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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
1C_619/2020  
 
 
Arrêt du 21 avril 2021  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Chaix, Juge présidant, 
Jametti et Merz. 
Greffier : M. Tinguely. 
 
Participants à la procédure 
A.A.________ et B.A.________, tous les deux représentés par Me Alain Ribordy, avocat, 
recourants, 
 
contre  
 
Direction de l'économie et de l'emploi du canton de Fribourg (DEE), boulevard de Pérolles 25, 1700 Fribourg, 
Conseil d'Etat du canton de Fribourg, case postale, 1701 Fribourg, 
Commune de Châtel-St-Denis, avenue de la Gare 33, 1618 Châtel-St-Denis, représentée par Me Denis Schroeter, avocat, 
 
Objet 
Aménagement du territoire; réseau cantonal de randonnée pédestre; déni de justice, 
 
recours contre la décision du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg, IIe Cour administrative, Président suppléant, du 5 octobre 2020 (602 2020 9). 
 
 
Faits :  
 
A.   
B.A.________ est propriétaire des articles 2571, 2572 et 2604 du Registre foncier (RF) de la Commune de Châtel-Saint-Denis (FR). Elle y détient, avec son fils A.A.________, une exploitation agricole. 
Un tronçon du réseau cantonal de randonnée pédestre relie, par une route d'alpage privée, située sur ces parcelles, les lieux-dits Les Joncs et Guedères, en passant par Les Crêtes. 
 
B.   
Le réseau cantonal de randonnée pédestre a été recensé une première fois en 1987 à la suite de l'entrée en vigueur de la loi fédérale sur les chemins pour piétons et les chemins de randonnée pédestre du 4 octobre 1985 (LCPR; RS 704), puis a été mis à jour en 1989, 1995 et 2011. Cette dernière adaptation a été opérée le 15 mars 2011, sous la forme d'une décision d'approbation rendue par la Direction cantonale de l'économie et de l'emploi (DEE) et publiée dans la Feuille officielle du canton de Fribourg (FO) du 8 avril 2011. Il y était mentionné que la décision pouvait faire l'objet d'un recours au Tribunal cantonal dans les 30 jours à compter de sa publication. 
 
C.  
 
C.a. Le 20 septembre 2019, A.A.________ et B.A.________ ont notamment requis de l'Office du tourisme de Châtel-Saint-Denis qu'il leur communique la décision administrative intégrant leur route au réseau cantonal de randonnée pédestre, se plaignant alors de difficultés quant à l'utilisation de cette route.  
Le 19 novembre 2019, l'Office du tourisme et la Commune de Châtel-Saint-Denis les ont renvoyés à la Direction cantonale de l'aménagement, de l'environnement et des constructions (DAEC), laquelle a transmis à son tour, le 20 décembre 2019, la demande à la DEE, comme objet de sa compétence. Dans son courrier du 16 janvier 2020, cette dernière s'est alors référée à sa décision d'approbation rendue le 15 mars 2011. 
 
C.b. Par acte du 24 janvier 2020, A.A.________ et B.A.________ ont formé un recours au Tribunal cantonal contre la décision de la DEE du 15 mars 2011. Ils ont conclu à son annulation dans la mesure où elle portait approbation du tronçon du réseau secondaire de randonnée reliant, sur le territoire de la Commune de Châtel-Saint-Denis, Les Joncs à Guedères via Les Crêtes et au renvoi de la cause à la DEE, afin qu'elle supprime le tronçon précité du réseau secondaire de randonnée pédestre.  
Dans ses observations du 15 juin 2020, la DEE a conclu principalement à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet. 
Le 1er octobre 2020, A.A.________ et B.A.________ ont déposé un mémoire de réplique. 
 
C.c. Par décision du 5 octobre 2020, le Président suppléant de la II e Cour administrative du Tribunal cantonal fribourgeois a déclaré le recours irrecevable.  
 
