Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
9C_181/2023
Arrêt du 21 mars 2024
IIIe Cour de droit public
Composition
M. et Mmes les Juges fédéraux Parrino, Président, Moser-Szeless et Scherrer Reber.
Greffier : M. Bleicker.
Participants à la procédure
A.________,
représentée par Me Jean-Michel Duc, avocat,
recourante,
contre
Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud,
avenue du Général-Guisan 8, 1800 Vevey,
intimé.
Objet
Assurance-invalidité (rente d'invalidité),
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 23 janvier 2023 (AI 351/21 - 20/2023).
Faits :
A.
A.________, née en 1974, a travaillé en dernier lieu comme opératrice à 100 % auprès de B.________ Sàrl depuis le 1
er janvier 2011. En arrêt de travail depuis le 4 mai 2018, elle a déposé une demande de prestations de l'assurance-invalidité le 26 septembre 2018. Elle a ensuite séjourné à l'Hôpital psychiatrique C.________ du 29 novembre 2018 au 14 décembre 2018 et du 6 au 20 septembre 2019 (lettres de sortie des 7 janvier 2019 et 15 avril 2020).
L'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud (ci-après: l'office AI) a recueilli notamment l'avis des médecins traitants, les docteurs D.________, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie (notamment du 10 juillet 2019), et E.________, spécialiste en médecine interne générale, puis a versé à son dossier l'évaluation psychiatrique de la doctoresse F.________, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie (du 31 janvier 2019 et ses compléments des 21 mai et 27 juillet 2019), réalisée à la demande de l'assureur perte de gain en cas de maladie, Helsana Assurances Complémentaires SA. L'office AI a ensuite mis en oeuvre une expertise médicale. Dans un rapport du 10 mai 2021, la doctoresse G.________, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, a diagnostiqué - sans répercussion sur la capacité de travail - un trouble dépressif récurrent moyen avec syndrome somatique plus léger depuis mai 2018, une agoraphobie et une phobie sociale légère ainsi que des traits de la personnalité anxieuse, émotionnellement labile et dépendante (actuellement non décompensés). Par décision du 19 août 2021, l'office AI a rejeté la demande de prestations.
B.
L'assurée a déféré cette décision à la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud, puis a produit une prise de position du docteur D.________ (du 9 mai 2022). Statuant le 23 janvier 2023, la cour cantonale a rejeté le recours et confirmé la décision du 19 août 2021.
C.
A.________ forme un recours en matière de droit public contre cet arrêt dont elle demande l'annulation. Elle conclut en substance au renvoi de la cause à l'office AI pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelle décision.
Considérant en droit :
1.
Le recours en matière de droit public peut être formé notamment pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF), que le Tribunal fédéral applique d'office (art. 106 al. 1 LTF), n'étant limité ni par les arguments de la partie recourante, ni par la motivation de l'autorité précédente. Le Tribunal fédéral fonde son raisonnement sur les faits retenus par la juridiction de première instance (art. 105 al. 1 LTF) sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF).
2.
Le litige porte sur le droit de la recourante à une rente de l'assurance-invalidité à compter du 1
er mai 2019. A cet égard, la juridiction cantonale a exposé de manière complète les règles applicables - dans leur version en vigueur jusqu'au 31 décembre 2021 (modification de la LAI du 19 juin 2020 [Développement continu de l'AI; RO 2021 705]), déterminantes en l'espèce (ATF 148 V 174 consid. 4.1) -, relatives à la notion d'invalidité ( art. 7 et 8 al. 1 LPGA en relation avec l'art. 4 al. 1 LAI), à son évaluation (art. 16 LPGA et art. 28a LAI) et à l'appréciation des rapports médicaux. Il suffit d'y renvoyer.
3.
