Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
6B_446/2021
Arrêt du 21 juillet 2022
Cour de droit pénal
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Denys, Juge présidant, van de Graaf et Hurni.
Greffier : M. Dyens.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Julian Burkhalter, avocat,
recourant,
contre
Ministère public de la République et canton de Genève,
route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy,
intimé.
Objet
Ordonnance de non-entrée en matière (médication
sous contrainte); déni de justice; droit d'être entendu,
recours contre l'arrêt de la Cour de justice
de la République et canton de Genève,
Chambre pénale de recours, du 16 mars 2021
(ACPR/174/2021 P/6384/2020).
Faits :
A.
Par ordonnance du 29 septembre 2020, le Ministère public de la République et canton de Genève a refusé d'entrer en matière sur la plainte déposée par A.________, de le mettre au bénéfice de l'assistance judiciaire et de lui désigner un conseil juridique gratuit.
B.
Par arrêt du 16 mars 2021, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève a rejeté le recours formé par A.________ à l'encontre de l'ordonnance susmentionnée, ainsi que sa demande d'assistance judiciaire, tout en mettant les frais de la procédure de recours, par 400 fr., à sa charge.
En substance, le recourant se plaignait d'avoir été soumis à une médication disproportionnée, sous contrainte, sans décision idoine et en violation de l'art. 3 CEDH, en marge de la mesure thérapeutique institutionnelle dont il fait l'objet. La cour cantonale a toutefois écarté différents griefs soulevés par A.________ à l'encontre de l'ordonnance de non-entrée en matière du 29 septembre 2020, qu'elle a confirmée, tout en lui refusant l'assistance judiciaire.
C.
A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt rendu le 16 mars 2021 par la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève. Il conclut, avec suite de frais et dépens, principalement, à sa réforme, en ce sens que l'ordonnance de non-entrée en matière du 29 septembre 2020 est annulée et la cause renvoyée à l'instance précédente pour l'ouverture d'une enquête pénale, et que l'assistance judiciaire ainsi que la désignation de son conseil en tant que conseil juridique gratuit. Subsidiairement, il conclut à sa réforme en ce sens que dite ordonnance est annulée et la cause renvoyée à l'instance précédente pour nouvelle décision. Plus subsidiairement, il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à l'instance précédente, afin qu'elle lui accorde l'assistance judiciaire et laisse les frais à la charge de l'État. Il sollicite également le bénéfice de l'assistance judiciaire pour la procédure fédérale.
Considérant en droit :
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 146 IV 185 consid. 2).
1.1. Selon la jurisprudence, la partie recourante qui se prévaut des garanties offertes par l'art. 3 CEDH (interdiction de la torture), en corrélation avec l'art. 13 CEDH (droit à un recours effectif), peut fonder son droit de recours sur ces dispositions (ATF 138 IV 86 consid. 3.1.1 p. 88; arrêt 6B_411/2020 du 26 avril 2021 consid. 3 et les arrêts cités).
En outre, indépendamment des conditions posées par l'art. 81 al. 1 LTF, la partie recourante est aussi habilitée à se plaindre d'une violation de ses droits de partie équivalant à un déni de justice formel, sans toutefois pouvoir faire valoir par ce biais, même indirectement, des moyens qui ne peuvent être séparés du fond (ATF 141 IV 1 consid. 1.1 p. 5 et les références citées).
1.2. En l'espèce, le recourant se plaint, notamment, d'une violation de l'art. 3 CEDH en rapport avec la décision de non-entrée en matière rendue et confirmée dans la présente cause, alors qu'il se plaint de médication forcée. Il invoque également un déni de justice ainsi qu'une violation de son droit d'être entendu sur une question en soi distincte du fond. Il convient par conséquent d'admettre qu'il a qualité pour recourir.
2.
