Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
8C_751/2023
Arrêt du 21 mai 2024
IVe Cour de droit public
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Wirthlin, Président, Viscione et Métral.
Greffier : M. Ourny.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Séverine Monferini Nuoffer, avocate,
recourant,
contre
Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA), Division juridique, Fluhmattstrasse 1, 6002 Lucerne,
intimée.
Objet
Assurance-accidents (indemnité pour atteinte à l'intégrité),
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Fribourg du 10 octobre 2023 (605 2022 46).
Faits :
A.
A.a. A.________, né en 1969, plâtrier-peintre, a été victime le 28 août 2001 d'un accident de moto, qui a notamment entraîné des fractures aux deux tibias, au coude gauche et au pied droit, ainsi qu'une contusion lacérée au genou gauche. La Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA), auprès de laquelle il était assuré contre le risque d'accidents, a pris en charge le cas. Par décision du 1
er avril 2005, confirmée sur opposition le 20 novembre 2006, la CNA lui a alloué une rente fondée sur un taux d'invalidité de 23 % dès le 1
er juin 2004, ainsi qu'une indemnité pour atteinte à l'intégrité (IPAI) de 37'380 fr., correspondant à un taux d'atteinte à l'intégrité de 35 %. La CNA a notamment considéré que l'assuré était en mesure d'exercer à plein temps une activité légère dans différents secteurs de l'industrie. Pour fixer l'IPAI, elle s'est fondée sur une évaluation de son médecin d'arrondissement, le docteur B.________, spécialiste en chirurgie.
A.b. L'Office de l'assurance-invalidité du canton de Fribourg (ci-après: l'office AI), auprès duquel l'assuré avait déposé une demande de prestations, a confié une expertise au docteur C.________, spécialiste en médecine interne générale. Dans son rapport du 2 octobre 2009, celui-ci a estimé qu'une aggravation de l'état de santé de l'assuré devait être reconnue à partir du 8 novembre 2007, avec une capacité de travail dans une activité adaptée limitée à 50 %. Sur la base de cette expertise, l'office AI a, par décision du 19 septembre 2011, octroyé à l'assuré une demi-rente d'invalidité dès le 1
er novembre 2008.
A.c. Par décision du 2 novembre 2011, confirmée sur opposition le 9 janvier 2012, la CNA a rejeté - pour tardiveté - une demande de révision de l'assuré du 11 mai 2011, fondée sur l'expertise du docteur C.________. Par arrêt du 27 février 2014, la I
re Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Fribourg (ci-après: la I
re Cour des assurances sociales) a rejeté le recours formé contre la décision sur opposition précitée.
Dans le cadre du réexamen d'office du droit à la rente, la CNA a, par décision du 4 mai 2017, considéré que les conditions pour une augmentation de la rente n'étaient pas réunies.
A.d. Le 13 décembre 2018, l'assuré a annoncé une rechute à la CNA, en faisant valoir des douleurs au genou gauche depuis le 22 octobre 2018. Dans un rapport du 31 octobre 2018, le docteur D.________, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur, signalait une récidive des douleurs aux deux jambes, au genou gauche, au coude gauche et à la cheville droite. L'assuré a été opéré par ce médecin le 5 décembre 2018 (arthroscopie du genou gauche avec méniscectomie interne et externe partielle) puis le 7 août 2019 (révision de la rotule avec ablation d'un important ostéophyte externe). Ces interventions ont été prises en charge par la CNA, qui a également versé des indemnités journalières.
Par décision du 23 juin 2020, confirmée sur opposition le 10 février 2022, la CNA a mis un terme au paiement des frais médicaux et des indemnités journalières au 31 juillet 2020. Elle a en outre confirmé le taux de la rente d'invalidité de 23 % et l'IPAI de 35 % accordées le 1
er avril 2005, en se basant notamment sur l'appréciation de son médecin d'arrondissement, le docteur E.________, spécialiste en médecine interne générale.
B.
Saisie d'un recours contre la décision sur opposition du 10 février 2022, la I
re Cour des assurances sociales l'a partiellement admis par arrêt du 10 octobre 2023. Elle a annulé cette décision en tant qu'elle portait sur la rente d'invalidité, renvoyant la cause à la CNA pour nouveau calcul du taux de la rente sur la base d'une incapacité de travail de 50 % et compte tenu des limitations fonctionnelles de l'assuré. Elle a en revanche confirmé la décision sur opposition en tant qu'elle portait sur l'IPAI.
