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«AZA 7» 
U 43/00 Mh 
 
 
IIe Chambre 
composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Meyer et Ferrari; Addy, Greffier 
 
 
Arrêt du 21 août 2000 
 
dans la cause 
La Zurich, compagnie d'assurances, Mythenquai 2, Zürich, recourante, représentée par Maître Serge Rouvinet, avocat, rue Prévost-Martin 5, Genève, 
 
contre 
1. S.________, représentée par Maître Henri Nanchen, 
avocat, boulevard des Philosophes 14, Genève, 
2. Concordia Assurance suisse de maladie et accidents, 
Bundesplatz 15, Lucerne, 
intimées, 
 
et 
Tribunal administratif du canton de Genève, Genève 
 
 
 
A.- Le 24 mars 1989, S.________ a été victime d'un accident de la route : alors qu'elle circulait normalement U 43/00 Sm 
sur l'autoroute, un véhicule s'est rabattu prématurément sur sa piste lors d'une manoeuvre de dépassement, la contraignant à freiner brutalement et à donner un coup de volant à gauche, ce qui lui a fait perdre la maîtrise de son véhicule, lequel s'en est allé percuter la glissière de sécurité centrale. 
Selon les premières constatations médicales (cf. rapport du docteur B.________ du 10 août 1989), S.________ a 
subi de multiples contusions et hématomes; elle s'est par ailleurs plainte de cervicalgies et de vertiges, douleurs qui ont par la suite persisté en dépit des traitements dont elle a bénéficié. Malgré cela, S.________ a repris, le 1er mai 1989, son activité professionnelle au service de la société X.________ pour laquelle elle travaillait depuis le 1er septembre 1988 comme «senior marketing officier». A ce titre, elle était assurée contre le risque d'accident professionnel et non professionnel auprès de la Zurich Assurances (ci-après : la Zurich), qui a pris en charge les conséquences de l'accident. 
Par décision du 8 avril 1992, la Zurich a mis l'assurée au bénéfice d'une indemnité pour atteinte à l'intégrité d'un taux de 10 %, en se fondant sur l'avis du docteur U.________, chirurgien, pour lequel les troubles constatés (vertiges, céphalées, douleurs nucales et scapulaires) pouvaient se résumer «à un unique problème cervical» (rapport du 21 janvier 1992). 
Cette décision n'a pas fait l'objet d'une opposition. 
En revanche, S.________ a requis le versement d'une rente d'invalidité, en produisant notamment un certificat du 23 août 1994 du docteur J.________, neurologue, qui attestait une incapacité de travail de 20 %. Elle faisait par ailleurs valoir qu'en raison de ses problèmes de santé, elle avait dû démissionner de la société X.________ pour le 31 juillet 1989, et qu'elle avait par la suite dû, également en raison de ses problèmes de santé, occuper des postes moins exigeants et moins bien rémunérés, avant d'être finalement licenciée en octobre 1995 par son dernier employeur, toujours en raison de ses problèmes de santé. 
Dans un rapport d'expertise du 8 juillet 1996, les 
docteurs R.________ et F.________, du service de neurologie Z.________, ont posé le diagnostic d'état dépressif et anxieux sévère, ainsi que de céphalées et cervicalgies posttraumatiques consécutives à une commotion cérébrale et à une distorsion cervicale simple; selon ces médecins, «1/3 de l'incapacité de travail actuelle devrait être considérée comme la conséquence adéquate du traumatisme et de ses suites, et 2/3 en relation avec des facteurs extratraumatiques». Ils ont par ailleurs préconisé une prise en charge médicale de l'assurée sur le plan psychique. 
Par décision du 2 décembre 1997, la Zurich a dénié à 
cette dernière le droit à une rente d'invalidité, motif pris de l'absence de lien de causalité adéquate entre ses troubles psychiques et l'accident assuré. S.________ s'est opposée à cette décision. 
A titre de mesure d'instruction complémentaire, la Zurich a confié une expertise au docteur M._______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie. Dans un rapport du 20 mai 1999, ce médecin a posé le diagnostic de personnalité narcissique à fonctionnement psychosomatique, en considérant comme «improbable» l'existence d'un lien de causalité entre ce trouble et l'accident de la circulation survenu en 1989. 
Par décision du 9 juin 1999, la Zurich a rejeté l'opposition dont elle était saisie, en estimant que les troubles présentés par l'assurée n'étaient pas dans un rapport de causalité adéquate avec son accident, ni même dans un rapport de causalité naturelle. 
 
