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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
6B_465/2017  
 
 
Arrêt du 21 mars 2018  
 
Cour de droit pénal  
 
Composition 
M. et Mmes les Juges fédéraux Denys, Président, Jacquemoud-Rossari et Jametti. 
Greffière : Mme Kistler Vianin. 
 
Participants à la procédure 
X.________, 
représenté par Maîtres Jean-Claude Schweizer et Magalie Wyssen, avocats, 
recourant, 
 
contre  
 
Ministère public de la République et canton de Neuchâtel, 
intimé. 
 
Objet 
Instigation à faux dans les titres, obtention frauduleuse de constatations fausses, 
 
recours contre le jugement de la Cour pénale du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel du 8 mars 2017 (CPEN.2015.28). 
 
 
Faits :  
 
A.   
Par jugement du 20 juin 2014, le Tribunal régional du Littoral et du Val-de-Travers a, notamment, condamné X.________ à une peine privative de liberté de six mois, avec sursis pendant deux ans, pour trois escroqueries, un abus de confiance et treize instigations à faux dans les titres et obtentions frauduleuses de constatations fausses. 
 
B.  
 
B.a. Par jugement d'appel du 18 novembre 2015, la Cour pénale du Tribunal cantonal neuchâtelois a admis partiellement l'appel formé par X.________. Elle a condamné l'appelant à une peine pécuniaire de 60 jours-amende à 60 fr. le jour, avec sursis pendant deux ans, sans peine d'amende additionnelle, pour la commission de deux escroqueries et de treize instigations à faux dans les titres et à obtentions frauduleuses de constatations fausses.  
 
En substance, elle a retenu les faits suivants: 
 
A.________ a créé B.________ Ltd en 1997. X.________ en a été co-fondateur ou du moins très rapidement administrateur. Dès 1999 en tout cas, B.________ Ltd a participé à la création et à la vente de sociétés anonymes, constituées par des tiers mais à sa demande, selon le processus suivant: 
 
1. Une fiduciaire (C.________ SA ou D.________ SA) déposait sur un compte bancaire le montant de 100'000 fr. destiné à constituer le capital social de la nouvelle société. 
 
2. Une attestation de consignation de ce montant était présentée à un notaire afin qu'il puisse le constater dans l'acte authentique de constitution de la société. 
 
3. Une fois la société créée par acte authentique, la banque transférait à la société son capital qui retournait sur le compte du prêteur après inscription au registre du commerce. 
 
4. Quelques temps plus tard, les administrateurs de la société (qui étaient les mêmes que les fondateurs) démissionnaient de leur charge. 
 
5. Les actions étaient cédées à B.________ Ltd qui, par convention, s'engageait à verser à la société le capital de 100'000 fr., sous déduction des coûts de constitution de 5'000 fr., qui présentaient pour moitié les frais de notaire et les émoluments administratifs, et pour l'autre moitié les honoraires de la fiduciaire; B.________ Ltd revendait les mêmes actions à ses clients pour 20'000 fr., l'acquéreur s'engageant en principe à verser à la société le capital social. 
 
A.________ s'occupait d'une bonne partie des démarches, vu ses connaissances en la matière, alors que X.________ effectuait le travail de terrain, celui de trouver et de convaincre les clients, ce qui impliquait de bien connaître le processus de création. 
 
B.b. Par arrêt du 21 novembre 2016 (6B_130/2016), le Tribunal fédéral a admis partiellement le recours formé par X.________, a annulé le jugement cantonal d'appel et a renvoyé la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision. Il a considéré que le jugement attaqué ne satisfaisait pas aux exigences de l'art. 112 al. 1 let. b LTF s'agissant des condamnations pour instigation à faux dans les titres et à obtentions frauduleuses de constatations fausses, la cour cantonale n'ayant pas exposé en détails les faits qui étaient reprochés à X.________. Pour le surplus, le Tribunal fédéral a rejeté les autres griefs, en particulier ceux relatifs aux escroqueries.  
 