C.
A.________ interjette un recours en matière de droit public contre cet arrêt, en concluant à sa réforme en ce sens qu'une IPAI de 64'080 fr., correspondant à un taux de 65 %, lui soit octroyée.
L'intimée conclut au rejet du recours. La cour cantonale et l'Office fédéral de la santé publique ont renoncé à se déterminer. Le recourant a répliqué.
Considérant en droit :
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office (art. 29 al. 1 LTF) et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 147 I 333 consid. 1; 146 IV 185 consid. 2; 144 II 184 consid. 1).
1.1. Le recours en matière de droit public (art. 82 ss LTF) est recevable contre les décisions finales, soit celles qui mettent fin à la procédure (art. 90 LTF), et contre les décisions partielles, soit celles qui statuent sur un objet dont le sort est indépendant de celui qui reste en cause (art. 91 let. a LTF) ou qui mettent fin à la procédure à l'égard d'une partie des consorts (art. 91 let. b LTF). Les décisions préjudicielles et incidentes autres que celles concernant la compétence ou les demandes de récusation (cf. art. 92 LTF) ne peuvent faire l'objet d'un recours que si elles peuvent causer un préjudice irréparable (art. 93 al. 1 let. a LTF) ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (art. 93 al. 1 let. b LTF).
1.2. En l'espèce, en tant qu'il renvoie la cause à l'intimée pour complément d'instruction et nouvelle décision sur le droit à une rente d'invalidité, l'arrêt entrepris constitue une décision (partielle) incidente car il ne met pas fin à la procédure (cf. ATF 144 V 280 consid. 1.2; 140 V 282 consid. 2; 138 I 143 consid. 1.2). S'agissant du droit à une IPAI, les juges cantonaux ont en revanche définitivement tranché le litige, dès lors qu'il ont sur ce point jugé que le recourant n'avait pas droit à une indemnité supplémentaire à celle de 35 % allouée en 2005. Cette partie de l'arrêt cantonal revêt donc les caractéristiques d'une décision (partielle) finale, contre laquelle un recours est recevable, au sens de l'art. 91 let. a LTF (cf. ATF 146 III 254 consid. 2.1; 141 III 395 consid. 2.2; 135 III 212 consid. 1.2.1). Le recours contre l'arrêt du 10 octobre 2023 portant sur le droit à une IPAI (supplémentaire), la voie du recours en matière de droit public contre cet arrêt est ainsi ouverte.
1.3. Pour le reste, l'arrêt attaqué a été rendu par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF) dans une cause de droit public (art. 82 LTF) qui n'entre pas dans le catalogue des exceptions prévues par l'art. 83 LTF. Le recours en matière de droit public, déposé dans le délai (art. 100 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi, est donc recevable.
2.
2.1. Le litige porte sur le droit du recourant à une IPAI supplémentaire à celle déjà octroyée de 37'380 fr., correspondant à un taux de 35 %.
2.2. S'agissant d'une procédure concernant l'octroi de prestations en espèces de l'assurance-accidents, le Tribunal fédéral n'est pas lié par les faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 3 LTF).
3.
3.1. Selon l'art. 24 al. 1 LAA, l'assuré qui souffre d'une atteinte importante et durable à son intégrité physique, mentale ou psychique par suite d'un accident a droit à une indemnité équitable pour atteinte à l'intégrité. Aux termes de l'art. 36 al. 1 OLAA (RS 832.202), une atteinte à l'intégrité est réputée durable lorsqu'il est prévisible qu'elle subsistera avec au moins la même gravité pendant toute la vie; elle est réputée importante lorsque l'intégrité physique, mentale ou psychique subit, indépendamment de la diminution de la capacité de gain, une altération évidente ou grave.
