Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
2C_692/2022
Arrêt du 22 février 2024
IIe Cour de droit public
Composition
Mmes et MM. les Juges fédéraux
Aubry Girardin, Présidente, Donzallaz, Hänni,
Ryter et Kradolfer.
Greffier : M. Jeannerat.
Participants à la procédure
République et Canton de Neuchâtel, agissant par son Conseil d'Etat, Le Château, Rue de la Collégiale 12,
2000 Neuchâtel,
recourant,
contre
Secrétariat d'Etat aux migrations,
Quellenweg 6, 3003 Berne,
intimé.
Objet
Subventions fédérales dans le domaine de l'asile,
recours contre l'arrêt du Tribunal administratif fédéral, Cour VI, du 29 juin 2022 (F-1752/2019).
Faits :
A.
A.a. Par décision du 31 août 2015, le Secrétariat d'Etat aux migrations (ci-après: le SEM) a refusé d'entrer en matière sur la demande d'asile que A.________, ressortissant turc, né en 1988, avait déposée quelque temps plus tôt en Suisse, au motif que la Bulgarie était l'Etat compétent pour traiter une telle demande en application de l'Accord d'association à Dublin. Le SEM a alors ordonné le transfert de l'intéressé vers ce pays. Cette décision a été confirmée sur recours par le Tribunal administratif fédéral par arrêt du 23 mars 2016, lequel est entré en force le 25 mars 2016.
A.b. Le 16 juin 2016, A.________ a sollicité du SEM qu'il réexamine sa décision de non-entrée en matière sur sa demande d'asile. Cette demande a été rejetée par le SEM le 24 juin 2016. L'intéressé a déposé un recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif fédéral. Celui-ci l'a déclaré irrecevable par arrêt du 5 septembre 2016 en l'absence de paiement de l'avance de frais.
A.c. Dans l'intervalle, afin de procéder au transfert vers la Bulgarie de A.________, qui avait été attribué dès le 16 juin 2015 au canton de Neuchâtel et dont celui-ci était dès lors chargé du renvoi, le Service des migrations de la République et canton de Neuchâtel (ci-après: le Service cantonal des migrations) a réservé un vol de départ accompagné à destination de Sofia prévu le 29 juin 2016. Dans cette optique, il a également requis, le 9 juin 2016, l'interpellation future de l'intéressé en date du 27 juin 2016, de même que son placement en détention administrative à partir de ce moment et jusqu'au vol accompagné planifié le surlendemain.
Le 27 juin 2016, le Service cantonal des migrations a annoncé au SEM la disparition de A.________ et annulé la réservation de son vol accompagné à destination de Sofia prévu pour le surlendemain.
A.d. Le 28 juin 2016, A.________ a été brièvement hospitalisé à la suite d'une tentative de suicide. Il a été interpellé le lendemain par la Police du canton de Neuchâtel et placé en détention administrative dans l'attente d'un nouveau vol à destination de Sofia, réservé pour le 22 juillet 2016. A la suite d'une nouvelle tentative de suicide, l'intéressé a été transféré dans un établissement pour détenus souffrant de troubles psychiques.
Le 19 juillet 2016, le Service cantonal des migrations a annoncé au SEM qu'il renonçait au vol accompagné prévu pour le 22 juillet 2016, au motif qu'il ne pouvait pas obtenir l'assentiment du corps médical à l'exécution du transfert Dublin de A.________.
Le 20 juillet 2016, les autorités neuchâteloises ont libéré A.________ de sa détention administrative.
A.e. Par acte du 27 octobre 2017, le SEM a constaté que le délai pour exécuter le transfert de A.________ vers la Bulgarie était échu et a déclaré ouvrir une procédure nationale de traitement de la demande d'asile en ce qui le concernait. En marge de cette décision, le SEM a informé les autorités cantonales neuchâteloises de la fin du versement des subventions fédérales liées à la prise en charge de A.________.
Par décision du 16 janvier 2018, le SEM a reconnu la qualité de réfugié à A.________ et lui a accordé l'asile en Suisse.
B.
Par décision du 8 mars 2019 rendue sur demande de la République et canton de Neuchâtel, le SEM a constaté n'avoir plus l'obligation de rembourser au canton les frais découlant de l'application de la loi sur l'asile en lien avec le cas de A.________ dès l'échéance de son délai de transfert vers la Bulgarie, soit depuis le 27 octobre 2017, et qu'il était dès lors en droit de refuser le versement de toute subvention fédérale relative à ces frais à partir de cette date.