3.1. La juridiction cantonale a tout d'abord constaté que la recourante ne contestait pas disposer d'une capacité de travail entière sur le plan somatique. En se fondant sur les rapports des doctoresses F.________ et G.________, elle a ensuite retenu que la recourante ne présentait pas d'atteinte à la santé sur un plan psychique ouvrant droit à une rente de l'assurance-invalidité à compter d'avril 2019. En particulier, les premiers juges ont considéré que la doctoresse G.________ avait expliqué de manière circonstanciée les raisons l'ayant conduite à s'écarter des diagnostics posés par le psychiatre traitant. Rien au dossier ne permettait en outre de constater des lacunes dans le rapport susceptibles de faire douter de l'appréciation de l'experte. Si la doctoresse F.________ avait certes observé une aggravation de l'état de santé de la recourante en mars 2019, cette aggravation ne remettait cependant pas en cause les conclusions de la doctoresse G.________. Cette aggravation avait en effet été passagère, dans le contexte du licenciement de la recourante survenu en février 2019. La question relative à la capacité de travail de mai 2018 à mai 2019 pouvait en outre rester indécise puisque les deux expertes étaient unanimes sur le fait que la recourante disposait d'une capacité de travail entière à compter d'avril 2019 au plus tard, soit au terme du délai de carence d'une année après la survenance de l'atteinte à la santé en mai 2018. Par ailleurs, la doctoresse G.________ avait pris en compte les deux hospitalisations de la recourante dans un établissement psychiatrique et expliqué que ces séjours s'expliquaient par des traits de personnalité mixte, qui pouvaient décompenser ponctuellement avec des idées noires dans des contextes d'impulsivité, mais que l'intensité et la durée des symptômes d'allure dépressive en lien avec les décompensations des traits de la personnalité émotionnellement labile n'étaient pas suffisantes pour retenir un trouble dépressif sévère.
En ce qui concerne l'évaluation du docteur D.________, qui concluait à une incapacité de travail de 100 % dans toute activité, la juridiction cantonale a considéré qu'il avait pris fait et cause pour la recourante d'une façon qui allait au-delà de ce que l'on pouvait admettre d'un médecin traitant. Le psychiatre était clairement sorti de son rôle de thérapeute. Il s'était notamment opposé à des mesures d'instruction complémentaires, estimant qu'elles étaient inutiles et qu'elles mettaient en doute sa parole de médecin. Il avait également remis en question l'avis des expertes au motif qu'elles étaient rémunérées par l'assurance perte de gain et l'office AI. Ces éléments affaiblissaient la valeur probante de ses rapports médicaux. L'appréciation du docteur D.________ semblait de plus avoir été influencée par des considérations d'ordre thérapeutique qui ne relevaient pas de l'assurance-invalidité. Ceci ressortait en particulier des avis des 10 juillet 2019 et 9 mai 2022. Qui plus est, ceux-ci comportaient des incohérences, contradictions et imprécisions, qui entachaient leur fiabilité. Les avis du psychiatre traitant ne permettaient dès lors pas de mettre en doute la valeur probante du rapport d'expertise de la doctoresse G.________.
3.2. Invoquant une constatation manifestement inexacte des faits, la recourante reproche à la juridiction cantonale d'avoir accordé pleine et entière valeur probante aux conclusions des doctoresses F.________ et G.________ concernant sa capacité de travail. Elle soutient que c'est de façon particulièrement arbitraire, voire partiale, que l'autorité précédente a considéré que les avis de son psychiatre traitant étaient dénués de valeur probante. Le raisonnement des premiers juges comporterait en particulier des incohérences, extrapolations, ainsi que des extractions sélectives de passages des avis du docteur D.________, interprétés hors de leur contexte, afin d'en tirer des conclusions étrangères au sens du texte pris dans son ensemble. Le raisonnement de la juridiction cantonale serait de plus incohérent et inadmissible, car les premiers juges y mêleraient maladroitement jurisprudence applicable aux expertises et celle applicable aux rapports des médecins traitants. En tout état de cause, au vu des conclusions médicales divergentes, la recourante affirme que la juridiction cantonale aurait dû mettre en oeuvre une expertise judiciaire ou renvoyer la cause à l'office AI pour nouvelles mesures d'instruction.
4.
4.1. En l'espèce, procédant par des affirmations appellatoires, la recourante se limite à présenter son propre point de vue de l'appréciation par les premiers juges des différents avis psychiatriques versés au dossier. En pratiquant de la sorte, elle ne démontre pas, par une argumentation précise et étayée, en quoi l'expertise de la doctoresse G.________ comporterait des contradictions manifestes ou ignorerait des éléments cliniques ou diagnostiques essentiels. Elle n'explique pas non plus en quoi le point de vue de son psychiatre traitant serait objectivement mieux fondé que celui de l'experte ou justifierait - au travers des éléments qu'elle mettrait en évidence - la mise en oeuvre d'une nouvelle expertise psychiatrique.
