Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
6B_1238/2023
Arrêt du 21 mars 2024
Ire Cour de droit pénal
Composition
Mme et MM. les Juges fédéraux
Jacquemoud-Rossari, Présidente,
Denys et Muschietti.
Greffière : Mme Thalmann.
Participants à la procédure
A.________,
représentée par Me Christian Dénériaz, avocat,
recourante,
contre
1. Ministère public central du canton de Vaud, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens VD,
2. B.B.________ et C.B.________,
tous les deux représentés par
Me Marc-Etienne Favre, avocat,
intimés.
Objet
Contrainte; révocation du sursis; indemnités,
recours contre le jugement de la Cour d'appel
pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud
du 9 août 2023 (n° 263 PE18.023559/AUI).
Faits :
A.
Par jugement du 3 février 2023, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de La Côte a libéré A.________ des chefs de prévention de dommages à la propriété, de calomnie et d'injure (cas 1) et de menaces (|), a constaté que A.________ s'était rendue coupable de diffamation, d'injure (cas 4) et de contrainte (Il), a révoqué le sursis octroyé à A.________ le 6 septembre 2016 par la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal et ordonné l'exécution de la peine privative de liberté de six mois, sous déduction de 103 jours de détention avant jugement, et de la peine pécuniaire de 180 jours-amende à 300 fr. le jour-amende (lIl), a condamné A.________ à une peine privative de liberté de huit mois et dit que cette peine était partiellement complémentaire à celle prononcée par la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal le 13 juin 2019 (IV), a condamné A.________ à une peine pécuniaire de 40 jours-amende à 30 fr. le jour-amende (V), a suspendu l'exécution de la peine privative de liberté fixée sous chiffre IV ci-dessus ainsi que de la peine pécuniaire fixée sous chiffre V ci-dessus et fixé à A.________ un délai d'épreuve de cinq ans (VI), a ordonné à A.________, au titre de règle de conduite durant le délai d'épreuve, d'entreprendre un suivi thérapeutique axé sur la gestion de sa symptomatologie anxieuse et sur l'amélioration de ses capacités relationnelles (VII), a ordonné une assistance de probation en faveur de A.________ dont le but sera notamment de veiller à la mise en oeuvre et au suivi régulier de la règle de conduite fixée au chiffre VIl ci-dessus ainsi que d'apporter toute éventuelle assistance sociale en faveur de A.________ dont elle aurait besoin (VIII), a dit que A.________ était la débitrice de C.B.________ et de B.B.________, solidairement entre eux, et leur devait immédiat paiement de la somme de 16'000 fr., à titre de juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure (IX), a renvoyé C.B.________ et B.B.________ à agir devant le juge civil pour faire valoir leurs éventuelles prétentions civiles (X).
B.
Par jugement du 9 août 2023, la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal vaudois a partiellement admis l'appel formé par A.________. Elle a réformé le jugement entrepris en ce sens qu'elle a libéré A.________ du chef de prévention d'injure (cas 4) et a réduit la quotité de la peine pécuniaire à 30 jours-amende à 30 fr. le jour. Elle a confirmé le jugement du 3 février 2023 pour le surplus.
En substance, le jugement querellé retient les faits suivants:
B.a. À tout le moins entre le 18 novembre 2018 et le 19 septembre 2020, à U.________, chemin V.________, dans le cadre d'un intense conflit de voisinage de longue date et ayant déjà donné lieu à deux condamnations, A.________ a régulièrement importuné ses voisins, C.B.________ et B.B.________, par un comportement de harcèlement répété et insistant, notamment en invectivant fréquemment leurs enfants, les entravant ainsi dans leur liberté d'action et les contraignant à agir afin de tenter de mettre un terme à ses agissements.
Les agissements répétés de A.________ à l'encontre de ses voisins ont notamment contraint les époux B.________ à la filmer à plusieurs reprises, afin de fixer sur support audio ou vidéo les faits survenus, ainsi qu'à faire fréquemment appel aux forces de l'ordre afin qu'elle cesse ses comportements oppressants. Ces agissements ont par ailleurs occasionné un stress quotidien pour la famille B.________ et ont eu un impact sur la santé psychique de ses membres, les empêchant de jouir pleinement de leur propriété, obligeant notamment les époux à installer un toit sur leur terrasse afin de ne plus être exposés à la vue de leur voisine. Cette situation les a en outre conduits à se faire du souci pour leurs enfants, dès lors que les parents craignaient sans cesse que ceux-ci soient interpellés ou invectivés par A.________. Enfin, la situation a rendu nécessaire la mise en place d'un suivi psychologique pour C.B.________ depuis juin 2019.
