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[AZA 0/2] 
 
4C.353/2000 
 
Ie COUR CIVILE 
**************************** 
 
22 février 2001 
 
Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et Corboz, 
juges. Greffière: Mme de Montmollin Hermann. 
 
____________ 
 
Dans la cause civile pendante 
entre 
X.________ S.A., défenderesse et recourante, représentée par Me Jean-Franklin Woodtli, avocat à Genève, 
 
et 
Y.________ S.n.c., demanderesse et intimée, représentée par Me Robert Pellaz, avocat à Genève; 
(contrat d'architecte; devis; rémunération de l'architecte) 
Vu les pièces du dossier d'où ressortent 
les faits suivants: 
 
A.- En février 1989, la société X.________ S.A. a chargé le bureau d'architecture Y.________ S.n.c. d'étudier un agrandissement de ses installations industrielles sises sur le territoire de la commune de Collonge-Bellerive (Genève). 
 
Après diverses démarches en vue d'obtenir une modification préalable du plan de zone, le bureau d'architecture a adressé au maître de l'ouvrage, le 21 mai 1992, une première estimation du coût des travaux. Selon ce document manuscrit, le prix des transformations était évalué, en fonction des m3, à environ 2 650 000 fr., avec la précision que ce chiffre ne comprenait pas le raccordement des services industriels, le rafraîchissement (estimé à 700 000 fr.) et le complément pour installation supplémentaire en fonction de l'appareillage de la partie industrielle (estimé à 150 000 fr.). 
 
Après avoir étudié une variante moins chère, le représentant du maître de l'ouvrage s'est déclaré d'accord avec le coût estimé dans le premier document. 
 
Le bureau d'architecture a poursuivi ses travaux sur la base de ce projet et de nombreuses séances ont été tenues, auxquelles les représentants du maître de l'ouvrage ont régulièrement assisté. Des modifications importantes ont été décidées, notamment pour satisfaire à des exigences du maître de l'ouvrage. 
 
Le 5 mars 1993, le bureau d'architecture a adressé à X.________ S.A. une estimation détaillée du coût des travaux s'élevant à 2 987 000 fr., auxquels il fallait ajouter 298 000 fr. pour divers et imprévus ainsi que 690 000 fr. 
d'honoraires, de sorte que le coût total était estimé à 3 975 000 fr. 
 
Par lettre du 1er avril 1993, X.________ S.A. a informé le bureau d'architecture qu'elle abandonnait le projet d'agrandir ses installations existantes, parce qu'elle estimait le coût trop élevé par rapport au devis estimatif du 21 mai 1992 et que le délai de construction ne lui convenait pas. Entre-temps, la société avait acquis un entrepôt situé à la Praille. 
 
Le 19 avril 1993, le bureau d'architecture a envoyé à X.________ S.A. une note d'honoraires de 200 300 fr., auxquels s'ajoutaient 17 800 fr. de frais d'héliographie. 
 
X.________ S.A. a refusé de payer la somme demandée. 
 
B.- Le 4 décembre 1995, Y.________ S.n.c. a déposé devant les tribunaux genevois une demande en paiement dirigée contre X.________ S.A., réclamant en dernier lieu à celle-ci la somme de 273 830 fr.75 avec intérêts. 
 
L'expert commis par le tribunal est parvenu à la conclusion que le maître de l'ouvrage avait émis des exigences qui avaient entraîné des modifications du projet initial, que le projet était susceptible d'être autorisé et que le mandat d'architecte avait été accompli dans les règles de l'art; en fonction des normes habituellement appliquées dans la profession, il a évalué les prestations fournies par le bureau d'architectes. 
 
Se fondant sur cette expertise, le Tribunal de première instance du canton de Genève, par jugement du 8 septembre 1999, a condamné X.________ S.A. à payer à Y.________ S.n.c. 250 231 fr. avec intérêts à 5% dès le 20 avril 1993. 
 
Saisie d'un appel formé par X.________ S.A., la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève a confirmé ce jugement par arrêt du 6 octobre 2000. 
 
C.- X.________ S.A. recourt en réforme au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 6 octobre 2000. Invoquant une violation des art. 394 al. 3, 397 et 398 al. 2 CO, elle conclut à l'annulation de la décision attaquée et au rejet de la demande. 
 
La société en nom collectif intimée invite le Tribunal fédéral à rejeter le recours. 
 
Considérant en droit : 
 
1.- a) Selon les constatations cantonales - qui lient le Tribunal fédéral saisi d'un recours en réforme (art. 63 al. 2 OJ; ATF 126 III 59 consid. 2a et les références) -, la recourante a chargé oralement la société intimée, dont le but social est de fournir des services professionnels d'architecte, d'étudier un agrandissement et une transformation de ses installations, d'en évaluer le coût, d'entreprendre les démarches administratives nécessaires, puis de diriger les travaux. 
 
