Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
2C_602/2023
Arrêt du 21 mai 2024
IIe Cour de droit public
Composition
Mme et MM. les Juges fédéraux
Aubry Girardin, Présidente, Donzallaz et Kradolfer.
Greffière : Mme Jolidon.
Participants à la procédure
A.________,
recourant,
contre
1. B.________ et C.________,
2. D.________,
3. Gouvernement de la République et canton du Jura, Hôtel du Gouvernement, rue de l'Hôpital 2, 2800 Delémont, tous représentés par
Me Benoît Brêchet, avocat,
4. Commission foncière rurale,
case postale 272, 2800 Delémont,
intimés.
Objet
Droit foncier rural, autorisation d'acquérir un immeuble agricole,
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Cour administrative, du 29 septembre 2023 (ADM 48 / 2023).
Faits :
A.
Depuis 1994, A.________ est au bénéfice d'un contrat de bail à ferme, reconduit tous les six ans, portant sur la parcelle n° 4393 de la Commune de U.________ dont la propriétaire est la République et canton du Jura (ci-après: le canton du Jura).
Avec pour but la revitalisation de la Sorne (rivière), l'Office de l'environnement de la République et canton du Jura a établi un projet d'échange de terrains qui prévoit l'acquisition de la parcelle n° 4393 mentionnée ci-dessus par D.________, celle de la parcelle n° 3044 de la Commune de V.________, propriété de D.________, par C.________ et B.________, ainsi que celle de la parcelle n° 573 de la Commune de V.________, copropriété de C.________ et B.________, par le canton du Jura.
Le 31 mars 2021, Me E.________ a instrumenté l'acte des ventes susmentionnées, en particulier celle de la parcelle n° 4393, entre le canton du Jura, D.________, ainsi que C.________ et B.________; cet acte était subordonné à la condition suspensive de l'octroi d'autorisations d'acquérir par la Commission foncière rurale de la République et canton du Jura (ci-après: la Commission foncière) aux intéressés.
B.
B.a. Ladite Commission a, par décision du 11 août 2022, estimé que les parcelles n° 573 et 3044 de la Commune de V.________ faisaient partie d'une entreprise agricole, ce qui n'était pas le cas de la parcelle n° 4393 de la Commune de U.________, et elle en a autorisé le partage matériel; puis, elle a octroyé à D.________ l'autorisation d'acquérir la parcelle n° 4393 de la Commune de U.________ et à C.________ et B.________ l'autorisation d'acheter en copropriété la parcelle n° 3044 de la Commune de V.________; elle a également constaté que l'acquisition de la parcelle n° 573 de la Commune de V.________ par le canton du Jura n'était pas soumise à autorisation. La Commission foncière a, en date du 17 mars 2023, rejeté l'opposition de A.________ à l'encontre de la décision du 11 août 2022.
B.b. Par arrêt du 29 septembre 2023, la Cour administrative du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura (ci-après: le Tribunal cantonal) a rejeté le recours que A.________ avait interjeté contre la décision sur opposition du 17 mars 2023 de la Commission foncière. Elle a en substance jugé que les conditions posées par le droit foncier rural au partage matériel d'une entreprise agricole étaient remplies pour l'entreprise de D.________ (parcelle n° 3044 de la Commune de V.________), ainsi que pour celle de C.________ et B.________ (parcelle n° 573 de la Commune de V.________); en outre, les autorisations d'acquérir la parcelle n° 4393 de la Commune de U.________ respectivement la parcelle n° 3044 de la Commune de V.________ avaient été accordées à bon droit à ces personnes.
C.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler l'arrêt du 29 septembre 2023 du Tribunal cantonal, subsidiairement, de renvoyer la cause au Tribunal cantonal pour une nouvelle décision dans le sens des considérants.