Dans ce contexte, les faits suivants ont pu être mis en évidence:
B.b. Le 18 novembre 2018, dans l'après-midi, alors que les enfants des époux B.________ et leurs amis participaient, dans le bas du jardin familial, à l'anniversaire de D.B.________, fille cadette du couple et alors âgée de dix ans, A.________ est arrivée par le champ situé sur la parcelle voisine, un bloc-notes en mains, et a interpellé les enfants en prétendant être une psychologue souhaitant comprendre pourquoi les enfants "criaient si fort". Constatant la situation, C.B.________ est intervenu et a requis de sa voisine de ne pas parler aux enfants et de les laisser jouer, ainsi que de quitter les lieux. Au vu du contexte, il a été contraint de la filmer de manière perceptible durant quelques minutes au moyen de son téléphone portable.
Face au refus de A.________ de s'exécuter, B.B.________ s'est également approchée et, au cours de la conversation qui s'en est suivie, s'est vu traiter de "salope" par A.________ (injure désormais prescrite). C.B.________ s'est ensuite éloigné de quelques mètres, transmettant son téléphone portable à son épouse. Compte tenu de l'attitude et de la persistance de sa voisine à demeurer sur place et à continuer ses provocations, B.B.________ a également enclenché la caméra du téléphone portable afin de filmer la scène. Après une quinzaine de minutes, constatant que A.________ persistait à demeurer sur place, B.B.________ a demandé à son époux de composer le 117, craignant que leur voisine ne leur nuise encore davantage. Prenant conscience que celui-ci s'exécutait, A.________ a finalement quitté les lieux, avant de cependant revenir vers la maison de la famille B.________ par le chemin V.________, dans l'unique but d'importuner.
C.B.________ et B.B.________ ont déposé plainte et se sont constitués parties civiles le 22 novembre 2018.
B.c. Le 3 septembre 2019, A.________ a placardé sur la boîte aux lettres du domicile de la famille B.________ une illustration sur laquelle figurait l'image d'un chat accompagnée de la mention manuscrite "Il est mort à cause de vous". Visible depuis l'espace public, l'illustration a été découverte par D.B.________. En agissant de la sorte, A.________ a délibérément porté atteinte à l'honneur de C.B.________ et de B.B.________ en les accusant faussement d'avoir tué son chat, alors même qu'elle connaissait le caractère erroné de ses accusations, ce dans l'unique but de leur causer du tort.
C.B.________ et B.B.________ ont déposé plainte et se sont constitués parties civiles le 9 septembre 2019.
B.d. Le 17 septembre 2020, à 18h20, alors qu'il rentrait à son domicile au volant de son véhicule, C.B.________ a été contraint de s'arrêter à la hauteur de la maison de A.________, en raison d'une corde accrochée par celle-ci en travers du chemin, à environ 1,50 mètre du sol, l'empêchant de continuer sa route. Malgré les demandes formulées par son voisin, A.________ a refusé d'ôter la corde, contraignant ainsi le conducteur à sortir de sa voiture afin de la retirer lui-même. Alors que C.B.________ s'exécutait, elle l'a encore traité de "pauvre type".
C.B.________ et B.B.________ ont déposé plainte et se sont constitués parties civiles le 24 septembre 2020.
B.e. Le 19 septembre 2020, à 17h00, pendant que E.B.________, fils de C.B.________ et de B.B.________, alors âgé de 18 ans, gonflait les pneus de son vélo sur le parking familial, A.________ s'est approchée de la propriété et a proféré des propos menaçants, tant à l'attention du jeune homme qu'à celle de sa famille, en l'invectivant par des déclarations telles que "20 ans que je subis ces voisins", "Ma voiture, ma barrière enfoncée, j'ai tout eu", "Mon dieu, punissez-les" ou "Allah Akbar". E.B.________ a rapporté ces propos à ses parents.