Invoquant les art. 29 al. 1 et 2 Cst. , ainsi que l'art. 9 Cst., le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir ignoré un courrier qu'il lui a adressé en date du 25 janvier 2021 pour requérir un délai pour des déterminations supplémentaires ainsi qu'une décision préalable sur sa requête d'assistance judiciaire.
2.1. Une autorité commet un déni de justice formel et viole l'art. 29 al. 1 Cst. lorsqu'elle n'entre pas en matière dans une cause qui lui est soumise dans les formes et délais prescrits, alors qu'elle devrait s'en saisir (ATF 142 II 154 consid. 4.2; 135 I 6 consid. 2.1; 134 I 229 consid. 2.3; cf. encore récemment: arrêt 6B_691/2021 du 5 avril 2022 consid. 1.1). Elle viole en revanche le droit d'être entendu découlant de l'art. 29 al. 2 Cst. lorsqu'elle ne respecte pas son obligation de motiver ses décisions afin que le justiciable puisse les comprendre et exercer ses droits de recours à bon escient. Pour satisfaire à cette exigence, il suffit que l'autorité mentionne au moins brièvement les motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision. Elle n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à ceux qui, sans arbitraire, peuvent être tenus pour pertinents (ATF 142 II 154 consid. 4.2; 138 I 232 consid. 5.1; 137 II 266 consid. 3.2; cf. encore récemment: arrêt 6B_691/2021 précité consid. 1.1).
En outre, compris comme l'un des aspects de la notion générale de procès équitable ancrée à l'art. 29 Cst., le droit d'être entendu au sens de l'art. 29 al. 2 Cst. (cf. aussi art. 6 par. 1 CEDH; art. 3 al. 2 let. c CPP et 107 CPP), englobe notamment le droit pour l'intéressé de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique (ATF 145 I 167 consid. 4.1 p. 170 s.; 143 IV 380 consid. 1.1 p. 382; ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 p. 298 s. et les arrêts cités).
Le droit d'être entendu est une garantie constitutionnelle de caractère formel, dont la violation entraîne en principe l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recours sur le fond. Le droit d'être entendu n'est toutefois pas une fin en soi; il constitue un moyen d'éviter qu'une procédure judiciaire ne débouche sur un jugement vicié en raison de la violation du droit des parties de participer à la procédure, notamment à l'administration des preuves. Lorsqu'on ne voit pas quelle influence la violation du droit d'être entendu a pu avoir sur la procédure, il n'y a pas lieu d'annuler la décision attaquée (ATF 143 IV 380 consid. 1.4.1 et les références citées; cf. encore récemment: arrêt 6B_691/2021 précité consid. 1.1). Dans ce cas, en effet, le renvoi de la cause à l'autorité précédente en raison de cette seule violation constituerait une vaine formalité et conduirait seulement à prolonger inutilement la procédure (ATF 143 IV 380 consid. 1.4.1 et les références citées).
2.2. En l'espèce, il ressort de l'arrêt attaqué que le recourant a déposé, en date du 7 décembre 2020, une réplique après que le ministère public eut déposé une réponse au recours le 16 novembre 2020. L'arrêt attaqué mentionne que le recourant se plaignait notamment, dans sa réplique, de ce que le dossier ne lui avait pas été transmis et qu'il avait été privé de la possibilité de se déterminer en ayant connaissance. L'arrêt attaqué indique en outre qu'à réception de cette écriture datée du 7 décembre 2020, la cause a été gardée à juger. Il ressort au demeurant de la réplique et du dossier cantonal (art. 105 al. 2 LTF) que le recourant a alors requis une copie du dossier, qui lui a été adressé par la cour cantonale en date du 8 janvier 2021. Il s'avère également (art. 105 al. 2 LTF) que par courrier du 25 janvier 2021, le recourant, relevant l'ampleur du dossier dont il venait de recevoir copie, a requis qu'il soit tranché sur sa demande d'assistance judiciaire et qu'un délai lui soit ensuite imparti pour se déterminer, respectivement pour compléter ses écritures. Le recourant reproche en particulier à la cour cantonale d'avoir ignoré son courrier du 25 janvier 2021, dont il n'est nullement fait mention dans l'arrêt attaqué, qui demeure également muet sur les deux requêtes qu'il comportait.