D.________, C.________ et B.________, le canton du Jura, ainsi que la Commission foncière concluent au rejet du recours, sous suite de frais et dépens. Le Tribunal cantonal fait de même et se réfère à son arrêt. L'Office fédéral de l'agriculture a déposé des observations, soulignant que A.________ bénéficie d'un éventuel droit de préemption et qu'il ressort du recours et des écritures précédentes de celui-ci qu'il n'aurait pas renoncé à ce droit.
A.________ a persisté dans ses conclusions, en date du 5 janvier 2024, soulignant qu'il entend faire valoir son droit de préemption sur la parcelle n° 4393 de la Commune de U.________.
Considérant en droit :
1.
1.1. L'arrêt attaqué a trait au droit foncier rural et peut donc être entrepris par la voie du recours en matière de droit public en vertu de l'art. 82 let. a LTF, aucune des exceptions de l'art. 83 LTF n'y faisant obstacle (cf. aussi art. 89 de la loi fédérale du 4 octobre 1991 sur le droit foncier rural [LDFR; RS 211.412.11] [ci-après également: la loi sur le droit foncier rural]).
1.2. Le recourant est le fermier qui exploite la parcelle n° 4393 de la commune de U.________. Il dispose à ce titre, à certaines conditions, d'un droit de préemption (cf. art. 47 LDFR) sur celle-ci. Selon les faits de l'arrêt attaqué, cette parcelle, propriété du canton du Jura, a été vendue à D.________, agriculteur, par acte notarié du 31 mars 2021, sous condition suspensive de l'octroi de l'autorisation d'acquérir par la Commission foncière. Or, dans un tel cas, le bail à ferme peut être résilié (cf. art. 15 al. 1 de la loi fédérale du 4 octobre 1985 sur le bail à ferme agricole [LBFA; RS 221.213.2]; cf. ATF 139 II 233 consid. 5) et le fermier perd son droit de préemption (cf. art. 216c al. 2 CO). Compte tenu de ces éléments, le recourant est particulièrement touché par la décision entreprise de sorte qu'il a la qualité pour recourir (cf. art. 89 al. 1 LTF) (arrêt 2C_1036/2013 du 5 novembre 2014 consid. 1.2), comme prévu expressément par l'art. 83 al. 3 LDFR.
L'intéressé conclut à l'annulation de l'arrêt du 29 septembre 2023 du Tribunal cantonal qui se prononçait sur les autorisations de partage matériel des entreprises agricoles de D.________, ainsi que de C.________ et B.________ et sur les autorisations d'acquérir la parcelle n° 4393 de la Commune de U.________ accordée au premier nommé respectivement d'acquérir la parcelle n° 3044 de la Commune de V.________ accordée aux seconds. Dès lors que A.________ n'est fermier que de la parcelle n° 4393 de la Commune de U.________, sa conclusion doit être interprétée en ce sens qu'elle tend à l'annulation de l'arrêt attaqué uniquement en tant que celui-ci a trait à l'autorisation d'acquérir la parcelle n° 4393 de la Commune de U.________ octroyée à D.________. Seuls les griefs en lien avec cette parcelle seront, par conséquent, examinés.
1.3. Le recours en matière de droit public a été déposé en temps utile (art. 100 LTF) et en la forme prévue (art. 42 LTF) à l'encontre d'un arrêt final (art. 90 LTF) rendu, dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF), par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF). Le recours est ainsi recevable.
2.
Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral examine librement la violation du droit fédéral ( art. 95 let. a et 106 al. 1 LTF ), alors qu'il ne revoit le droit cantonal, sous réserve d'exceptions non réalisées en l'espèce (cf. art. 95 LTF), que sous l'angle de la violation des droits fondamentaux - en particulier l'arbitraire -, qu'il appartient au recourant de motiver d'une façon conforme à l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 148 I 127 consid. 4.3; 146 IV 114 consid. 2.1; 143 IV 500 consid. 1.1).
Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Selon l'art. 97 al. 1 LTF, le recours en matière de droit public ne peut servir à critiquer les constatations de fait que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause. Lorsque la partie recourante entend s'en prendre aux faits ressortant de l'arrêt entrepris, elle doit établir de manière précise la réalisation de ces conditions, c'est-à-dire qu'elle doit exposer, de manière circonstanciée, que les faits retenus l'ont été d'une manière absolument inadmissible, et non seulement discutable ou critiquable (cf. art. 106 al. 2 LTF). A défaut, il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de celui qui est contenu dans l'acte attaqué (ATF 148 I 160 consid. 3; 145 V 188 consid. 2). Le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur les critiques de nature appellatoire (ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2; 146 IV 114 consid. 2.1).
3.
Le litige porte sur le bien-fondé de l'autorisation d'acquérir la parcelle n° 4393 de la Commune de U.________ octroyée à D.________. Il ressort de l'arrêt attaqué que ce bien-fonds ne fait pas partie d'une entreprise agricole et qu'il constitue donc un immeuble agricole (cf. art. 6 LDFR). Il est affermé au recourant par le canton du Jura, depuis 1994.
4.
Dans un grief d'ordre formel, le recourant, qui n'est pas représenté par un avocat, invoque une violation de l'art. 29 al. 1 Cst., ainsi que de l'art. 39 de la loi jurassienne du 30 novembre 1978 de procédure et de juridiction administrative et constitutionnelle (Code de procédure administrative/JU; RS/JU 175.1 [ci-après: aussi Cpa/JU]) et de l'art. 6 al. 3 de la loi jurassienne du 21 février 2001 introductive à la loi fédérale sur le droit foncier rural (RS/JU 215.124.1). Il se plaint de la composition de la Commission foncière qui a pris la décision sur opposition du 17 mars 2023: F.________, qui a siégé à cette occasion, est l'ex-épouse de D.________; cet élément constitue un motif de récusation au sens de l'art. 39 al. 2 Cpa/JU; il pensait, de bonne foi, que cette personne se récuserait et qu'elle ne participerait pas à ladite décision ou qu'il serait à tout le moins informé si elle y prenait part.
4.1. L'art. 29 al. 1 Cst. prévoit que toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable. La jurisprudence a tiré de cette disposition un droit à ce que l'autorité administrative qui statue, le fasse dans une composition correcte et impartiale (ATF 142 I 172 consid. 3.2; 127 I 128 consid. 3c). La composition de l'autorité est définie selon les règles du droit de procédure ou d'organisation. L'autorité est ainsi valablement constituée lorsqu'elle siège dans une composition qui correspond à ce que le droit d'organisation ou de procédure dispose. Si l'autorité statue alors qu'elle n'est pas valablement constituée, elle commet un déni de justice formel (ATF 142 I 172 consid. 3.2; 137 I 340 consid. 2.2.1; 127 I 128 consid. 4b).
4.2. L'art. 39 Cpa/JU prévoit:
"1 Sur sa requête ou celle d'une partie, une personne appelée à préparer ou à rendre une décision doit être récusée :
(...)
c) si elle est parente d'une partie en ligne directe, ou jusqu'au quatrième degré inclusivement en ligne collatérale, ou lui est alliée en ligne directe, ou jusqu'au troisième degré inclusivement en ligne collatérale, ou si elle lui est liée par mariage, partenariat enregistré, fiançailles, adoption ou par des liens nourriciers;
(...)
2 La dissolution du mariage ou du partenariat enregistré ne fait point cesser le motif de récusation pour cause d'alliance."
Selon un principe général, la partie qui a connaissance d'un motif de récusation doit l'invoquer aussitôt, sous peine d'être déchue du droit de s'en prévaloir ultérieurement (ATF 143 V 66 consid. 4.3; 140 I 271 consid. 8.4.3; 139 III 120 consid. 3.2.1; 138 I 1 consid. 2.2; 136 I 207 consid. 3.4; 134 I 20 consid. 4.3.1 et les arrêts cités). Il est, en effet, contraire aux règles de la bonne foi de garder en réserve le moyen tiré de la composition irrégulière d'une autorité pour ne l'invoquer qu'en cas d'issue défavorable de la procédure (ATF 136 III 605 consid. 3.2.2). Il suffit que le nom des personnes qui décident ressorte d'une publication générale facilement accessible, par exemple l'annuaire officiel (ATF 140 I 271 consid. 8.4.3; 139 III 120 consid. 3.2.1).