3.2. L'indemnité pour atteinte à l'intégrité est calculée selon les directives figurant à l'annexe 3 à l'OLAA (art. 36 al. 2 OLAA). Cette annexe comporte un barème - reconnu conforme à la loi et non exhaustif (ATF 124 V 29 consid. 1b, 209 consid. 4a/bb; arrêt 8C_580/2022 du 31 mars 2023 consid. 4.1.1 et l'arrêt cité) - des lésions fréquentes et caractéristiques, évaluées en pour cent. Pour les atteintes à l'intégrité spéciales ou qui ne figurent pas dans la liste, le barème est appliqué par analogie, compte tenu de la gravité de l'atteinte (ch. 1 al. 2 annexe 3 OLAA). La Division médicale de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA) a établi des tables d'indemnisation en vue d'une évaluation plus affinée de certaines atteintes (Indemnisation des atteintes à l'intégrité selon la LAA). Ces tables n'ont pas valeur de règles de droit et ne sauraient lier le juge. Toutefois, dans la mesure où il s'agit de valeurs indicatives, destinées à assurer autant que faire se peut l'égalité de traitement entre les assurés, elles sont compatibles avec l'annexe 3 à l'OLAA (ATF 124 V 209 consid. 4a/cc; 116 V 156 consid. 3a; arrêt 8C_656/2022 du 5 juin 2023 consid. 3.3 et l'arrêt cité).
3.3. Aux termes de l'art. 36 al. 4 OLAA, il est équitablement tenu compte des aggravations prévisibles de l'atteinte à l'intégrité; une révision n'est possible qu'en cas exceptionnel, si l'aggravation est importante et n'était pas prévisible. S'il y a lieu de tenir équitablement compte d'une aggravation prévisible de l'atteinte lors de la fixation du taux de l'indemnité, cette règle ne vise toutefois que les aggravations dont la survenance est vraisemblable et - cumulativement - l'importance quantifiable. Le taux d'une atteinte à l'intégrité dont l'aggravation est prévisible au sens de l'art. 36 al. 4 OLAA doit être fixé sur la base de constatations médicales (arrêt 8C_745/2022 du 29 juin 2023 consid. 3.3 et les arrêts cités).
4.
Les premiers juges ont constaté que l'IPAI de 35 %, accordée par décision du 1
er avril 2005, avait été fixée sur la base de l'appréciation du docteur B.________ du 24 mars 2004. Ce médecin avait tenu compte d'une limitation fonctionnelle du coude gauche (5 %), d'une limitation fonctionnelle des articulations tibio-tarsienne et sous-astragalienne à droite, accompagnée de troubles de la sensibilité (20 %), ainsi que d'une légère instabilité antéro-postérieure et d'une limitation de la flexion au niveau du genou gauche (10 %). Dans le cadre de sa rechute, le recourant se prévalait de l'avis du docteur D.________, qui attestait une (nouvelle) légère arthrose du coude gauche et une arthrose du genou gauche, avec risque d'aggravation nécessitant la pose d'une prothèse totale du genou. Selon la juridiction cantonale, l'apparition d'arthrose ou son aggravation, après un accident tel que celui subi par le recourant, ne constituait une aggravation ni imprévisible ni exceptionnelle. Comme retenu par le docteur E.________, on devait partir du principe que dans son évaluation de 2004, le docteur B.________ avait déjà pris en compte l'aggravation prévisible et, partant, la survenance ou l'aggravation de l'arthrose au niveau des articulations touchées, même si son rapport du 24 mars 2004 ne le précisait pas de manière explicite. Quant à la question de la prothèse totale du genou, la situation devait être réévaluée le moment venu. En l'état, il n'était pas possible de déterminer quelle serait l'atteinte définitive après une telle intervention, pour autant qu'elle soit effectivement réalisée un jour. Enfin, la reconnaissance d'un taux de 65 %, auquel le recourant concluait, revenait à admettre une atteinte plus grave qu'une amputation au-dessus du genou (50 %) et que la perte fonctionnelle totale d'un membre inférieur (50 %) ou des deux membres supérieurs (50 %). Or la situation du recourant n'était pas aussi grave. Dans ces conditions, il n'y avait pas de motif suffisant justifiant une augmentation de l'IPAI allouée au recourant.
5.