C.B.________ et B.B.________ ont déposé plainte et se sont constitués parties civiles le 24 septembre 2020.
B.f. Née en 1949, A.________, a, une fois sa scolarité obligatoire achevée, effectué une formation commerciale, puis a entrepris des études en Angleterre. Par la suite, elle a travaillé auprès de différentes banques en qualité de secrétaire de direction. Elle a cessé de travailler en 1983. En 2003, elle a bénéficié d'un héritage qui lui a permis de vivre aisément durant un certain temps. Elle vit seule dans sa villa sise à U.________, dont la valeur au Registre foncier s'élève à 780'000 fr. et qui est franche d'hypothèque. Célibataire, elle n'a pas d'enfant. Retraitée, elle perçoit une rente AVS de 1'101 fr. par mois. La prime mensuelle de son assurance-maladie s'élève à environ 850 francs. Alors qu'elle indiquait, en février 2016, disposer d'une fortune d'environ un million de francs, elle assure aujourd'hui être dépourvue d'économies, avoir sa seule rente AVS pour revenu et devoir emprunter pour vivre. Son médecin lui a donné des calmants, qu'elle n'a pas encore pris. Elle n'a pas de suivi psychiatrique ou psychologique.
B.g. A.________ a fait l'objet d'une expertise psychiatrique en cours d'instruction. || ressort du rapport d'expertise du 29 novembre 2022 du Professeur F.________ et de la Dre G.________ que l'expertisée ne présente pas de trouble mental mais des traits de personnalité qui peuvent avoir une influence sur son comportement général, mettre à mal ses relations interpersonnelles et générer une symptomatologie anxieuse la poussant à agir. À cet égard, il a été constaté, en substance, que son discours devient désorganisé et interprétatif avec une tonalité persécutoire lorsqu'elle présente une symptomatologie anxieuse plus marquée. Dans une situation anxiogène, elle a tendance à présenter des idées à teinte persécutoire qui sont circonscrites aux personnes impliquées, de même qu'une désorganisation et une agitation psychomotrice qui semble la pousser à agir. Elle peut toutefois redevenir plus calme lorsqu'elle a une relation de confiance avec quelqu'un à qui elle peut demander conseil. Si elle présente une crainte de la solitude et de l'abandon ainsi qu'un besoin important d'être prise en charge, elle dispose des compétences pour y parvenir, comme le montre le fait que, depuis 2015, elle vit seule et s'occupe de ses affaires sans difficultés particulières en ce qui concerne le soin à sa propre personne, les tâches administratives ou la gestion de son logement. Sa responsabilité pénale est considérée comme pleine et entière. Un risque de récidive existe si l'expertisée se retrouve à nouveau en proie à des conflits relationnels.
B.h. Le casier judiciaire de A.________ comporte les inscriptions suivantes:
- une condamnation à une peine privative de liberté de six mois, sous déduction de 103 jours de détention provisoire, avec sursis à l'exécution de la peine et délai d'épreuve de cinq ans, à une peine pécuniaire de 180 jours-amende à 300 fr. le jour-amende, également avec sursis à l'exécution de la peine et délai d'épreuve de cinq ans, et à une peine d'amende de 6'000 fr., prononcée le 6 juin 2016 (
recte : 6 septembre 2016) par la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal, pour diffamation, calomnie, injure, utilisation abusive d'une installation de télécommunication, menaces, contrainte et tentative de contrainte;
- une condamnation à une peine pécuniaire de 150 jours-amende à 150 fr. le jour-amende, prononcée le 13 juin 2019 par la Cour d'appel pénale, pour diffamation, injure et tentative de menaces.
C.
A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre le jugement rendu le 9 août 2023 par la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal vaudois. Elle conclut, avec suite de frais et dépens, principalement à la réforme du jugement entrepris en ce sens qu'elle est libérée du chef de prévention de contrainte, condamnée à une peine modérée assortie du sursis, et qu'il est renoncé à révoquer les sursis qui lui ont été octroyés le 6 septembre 2016 par la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud et portant sur l'exécution de la peine privative de liberté de six mois sous déduction de 103 jours de détention avant jugement et sur une peine pécuniaire de 180 jours-amende à 300 fr. le jour-amende. Subsidiairement, elle conclut à l'annulation du jugement querellé, la cause étant renvoyée à l'autorité intimée pour nouveau jugement dans le sens des considérants de l'arrêt à rendre. Elle sollicite également l'octroi de l'effet suspensif.