4.3. Dans l'arrêt attaqué, le Tribunal cantonal a retenu qu'il existait effectivement un motif de récusation au sens de l'art. 39 Cpa/JU, compte tenu du mariage qui avait uni F.________ et D.________. Toutefois, la fonction de F.________ et la composition des commissions cantonales étaient publiées sur internet et dans le journal officiel cantonal; le recourant n'avait allégué le motif de récusation, pour la première fois, que le 14 avril 2023 dans son recours contre la décision sur opposition du 17 mars 2023 de la Commission foncière, alors que F.________ faisait partie de la composition de la Commission foncière qui avait pris la décision du 11 août 2022; partant, la demande de récusation était tardive et le recourant ne pouvait rien tirer du principe de la bonne foi.
4.4. Dès lors que les juges précédents ont estimé que la demande de récusation était tardive en application du principe de la bonne foi, le Tribunal fédéral examinera cet élément avec pleine cognition.
Il ressort de l'arrêt attaqué que F.________ faisait déjà partie de la Commission foncière qui avait pris la décision du 11 août 2022. Le recourant ne pouvait donc pas attendre que cette même commission rende la décision sur opposition du 17 mars 2023 et n'invoquer un motif de récusation au sens de l'art. 39 Cpa/JU que dans son recours du 14 avril 2023 devant le Tribunal cantonal. En effet, la motivation du recours démontre que l'intéressé connaissait le lien de parenté et savait que F.________ était membre de la Commission foncière mais qu'il pensait qu'elle se récuserait. Dans une telle situation, le recourant devait immédiatement demander la récusation de celle-ci, ce qu'il n'a pas fait. Il sied de relever ici que la présente cause diffère des cas où l'invocation tardive du motif de récusation devient secondaire car les circonstances qui donnent lieu à l'apparence de partialité sont si évidentes que la personne concernée aurait dû se récuser d'elle-même (cf. arrêt 4A_299/2023 consid. 4.1 destiné à la publication; ATF 134 I 20 consid. 4.3.2). En effet, ces affaires concernaient la récusation de personnes appartenant au système judiciaire et pas, comme en l'espèce, au système administratif. En outre, celles-ci avaient gravement violé l'obligation de se récuser (cf. ATF 134 I 20 où le juge concerné avait déposé une plainte pénale, assortie de conclusions civiles en réparation du tort moral, contre la partie impliquée dans la procédure dont il était appelé à s'occuper). C'est ainsi à bon droit que le Tribunal cantonal a considéré qu'en ne soulevant le motif de récusation que dans son recours devant cette autorité, le recourant avait agi tardivement. Le grief est rejeté.
5.
Selon le recourant, le Service de s infrastructures de la République et canton du Jura lui avait promis, lors de la reconduction de son bail à ferme portant sur la parcelle litigieuse, en août 2020, que ledit canton ne l'empêcherait jamais d'exploiter ce bien-fonds.
5.1. Le droit fondamental du particulier à la protection de la bonne foi dans les relations des administrés avec l'Etat, dont le Tribunal fédéral contrôle librement le respect (ATF 147 IV 274 consid. 1.10.1), découle directement de l'art. 9 Cst. et vaut pour l'ensemble de l'activité étatique. Selon la jurisprudence, un renseignement ou une décision erronés de l'administration peuvent obliger celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition que (1) l'autorité soit intervenue dans une situation concrète à l'égard de personnes déterminées, (2) qu'elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de ses compétences et (3) que l'administré n'ait pas pu se rendre compte immédiatement de l'inexactitude du renseignement obtenu. Il faut encore (4) qu'il se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice et (5) que la réglementation n'ait pas changé depuis le moment où l'assurance a été donnée (ATF 143 V 95 consid. 3.6.2; 141 V 530 consid. 6.2).
