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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
2C_341/2017  
   
   
 
 
 
Arrêt du 21 juillet 2017  
 
IIe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Seiler, Président, 
Zünd et Donzallaz. 
Greffière : Mme Jolidon. 
 
Participants à la procédure 
X.________, 
agissant par sa curatrice Me Catherine Hohl-Chirazi, avocate, 
recourante, 
 
contre  
 
Département de l'environnement, des transports et de l'agriculture du canton de Genève, Commission d'affermage agricole, 
intimé. 
 
Objet 
Fermage licite; récusation, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, du 21 février 2017. 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. X.________ est propriétaire de diverses parcelles sises dans le canton de Genève, lesquelles sont plantées de vignes ou comportent des bâtiments.  
 
Le 28 octobre 2013, l'autorité compétente a été saisie d'une demande de calcul de fermage licite concernant le domaine de X.________ exploité par A.________ et ses enfants. Il s'agissait, dans ce cadre, de déterminer si le domaine agricole en cause devait être qualifié d'entreprise agricole; dans ce cas, l'approbation du fermage par l'autorité compétente était obligatoire, conformément au droit sur le bail à ferme agricole. 
 
Après une inspection locale du 26 mars 2014, la Commission d'affermage agricole de la République et canton de Genève (ci-après : la Commission d'affermage), formée de B.________, C.________ et F.__________, a constaté, par décision incidente du 7 avril 2014, que l'ensemble des terres et bâtiments loués par X.________ constituait une entreprise agricole; en conséquence, le fermage licite devait être arrêté dans une décision finale. 
 
Par arrêt du 29 juillet 2014, la Cour de justice de la République et canton de Genève (ci-après: la Cour de justice) a admis le recours de X.________, agissant par sa curatrice, et a annulé la décision incidente du 7 avril 2014: celle-ci n'avait pas reçu de convocation pour l'inspection locale du 26 mars 2014 et, dès lors, n'y avait pas assisté, ce qui représentait une violation grave du droit d'être entendu. 
 
La Cour de justice, par arrêt du 10 novembre 2015, a partiellement admis le recours de X.________ à l'encontre de la décision incidente du 4 décembre 2014 rejetant la demande de récusation de la Commission d'affermage formée par l'intéressée: F.__________ s'était déjà prononcé dans une autre procédure sur l'objet du litige ou à tout le moins sur un point qui lui était proche, prenant une position catégorique; pour le surplus, la décision attaquée était confirmée. 
 
Le 16 février 2016, B.________ s'est spontanément récusé dans l'affaire portant sur le domaine de X.________: il était copropriétaire d'un domaine viticole qu'il louait à une société en nom collectif, au sein de laquelle était notamment associée la fille de A.________. La Commission d'affermage a repris l'instruction du dossier dans une nouvelle composition. 
 
Après différents échanges de courriers, la Commission d'affermage a refusé, le 21 juin 2016, de procéder aux actes d'instruction requis à maintes reprises par X.________, à savoir la production par les fermiers d'informations relatives à leur domaine (surfaces exploitées en propriété et en location, volume et affectation des bâtiments, etc.). Elle a également fixé une date pour un transport sur place. 
 
A.b. X.________ a formé une nouvelle demande de récusation des trois membres de la Commission d'affermage: elle avait appris que l'un des consorts A.________ avait refusé de transmettre des documents concernant sa propriété que ladite commission lui avait demandé de fournir le 15 juin 2016; en rejetant, le 21 juin suivant, sa demande d'instruction y relative, la Commission d'affermage avait procédé à une volte-face qui démontrait que cette autorité avait pris le parti des consorts A.________ dans la procédure.  
 
La Commission d'affermage a, par décision incidente du 16 août 2016, rejeté cette nouvelle demande de récusation. 
 
B.   
Par arrêt du 21 février 2017, la Cour de justice a rejeté la recours de X.________. Elle a en substance jugé que le refus de la Commission d'affermage d'ordonner aux fermiers de fournir des renseignements sur l'exploitation de leur domaine ne pouvait pas d'emblée et en l'état être considéré comme manifestement problématique, sous l'angle du devoir d'impartialité; la demande de récusation revenait à contester la manière dont était menée l'instruction. 
 
C.   
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, X.________ demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler l'arrêt du 21 février 2017 de la Cour de justice et de récuser tous les membres de la Commission d'affermage en charge de la procédure concernant le domaine affermé, à savoir E.________, C.________ et D.________; subsidiairement, de renvoyer la cause à la Cour de justice pour qu'elle statue dans le sens des considérants. 
 
La Commission d'affermage conclut au rejet du recours. La Cour de justice persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. 
 
Par ordonnance du 1er mai 2017, le Président de la IIe Cour de droit public a refusé la demande tendant à octroyer l'effet suspensif au recours. 
 
