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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1C_240/2022  
 
 
Arrêt du 21 novembre 2022  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président, 
Merz et Weber, Juge suppléant. 
Greffier : M. Kurz. 
 
Participants à la procédure 
A.________ SA, 
représentée par Me Guillaume Barazzone, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Conseil d'Etat de la République et canton de Genève, rue de l'Hôtel-de-Ville 2, 1204 Genève. 
 
Objet 
Plan cantonal de gestion des déchets, 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre constitutionnelle de la Cour de justice de la République et canton de Genève, 
du 14 mars 2022 (ACST/2/2022 - A/2804/2021-ABST). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Le 30 juin 2021, le Conseil d'Etat du canton de Genève a adopté le plan cantonal de gestion des déchets 2020-2025 (ci-après: le PGD). A teneur de ce document, il s'agit de "l'outil opérationnel qui décrit l'organisation et les infrastructures mises en place pour gérer les déchets à Genève. Il définit les différentes catégories de déchets et leurs filières d'élimination. Il énumère et planifie les installations de traitement et fixe les zones d'apports pour certaines catégories de déchets. Enfin, il précise les objectifs de la gestion des déchets et les mesures permettant de les atteindre". Il est fondé sur l'article 31 de la loi fédérale sur la protection de l'environnement (LPE, RS 814.01) et sur l'article 4 de l'ordonnance sur la limitation et l'élimination des déchets (OLED, RS 814.600), dispositions reprises à l'article 7 de la loi cantonale sur la gestion des déchets actuellement en vigueur (LGD, RS/GE L 1 20). Le PGD est orienté autour de plusieurs axes, soit notamment, la diminution des déchets à la source, l'amélioration du tri, la valorisation des déchets et leur élimination sur le territoire genevois. Il prévoit en particulier que pour l'ensemble des déchets incinérables urbains et non urbains, la zone d'apport de l'usine d'incinération des Cheneviers couvre l'ensemble du territoire cantonal (p. 39). 
 
B.  
Par acte du 27 août 2021, la société A.________ SA (société ayant pour but l'exploitation et la gestion de centres de tri et la valorisation ou le recyclage de tous types de déchets) a recouru auprès de la Chambre constitutionnelle de la Cour de justice genevoise contre le PGD. Elle considérait qu'il s'agissait d'un acte général et abstrait qui l'obligeait désormais à acheminer tous les déchets incinérables non urbains à l'usine des Cheneviers alors qu'auparavant elle en avait également acheminé une partie vers des usines d'autres cantons, à des tarifs plus favorables. L'atteinte à sa liberté économique ne reposait pas sur une base légale (l'art. 31c al. 2 LPE n'étant pas suffisamment précis), ni sur un intérêt public suffisant. Elle était en outre disproportionnée. 
 
C.  
Par arrêt du 14 mars 2022, la Chambre constitutionnelle a déclaré le recours irrecevable. Seules les normes cantonales pouvaient lui être soumises pour contrôle. Le PGD était un acte de planification que les cantons étaient tenus d'établir conformément au droit fédéral (art. 31 LPE et 4 OLED) et s'apparentait à une étude de base cantonale au sens de l'art. 6 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire (LAT, RS 700). Selon les art. 7 al. 2 LGD et 12 de son règlement d'application (RGD, RG/GE L 1 20.01), il n'avait de force obligatoire que pour les autorités et ne constituait qu'un outil d'aide à la décision; il ne déployait pas d'effet direct pour les particuliers. Il n'avait pas non plus d'effet indirect car, au contraire du projet de nouvelle loi sur la gestion des déchets déposé en juin 2021 (PL 12'993), l'actuelle LGD ne prévoyait pas d'obligation d'acheminer les déchets non ménagers à l'usine des Cheneviers. Un recours était possible contre les autorisations d'exploiter accordées aux entreprises de traitement des déchets. Le PGD ne pouvait donc pas faire l'objet d'un contrôle abstrait. 
 