Considérant en droit :
1.
La recourante invoque une violation du droit fédéral dans l'application de l'art. 181 CP.
1.1. Se rend coupable de contrainte au sens de l'art. 181 CP celui qui, en usant de violence envers une personne ou en la menaçant d'un dommage sérieux, ou en l'entravant de quelque autre manière dans sa liberté d'action, l'aura obligée à faire, à ne pas faire ou à laisser faire un acte.
La menace est un moyen de pression psychologique consistant à annoncer un dommage futur dont la réalisation est présentée comme dépendante de la volonté de l'auteur, sans toutefois qu'il soit nécessaire que cette dépendance soit effective (ATF 106 IV 125 consid. 2a; plus récemment, arrêt 6B_693/2020 du 18 janvier 2021 consid. 4.1) ni que l'auteur ait réellement la volonté de réaliser sa menace (ATF 105 IV 120 consid. 2; arrêt 6B_693/2020 précité consid. 4.1).
Il peut également y avoir contrainte lorsque l'auteur entrave sa victime "de quelque autre manière" dans sa liberté d'action. Cette formule générale doit être interprétée de manière restrictive. N'importe quelle pression de peu d'importance ne suffit pas. Il faut que le moyen de contrainte utilisé soit, comme pour la violence ou la menace d'un dommage sérieux, propre à impressionner une personne de sensibilité moyenne et à l'entraver d'une manière substantielle dans sa liberté de décision ou d'action. Il s'agit donc de moyens de contrainte qui, par leur intensité et leur effet, sont analogues à ceux qui sont cités expressément par la loi (ATF 141 IV 437 consid. 3.2.1; 137 IV 326 consid. 3.3.1). La contrainte peut être réalisée par une accumulation de comportements distincts de l'auteur, par exemple lorsque celui-ci importune sa victime par sa présence de manière répétée pendant une période prolongée (ATF 129 IV 262 consid. 2.4).
1.1.1. Lorsque l'auteur importune la victime de manière répétée durant une période prolongée, chaque acte devient, au fil du temps, susceptible de déployer, sur la liberté d'action de la victime, un effet d'entrave comparable à celui de la violence ou de la menace (au sujet de la notion de
stalking ou de harcèlement obsessionnel, v. ATF 141 IV 437 et 129 IV 262 consid. 2.3 à 2.5). Toutefois, en l'absence d'une norme spécifique réprimant de tels faits en tant qu'ensemble d'actes formant une unité, l'art. 181 CP suppose, d'une part, que le comportement incriminé oblige la victime à agir, à tolérer ou à omettre un acte et, d'autre part, que cela puisse être appréhendé comme le résultat d'un comportement de contrainte plus précisément circonscrit (ATF 129 IV 262 consid. 2.4; arrêts 6B_598/2022 du 9 mars 2023 consid. 2.1.1; 6B_191/2022 du 21 septembre 2022 consid. 5.1.2). Selon la jurisprudence, si le simple renvoi à un ensemble d'actes très divers commis sur une période étendue par l'auteur, respectivement à une modification par la victime de ses habitudes de vie, ne suffit pas, faute de mettre en évidence de manière suffisamment précise quel comportement a pu entraîner quel résultat à quel moment (ATF 129 IV 262 consid. 2.4; arrêts 6B_598/2022 précité consid. 2.1.1; 6B_191/2022 précité consid. 5.1.2), l'intensité requise par l'art. 181 CP peut néanmoins résulter du cumul de comportements divers ou de la répétition de comportements identiques sur une durée prolongée (ATF 141 IV 437 consid. 3.2.2).
1.1.2. Selon la jurisprudence, la contrainte n'est contraire au droit que si elle est illicite, soit parce que le moyen utilisé ou le but poursuivi est illicite, soit parce que le moyen est disproportionné pour atteindre le but visé, soit encore parce qu'un moyen conforme au droit utilisé pour atteindre un but légitime constitue, au vu des circonstances, un moyen de pression abusif ou contraire aux moeurs (ATF 141 IV 437 consid. 3.2.1; 137 IV 326 consid. 3.3.1; 134 IV 216 consid. 4.1).