D.   
A.A.________ et B.A.________ forment un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral contre la décision du 5 octobre 2020. Ils prennent les conclusions suivantes: 
 
" 1. La décision attaquée est annulée. 
2. Le recours pour déni de justice est admis et la cause est renvoyée au Tribunal cantonal pour qu'il procède selon les considérants de l'arrêt du Tribunal fédéral, en statuant également sur les frais et dépens de la procédure cantonale. 
3. Les frais de la procédure de recours devant le Tribunal fédéral sont mis à la charge de l'État de Fribourg, lequel versera en outre aux recourants une indemnité de Fr. 2'500.- à titre de dépens. " 
Invitées à se déterminer, la DEE et la cour cantonale concluent au rejet du recours. La Commune de Châtel-Saint-Denis renonce à formuler des observations. 
A.A.________ et B.A.________ persistent dans leurs conclusions. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le Tribunal fédéral examine d'office la recevabilité des recours qui lui sont soumis (art. 29 al. 1 LTF). 
 
1.1. La décision attaquée est une décision d'irrecevabilité rendue en dernière instance cantonale concernant sur le fond l'intégration de la route privée des recourants dans le réseau cantonal de chemins de randonnée pédestre, en application notamment de la loi fédérale sur les chemins pour piétons et les chemins de randonnée pédestre (LCPR; RS 704) et de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire (LAT; RS 700). Elle peut faire l'objet d'un recours en matière de droit public, au sens des art. 82 ss LTF. Les recourants sont particulièrement atteints par la décision attaquée qui déclare irrecevable le recours qu'ils avaient formé contre la décision du 15 mars 2011 de la DEE portant approbation de l'intégration du tronçon de route litigieux au réseau cantonal de chemins de randonnée pédestre; ils ont un intérêt digne de protection à l'annulation de cette décision et au renvoi de la cause pour instruction au fond et ont donc la qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF. Le recours a en outre été déposé en temps utile.  
 
1.2. On comprend au surplus, en tant que les recourants demandent l'admission de leur " recours pour déni de justice " tout en concluant également à l'annulation de la décision attaquée, sans pour autant se référer à l'art. 94 LTF, mais uniquement à l'art. 90 LTF, qu'ils entendent bien diriger leur recours en matière de droit public contre la décision d'irrecevabilité rendue le 5 octobre 2020 par la II e Cour administrative du Tribunal cantonal fribourgeois et se plaindre à cet égard d'une violation par celle-ci des art. 6 par. 1 CEDH, 29a Cst. et 33 LAT.  
 
2.   
Les recourants font grief à la cour cantonale d'avoir abordé la cause sous le seul angle de la recevabilité du recours qu'ils avaient déposé contre la décision du 15 mars 2011, alors que, selon eux, l'objet du litige portait, d'une manière plus large, sur le refus des autorités cantonales de donner suite à leur demande tendant à obtenir une décision administrative intégrant leur route privée dans le réseau cantonal de randonnée pédestre, afin de pouvoir attaquer cette décision par un recours à une autorité judiciaire, en conformité avec l'art. 33 LAT
 
2.1. En procédure juridictionnelle administrative, ne peuvent être examinés et jugés, en principe, que les rapports juridiques à propos desquels l'autorité administrative compétente s'est prononcée préalablement, d'une manière qui la lie sous la forme d'une décision. Dans cette mesure, la décision détermine l'objet de la contestation qui peut être déféré en justice par la voie d'un recours (cf. ATF 134 V 418 consid. 5.2.1 p. 426; 131 V 164 consid. 2.1 p. 164; 125 V 413 consid. 1a p. 414). Le juge n'entre donc pas en matière, en règle générale, sur des conclusions qui vont au-delà de l'objet de la contestation (cf. ATF 134 V 418 consid. 5.2.1 p. 426; 125 V 413 consid. 1a p. 414). L'objet du litige dans la procédure de recours est le rapport juridique qui - dans le cadre de l'objet de la contestation déterminé par la décision - constitue d'après les conclusions du recours, l'aspect de la décision effectivement attaqué (cf. ATF 125 V 413 consid. 1b p. 414 ss).  
L'autorité qui ne statue pas ou n'entre pas en matière sur un recours ou un grief qui lui est soumis dans les formes et délais légaux, alors qu'elle était compétente pour le faire, commet un déni de justice formel prohibé par l'art. 29 al. 1 Cst. (ATF 142 II 154 consid. 4.2 p. 157; 135 I 6 consid. 2.1 p. 9; arrêt 1C_125/2018 du 8 mai 2019 consid. 3.1, non publié aux ATF 145 II 218). 
 