2.3. Il ressort de l'arrêt attaqué que le ministère public a en particulier obtenu la production du dossier du recourant de la part de l'établissement B.________. Il convient de relever, sachant que le recourant formule également un grief sur ce point, que selon la jurisprudence constante, la production d'un dossier au sens de l'art. 194 CPP, telle qu'intervenue en l'espèce, constitue un acte d'instruction qui ne peut en principe être exécuté qu'une fois l'instruction ouverte, laquelle implique une clôture formelle (art. 318 CPP) et, le cas échéant, une ordonnance de classement (art. 319 ss CPP; arrêts 6B_1362/2020 du 20 juin 2022 consid. 6.3; 6B_89/2022 du 2 juin 2022 consid. 2.2). Tel n'est évidemment pas sans portée sur le droit d'être entendu des parties (cf. spéc. art. 107 CPP; art. 147 CPP; art. 318 CPP). Il n'y a toutefois pas lieu d'examiner cette question plus avant à ce stade, compte tenu de ce qui suit. En effet, le droit d'être entendu des parties doit être assuré, le cas échéant, dans le cadre de la procédure de recours contre l'ordonnance de non-entrée en matière (cf. art. 310 al. 2, 322 al. 2 et 393 ss CPP), qui doit permettre à ce dernier de faire valoir tous leurs griefs - formels et matériels - auprès d'une autorité disposant d'une pleine cognition en fait et en droit (cf. art. 391 al. 1 et 393 al. 2 CPP; arrêts 6B_89/2022 précité consid. 2.2; 6B_488/2021 du 22 décembre 2021 consid. 4.2).
Or, en tout état de cause, l'arrêt attaqué se limite à évoquer le fait qu'à réception de la réplique du recourant du 7 septembre 2020, la cause a été gardée à juger. Il n'y est nullement précisé que l'instruction aurait été formellement close et, quand bien même l'arrêt ne le précise pas, la cour cantonale a encore transmis le dossier de la cause au recourant. Ce nonobstant, elle n'a réservé aucune suite aux requêtes formulées par le recourant dans son courrier du 25 janvier 2021. Il est toutefois patent que la transmission du dossier au recourant était de nature à susciter de nouvelles déterminations de sa part, lesquelles ont été expressément requises, tout comme il a requis une décision préalable sur l'octroi de l'assistance judiciaire. En omettant de se prononcer à ce sujet, la cour cantonale a commis un déni de justice au détriment du recourant et, dès lors qu'il n'a pas été mis en situation de se déterminer après avoir reçu copie du dossier, elle a également violé son droit d'être entendu. Il s'ensuit que les griefs du recourant s'avèrent fondés et que le recours doit être admis, sans qu'il y ait lieu d'examiner plus avant les autres griefs soulevés par ce dernier.
3.
Au vu de ce qui précède, le recours doit être admis, l'arrêt attaqué annulé et la cause renvoyée à l'autorité précédente pour nouvelle décision. Au regard de la nature procédurale du vice examiné, il peut être procédé au renvoi sans ordonner préalablement un échange d'écritures (cf. ATF 133 IV 293 consid. 3.4.2 p. 296; plus récemment: arrêt 6B_883/2020 du 15 avril 2021 consid. 3).
Le recourant, qui obtient gain de cause, ne supporte pas de frais et peut prétendre à des dépens, à la charge du canton de Genève ( art. 68 al. 1 et 2 LTF ). La demande d'assistance judiciaire du recourant devient ainsi sans objet.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision.
2.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
3.
Une indemnité de 3'000 fr., à verser au recourant à titre de dépens, est mise à la charge du canton de Genève.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours.
Lausanne, le 21 juillet 2022
Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Juge présidant : Denys
Le Greffier : Dyens