A cet égard, il n'appartient en particulier pas au Tribunal fédéral de se livrer à des conjectures qui relèvent strictement de la science médicale en se prononçant par exemple à la place de médecins sur l'interprétation de la marge d'erreur d'un outil d'évaluation cognitive et mnésique ou sur les meilleurs moyens de diagnostiquer une agoraphobie et une phobie sociale légère. Lorsque, comme en l'occurrence, l'autorité précédente juge une expertise psychiatrique concluante et en fait sien le résultat, il n'appartient pas davantage au Tribunal fédéral de vérifier si toutes les affirmations de l'expert sont exemptes d'arbitraire. Dans ce cadre, quoi qu'en dise la recourante, les différences de points de vue entre les doctoresses F.________ (qui a nié la réalisation des conditions pour poser les diagnostics d'agoraphobie et de phobie sociale) et G.________ quant aux deux diagnostics précités n'empêchaient nullement la cour cantonale de se rallier aux conclusions concordantes des deux expertises psychiatriques sur la capacité de travail à compter d'avril 2019. La doctoresse F.________ s'est en effet prononcée à un stade beaucoup moins avancé de la procédure et disposait, de ce fait, de moins d'informations que la doctoresse G.________. Il est dès lors compréhensible que les deux expertises ne convergent pas exactement sur des points non essentiels, typiquement sur des diagnostics (agoraphobie et phobie sociale) sans répercussion sur la capacité de travail. Toutefois, comme l'a souligné la juridiction cantonale, les deux expertes s'accordent sur le fait que la recourante avait recouvré une pleine capacité de travail dans son activité habituelle à compter d'avril 2019 au plus tard.
De même, en ce qui concerne ses hospitalisations dans un établissement psychiatrique, la recourante se limite à opposer sa propre lecture des lettres de sortie à celle de la doctoresse G.________, négligeant le fait que son point de vue n'est étayé par aucun médecin. Dans ces conditions, on ne saurait s'écarter des conclusions médicales suivies par la juridiction cantonale pour le seul motif que la recourante estime "contestable" que ses hospitalisations furent justifiées selon l'experte par des décompensations et des idées noires dans des contextes d'impulsivité.
Comme l'a mis en évidence de manière convaincante la juridiction cantonale, le docteur D.________ a exposé de manière péremptoire son point de vue sur la capacité de travail de la recourante dans ses différentes prises de position, sans apporter d'explications précises, fondées sur la description d'observations cliniques concrètes, sur les raisons pour lesquelles le trouble dépressif récurrent empêcherait objectivement la recourante d'exercer son activité habituelle. De plus, il n'apparaît pas clairement à la lecture du recours pourquoi il serait déraisonnable d'attendre d'un médecin traitant ayant prescrit un arrêt de travail à 100 % pendant plusieurs années qu'il présentât des éléments concrets à l'appui de ses conclusions, surtout lorsqu'elles sont contredites par deux expertises. Le fait que le psychiatre traitant n'avait pas à satisfaire aux exigences de la jurisprudence relative aux expertises médicales pour établir ses différentes prises de position, comme le rappelle la recourante, ne signifie pas pour autant que la juridiction cantonale devait suivre son évaluation, alors qu'il n'avait pas fourni d'éléments cliniques ou diagnostiques concrets et objectifs susceptibles de mettre en cause les conclusions des expertises.
4.2. Pour le surplus, la recourante ne conteste pas le fait que la juridiction cantonale pouvait renoncer à déterminer précisément sa capacité de travail de mai 2018 à avril 2019, soit jusqu'au terme du délai de carence d'une année (art. 28 al. 1 let. b LAI). On ne saisit dès lors pas ce qu'elle entend tirer du fait que la doctoresse F.________ n'avait pas encore pris connaissance de l'avis des médecins de l'Hôpital psychiatrique C.________ du 7 janvier 2019 au moment de la remise de son rapport du 31 janvier 2019 à l'assureur perte de gain. Quoi qu'il en soit, la doctoresse F.________ a pris connaissance de cet avis ultérieurement et a expressément indiqué le 27 juillet 2019 qu'il ne changeait rien à ses conclusions du 31 janvier 2019.
4.3. Ensuite des éléments qui précèdent, il n'y a pas lieu de s'écarter des conclusions médicales suivies sans arbitraire par les premiers juges. Dans ces conditions, au terme d'une appréciation anticipée des preuves, ils pouvaient renoncer sans arbitraire à mettre en oeuvre une expertise médicale supplémentaire.
5.
Mal fondé, le recours est rejeté.
La recourante, qui succombe, supportera les frais judiciaires afférents à la présente procédure (art. 66 al. 1, 1
ère phrase, LTF). Elle n'a pas droit à des dépens (art. 68 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales.
Lucerne, le 21 mars 2024
Au nom de la IIIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Parrino
Le Greffier : Bleicker