2.2. Le Tribunal fédéral ne revoit l'interprétation et l'application du droit cantonal que sous l'angle de l'arbitraire (ATF 146 II 367 consid. 3.1.5). Une décision est arbitraire lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou lorsqu'elle contredit d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Le Tribunal fédéral n'a pas à déterminer quelle est l'interprétation correcte que l'autorité cantonale aurait dû donner des dispositions applicables; il doit uniquement examiner si l'interprétation qui a été faite est défendable. Par conséquent, si celle-ci ne se révèle pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation cantonale en cause, elle sera confirmée, même si une autre solution paraît également concevable, voire préférable. De plus, il ne suffit pas que les motifs de la décision attaquée soient insoutenables, encore faut-il que cette dernière soit arbitraire dans son résultat (ATF 144 I 170 consid. 7.3; arrêt 1C_452/2020 du 23 mars 2021 consid. 4.1). Dans ce contexte, le recours est soumis aux exigences accrues de motivation de l'art. 106 al. 2 LTF.  
En outre, le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Si le recourant entend s'écarter de ces constatations de fait, il doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées et la correction du vice susceptible d'influer sur le sort de la cause (cf. art. 97 al. 1 LTF; ATF 142 I 135 consid. 1.6 p. 144 s.). A défaut, il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait divergent de celui qui est contenu dans l'arrêt attaqué (ATF 145 V 188 consid. 2 p. 190; 141 IV 416 consid. 4 p. 421). 
 
2.3. Il n'est pas contesté que, par acte du 24 janvier 2020, les recourants avaient formé un recours contre la décision du 15 mars 2011, demandant alors son annulation en tant qu'elle portait sur l'intégration du tronçon de route litigieux au réseau cantonal de randonnée pédestre ainsi que le renvoi du dossier à la DEE pour qu'il supprime le tronçon en cause de ce réseau.  
A l'appui de leurs conclusions, les recourants avaient fait valoir qu'ils n'avaient jamais été consultés dans le cadre de l'élaboration du réseau et qu'ils n'avaient pas eu connaissance de la décision du 15 mars 2011, de sorte que leur recours devait être déclaré recevable. Sur le fond, ils étaient d'avis qu'il ne se justifiait pas de prévoir un itinéraire de randonnée sur leur route privée - bitumée, empruntée par leurs véhicules agricoles et parallèle à un autre tronçon existant -, ce d'autant moins qu'aucune servitude de passage en faveur de la collectivité publique n'était inscrite au Registre foncier. 
 
2.4. Au moment d'examiner la recevabilité du recours, la cour cantonale a relevé qu'au regard de la législation fédérale et cantonale en matière de réseaux de chemins de randonnée (cf. en particulier les art. 4 LCPR et 67 al. 1 de la loi cantonale sur le tourisme [LT; RS/FR 951.1]), l'inventaire du réseau cantonal de randonnée pédestre était un instrument de planification prenant la forme d'un plan directeur cantonal au sens des art. 6 ss LAT. Or, en tant que la décision du 15 mars 2011 consacrait l'approbation par la DEE de cet inventaire, celle-ci, à l'instar d'un plan directeur, ne pouvait pas faire l'objet de recours émanant de particuliers, seuls des projets d'infrastructure spécifiques, constituant la mise en oeuvre de cette planification, étant, le cas échéant, susceptibles d'être contestés. La cour cantonale s'est référée en cela à la jurisprudence fédérale, et en particulier à l'arrêt 1C_595/2018 du 24 mars 2020 (cf. consid. 1.5.1, non publié aux ATF 146 II 347) traitant spécifiquement du cas des chemins de randonnée (cf. décision attaquée, consid. 2 et 3 p. 3 ss).  
Par ailleurs, les recourants ne pouvaient pas tirer avantage du fait que la décision d'approbation du 15 mars 2011 mentionnait l'existence de voies de droit dès lors que c'était au juge d'examiner l'existence d'un acte susceptible de recours. Ceux-là étaient en outre malvenus de demander la restitution d'un quelconque délai de recours, alors même que la décision en cause avait fait l'objet d'une publication dans la Feuille officielle (cf. décision attaquée, consid. 3.3 p. 5). 
Pour ces motifs, la cour cantonale a estimé que le recours était manifestement irrecevable. 
 