Savoir si la restriction de la liberté d'action constitue une contrainte illicite dépend ainsi de l'ampleur de l'entrave, de la nature des moyens employés à la réaliser et des objectifs visés par l'auteur (ATF 129 IV 262 consid 2.1; 129 IV 6 consid. 3.4; arrêts 6B_598/2022 précité consid. 2.1.2; 6B_191/2022 précité consid. 5.1. 3).
1.2. Dans son raisonnement, la cour cantonale a exposé que la présente espèce se caractérisait par le cumul de comportements récurrents, à savoir par des épisodes remontant aux 18 novembre 2018, 3 septembre 2019, 17 et 19 septembre 2020. Une telle durée devait être qualifiée de prolongée au sens de la jurisprudence. La recourante avait importuné à plusieurs reprises les intimés par des comportements irrationnels, obsessionnels ou inadéquats.
En outre, les actes en cause procédaient tous du dessein exclusif de nuire aux intimés, de sorte que le but poursuivi était illicite. Ils avaient constitué un stress quotidien pour la famille B.________. Leurs effets durables ressortaient notamment du fait que la situation perdurait de longue date au vu des condamnations antérieures de la recourante. Ils avaient eu un impact sur la santé psychique de l'intimé, ce qui avait rendu nécessaire la mise en place d'un suivi psychologique depuis juin 2019 déjà, c'est-à-dire entre les deux premiers actes incriminés. Les agissements répétés de la recourante avaient notamment contraint les intimés à la filmer à plusieurs reprises pour préserver des preuves, ainsi qu'à faire fréquemment appel aux forces de l'ordre et à installer un toit sur leur terrasse afin de ne plus être exposés à la vue de leur voisine.
Qui plus est, les époux avaient été conduits à se faire du souci pour leurs enfants, dont ils craignaient sans cesse qu'ils soient interpellés ou invectivés par la recourante. Ils s'étaient ainsi vus contraints de les encadrer dans une mesure supérieure à l'exercice courant de leurs tâches parentales, notamment en leur donnant pour instruction de ne jamais répondre à leur voisine et de l'enregistrer si elle s'adressait à eux ostensiblement.
L'ensemble du comportement de la recourante dénot ait qu'elle vouait de manière récurrente son attention à la propriété de ses voisins, dont elle épiait les moindres faits et gestes pour susciter des incidents, y compris à la faveur d'activités aussi anodines que la fête d'anniversaire d'une fillette ou un retour à domicile au volant d'une voiture. C'était ce comportement qui était en particulier à l'origine de l'installation, par les intimés, d'un toit sur leur terrasse pour échapper à la vue de leur voisine.
En définitive, la cour cantonale a retenu que l'ensemble des éléments d'appréciation ci-dessus commandait de considérer que c'était le cumul des comportements répétés de la recourante sur une longue période qui avait mené les victimes à modifier leurs habitudes de vie dans le sens déjà décrit. Elles avaient ainsi été entravées dans leur liberté de décision et d'action. La qualification de contrainte devait donc être confirmée.
1.3. La recourante débute son argumentation en relevant que le Tribunal de police de l'arrondissement de La Côte, dans son jugement du 12 novembre 2018 (cité par la cour cantonale dans son raisonnement), l'avait libérée du chef de prévention de contrainte au motif qu'il n'était pas établi que les victimes auraient été entravées dans leur liberté d'action ou que la pression exercée par la recourante était de nature à les entraver dans leur liberté d'action. Toutefois, le fait que la recourante ait été acquittée par le passé du chef de prévention de contrainte au motif que les intimés n'avaient pas été entravés dans leur liberté de décision ou d'action n'est pas relevant. D'autant plus que, dans le cas d'espèce, les intimés ont précisément été entravés dans leur liberté de décision et d'action, dès lors que, comme l'a retenu la cour cantonale, ils ont notamment été contraints de filmer la recourante à plusieurs reprises pour préserver des preuves, de faire fréquemment appel aux forces de l'ordre, d'installer un toit sur leur terrasse afin de ne plus être exposés à la vue de leur voisine, de se faire du souci pour leurs enfants, dont ils craignaient sans cesse qu'ils soient interpellés ou invectivés par la recourante, ce qui les a également contraints de les encadrer dans une mesure supérieure à l'exercice courant de leurs tâches parentales, notamment en leur donnant pour instruction de ne jamais répondre à leur voisine et de l'enregistrer si elle s'adressait à eux ostensiblement.