Le recourant se plaint d'une constatation incomplète des faits et d'une violation des art. 24 LAA et 36 OLAA. Précisant prétendre à une IPAI supplémentaire uniquement pour les atteintes au coude et au genou gauches, il reproche aux juges cantonaux d'avoir admis, de manière générale et abstraite et sans examen du cas particulier, que l'apparition ou l'aggravation d'une arthrose ensuite d'un accident tel que celui qu'il a subi, avec de multiples fractures, ne constituait pas une aggravation imprévisible. Ce faisant, ils se seraient écartés de la jurisprudence du Tribunal fédéral, selon laquelle il appartient au médecin, dans chaque particulier, de fixer le taux de l'IPAI et d'évaluer le caractère prévisible ou imprévisible d'une aggravation future. Selon le Tribunal fédéral, l'évolution d'une arthrose ne serait du reste pas toujours défavorable au point qu'il conviendrait, en présence d'une telle atteinte, d'admettre d'emblée la condition du caractère prévisible d'une aggravation future. En l'espèce, dans son appréciation du 24 mars 2004, le docteur B.________ n'aurait fait aucune mention de la survenance ou de l'aggravation d'une arthrose. En "partant du principe" que ce médecin avait pris en compte une aggravation due à l'arthrose, l'instance précédente se serait substituée à lui. Quand bien même le docteur E.________ avait estimé que son confrère avait été généreux en 2004, les taux fixés à cette époque auraient force de chose décidée.
S'agissant de la mise en place d'une prothèse totale du genou gauche, le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir mis en doute la réalisation d'une telle intervention, alors que le docteur D.________ a évalué le risque de pose d'une prothèse entre 50 et 75 % dans les années à venir. L'importance de l'aggravation liée à cette prothèse aurait par ailleurs été quantifiée par ce médecin, à savoir 10 %, s'ajoutant au 10 % retenu pour l'aggravation actuelle. En ce qui concerne le coude gauche, le docteur D.________ aurait fait état non seulement d'une légère arthrose, mais également d'une ankylose et d'un manque de force, pour un taux de 5 %. Il aurait en outre tenu compte de l'aggravation future de l'arthrose, également à hauteur de 5 %. Au final, l'IPAI supplémentaire serait donc de 30 % (20 % pour le genou gauche et 10 % pour le coude gauche).
6.
6.1.
6.1.1. En ce qui concerne le coude gauche, le docteur B.________ avait retenu en 2004 une IPAI de 5 % en raison d'une légère limitation fonctionnelle. Dans son rapport du 24 août 2020, le docteur D.________ a estimé que ce taux devait être augmenté de 5 % du fait de l'apparition d'une arthrose. Le 1
er décembre 2020, il a précisé que cette augmentation se justifiait aussi par un manque de force. Dans ses rapports des 30 octobre 2020 et 23 novembre 2021, le docteur E.________, en désaccord avec son confrère, a exposé qu'entre 2004 et 2020, il y avait eu une légère amélioration des amplitudes articulaires, lesquelles s'avéraient quasiment normales. Le 14 juillet 2004, un orthopédiste avait fait état de résultats d'imagerie indiquant une arthrose débutante. Des imageries de septembre 2018 montraient une légère progression des irrégularités de l'articulation, correspondant à des signes d'arthrose, qui devait être qualifiée de légère à moyenne. La répercussion clinique de cette évolution était minime, au vu de la progression des amplitudes articulaires entre 2004 et 2020. Compte tenu des amplitudes articulaires proches de la normale, on pouvait penser que le docteur B.________ avait déjà inclus dans son évaluation une possible progression de l'arthrose débutante en fixant un taux de 5 % difficilement justifiable par une atteinte correspondant à la table 1 de la CNA (atteinte à l'intégrité résultant de troubles fonctionnels des membres supérieurs). Les légers signes d'arthrose au coude, qui avait très peu progressé en 14 ans, ne justifiaient aucune augmentation de l'IPAI et rien ne permettait de prédire une aggravation future significative.
6.1.2. Contrairement à ce que soutient le recourant, il ne ressort pas de l'appréciation du docteur D.________ que celui-ci aurait motivé l'augmentation de l'IPAI par une ankylose. Quoi qu'il en soit, les troubles fonctionnels du coude gauche ont déjà été pris en compte par le docteur B.________ en 2004 et le docteur D.________ n'indique pas qu'ils se seraient aggravés depuis lors. Le docteur E.________ a de surcroît relevé que les amplitudes articulaires s'étaient au contraire améliorés, ce à quoi le docteur D.________ n'a rien trouvé à redire. Ce dernier ne précise pas non plus dans quelle mesure la force du coude aurait diminué depuis 2004. Aussi, une majoration de l'IPAI en lien avec les limitations fonctionnelles ou un manque de force du coude gauche n'entre pas en considération.