5.2. L'arrêt attaqué relève que les pièces déposées par le recourant ne démontrent pas qu'une quelconque assurance lui aurait été donnée en lien avec l'exploitation de la parcelle en cause. Au contraire, toujours selon cet arrêt, il ressort de ces documents que l'exploitation avait été garantie uniquement jusqu'à l'échéance du contrat, à savoir jusqu'en septembre 2024. Or, le recourant ne se plaint pas d'une appréciation arbitraire des pièces et le Tribunal fédéral doit juger la présente affaire sur la base des faits retenus par l'instance précédente (cf. supra consid. 2). Il n'a ainsi pas été prouvé que le recourant avait reçu des assurances du service en cause quant à l'exploitation de la parcelle litigieuse. Dans ces circonstances, une des conditions à la protection de la bonne foi de l'administré fait défaut. Partant, le grief est rejeté.
6.
Le recourant se plaint d'une violation de l'art. 63 al. 1 let. a et d LDFR. Il estime que la décision d'attribuer la parcelle n° 4393 de la Commune de U.________ à D.________ constitue un non-sens, dès lors que cet immeuble agricole formerait un tout avec les autres biens-fonds qu'il exploite et qu'il les travaillerait en un seul tenant. Autoriser le prénommé à acquérir ladite parcelle irait à l'encontre d'une utilisation rationnelle du sol et d'une exploitation raisonnable.
6.1. Sous réserve d'exceptions (art. 62 LDFR), celui qui entend acquérir une entreprise ou un immeuble agricole doit obtenir une autorisation; l'autorisation est accordée lorsqu'il n'existe aucun motif de refus ( art. 61 al. 1 et 2 LDFR ).
Selon l'art. 63 al. 1 LDFR, l'acquisition d'une entreprise ou d'un immeuble agricole est notamment refusée lorsque, notamment, l'acquéreur n'est pas exploitant à titre personnel (let. a) ou que l'immeuble à acquérir est situé en dehors du rayon d'exploitation de l'entreprise de l'acquéreur, usuel dans la localité (let. d).
6.2. En ce qui concerne l'autorisation d'acquérir la parcelle n° 4393 de la Commune de U.________ octroyée à D.________, seul élément à examiner in casu (cf. supra consid. 1.2), les juges précédents ont mentionné que celui-ci remplissait les conditions légales posées à une telle acquisition (sans donner plus de détails); par conséquent, le fait que, selon le recourant, cette acquisition n'améliorait pas la structure de l'exploitation de D.________ et qu'elle pénalisait le recourant n'était pas pertinent.
6.3. Dans son recours, l'intéressé ne prétend pas que D.________ ne serait pas un exploitant à titre personnel (cf. art. 63 al. 1 let. a LDFR) ni que la parcelle n° 4393 de la Commune de U.________ se situerait en dehors du rayon d'exploitation usuel de l'entreprise de celui-ci (cf. art. 63 al. 1 let. d LDFR). Il se contente d'alléguer que l'acquisition de ladite parcelle par D.________ serait un non-sens car ce bien-fonds se situe au milieu d'immeubles agricoles qui sont exploités par lui-même. Quand bien même on comprend le propos, il faut constater, à l'instar de juges précédents, qu'il ne s'agit pas là d'un argument que l'on peut prendre en considération. Dès lors qu'il n'existait pas de motif pour refuser une autorisation d'acquérir à D.________ (cf. art. 61 al. 2 et 63 LDFR ), le fait de la lui accorder n'est pas contraire au droit. Dans ce cadre, il n'existe en effet pas de critère qui permettrait d'écarter un exploitant à titre personnel au profit d'un autre au motif que, de la sorte, les immeubles agricoles concernés seraient regroupés et formeraient un tout cohérent. Partant, le grief portant sur la violation de l'art. 63 al. 1 let. a et d LDFR est rejeté.