1.4. C'est ensuite également en vain que la recourante reproche à la cour cantonale d'avoir pris en considération son comportement global sur une longue période, également antérieure à celle de la présente cause, et non les différents actes isolés qui lui sont reprochés. En l'occurrence, la question de savoir si les actes reprochés à la recourante, à savoir son irruption lors de l'anniversaire de la fille cadette des intimés, le placardage d'une image de chat sur la boîte aux lettres, le fait d'accrocher une corde en travers du chemin attenant à la maison et les invectives proférées à l'égard des intimés et de leur fils constituent chacun isolément de la contrainte n'apparaît pas décisif, dès lors que le comportement de la recourante doit s'apprécier au regard de l'ensemble des circonstances (ATF 141 IV 437 consid. 3.2.2) et que, selon la jurisprudence, lorsque l'auteur importune la victime de manière répétée pendant une période prolongée, chaque acte de harcèlement devient susceptible d'entraver la liberté d'action de celle-ci (cf. ATF 129 IV 262 consid. 2.3-2.5, JdT 2005 IV 207). Dans le cas présent, à l'instar de ce qu'a retenu la cour cantonale, c'est le cumul des quatre comportements de harcèlement commis par la recourante à l'égard des intimés sur une période d'environ deux ans (du 18 novembre 2018 au 19 septembre 2020), soit de manière répétée durant une période prolongée (cf.
supra consid. 1.1.1), qui a conduit à l'entrave à la liberté d'action précitée (cf.
supra consid. 1.2 et 1.3). En outre, peu importe que la cour cantonale ait pris en considération une période antérieure à la présente cause, dès lors que celle qui nous occupe est d'environ deux ans et qu'une période d'un peu plus d'une année a été jugée suffisante par la jurisprudence (cf. ATF 129 IV 262 consid. 2.5).
1.5. La recourante soutient que, contrairement à ce qu'a retenu la cour cantonale, les actes reprochés ne sont pas récurrents, mais sont rares et isolés. Dans la présente cause, quatre comportements de harcèlement ont été retenus à l'encontre de la recourante, ce qui apparaît satisfaire aux conditions posées par la jurisprudence, laquelle expose qu'il suffit que l'auteur importune la victime de manière répétée, soit au moins à deux reprises (cf. ATF 129 IV 262 consid. 2.3). Le grief est rejeté.
1.6. La recourante allègue qu'il est inexact et arbitraire de retenir à son encontre les faits relatifs aux épisodes des 17 et 19 septembre 2020, dès lors qu'elle avait été libérée en première instance des chefs de préventions d'injure et de menaces quant à ces actes. Son argumentation ne saurait être suivie, étant donné que ces faits sont pertinents pour retenir la réalisation de l'infraction de contrainte.
1.7. Enfin, en faisant valoir qu'il n'est pas illicite d'interpeller des enfants d'une parcelle voisine, surtout sans proférer la moindre menace ni la moindre injure, la recourante perd de vue que c'est le but poursuivi, soit de nuire aux intimés, qui est contraire au droit et illicite.
1.8. Au vu de ce qui précède, la cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral en reconnaissant la recourante coupable de contrainte.
2.
La recourante conteste la révocation du sursis.
2.1. Aux termes de l'art. 46 al. 1 CP si, durant le délai d'épreuve, le condamné commet un crime ou un délit et qu'il y a dès lors lieu de prévoir qu'il commettra de nouvelles infractions, le juge révoque le sursis ou le sursis partiel. Selon l'art. 46 al. 2 1re phrase CP, s'il n'y a pas lieu de prévoir que le condamné commettra de nouvelles infractions, le juge renonce à ordonner la révocation.