B.c. Par jugement d'appel du 8 mars 2017 rendu à la suite de l'arrêt de renvoi du Tribunal fédéral, la Cour pénale du Tribunal cantonal neuchâtelois a admis partiellement l'appel de X.________ et a annulé les chiffres 9 à 13 du jugement de première instance. Statuant à nouveau, elle a condamné X.________ à une peine de 60 jours-amende à 60 fr. le jour, avec sursis pendant deux ans, sans peine d'amende additionnelle, pour escroqueries et pour instigation à faux dans les titres et à obtentions frauduleuses de constatations fausses.  
 
C.   
Contre ce dernier jugement cantonal, X.________ dépose un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral. Il conclut à son acquittement des infractions d'instigation à faux dans les titres et à obtentions frauduleuses de constatations fausses et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour décision sur les frais, dépens et indemnités qui lui sont dus. 
 
La cour cantonale a renoncé à se déterminer sur le recours. Le Ministère public neuchâtelois a déposé une très brève réponse; déposée hors délai, celle-ci est irrecevable. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le recourant reproche à la cour cantonale de ne pas avoir suivi les injonctions que lui a adressées le Tribunal fédéral dans son arrêt de renvoi et de ne pas avoir expliqué en détails les faits qui lui étaient reprochés. Selon le recourant, la cour cantonale n'expose pas mieux que dans son jugement précédent en quoi le recourant aurait incité, encouragé ou poussé les employés et/ou les organes des fiduciaires à commettre des infractions de faux dans les titres et d'obtentions frauduleuses de constatations fausses. 
 
1.1. L'instigation est le fait de décider intentionnellement autrui à commettre une infraction intentionnelle. Si l'infraction a été commise, l'instigateur encourt la peine applicable à l'auteur de cette infraction (art. 24 al. 1 CP).  
 
L'instigation suppose un rapport de causalité entre l'acte d'incitation de l'instigateur et la décision de l'instigué de commettre l'acte. L'instigateur doit exercer une influence psychique directe sur la formation de la volonté d'autrui. Il n'est pas nécessaire qu'il ait dû vaincre la résistance de l'instigué. La volonté d'agir peut être déterminée même chez celui qui est disposé à agir ou chez celui qui s'offre à accomplir un acte réprimé par le droit pénal et cela aussi longtemps que l'auteur ne s'est pas encore décidé à passer à l'action concrètement. En revanche, l'instigation n'est plus possible si l'auteur de l'acte était déjà décidé à le commettre (ATF 128 IV 11 consid. 2a p. 14 s.; 127 IV 122 consid. 2b/aa p. 127 s.; cf. également ATF 124 IV 34 consid. 2c p. 37 s.). L'instigateur doit exercer son influence sur la volonté d'un individu déterminé ou de quelques individus déterminés, pour les amener à commettre une infraction. 
 
Pour qu'une instigation puisse être retenue, il faut qu'elle soit intentionnelle. L'intention doit se rapporter, d'une part, à la provocation de la décision de passer à l'acte et, d'autre part, à l'exécution de l'acte par l'instigué (ATF 127 IV 122 consid. 4a p. 130). Le dol éventuel suffit. Il faut que l'instigateur ait su et voulu ou, à tout le moins, envisagé et accepté que son intervention était de nature à décider l'instigué à commettre l'infraction (ATF 128 IV 11 consid. 2a p. 15). 
 
1.2. La cour cantonale a repris en détail les faits ayant conduit à la création de treize sociétés anonymes avec reprise immédiate du capital:  
 
1.2.1. Dans le cas E.________ SA, la cour cantonale a expliqué que le recourant connaissait F.________ et qu'il lui avait indiqué qu'il était possible de créer une société anonyme avec 20'000 fr. au lieu de 100'000 francs. L'état de fait cantonal ne fait toutefois aucune mention de la participation du recourant à la fondation de la société à proprement parler.  
 