D.  
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ SA demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt de la Chambre constitutionnelle et de renvoyer la cause à cette juridiction pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Subsidiairement, elle conclut à l'annulation de l'arrêt cantonal et du PGD en tant qu'il prévoit que la zone d'apport de l'usine des Cheneviers est l'ensemble du territoire cantonal pour les déchets incinérables non-urbains. 
La Chambre constitutionnelle persiste dans les termes de son arrêt. Le Conseil d'Etat genevois conclut au rejet du recours. L'Office fédéral de l'environnement a renoncé à se déterminer. La recourante a renoncé à des observations complémentaires. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
L'arrêt attaqué a été rendu dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF). Il s'agit d 'un arrêt final. La recourante, qui a pris part à la procédure devant l'autorité précédente (art. 89 al. 1 let. a LTF), est particulièrement touchée par l'arrêt attaqué et dispose en principe d'un intérêt digne de protection à l'annulation ou à la modification de cet arrêt qui déclare son recours cantonal irrecevable (art. 89 al. 1 let. b et c LTF). En effet, indépendamment de sa légitimation sur le fond elle peut faire valoir une violation de ses droits de procédure constitutive d'un déni de justice formel (ATF 141 IV 1 consid. 1.1). La conclusion principale présentée est ainsi recevable car elle tend au renvoi de la cause à l'instance cantonale afin qu'elle statue sur le fond; la conclusion subsidiaire est en revanche irrecevable car elle tend à l'annulation du PGD, ce qui suppose un examen du fond de la cause auquel le Tribunal fédéral ne saurait se livrer en première instance. Sous cette réserve, il convient d'entrer en matière. 
 
2.  
La recourante se plaint d'une part d'une violation de l'art. 31c al. 2 LPE et, d'autre part, d'arbitraire dans l'application de l'art. 130B de la loi genevoise d'organisation judiciaire (LOJ, RS/GE E 2 05). Elle estime que la définition d'une zone d'apport selon l'art. 31a al. 2 let. a LPE créerait des obligations à la charge des entreprises puisque les déchets en question doivent alors être remis à une installation déterminée. La délimitation d'une zone d'apport devrait ainsi être qualifiée d'acte normatif, comme le relève la doctrine (ALEXANDRE FLÜCKIGER, Le régime juridique des plans : l'exemple du plan de gestion des déchets, Thèse Berne 1996, n° 9.1.3 et 9.1.4.3 p. 454 ss et 462 ss). La cour cantonale aurait limité son analyse à la notion générale de plan, en retenant que le PGD ne déployait d'effets obligatoire que pour les autorités, sans examiner ses effets obligatoires pour les détenteurs d'autres déchets. L'instauration d'une zone d'apport ne serait pas une simple mesure programmatique, mais déploierait les effets d'une norme. 
 
2.1. Dans la mesure où l'arrêt attaqué est fondé sur l'application d'une règle cantonale de procédure (en l'occurrence l'art. 130B al. 1 let. a LOJ), la recourante ne peut se plaindre que d'arbitraire (ATF 145 II 32 consid. 5.1), quand bien même son argumentation repose également sur des notions de droit fédéral telles que celles de plan de gestion de déchets ou de zone d'apport. Comme on le verra ci-dessous (consid. 2.4), c'est au droit cantonal qu'il appartient de déterminer si et dans quelle mesure le PGD cantonal peut déployer un effet obligatoire pour les particuliers, s'agissant notamment de la détermination d'une zone d'apport.  
 
2.2. Une décision est arbitraire lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou lorsqu'elle contredit d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Le Tribunal fédéral n'a pas à déterminer quelle est l'interprétation correcte que l'autorité cantonale aurait dû donner des dispositions applicables; il doit uniquement examiner si l'interprétation qui a été faite est défendable. Par conséquent, si celle-ci ne se révèle pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation cantonale en cause, elle sera confirmée, même si une autre solution paraît également concevable, voire préférable. De plus, il ne suffit pas que les motifs de la décision attaquée soient insoutenables, encore faut-il que cette dernière soit arbitraire dans son résultat (ATF 145 II 32 consid. 5.1; 144 I 170 consid. 7.3). Dans ce contexte, les recourants sont soumis aux exigences accrues de motivation de l'art. 106 al. 2 LTF. En l'occurrence, le grief est recevable dès lors que, à côté de la violation du droit fédéral, la recourante soulève aussi expressément un grief d'arbitraire suffisamment motivé.  
 
2.3. Selon l'art. 124 let. a de la Constitution genevoise (Cst./GE, RS/GE A 2 00), la Chambre constitutionnelle est l'autorité compétente pour contrôler, sur requête, la conformité des normes cantonales au droit supérieur. A teneur de l'art. 130B al. 1 let. a LOJ, elle connaît des recours dirigés contre les lois constitutionnelles, les lois et les règlements du Conseil d'Etat (let. a), et formés en matière de votations et d'élections ou en matière de validité des initiatives populaires (let. b et c). Le constituant genevois a ainsi entendu instituer un contrôle abstrait de l'ensemble des actes normatifs cantonaux, le législateur ayant pour sa part exclu de ce contrôle les normes communales (HOTTELIER/TANQUEREL, La Constitution genevoise du 14 octobre 2012, SJ 2014 II 341, 380).  
 