La commission d'un crime ou d'un délit durant le délai d'épreuve n'entraîne pas nécessairement une révocation du sursis. Celle-ci ne se justifie qu'en cas de pronostic défavorable, à savoir lorsque la nouvelle infraction laisse entrevoir une réduction sensible des perspectives de succès de la mise à l'épreuve (ATF 134 IV 140 consid. 4.2 et 4.3). Par analogie avec l' art. 42 al. 1 et 2 CP , le juge se fonde sur une appréciation globale des circonstances du cas d'espèce pour estimer le risque de récidive (ATF 134 IV 140 consid. 4.4; arrêts 6B_1520/2022 du 5 septembre 2023 consid. 5.2; 6B_1311/2021 du 22 novembre 2022 consid. 3.1; 6B_756/2021 du 23 mars 2022 consid. 2.1; 6B_93/2021 du 6 octobre 2021 consid. 3.1). En matière de sursis, conformément à la jurisprudence, le juge doit se livrer à une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste (ATF 135 IV 180 consid. 2.1; 134 IV 1 consid. 4.2.1; arrêts 6B_1520/2022 précité consid. 5.2; 6B_1311/2021 précité consid. 3.1). Lors de l'appréciation des perspectives d'amendement, le juge doit prendre en considération l'effet dissuasif que la nouvelle peine peut exercer, si elle est exécutée (ATF 134 IV 140 consid. 4.4 et 4.5). Il peut parvenir à la conclusion que l'exécution, le cas échéant, de la nouvelle peine aura un effet dissuasif suffisant, justifiant de renoncer à la révocation du sursis antérieur. L'inverse est également admissible: si le sursis précédent est révoqué, l'exécution de la peine qui en était assortie peut conduire à nier l'existence d'un pronostic défavorable pour la nouvelle peine et, partant, à assortir cette dernière du sursis (ATF 134 IV 140 consid. 4.5; arrêts 6B_1520/2022 précité consid. 5.2; 6B_756/2021 précité consid. 2.1).
2.2. Dans son raisonnement relatif à la révocation du sursis, la cour cantonale a exposé que les infractions réprimées avaient été commises durant le délai d'épreuve des sursis assortissant la peine privative de liberté et la peine pécuniaire prononcées par le jugement du 6 septembre 2016 de la Cour d'appel pénale. Sous l'angle de l'art. 46 al. 1 CP, le pronostic était tout à fait défavorable, compte tenu des antécédents de la recourante, de sa personnalité, du fait qu'elle persistait à se considérer comme une victime et qu'elle était incapable d'introspection et d'amendement. Au regard de l'impératif de prévention spéciale, ces motifs commandaient de révoquer le sursis octroyé par ce jugement et d'ordonner l'exécution de la peine privative de liberté de six mois, sous déduction de 103 jours de détention avant jugement, et de la peine pécuniaire de 180 jours-amende à 300 fr. le jour. La recourante ne bénéficiait du sursis pour les nouvelles peines qu'à la faveur d'une règle de conduite l'astreignant à un suivi thérapeutique (art. 44 al. 2 CP) et compte tenu de la révocation des sursis assortissant les peines ci-dessus.
2.3. La recourante soutient que, dans la mesure où elle doit être libérée du chef de prévention de contrainte, elle ne répond plus que d'un acte de diffamation qui ne saurait conduire à la révocation du sursis antérieur. Dès lors que son grief est fondé sur son acquittement du chef de prévention de contrainte, qu'elle n'obtient pas, celui-ci est sans portée.
2.4. Elle critique ensuite le raisonnement de la cour cantonale quant à la condition du pronostic défavorable, lequel ne devrait pas être suivi, dès lors qu'elle n'aurait récidivé qu'une seule fois et qu'elle n'aurait plus agi d'une quelconque manière pénalement répréhensible à l'égard de ses voisins depuis le mois de septembre 2020, soit depuis plus de trois ans, ce qui démontrerait qu'elle s'est amendée.
Par son argumentation, la recourante oppose essentiellement sa propre appréciation à celle de la cour cantonale dans une démarche purement appellatoire, partant, irrecevable (cf. ATF 148 IV 409 consid. 2.2; 147 IV 73 consid. 4.1.2; 146 IV 88 consid. 1.3.1). Il est constant que la recourante a plusieurs antécédents. De plus, elle n'a jamais présenté d'excuses aux intimés et n'a cessé de se positionner en victime, ne faisant ainsi preuve d'aucun amendement. Ces éléments revêtent une importance considérable dans l'émission du pronostic. Dans ces circonstances, le fait qu'elle n'aurait plus agi de manière répréhensible depuis septembre 2020 ne serait de toute manière pas apte à renverser le pronostic défavorable. Le grief est rejeté dans la mesure où il est recevable.