2.5. Les recourants se prévalent que, dans leur réplique du 1er octobre 2020, ils avaient également exigé que le signalement de leur route comme chemin de randonnée pédestre, par l'installation de panneaux jaunes, fasse l'objet d'une décision sujette à recours. Ils expliquent en outre avoir demandé à cette occasion le constat d'un déni de justice pour le cas où la décision du 15 mars 2011 n'était pas sujette à recours, invitant le Tribunal cantonal à " donn[er] des instructions à l'autorité qu'il estimera compétente pour qu'une (vraie) décision soit rendue, avec accès au juge ".  
Pour autant, on ne voit pas d'emblée que ces demandes, formulées uniquement dans le corps du texte du mémoire de réplique, devaient forcément être comprises comme l'expression d'une volonté des recourants de modifier, ou d'amplifier, les conclusions formellement prises dans leur acte de recours du 24 janvier 2020. A tout le moins, les recourants ne prétendent nullement que les règles cantonales en matière de procédure administrative leur permettaient d'opérer une telle modification ou amplification. Or, il n'est nullement acquis que ces règles avaient été appliquées de manière arbitraire, étant observé que l'art. 81 al. 3 CPJA (Code fribourgeois de procédure et de juridiction administrative; RS/FR 150.1) prévoit que le recourant ne peut pas prendre des conclusions qui sortent du cadre des questions qui ont été l'objet de la procédure antérieure, alors que l'art. 83 CPJA paraît soumettre à de strictes conditions le dépôt d'un mémoire complémentaire. 
De surcroît, en tant que les recourants se prévalent d'être en mesure d'exiger une décision formelle dès lors que la mise en place des panneaux de signalisation de leur route comme chemin de randonnée aurait dû, selon eux, faire l'objet d'une procédure d'autorisation de construire en la forme simplifiée, il paraît néanmoins que c'est la commune qui est l'autorité chargée de rendre une telle autorisation (cf. art. 139 al. 1 LATeC [loi cantonale sur l'aménagement du territoire et les constructions; RS/FR 710.1]). Or, dans la mesure où l'art. 111 al. 1 CPJA prévoit un recours à l'autorité hiérarchique ou de surveillance lorsqu'une autorité inférieure refuse de statuer ou tarde à se prononcer, il n'y a rien d'évident à considérer que le Tribunal cantonal était bien en l'espèce l'autorité compétente pour constater un déni de justice. 
 
2.6. Cela étant, dès lors que les conclusions prises par les recourants dans leur acte de recours se rapportaient à l'annulation de la décision du 15 mars 2011 intégrant, sous l'angle de la planification, leur route privée au réseau cantonal de randonnée pédestre, la cour cantonale n'a pas commis de déni de justice en considérant que le litige était limité à cet objet. Les recourants ne parviennent en outre pas à démontrer qu'elle aurait à cet égard appliqué le droit cantonal, ni d'ailleurs constaté les faits, de manière arbitraire.  
 
3.   
Pour le surplus, les recourants ne contestent pas le raisonnement de l'autorité précédente ayant conduit à l'irrecevabilité de leur recours. En particulier, ils ne reviennent pas sur la nature de la décision du 15 mars 2011, qui n'était pas sujette à recours de particuliers selon la cour cantonale, ni non plus ne prétendent que cette dernière aurait appliqué le droit cantonal de manière arbitraire en considérant, dans une motivation subsidiaire, qu'ils ne pouvaient pas bénéficier d'une restitution du délai de recours (cf. art. 31 CPJA). 
 
4.   
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Les recourants, qui succombent, supportent les frais judiciaires (art. 66 al. 1 et 5 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (cf. art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 3000 fr., sont mis à la charge des recourants, solidairement entre eux. 
 
3.   
Le présent arrêt est communiqué au mandataire des recourants, à la Direction de l'économie et de l'emploi du canton de Fribourg (DEE), au Conseil d'Etat du canton de Fribourg, au mandataire de la Commune de Châtel-St-Denis et au Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg, IIe Cour administrative, Président suppléant. 
 
 
Lausanne, le 21 avril 2021 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Juge présidant : Chaix 
 
Le Greffier : Tinguely