S'agissant de l'arthrose, la juridiction cantonale a, sur la base de l'évaluation du docteur E.________, retenu que l'on pouvait partir du principe que le docteur B.________ avait anticipé l'apparition ou la péjoration d'une telle atteinte. Le rapport d'examen final et l'évaluation de l'IPAI de celui-ci ne font toutefois pas mention d'arthrose - même débutante - au coude gauche. Rien n'indique en outre que le médecin d'arrondissement disposait au moment de son examen de pièces médicales attestant une arthrose, étant entendu que le rapport orthopédique du 14 juillet 2004 mentionné par le docteur E.________ est postérieur audit examen. Aucun élément médical ne permet donc de retenir que le docteur B.________ a anticipé le développement d'une arthrose et en a tenu compte dans son évaluation, contrairement à ce qu'a constaté la cour cantonale. Selon la table 5 de la CNA (atteinte à l'intégrité résultant d'arthrose), une arthrose légère ne donne pas droit à une indemnité; une arthrose moyenne du coude correspond à un taux de 5 à 10 %. Le docteur E.________ a qualifié l'arthrose de "légère à moyenne" dans son rapport du 30 octobre 2020. Le 23 novembre 2020, il a fait état de "légers signes d'arthrose". Le docteur D.________ n'a pas précisé la gravité de l'arthrose et s'est limité à renvoyer à la table 5, sans autre explication. Le taux de 5% qu'il a fixé tient toutefois également compte, sans convaincre comme on vient de le voir, d'un manque de force. Contrairement au genou gauche, il n'a par ailleurs pas fait état d'une aggravation de la symptomatologie du coude gauche. Il est en outre constant que l'arthrose - qui n'est pas à l'origine de l'annonce de rechute, laquelle a entraîné des interventions au genou gauche exclusivement - a très peu évolué depuis 2004. Dans ces conditions, on ne peut pas retenir que le coude gauche du recourant a subi une aggravation importante au sens de l'art. 36 al. 4, seconde phrase, OLAA. Une révision de l'IPAI de 5 %, accordée pour le coude gauche en 2005, ne saurait être admise.
6.2.
6.2.1. Concernant le genou gauche, le docteur B.________ avait évalué l'IPAI à 10 %, au vu d'une légère instabilité antéro-postérieure et d'une limitation de la flexion. Le docteur D.________ a relevé que ce taux devait être augmenté de 20 % en raison d'un début d'arthrose (ostéophytose) et d'un risque d'aggravation nécessitant la pose d'une prothèse totale de genou, une telle intervention ayant entre 50 et 75 % de chance d'être pratiquée dans les années à venir. Il n'a fourni aucune précision quant à la nature et au degré de l'arthrose. Le docteur E.________ a objecté que l'estimation faite en 2004 avait été très généreuse. Il était légitime de penser que le docteur B.________ avait tenu compte d'une aggravation ultérieure du genou gauche. Dès 2004, la mobilisation de la rotule était douloureuse. Les examens par imagerie avaient déjà mis en évidence une arthrose au niveau fémoro-patellaire en 2006. Sur la base des multiples résultats d'imagerie pratiqués depuis 2018 et des rapports opératoires, le recourant ne présentait que de légers signes d'arthrose, essentiellement sous forme d'ostéophytes, sans aucune lésion cartilagineuse. Eu égard à la table 5 de la CNA, on pouvait parler tout au plus d'une arthrose (fémoro-patellaire) moyenne, connue depuis 2006, qui ne semblait avoir que peu évolué en 13 ans. Aucun élément objectif ne militait toutefois en faveur d'une aggravation significative justifiant une augmentation de l'IPAI. L'absence de toute lésion cartilagineuse fémoro-tibiale en 2020, après 19 ans d'évolution, et une minime augmentation de l'atteinte cartilagineuse entre 2006 et 2020, ne permettait pas de prédire l'apparition un jour d'une arthrose fémoro-patellaire et/ou fémoro-tibiale significative. Il n'était pas non plus possible de déterminer à quel moment une prothèse devrait être implantée. En l'état, il n'y avait pas de raison de mettre en place une prothèse sur un genou qui présentait des cartilages sains.