3.
La recourante conteste, principalement, l'octroi et, subsidiairement, le montant de l'indemnité allouée aux intimés pour les dépenses occasionnées par la procédure. Elle se plaint également du refus de la cour cantonale de lui allouer une indemnité pour ses frais de défense, ainsi que de la mise à sa charge de l'intégralité des frais de justice.
3.1. Aux termes de l'art. 433 al. 1 CPP, la partie plaignante peut demander au prévenu une juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure si elle obtient gain de cause (let. a) ou si le prévenu est astreint au paiement des frais conformément à l'art. 426 al. 2 CPP (let. b).
La juste indemnité, notion qui laisse un large pouvoir d'appréciation au juge, couvre les dépenses et les frais nécessaires pour faire valoir le point de vue de la partie plaignante dans la procédure pénale. Il s'agit en premier lieu des frais d'avocat (ATF 139 IV 102 consid. 4.1 et 4.5). Les démarches doivent apparaître nécessaires et adéquates pour la défense du point de vue de la partie plaignante (arrêts 6B_1333/2022 du 2 octobre 2023 consid. 4.1; 6B_1299/2022 du 12 juillet 2023 consid. 6.1; 6B_780/2022 du 1er mai 2023 consid. 5.1.3). Le Tribunal fédéral n'intervient que lorsque l'autorité précédente a clairement excédé son pouvoir d'appréciation et que les honoraires alloués sont hors de toute proportion raisonnable avec les prestations fournies par l'avocat (ATF 142 IV 45 consid. 3.2.1 et la référence citée; arrêts 6B_1333/2022 précité consid. 4.1; 6B_958/2021 du 26 octobre 2022 consid. 4.2; 6B_367/2020 du 17 janvier 2022 consid. 18.1).
3.2. La recourante conteste l'octroi de l'indemnité allouée aux intimés dans la mesure où elle plaide son acquittement presque complet. A cet égard, la recourante n'ayant pas obtenu gain de cause, son grief est dès lors sans portée.
Subsidiairement, la recourante soutient que, dans l'hypothèse où une indemnité serait reconnue aux intimés, il conviendrait de diminuer nettement les indemnités mises à sa charge par 16'000 fr. et 2'862 fr. 75 en application de l'art. 433 CPP. Elle invoque à ce titre que le travail de l'avocat des intimés a surtout consisté à doubler la mission du ministère public en tentant d'alourdir les sanctions pénales qui devaient être infligées à la recourante. Or, il n'appartenait pas à l'auteur de quelques prétendues infractions minimes, telles qu'elles seraient finalement reconnues, d'indemniser les intimés pour des dépenses qui, compte tenu de toutes les circonstances, ne se justifiaient absolument pas.
Ces simples affirmations ne sont pas suffisantes pour démontrer en quoi la cour cantonale aurait violé le droit. En particulier, la recourante n'explique pas en quoi la cour cantonale aurait fait un usage critiquable de son pouvoir d'appréciation. Elle ne développe au surplus aucune motivation topique, conforme aux exigences déduites de l'art. 42 al. 2 LTF. Son grief est, partant, irrecevable.
3.3. La recourante conteste que la quasi-intégralité des frais de procédure de première instance par 12'100 fr. et ceux de la procédure d'appel par 2'900 fr. soient mis à sa charge, dans la mesure où elle doit être finalement reconnue non coupable de la très grande majorité des chefs de préventions retenus contre elle. Dès lors qu'elle n'a pas été acquittée dans le sens de ses conclusions, son grief est sans portée.
Il en va de même de son grief relatif à une indemnité au sens de l'art. 429 CPP.
4.
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. La recourante, qui succombe, supporte les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF).
La cause étant tranchée, la demande d'effet suspensif est sans objet, à supposer qu'elle en eût un, le recours étant de plein droit suspensif en ce qui concerne la condamnation à une peine privative de liberté ferme (art. 103 al. 2 let. b LTF; cf arrêt 6B_1326/2022 du 29 novembre 2023 consid. 6).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Lausanne, le 21 mars 2024
Au nom de la Ire Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : Jacquemoud-Rossari
La Greffière : Thalmann