X.________ s'est encore prononcée par écriture du 9 juin 2017. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
L'arrêt attaqué constitue une décision incidente notifiée séparément, au sens de l'art. 92 al. 1 LTF, et portant sur une demande de récusation, de sorte qu'il peut en principe faire l'objet d'un recours immédiat au Tribunal fédéral. En outre, la détermination de la voie de droit ouverte à l'encontre d'une décision incidente dépend de la cause au fond qui a trait (ATF 137 III 380 consid. 1.1 p. 382; 133 III 645 consid. 2.2 p. 647), en l'occurrence, à la détermination du loyer licite au sens de la loi fédérale du 4 octobre 1985 sur le bail à ferme agricole (LBFA ou la loi sur le bail à ferme agricole; RS 221.213.2), à savoir une cause relevant du droit public (art. 82 let. a LTF; art. 36, 42-44 LBFA); elle peut donc être portée devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière de droit public. 
 
Au surplus, le recours, déposé en temps utile (art. 100 LTF) et en la forme prévue (art. 42 LTF) à l'encontre de l'arrêt rendu par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF) par l'intéressée qui a la qualité pour recourir (art. 89 al. 1 LTF), est recevable (art. 90 LTF). 
 
2.   
Dans un premier grief, la recourante se plaint d'une appréciation arbitraire des preuves. 
 
2.1. Selon l'art. 97 al. 1 LTF, le recours peut critiquer les constatations de fait à la double condition que les faits aient été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF et que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause, ce que le recourant doit rendre vraisemblable par une argumentation répondant aux exigences des art. 42 al. 2 et 106 al. 2 LTF. La notion de "manifestement inexacte" figurant à l'art. 97 al. 1 LTF correspond à celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 141 IV 249 consid. 1.3.1 p. 253; 140 III 264 consid. 2.3 p. 266). En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, l'autorité tombe dans l'arbitraire lorsqu'elle ne prend pas en compte, sans raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (ATF 140 III 264 consid. 2.3 p. 266 et les arrêts cités).  
 
2.2. La recourante relève que les faits de l'arrêt attaqué relatent de façon correcte que, le 21 juin 2016, la Commission d'affermage a refusé de demander aux fermiers exploitant son domaine de fournir des informations sur leur propriété, alors que, quelques jours auparavant, cette commission avait adressé une telle requête à l'un des fermiers, lequel avait refusé d'y donner suite. Cependant, dans la partie en droit de leur arrêt, les juges précédents n'auraient pas tenu compte de ce point et auraient ainsi fait abstraction d'un moyen de preuve essentiel pour juger de l'apparence de partialité de ladite commission.  
 
2.3. Comme souligné par la recourante, les éléments en cause figurent dans les faits de l'arrêt entrepris mais la Cour de justice ne les a pas pris en considération dans sa subsomption; les juges précédents n'y ont donc pas donné l'importance désirée par la recourante. En réalité, l'intéressée ne critique pas l'appréciation des preuves par l'autorité intimée, mais lui reproche uniquement de ne pas avoir fondé sa décision sur certains éléments ressortant du dossier. Elle s'en prend dès lors à l'appréciation juridique des faits et des pièces en possession de cette autorité et soulève ainsi une question de droit qui sera examinée ci-après.  
 
Partant le grief concernant l'appréciation arbitraire des preuves est rejeté. 
 
3.   
La recourante estime, quant à ces mêmes faits et dans une argumentation identique (cf. supra consid. 2.2), que son droit d'être entendue (art. 29 al. 2 Cst.) a été violé. 
 
A nouveau, elle reproche à l'autorité judiciaire précédente de n'avoir pas fondé sa décision sur le prétendu changement d'attitude de la Commission d'affermage: elle s'en prend ainsi à l'appréciation juridique des faits et des pièces en possession de cette autorité et soulève dès lors une question de droit. En conséquence, le grief relatif à la violation du droit d'être entendu est également rejeté. 
 
4.   
La recourante invoque une violation de l'art. 29 al. 1 Cst., ainsi que l'application arbitraire de l'art. 15 de la loi genevoise du 12 septembre 1985 sur la procédure administrative (LPA; RS/GE E 5 10) : elle estime que la façon dont la Commission d'affermage a refusé de procéder aux actes d'instruction requis démontre que cette autorité a préjugé de la qualité d'entreprise agricole (cf. art 7 de la loi fédérale du 4 octobre 1991 sur le droit foncier rural [LDFR; RS 211.412.11]) de son domaine, ceci avant même la fin de l'instruction de la cause. Cette autorité administrative se serait laissé influencer par le point du vue du fermier qui considère que la propriété de la recourante constitue une entreprise agricole; elle en veut pour preuve la volte-face de la commission qui avait, dans un premier temps, demandé au fermier de lui fournir des informations sur son domaine, pour changer d'avis après que celui-ci eut refusé de communiquer les renseignements sollicités. 
 