6.2.2. De même qu'en ce qui concerne le coude gauche, en l'absence de toute mention d'arthrose dans son évaluation de 2004, on ne peut pas supputer que le docteur B.________ a fixé l'IPAI pour le genou gauche en tenant compte de l'apparition d'une arthrose ou de son aggravation. Cela étant, les tables 5 et 6 (atteinte à l'intégrité en cas d'instabilité articulaire) précisent que si l'articulation présente une instabilité en plus de l'arthrose (et inversement), on retiendra le taux d'atteinte à l'intégrité le plus élevé. En l'occurrence, selon la table 5, une arthrose fémoro-patellaire moyenne équivaut à une indemnité entre 5 et 10%. La table 6 indique un taux de 0 à 5 % pour une instabilité modérée si, comme en l'espèce, il ne s'agit pas d'une instabilité complexe. Dès lors, la conjonction de l'instabilité et de l'arthrose du genou gauche ne peut pas donner lieu à une IPAI supérieure à 10 %, que le recourant s'est déjà vu octroyer en 2005. Force est néanmoins de constater qu'il aura échappé au docteur E.________ que cette indemnité avait également été allouée en raison d'une limitation de la flexion du genou, et pas uniquement d'une instabilité. Compte tenu du taux prévu par la table 6 pour l'instabilité (0 à 5 %), on peut considérer que 5 % du taux de 10 % correspondait à la limitation de la flexion, dont rien n'indique qu'elle ait évolué. Le recourant peut donc prétendre à une IPAI de 15 % pour les atteintes à son genou gauche, le développement d'une arthrose fémoro-patellaire moyenne pouvant être considéré comme une aggravation importante, qui n'a pas été prise en considération en 2004.
En revanche, le docteur D.________ ne fournit aucun élément laissant penser que l'arthrose du genou gauche va forcément s'aggraver. La mise en place d'une prothèse totale apparaît en l'état purement hypothétique. Par ailleurs, le taux de l'indemnité varie entre 20 % ("endoprothèse avec résultat bon") et 40 % ("endoprothèse avec résultat mauvais") en fonction des suites de l'opération, de sorte que l'importance d'une éventuelle aggravation de l'atteinte à l'intégrité n'est pas précisément quantifiable. En cas d'aggravation importante de l'atteinte à l'intégrité ensuite de la pose d'une endoprothèse, une révision au sens de l'art. 36 al. 4, seconde phrase, OLAA demeurera envisageable.
7.
Compte tenu de ce qui précède, le recourant a droit à une IPAI supplémentaire de 5 %. Il s'ensuit que le recours doit être partiellement admis, l'arrêt cantonal devant être réformé en tant qu'il porte sur l'IPAI, en ce sens qu'une IPAI supplémentaire de 5 % est allouée au recourant.
8.
Vu l'issue du litige, les frais judiciaires seront répartis entre les parties (art. 66 al. 1 LTF). Le recourant, qui obtient partiellement gain de cause, a droit à des dépens réduits à charge de l'intimée ( art. 68 al. 1 et 2 LTF ). L'intimée n'a pas droit à des dépens (art. 68 al. 3 LTF). Il n'y a pas lieu de renvoyer la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision sur les dépens de la procédure précédente. Dès lors que le recourant n'obtient que très partiellement gain de cause, la décision cantonale sur les dépens n'a en effet pas à être réexaminée (cf. GRÉGORY BOVEY, Commentaire de la LTF, 3
e éd. 2022, n. 48 ad art. 68 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est partiellement admis. L'arrêt de la I
re Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Fribourg du 10 octobre 2023 est réformé en tant qu'il porte sur l'IPAI, en ce sens qu'une IPAI complémentaire correspondant à un taux d'atteinte à l'intégrité supplémentaire de 5 % est allouée au recourant. Le recours est rejeté pour le surplus.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis pour 600 fr. à la charge du recourant et pour 200 fr. à la charge de l'intimée.
3.
L'intimée versera au recourant la somme de 700 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la I
re Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Fribourg et à l'Office fédéral de la santé publique.
Lucerne, le 21 mai 2024
Au nom de la IVe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Wirthlin
Le Greffier : Ourny