1.2.2. Dans le cas G.________ SA, la cour cantonale a exposé que le recourant avait proposé à H.________ la création d'une société anonyme. Elle a relevé qu'un courrier du 10 décembre 1999, signé par le recourant, expliquait à H.________ le processus de garantie du prêt de 50'000 fr. à intervenir, par remise au prêteur I.________ du certificat d'actions de la société anonyme en garantie. Le jugement attaqué ne fait toutefois aucune référence à une participation du recourant au processus de création de la société.  
 
1.2.3. Dans le cas J.________ SA, la cour cantonale a constaté que V.________ avait fait la connaissance du recourant et que celui-ci lui avait énuméré les sociétés qu'il pouvait créer. Par la suite, elle a expliqué que B.________ Ltd et D.________ SA avaient passé une convention fiduciaire de cession, la première ayant mandaté la seconde pour constituer la société J.________ SA en s'engageant à reprendre la dette de l'ancien actionnaire sans recours contre lui, à se substituer à lui et à verser immédiatement à la société le capital social de 100'000 francs. Aucune référence n'est faite à un quelconque comportement motivant du recourant.  
 
1.2.4. Dans le cas K.________ SA, la cour cantonale a mentionné que le recourant avait admis avoir eu des contacts avec les acquéreurs de diverses sociétés, mais il n'y a aucune référence à un acte motivant du recourant à l'égard des personnes qui ont constitué les sociétés.  
 
1.2.5. Dans le cas L.________ SA, la cour cantonale n'a fait aucune référence au recourant.  
 
 
1.2.6. Dans le cas M.________ SA, la cour cantonale a fait référence à un contact initial avec le recourant, mais n'a rien dit s'agissant de l'éventuelle participation du recourant à la création de la société.  
 
1.2.7. Dans le cas N.________, la cour cantonale a relevé qu'une ex-employée de B.________ Ltd avait été administratrice de la société, après sa fondation, à la demande du recourant, qui aurait proposé à la lésée de créer cette société. Mais elle n'a fait aucune référence à un quelconque acte motivant à l'endroit des personnes qui ont créé la société.  
 
1.2.8. Dans le cas O.________ SA, la cour cantonale a retenu que le recourant avait conseillé de créer une société anonyme, qu'il pouvait vendre 20'000 francs. Mais elle n'a rien dit quant à une participation quelconque du recourant à la fondation à proprement parler de la société.  
 
1.2.9. Dans le cas P.________ SA, la cour cantonale a constaté à nouveau que le recourant avait proposé de vendre une société anonyme pour 20'000 fr., mais n'a rien dit quant à un quelconque comportement motivant du recourant.  
 
1.2.10. Dans le cas Q.________ SA, la cour cantonale a indiqué qu'un tiers s'était adressé au recourant pour reprendre un établissement public et que celui-ci lui avait dit pouvoir lui vendre une société sans actif, dont il fallait reconstituer le capital. Aucune mention n'est faite non plus quant à une quelconque participation du recourant à la fondation de la société anonyme.  
 
1.2.11. Dans le cas R.________ SA, il est retenu que le recourant a dit à S.________ que " d'ordinaire il fallait 100'000 fr. mais que pour son cas, cela n'en valait pas la peine car il avait des biens à injecter dans la société, qui allaient couvrir ce montant ". Aucune référence n'est toutefois faite à un comportement motivant du recourant s'agissant de la fondation de la société anonyme.  
 