 
Les parties ont ainsi conclu un contrat d'architecte complet, qui, selon la jurisprudence, relève à la fois du mandat et du contrat d'entreprise suivant les prestations fournies (ATF 114 II 53 consid. 2b; 110 II 380 consid. 2; 109 II 462 consid. 3d). L'obligation d'évaluer avec diligence le coût des travaux - ici litigieuse - est classée parmi les prestations relevant du mandat (cf. ATF 119 II 249 consid. 3b). 
 
 
En cas de contrat d'architecte global, chacun des cocontractants peut mettre fin au contrat en tout temps (art. 404 al. 1 CO; ATF 109 II 462 consid. 3d). 
 
 
b) Le litige porte sur la rémunération des prestations d'architecte fournies avant la révocation du contrat par le maître de l'ouvrage. 
 
Selon l'art. 394 al. 3 CO, une rémunération est due au mandataire si la convention ou l'usage lui en assure une. 
Lorsque les parties n'ont pas passé d'accord à ce sujet, l'usage veut que des services fournis à titre professionnel - comme c'est le cas en l'espèce - soient rémunérés (ATF 82 IV 145 consid. 2a). 
 
Lorsque les parties ne sont convenues ni du montant, ni du mode de calcul de la rémunération, le mandataire a droit à une rémunération usuelle (Weber, Commentaire bâlois, n° 39 ad art. 394 CO; Fellmann, Commentaire bernois, n° 463 ad art. 394 CO; Tercier, Les contrats spéciaux, 2ème éd., n° 4122); dès lors que les parties ne s'y sont pas référées, la norme SIA n'est pas nécessairement déterminante (ATF 117 II 282 consid. 4b). 
 
En l'espèce, les prestations fournies ont été évaluées par un expert et on ne voit pas en quoi son estimation violerait le droit fédéral. 
 
Le mandataire peut perdre son droit à rémunération en cas d'exécution défectueuse du mandat (sur cette question: 
cf. ATF 124 III 423 consid. 4a). Il ressort cependant des constatations cantonales que les prestations fournies étaient conformes aux règles de l'art et rien ne permet de penser que l'intimée se soit écartée, quant à la conception de l'ouvrage, des instructions données par son cocontractant. Les prestations d'architecte ont été rendues vaines par le seul fait que le maître a choisi de renoncer à son projet. Il ne ressort pas des constatations cantonales - qui lient le Tribunal fédéral - que l'intimée aurait mal exécuté la mission confiée. 
 
c) La recourante fonde toute son argumentation sur l'estimation du 21 mai 1992. 
 
aa) Le mandataire doit en principe suivre les instructions de son mandant (art. 397 CO). Il est responsable d'une bonne et fidèle exécution de sa mission (art. 398 al. 2 CO). D'une manière générale, sa responsabilité est soumise aux mêmes règles que celle du travailleur dans les rapports de travail (art. 398 al. 1 CO). En conséquence, le mandataire doit exécuter avec soin la mission qui lui est confiée et sauvegarder fidèlement les intérêts légitimes du mandant (cf. 
art. 321a al. 1 CO). 
 
S'agissant plus précisément d'évaluer le coût d'une construction, l'architecte doit procéder avec la diligence commandée par les circonstances, en tenant compte des connaissances professionnelles que l'on peut exiger de lui; il doit veiller aux intérêts du mandant en le mettant à l'abri, autant que possible, de mauvaises surprises quant au coût effectif de l'ouvrage; il est en principe responsable d'un manque de diligence dans l'évaluation (cf. ATF 122 III 61 consid. 2a; 119 II 249 consid. 3b). En raison des impondérables que comporte nécessairement une telle évaluation en matière de construction immobilière, il faut reconnaître à l'architecte une marge de tolérance, en deçà de laquelle il n'engage pas sa responsabilité (arrêt non publié du 2 février 1994 dans la cause 4C.167/1993 consid. 2a; cf. également: ATF 119 II 249 consid. 3b/aa). 
En l'espèce, il ne ressort pas des constatations cantonales que l'intimée aurait, aussi bien en ce qui concerne l'estimation du 21 mai 1992 que l'estimation détaillée du 5 mars 1993, violé les principes communément admis en matière d'évaluation, qu'elle aurait avancé des chiffres manifestement faux intentionnellement ou par négligence. Il n'y a donc pas de violation du devoir de diligence au stade de l'élaboration des estimations. 
 
bb) La recourante se plaint de l'écart entre la première estimation et l'estimation détaillée. 
 
Il a cependant été constaté en fait - d'une manière qui lie le Tribunal fédéral (art. 63 al. 2 OJ) - que le projet a été modifié d'une manière importante. Dès lors qu'il est établi que l'ouvrage à réaliser n'était plus le même, il est évident que la recourante ne pouvait plus se fier à l'estimation initiale et qu'une comparaison entre les deux évaluations est vaine. La recourante ne pouvait pas s'imaginer qu'il lui était loisible de commander l'installation d'un ascenseur et d'un monte-charge entraînant la démolition d'une partie du bâtiment existant - comme cela est retenu en fait - sans que cette commande nouvelle n'ait une incidence sur les coûts. 
 
