimé du 22 juillet 2019, de sorte qu'il n'y avait d'emblée pas lieu d'en tenir compte. La recourante ne peut donc rien tirer en sa faveur en invoquant l'art. 27bis RAI (en relation également avec l'al. 2 des dispositions transitoires de la modification du 1er décembre 2017).
4.3.2. En ce qui concerne la violation alléguée des devoirs d'information et d'instruction de l'office AI, il sied de rappeler que, s'agissant d'une nouvelle demande, l'administration n'est tenue à poursuivre l'instruction qu'une fois la modification de l'invalidité ou de l'impotence rendue plausible par la personne assurée (consid. 3.2 supra). Or la recourante ne démontre pas en quoi le Tribunal cantonal aurait constaté les faits de façon manifestement inexacte (consid. 1.2 supra) en retenant qu'elle n'avait pas rendu plausible un tel changement. Dès lors que l'office AI n'avait pas à instruire la demande, le grief de la violation de l'art. 46 LPGA tombe d'emblée à faux, indépendamment du point de savoir si l'office AI aurait été tenu de verser au dossier de l'assurée certains documents compris dans le dossier de l'assurance-invalidité de sa mère.
En ce qui concerne, finalement, le devoir d'information de l'office AI, l'art. 27 al. 1 LPGA pose une obligation générale et permanente de renseigner indépendante de la formulation d'une demande par les personnes intéressées. Cette obligation de renseigner sera satisfaite par le biais de brochures, fiches, instructions, etc. L'al. 2 de cette disposition consacre un droit individuel de l'intéressé à des conseils relatifs à ses droits et à ses obligations, gratuitement de la part de son assureur. Cette obligation de conseil ne s'étend qu'au domaine de compétences de l'assureur interpellé (arrêt 9C_324/2021 du 16 septembre 2021 consid. 5.3.1 et les références). En l'espèce, dans sa demande du 6 décembre 2018 et l'échange de correspondance qui s'en est suivi, la recourante n'a fait valoir aucun empêchement concret dans ses travaux habituels, ni mentionné la situation de sa mère. On voit dès lors mal quelles informations l'office AI aurait dû lui dispenser spontanément après réception de la nouvelle demande de prestations.
4.4. Au vu de ce qui précède, dans la mesure où la recourante n'a pas rendu plausible le fait que son degré d'invalidité se serait modifié de manière à influencer ses droits, c'est à juste titre que le Tribunal cantonal a confirmé le refus de l'intimé d'entrer en matière sur la nouvelle demande. Mal fondé, le recours doit être rejeté.
5.
La recourante, qui succombe, supportera les frais de la procédure (art. 66 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales.
Lucerne, le 21 février 2022
Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Parrino
La Greffière : Oswald