B.- S.________ a recouru contre cette décision. 
Par jugement du 21 décembre 1999, le Tribunal administratif de la République et canton de Genève a partiellement admis le recours, en ce sens qu'il a annulé la décision entreprise et condamné la Zurich au versement d'une indemnité journalière ainsi qu'à la prise en charge d'un traitement médical (sur le plan psychiatrique), en lui renvoyant la cause pour «qu'elle procède conformément aux considérants». 
 
C.- La Zurich interjette recours de droit administratif contre ce jugement dont elle requiert l'annulation. Elle conclut à la confirmation des termes de sa décision sur opposition, en reprenant l'argumentation développée dans celle-ci. 
S.________ conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des assurances sociales ne s'est pas déterminé. 
 
Considérant en droit : 
 
1.- Le litige porte sur le droit de l'intimée à des prestations d'assurance à charge de la recourante, pour les suites de l'accident de la circulation survenu le 24 mars 1989. 
 
2.- a) En vertu de l'art. 6 al. 1 LAA, si la loi n'en dispose pas autrement, les prestations d'assurance sont allouées en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle. 
Le droit à des prestations découlant d'un accident assuré suppose d'abord, entre l'événement dommageable de caractère accidentel et l'atteinte à la santé, un lien de causalité naturelle. Cette exigence est remplie lorsqu'il y a lieu d'admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout, ou qu'il ne serait pas survenu de la même manière. Il n'est pas nécessaire, en revanche, que l'accident soit la cause unique ou immédiate de l'atteinte à la santé; il faut et il suffit que l'événement dommageable, associé éventuellement à d'autres facteurs, ait provoqué l'atteinte à la santé physique ou psychique de l'assuré, c'est-à-dire qu'il se présente comme la condition sine qua non de celle-ci. Savoir si l'événement assuré et l'atteinte à la santé sont liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait, que l'administration ou, le cas échéant, le juge examine en se fondant essentiellement sur des renseignements d'ordre médical, et qui doit être tranchée en se conformant à la règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à l'appréciation des preuves dans l'assurance sociale. Ainsi, lorsque l'existence d'un rapport de cause à effet entre l'accident et le dommage paraît possible, mais qu'elle ne peut pas être qualifiée de probable dans le cas particulier, le droit à des prestations fondées sur l'accident assuré doit être nié (ATF 119 V 337 consid. 1, 118 V 289 consid. 1b et les références). 
 
b) Selon les premiers juges, l'existence d'une relation de causalité naturelle entre les troubles présentés par l'intimée (céphalées, cervicalgies, état dépressif et anxieux sévère) et l'accident assuré doit être admise, vu les constatations des docteurs R.________ et F.________, du service de neurologie Z.________. Ils n'ont pas tenu compte, dans leur appréciation, de l'opinion divergente du docteur M.________, en considérant d'une part que ce médecin n'avait pas exposé les motifs pour lesquels il s'écartait des conclusions de ses confrères de Z.________ et, d'autre part, que ceux-ci avaient procédé à des examens pluridisciplinaires plus complets que celui-là. 
Pour l'essentiel, l'intimée reprend à son compte ce point de vue. 
Quant à la recourante, elle expose que les constatations des docteurs R.________ et F.________ ne permettent pas d'établir l'existence d'un lien de causalité naturelle entre les troubles de l'assurée et l'accident, car ces médecins se reposent sur le principe «post hoc, ergo propter hoc» pour faire la démonstration d'un tel lien, ce qui ne satisfait pas à l'exigence du degré de vraisemblance prépondérante. Elle soutient en revanche que l'expertise du docteur M.________, plus fouillée que celle des médecins de Z.________, a pleine valeur probante et doit être suivie. 
 