7.
Il convient d'encore relever ici ce qui suit.
Dans son écriture, le recourant fait état de son droit de préemption et de sa volonté de l'exercer. Effectivement, selon l'art. 47 al. 2 LDFR, en cas d'aliénation d'un immeuble agricole, le fermier a un droit de préemption sur l'objet affermé lorsque la durée légale minimum du bail prévue par les dispositions de la loi fédérale du 4 octobre 1985 sur le bail à ferme agricole (LBFA; RS 221.213.2) est échue (let. a), que le fermier est propriétaire d'une entreprise agricole ou dispose économiquement d'une telle entreprise et que l'immeuble affermé est situé dans le rayon d'exploitation de cette entreprise, usuel dans la localité (let. b). Il appartient au vendeur d'informer le titulaire du droit de préemption de la conclusion du contrat de vente et de son contenu (art. 681a al. 1 CC, qui s'applique aux droits de préemption agricoles [CAROLINE EMERY, Le droit de préemption en droit foncier rural, 2005, n° 88 et 444]) et de la réalisation du cas de préemption (cf. à ce sujet lorsque l'acte est soumis à autorisation: BÜSSER/HOTZ, in Das bäuerliche Bodenrecht, 2e éd., 2011, n° 11 ad art. 43 LDFR; CAROLINE EMERY, op. cit., n° 373 et 455; PAUL-HENRI STEINAUER, Les droits réels, tome II, 5e éd., 2020, n° 2564; LORENZ STREBEL, Das gesetzliche Vorkaufsrecht des Pächters gemäss dem Bundesgesetz über das bäuerliche Bodenrecht, 2009, n° 216 ss; STREBEL/HOTZ, in Das bäuerliche Bodenrecht, op. cit., n° 26 ad art. 47 LDFR) et au titulaire du droit, qui entend l'exercer, de le faire valoir dans un certain délai (cf. art. 681a al. 2 CC). Le fermier doit alors ou exercer ce droit ou y renoncer, étant précisé que la renonciation doit se faire dans un acte authentique comprenant les éléments essentiels du contrat conclu entre le vendeur et le tiers (cf. art. 48 al. 1 LDFR).
L'autorité administrative n'est toutefois pas compétente pour trancher un litige en lien avec le droit de préemption et elle n'a pas à examiner ce point, lorsqu'elle est saisie d'une demande d'autorisation d'acquérir un immeuble agricole. A cette occasion, il lui incombe uniquement de déterminer s'il n'existe aucun motif pour refuser l'octroi d'une telle autorisation (cf. art. 60 al. 2 et 63 LDFR ), comme cela a été examiné en l'espèce. L'existence d'un cas de préemption et la réalisation des conditions personnelles et objectives nécessaires à l'exercice du droit de préemption relèvent de la compétence du juge civil (ATF 129 III 186 consid. 2.1, 693 consid. 3).
8.
Au regard de ce qui précède, le recours est rejeté.
Succombant, le recourant doit supporter les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Les intimés 1, 2 et 3, qui obtiennent gain de cause assistés d'un avocat, ont droit à des dépens à la charge du recourant (art. 68 al. 2 LTF). Tel n'est pas le cas de la Commission foncière qui agit dans l'exercice de ses attributions officielles (art. 68 al. 3 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Une indemnité de 3'000 fr., à payer aux intimés 1, 2 et 3 à titre de dépens, est mise à la charge du recourant.
4.
Le présent arrêt est communiqué au recourant, au mandataire des intimés, à la Commission foncière rurale, au Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Cour administrative, et à l'Office fédéral de l'agriculture.
Lausanne, le 21 mai 2024
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : F. Aubry Girardin
La Greffière : E. Jolidon