1.3. La cour cantonale a insisté sur les conventions de cession et leurs lettres d'accompagnement, expliquant que celles-ci exprimaient de façon limpide le fait que B.________ Ltd chargeait l'une ou l'autre fiduciaire de créer une société anonyme. Elle a ajouté que B.________ Ltd avait connaissance de l'intervention très momentanée de fondateurs puisque, dès en tout cas la création de T.________ SA, elle comptait sur une démission aussi rapide que possible de l'administrateur d'origine; pour la cour cantonale, l'intention de contourner les règles sur les apports étaient aussi présente chez le recourant (jugement attaqué p. 19). La cour cantonale a également retenu que le recourant était l' "administrateur, directeur de succursale " de B.________ Ltd Londres, succursale de U.________; à ce titre, il ne pouvait donc ignorer les démarches entreprises par la société qu'il administrait, pour le compte de clients qui, très souvent, avaient eu un premier contact avec lui-même (jugement attaqué p. 19 s.). La cour cantonale a conclu qu'il était manifeste que les organes de C.________ SA puis D.________ SA n'auraient pas procédé à la constitution irrégulière des sociétés anonymes litigieuses s'ils n'en avaient pas reçu le mandat de B.________ Ltd, au vu et au su du recourant (jugement attaqué p. 21).  
 
1.4. Il ne ressort toutefois pas de l'état de fait cantonal que le recourant est intervenu auprès du notaire instrumentant ou auprès des personnes qui ont constitué ces sociétés. La cour cantonale n'a pas constaté que le recourant avait participé à la fondation à proprement parler des sociétés et qu'il avait exercé une quelconque action motivante sur les personnes qui ont fondé les sociétés. Le recourant a certes proposé à des tiers de créer, former ou acheter des sociétés anonymes pour 20'000 fr.; s'il a vanté ces constructions, c'est à l'égard de tiers, et non des auteurs des infractions de faux dans les titres et d'obtentions frauduleuses de constatations fausses (cf. consid. 1.2).  
 
La cour cantonale a insisté sur les conventions de cession conclues entre B.________ Ltd et les fiduciaires, expliquant que ces conventions et leurs lettres d'accompagnement exprimaient de façon limpide le fait que B.________ Ltd chargeait l'une ou l'autre fiduciaire de créer une société anonyme. La cour cantonale n'a toutefois pas précisé quelle était le rôle du recourant dans l'établissement de ces conventions. En outre, l'auteur de l'instigation doit exercer son influence sur un ou des individus déterminés; contrairement à ce que semble croire la cour cantonale (cf. jugement attaqué p. 5), l'instigué ne peut pas être une personne morale ou ses organes en général. 
 
La cour cantonale a également mentionné que le recourant était au courant du processus de création des sociétés. Cette seule connaissance n'implique toutefois pas encore qu'il a décidé autrui à commettre des infractions de faux dans les titres et d'obtention frauduleuse d'une constatation fausse et qu'il se soit rendu coupable d'instigation à ces infractions. A défaut d'autres éléments, il n'est pas possible de construire une coactivité d'instigation (à supposer qu'un collaborateur ou associé de B.________ Ltd se soit rendu coupable d'instigation; BERNARD STRÄULI, Commentaire romand, Code pénal I, n° 42 ad art. 24 CP; PHILIPPE GRAVEN, L'infraction pénale punissable, 2e éd., 1995, p. 301), une responsabilité du chef d'entreprise (ATF 105 IV 172 consid. 4a) ou encore une autre forme de participation (complicité, coactivité). 
 
1.5. En définitive, les faits, tels qu'ils sont arrêtés dans le jugement attaqué, ne permettent pas de fonder une condamnation pour instigation à faux dans les titres ou à obtention frauduleuse d'une constatation fausse. Le recours doit donc être admis, le jugement attaqué doit être annulé et la cause renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision.  
 
2.   
Le recourant qui obtient gain de cause ne supporte pas de frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF) et peut prétendre à une indemnité de dépens à la charge du canton de Neuchâtel (art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est admis, le jugement attaqué est annulé et la cause est renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision. 
 
2.   
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
3.   
Le canton de Neuchâtel versera au recourant la somme de 3000 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour pénale du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel. 
 
 
Lausanne, le 21 mars 2018 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Denys 
 
La Greffière : Kistler Vianin