2.4. Par acte normatif au sens de l'art. 130B al. 1 let. a LOJ, il faut entendre un acte général et abstrait (arrêt 1C_676/2019 du 23 mars 2021 consid. 2). Un acte est général lorsqu'il s'applique à un nombre indéterminé de personnes; il est abstrait lorsqu'il se rapporte à un nombre indéterminé de situations ou, en d'autres termes, lorsque le nombre de ses cas d'application peut varier durant sa période de validité (ATF 135 II 328 consid. 2.1). L'acte doit en outre affecter la situation juridique des personnes concernées en leur imposant une obligation de faire, de s'abstenir ou de tolérer ou en réglant d'une autre manière et de façon obligatoire leurs relations avec l'Etat (ATF 133 I 286 consid. 2.1).  
 
2.5. Selon l'art. 31 LPE, les cantons planifient la gestion de leurs déchets. Ils définissent notamment leurs besoins en installations d'élimination des déchets, évitent les surcapacités et fixent les emplacements de ces installations (al. 1). Ils communiquent leurs plans de gestion des déchets à la Confédération (al. 2). L'art. 4 al. 1 OLED précise que le PGD doit notamment comprendre les mesures visant à limiter et à valoriser les déchets (let. a et b), les besoins en installations (let. c) ainsi que les zones d'apport nécessaires (let. e). Ils transmettent leurs plans et les révisions totales à l'OFEV (art. 4 al. 4 OLED). Le droit fédéral ne précise pas si et dans quelle mesure le PGD est contraignant pour les autorités et les particuliers; les cantons peuvent prévoir des régimes différents à cet égard, et l'effet obligatoire peut concerner certaines parties du PGD (FLÜCKIGER, op. cit., p. 383 ss).  
 
2.6. A teneur de la LGD, le plan cantonal de gestion des déchets et ses mises à jour n'ont force obligatoire que pour les autorités (art. 7 al. 2 in fine LGD). Le département compétent veille à la mise en oeuvre du plan avec le concours des communes et, au besoin, avec les détenteurs d'installations d'élimination des déchets (art. 7 al. 3 LGD). Le RGD précise (art. 12) que "le plan cantonal de gestion des déchets constitue l'outil d'aide à la décision pour les mesures à prendre en application des dispositions fédérales et cantonales en matière de gestion des déchets". Il ne fait pas l'objet d'une publication officielle et n'a en l'espèce été porté à connaissance du public que par le biais d'un "point presse" du 30 juin 2021.  
 
2.7. La définition d'une zone d'apport a pour but que les déchets concernés (déchets ménagers ou autres déchets) produits dans cette zone soient remis à une installation donnée. Si une telle délimitation présente un caractère général et abstrait, elle est en revanche dépourvue de tout caractère obligatoire pour les particuliers (contra, FLÜCKIGER, op. cit., p. 464, qui ne tient notamment pas compte des particularités du droit genevois). A l'instar d'une disposition figurant dans un plan directeur (art. 9 al. 1 LAT), la règle figurant dans le PGD est dépourvue de force contraignante pour les particuliers et n'impose pas aux entreprises concernées d'adapter directement leur comportement (cf. ATF 126 II 26 consid. 3e concernant le plan directeur de gestion des déchets du canton de Berne).  
Comme le relève la cour cantonale en se fondant sur la jurisprudence relative aux ordonnances administratives, la recourante pourra le cas échéant agir à l'encontre d'une nouvelle autorisation d'exploitation (telle que celle du 31 janvier 2018 qui autorise l'exploitation de l'installation de tri, assortie de plusieurs conditions) qui pourrait lui être notifiée par le département (cf. art. 19 ss LGD). La recourante pourrait également recourir, le cas échéant, contre la nouvelle loi sur la gestion des déchets, mentionnée au stade de projet dans l'arrêt attaqué, dans la mesure où celle-ci définirait notamment une zone d'apport contraignante. La recourante dispose ainsi de moyens d'action lui permettant de contester de manière concrète et effective les conditions d'exploitation qui lui seront imposées. 
C'est dès lors sans arbitraire que la cour cantonale a refusé d'entrer en matière sur le recours qui lui était soumis. 
 
3.  
Le recours doit par conséquent être rejeté, dans la mesure où il est recevable. Les frais judiciaires sont mis à la charge de la recourante, conformément à l'art. 66 al. 1 LTF, et il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 4'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, au Conseil d'Etat de la République et canton de Genève, à la Chambre constitutionnelle de la Cour de justice de la République et canton de Genève, et à l'Office fédéral de l'environnement. 
 
 
Lausanne, le 21 novembre 2022 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Kneubühler 
 
Le Greffier : Kurz