c) Au regard des nombreuses pièces médicales au dossier, les seules séquelles présentées par l'intimée qui sont susceptibles, le cas échéant, de justifier des prestations à charge de la recourante, sont ses troubles d'ordre psychique. 
Dans la mesure où ceux-ci n'ont été investigués, de manière spécifique, que par les docteurs R.________ et F.________ (en 1996) et par le docteur M.________ (en 1999), c'est sur la base des constatations de ces médecins qu'il convient, comme l'ont considéré les premiers juges, d'examiner le litige. 
 
aa) Selon les experts de Z.________, l'accident de la circulation survenu le 24 mars 1989 a notamment entraîné une distorsion cervicale simple qui est à l'origine des cervicalgies et des céphalées dont se plaint l'intimée. Ces douleurs, si elles ne sont habituellement pas invalidantes, ont dans le cas particulier déclenché un état dépressif chronique - jugé sévère -, dont les experts considèrent, en l'absence de lésions cérébrales, qu'il explique les déficits qu'ils ont mis en évidence sur le plan des qualités mnésiques et du raisonnement à l'examen neuropsychologique. A leurs yeux, il n'y a aucune raison de penser que l'état de santé de l'intimée «se serait modifié de la sorte» sans l'événement accidentel, si bien que la relation de causalité naturelle entre celui-ci et les troubles psychiques constatés doit être admise (expertise, pp. 10-11). A cet égard, les experts insistent sur deux éléments qui sont d'après eux propres à démontrer l'origine traumatique de l'état dépressif : d'une part, la manière particulière dont l'intimée a vécu l'accident (elle serait convaincue que celui-ci a été provoqué délibérément par l'autre conducteur impliqué) et, d'autre part, l'apparition de douleurs après l'accident, qui se sont manifestées de façon aiguë d'abord, puis chronique. Finalement, compte tenu de facteurs aggravants qui ne sont pas imputables à l'accident - notamment la situation familiale difficile de l'intimée -, les experts concluent que l'incapacité de travail de celle-ci, qu'ils jugent entière, est due pour 1/3 à l'accident, et pour 2/3 à des facteurs extra-traumatiques (pp. 12 et 14). 
 
bb) Pour sa part, le docteur M.________ n'a pas relevé «de troubles évidents d'ordre dépressif» : selon lui, il n'y a ni abattement ni sentiment de tristesse important, mais bien plutôt un «sentiment de vide narcissique majeur». Il ne met pas non plus en évidence de trouble psychotique (pas de délires ou d'hallucinations, pensée cohérente...), les seules déficiences de la pensée qu'il a pu observer (par exemple des «associations relâchées régulières») n'ayant selon lui aucune valeur indicative, au motif que la patiente a utilisé les examens (notamment les tests neuro- psychologiques) «à des fins manipulatoires» (expertise, p. 6). 
Analysant le parcours de l'intimée, tant sur le plan privé que professionnel, l'expert observe que celle-ci, «organisant sa vie autour d'un moi hypertrophié», «intarissable sur ses qualités et ses prouesses», «a toujours recherché l'admiration d'autrui et se montre intolérante à la critique» (p. 7). Il en déduit que l'accident de 1989 n'a en définitive fait que précipiter l'intimée dans la recherche de «gratifications exagérées et illusoires» et qu'il n'a été «que l'un des catalyseurs de l'apparition de sa béance et de son vide narcissique»; ce qui conduit finalement l'expert à «affirmer qu'il n'existe aucun lien de causalité entre l'état actuel, marqué par la recherche constante de réparations et de gratifications, et l'accident de 1989», qui «est probablement l'un des catalyseurs les plus mineurs dans l'apparition des troubles; ceux-ci sont à mettre en corrélation avec la personnalité narcissique que (la patiente) a toujours présentée» (p. 8-9). 
 