4.1. L'autorité précédente a correctement exposé le droit applicable (art. 29 al. 1 Cst. et art. 15 LPA) à la récusation des membres d'une autorité administrative et la jurisprudence y relative (ATF 127 I 196 consid. 2b p. 198; 125 I 119 consid. 3b ss p. 123, ainsi que ATF 140 I 326 consid. 5.2 p. 329), de sorte qu'il y est renvoyé.  
 
Au demeurant, la recourante ne prétend pas que l'art. 15 LPA lui conférerait des garanties plus étendues que l'art. 29 al. 1 Cst. 
 
4.2. En tant que la recourante demande la récusation de la Commission d'affermage dans son ensemble, son grief doit être rejeté. En effet, en ce qui concerne les autorités administratives, la récusation ne touche en principe que les personnes physiques individuelles composant les autorités, et non l'autorité en tant que telle (ATF 97 I 860 consid. 4 p. 862). Le principe selon lequel la récusation doit rester l'exception si l'on ne veut pas vider la procédure et la réglementation de l'administration de son sens vaut a fortiori lorsque la récusation vise à relever une autorité entière des tâches qui lui sont attribuées par la loi (ATF 122 II 471 consid. 3b p. 477).  
 
Il a néanmoins été considéré qu'une telle demande de récusation pouvait tout de même être examinée comme si elle était dirigée contre chacun des membres de cette autorité pris individuellement (arrêt 2C_831/2011 du 30 décembre 2011 consid. 3.1), point examiné ci-dessous. 
 
4.3. Dans ses observations, la Commission d'affermage explique qu'un de ses membres a pris l'initiative "malencontreuse" d'adresser, le 14 juin 2016, un courriel au fils de A.________ sollicitant des informations que celui-ci a refusé de fournir; ce membre "souhaitait, cas échéant, anticiper la décision de la commission de requérir des informations auprès du fermier"; par la suite, la commission, après concertation et analyse, en a décidé autrement; ce contact informel entre un des membres de la commission et un des fermiers exploitant les terres de la recourante ne signifiait en aucun cas l'admission de la demande de la recourante quant à des actes d'instruction supplémentaires.  
 
Le seul fait que la Commission d'affermage ait refusé, le 21 juin 2016, de demander aux fermiers concernés de fournir des informations sur leur propriété, alors qu'un de ses membres avait pris l'initiative d'adresser une telle requête quelques jours auparavant à l'un des fermiers ne saurait constituer un motif de récusation. Ladite commission explique, dans ses observations, que la requête du 14 juin 2016 formulée auprès du fermier émanait d'un de ses membres qui en avait pris seul l'initiative; la commission dans son ensemble avait, pour sa part, renoncé, après concertation et analyse du dossier, à solliciter ces renseignements, comme le relève son courrier du 24 juin suivant. Il n'y pas lieu de mettre en doute la façon dont se sont déroulés les faits telle qu'expliquée par cette autorité et on ne saurait y voir une attitude relevant de la prévention. Cette commission a donc simplement renoncé à procéder à l'acte d'instruction requis par la recourante estimant que celui-ci n'était pas nécessaire pour former sa conviction: cet acte concernait la propriété du fermier, alors qu'était en cause celle de la recourante et qu'il s'agissait de déterminer si ce domaine constituait d'entreprise agricole. La Commission d'affermage a ainsi procédé d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui étaient encore proposées (ATF 137 III 208 consid. 2.2 p. 210; 134 I 140 consid. 5.2 p. 147 s.; 130 II 425 consid. 2.1 p. 429). Il faut d'ailleurs relever, à cet égard, que l'instruction de la cause n'est pas terminée, puisque la Commission d'affermage a prévu une inspection locale. Elle pourra toujours requérir des fermiers des informations sur leur propriété, dans la mesure où elle les jugerait nécessaires pour déterminer si le domaine de la recourante constitue ou non une entreprise agricole. 
 
Il sied encore de relever que, même si la façon de procéder du membre de la Commission d'affermage violait le droit, une telle violation (que la recourante n'invoque au demeurant pas) ne suffirait pas à elle seule pour donner une apparence de prévention (ATF 115 Ia 400 consid. 3b p. 404 et les références). 
 
En conséquence, le motif de récusation avancé ne tombe pas sous le coup de l'art. 29 al. 1 Cst. 
 
5.   
Compte tenu de ce qui précède, le recours est rejeté. 
 
Succombant, la recourante doit supporter les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.   
Le présent arrêt est communiqué à la mandataire de la recourante, à la Commission d'affermage et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, ainsi qu'au Département fédéral de justice et police. 
 
 
Lausanne, le 21 juillet 2017 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Seiler 
 
La Greffière : Jolidon