Quant au choix de l'ouvrage à réaliser, il ne ressort en rien des constatations cantonales que l'intimée se serait écartée des instructions données par la recourante. Il ressort au contraire de l'arrêt attaqué que la défenderesse a été constamment informée et qu'elle a elle-même commandé ou en tout cas approuvé les modifications du projet initial. Il n'est pas établi non plus que le bureau d'architectes aurait dissimulé des faits pertinents à son cocontractant ou qu'il aurait malicieusement différé l'établissement de l'estimation détaillée. Il a été au contraire retenu (p. 6) que l'estimation détaillée avait été établie sans retard après le retour des dernières soumissions. On ne peut pas reprocher à l'architecte de ne pas fournir une évaluation avant qu'il ne dispose lui-même des données nécessaires pour articuler des chiffres fiables. 
 
Sous cet angle également, on ne discerne aucune violation du devoir de diligence. 
 
cc) La recourante semble soutenir que l'estimation du 21 mai 1992 doit être prise en compte non pas en ce qui concerne l'ouvrage qu'elle décrit, mais en ce qui concerne le prix; elle aurait donné à l'architecte un ordre de grandeur quant au montant que le maître était prêt à investir; l'architecte aurait eu alors un devoir d'informer immédiatement le maître dès qu'il s'était aperçu que le projet s'écartait sensiblement de ce chiffre. 
 
Même si l'on voulait suivre la recourante sur ce terrain, il apparaît d'emblée que l'estimation du 21 mai 1992 n'a pas la portée qu'elle lui prête. 
 
Il s'agit en effet d'une estimation établie avant autorisation de construire sur la seule base d'un cubage. Une telle évaluation n'est pas le devis général prévu par le ch. 4.2.5 de la norme SIA 102, mais bien l'estimation du coût de construction prévue par le ch. 4.2.2 de cette norme, qui admet une marge d'appréciation non pas de 10%, mais de 20%. Il est vrai que les parties ne sont pas convenues d'appliquer les normes SIA, mais cette marge d'erreur, mentionnée d'ailleurs dans la jurisprudence publiée (ATF 115 II 460 consid. 3c), doit être considérée comme communément admise en matière de construction immobilière. 
 
 
 
Si l'on prend l'ensemble des chiffres articulés dans l'estimation du 21 mai 1992, on parvient à un total de 3 500 000 fr., sans que l'on sache si les honoraires d'architecte sont compris. Si l'on ajoute à ce chiffre une marge d'erreur de 20%, le maître pouvait s'attendre à payer au maximum 4 200 000 fr. Dès lors, le devis détaillé s'élevant à 3 975 000 fr. avec les honoraires d'architecte (690 000 fr.) n'est pas en dehors de la marge de tolérance; l'intimée ne pouvait donc pas savoir que la recourante excluait d'emblée d'investir une telle somme. Il n'apparaît donc pas que le projet que l'intimée a développé avec l'accord de la recourante s'écartait à l'évidence du prix envisagé au point de constituer une violation d'une instruction implicite du maître. 
Une information du maître avant de disposer des chiffres fiables n'était donc pas commandée par les circonstances. 
 
La recourante invoque un arrêt se rapportant à un cas où le maître avait fixé une limite maximum au coût de construction (ATF 108 II 197 consid. 2). En l'espèce, il n'est pas constaté que la recourante ait fixé une telle limite. 
Quant à l'arrêt neuchâtelois également invoqué par la recourante (DC 2/93 p. 44), il concerne un cas où le coût des travaux s'est écarté de plus de 20 % des instructions données par le maître. Rien de semblable n'est établi en l'espèce. 
 
En conclusion, l'argumentation de la recourante est dépourvue de fondement, parce qu'elle supposerait un état de fait différent de celui contenu dans la décision attaquée, lequel lie le Tribunal fédéral saisi d'un recours en réforme (art. 63 al. 2 OJ). 
 
2.- Les frais et dépens doivent être mis à la charge de la recourante qui succombe (art 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ). 
 
Par ces motifs, 
 
le Tribunal fédéral : 
 
1. Rejette le recours et confirme l'arrêt attaqué; 
 
2. Met un émolument judiciaire de 6000 fr. à la charge de la recourante; 
 
3. Dit que la recourante versera à l'intimée une indemnité de 6000 fr. à titre de dépens; 
 
4. Communique le présent arrêt en copie aux mandataires des parties et à la Chambre civile de la Cour de justice genevoise. 
 
____________ 
Lausanne, le 22 février 2001 ECH 
 
Au nom de la Ie Cour civile 
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE: 
Le président, 
 
La greffière