cc) A la lumière de ces constatations médicales on ne saurait, contrairement à l'opinion des premiers juges, trancher le litige sur la seule base de l'avis des docteurs R.________ et F.________. Certes, le docteur M.________ ne se prononce pas sur les raisons qui l'ont amené à s'écarter du diagnostic et de l'appréciation de ses confrères de Z.________ (en particulier sur la question de la causalité naturelle entre l'accident et les troubles constatés), de sorte qu'on peut à cet égard considérer, à l'instar des premiers juges, que son rapport n'est pas suffisamment étayé pour se voir reconnaître pleine valeur probante au sens de la jurisprudence (cf. ATF 125 V 352 consid. 3a). Il n'en demeure pas moins que cet expert fait état de constatations qui sont de nature à jeter un doute sur le bienfondé des conclusions auxquelles sont parvenus les docteurs R.________ et F.________. En particulier, il est pour le moins frappant que ceux-ci relèvent un état dépressif et anxieux sévère, lors même que le docteur M.________, dont la spécialité est pourtant la psychiatrie, n'observe de son côté pas de troubles évidents d'ordre dépressif; de la même façon, les résultats des examens neuropsychologiques que celui-ci a effectués, et plus encore l'interprétation qu'il en donne (à savoir que les tests sont utilisés à des fins manipulatoires par la patiente), sont si éloignés des résultats (et de leur interprétation) des examens neuropsychologiques réalisés par les docteurs R.________ et F.________, qu'il n'est tout simplement pas possible de se faire une opinion; enfin, on relèvera que ces derniers ont retenu, comme facteurs étrangers à l'accident, la situation familiale difficile de l'intimée et sa «prédisposition féminine à développer des douleurs chroniques de ce type»; or le docteur M.________, se fondant sur une anamnèse plus fouillée que ses confrères, a mis en évidence d'autres facteurs étrangers à l'accident, qui tiennent en particulier à la personnalité de l'intéressée, et qui méritent également d'être pris en considération. 
 
d) Au vu de ce qui précède, il n'est donc en l'état pas possible - contrairement à ce que voudrait la recourante - de trancher le litige, en particulier de se prononcer sur la question de la causalité naturelle entre les troubles psychiques de l'intimée et son accident. Il se justifie par conséquent d'annuler le jugement entrepris et de renvoyer la cause aux premiers juges afin qu'ils aménagent une expertise psychiatrique. Celle-ci devra notamment poser un diagnostic précis sur la nature des troubles dont souffre l'intimée, dire si ceux-ci sont en relation de causalité naturelle avec l'accident assuré - en tenant en particulier compte de l'état préexistant et des facteurs étrangers à l'accident -, et enfin se prononcer sur le caractère invalidant de ces troubles. Après quoi les premiers juges rendront un nouveau jugement. 
C'est dans cette mesure que le recours est bien fondé. 
 
3.- L'intimée, qui succombe, ne saurait prétendre une indemnité de dépens pour l'instance fédérale (art. 159 al. 1 en corrélation avec l'art. 135 OJ). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances 
 
p r o n o n c e : 
 
I. Le recours est partiellement admis et le jugement du 
 
21 décembre 1999 du Tribunal administratif de la 
République et canton de Genève est annulé, la cause 
étant renvoyée à cette autorité pour instruction 
complémentaire et nouveau jugement au sens des motifs. 
 
II. Il n'est pas perçu de frais de justice. L'avance de 
frais versée par la recourante lui est restituée. 
III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tri- 
bunal administratif de la République et canton de 
Genève, et à l'Office fédéral des assurances sociales. 
Lucerne, le 21 août 2000 
 
Au nom du 
Tribunal fédéral des assurances 
Le Président de la IIe Chambre : 
 
 
 
 
Le Greffier :