Agissant par l'intermédiaire de son Conseil d'Etat, la République et canton de Neuchâtel a formé recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif fédéral. Le canton concluait à l'annulation de ladite décision et à ce qu'il soit ordonné à la Confédération de reprendre le paiement des subventions auxquelles il avait droit sur la base du droit fédéral en raison de la prise en charge de A.________ et de lui verser le montant qui aurait dû l'être à ce titre depuis le 27 octobre 2017, avec un intérêt de 5%.
Le Tribunal administratif fédéral a rejeté le recours par arrêt du 29 juin 2022.
C.
Agissant toujours par l'intermédiaire de son Conseil d'Etat, la République et Canton de Neuchâtel dépose un recours en matière de droit public auprès du Tribunal fédéral à l'encontre de l'arrêt du Tribunal administratif fédéral du 29 juin 2022. Elle conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et, cela fait, au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision au sens de son recours. Subsidiairement, le canton demande qu'il soit à tout le moins ordonné à la Confédération de lui verser le montant de 51'653 fr. 89, correspondant aux subventions fédérales qui auraient dû lui être versées en raison de la prise en charge de A.________ de novembre 2017 à juin 2020, avec intérêt à 5% l'an.
Le SEM et le Tribunal administratif fédéral ont répondu au recours, en concluant à son rejet.
La République et Canton de Neuchâtel a répliqué.
Considérant en droit :
1.
Selon l'art. 29 al. 1 LTF, il appartient au Tribunal fédéral d'examiner d'office sa compétence.
1.1. En l'espèce, le recours en matière de droit public de la République et canton de Neuchâtel est dirigé contre un arrêt du Tribunal administratif fédéral qui confirme la décision du SEM de ne plus indemniser le canton pour la prise en charge d'un requérant d'asile, soit A.________, à partir du 27 octobre 2017, ce en application de l'art. 89b de la loi fédérale du 26 juin 1998 sur l'asile (LAsi; RS 142.31). Le recours porte donc sur un litige de droit public entre la Confédération et un canton. Or, d'après l'art. 120 al. 1 let. b de la loi fédérale du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF; RS 173.110), le Tribunal fédéral ne connaît en principe de tels litiges que par la voie de l'action en instance unique. Selon l'art. 120 al. 2 LTF, une telle action est néanmoins irrecevable si une autre loi fédérale habilite une autorité à rendre une décision sur de telles contestations (1 re phrase). Contre cette décision, le recours est alors recevable en dernière instance devant le Tribunal fédéral (2 e phrase).
1.2. Il résulte ainsi de l'art. 120 LTF que la voie de l'action devant le Tribunal fédéral constitue en principe la voie juridictionnelle ordinaire lorsqu'un canton et la Confédération ne parviennent pas à résoudre de manière amiable un différend juridique relevant du droit public survenant entre eux (cf. art. 44 al. 3 Cst.); elle devient en revanche subsidiaire à la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss LTF) lorsqu'une loi spéciale attribue à une autre autorité que le Tribunal fédéral la compétence de trancher une telle contestation par voie de décision (ATF 138 V 445 consid. 1.1; 136 IV 44 consid. 1.2). Or, à cet égard, la jurisprudence a déjà eu l'occasion de reconnaître qu'il appartenait au Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM) de statuer en première instance sur les différends relatifs au remboursement, par la Confédération, des frais engagés par les cantons en raison de la prise en charge et de l'hébergement de requérants d'asile en application de la loi sur l'asile (cf. arrêt 2C_294/2022 du 21 décembre 2023 consid 1.2 et 1.3, destinés à la publication; aussi ATF 124 II 489 consid. 1b; arrêt 2A.406/1998 du 5 janvier 1999 consid. 1). Le Tribunal fédéral a estimé que l'Administration fédérale disposait d'une telle compétence décisionnelle en application de l'art. 16 de la loi fédérale du 5 octobre 1990 sur les aides financières et les indemnités (Loi sur les subventions, LSu; RS 616.1), lequel prévoyait en effet que les aides financières et les indemnités prestées par la Confédération étaient en règle générale allouées par voie de décision (cf. art. 16 al. 1 LSu), respectivement toujours rejetées par cette voie (cf. art. 16 al. 5 LSu).
En l'occurrence, la présente cause concerne des indemnités que la Confédération doit en principe verser aux cantons en compensation des frais résultant de l'application de la loi sur l'asile (LAsi, RS 142.31). Il s'ensuit que l'on se trouve dans une situation où, selon la jurisprudence, une loi fédérale habilite une autorité administrative fédérale - en l'occurrence le SEM - à rendre une décision sur une contestation de droit public opposant la Confédération et un canton, ce que le SEM a précisément fait dans le cas d'espèce par décision du 8 mars 2019, confirmée sur recours par arrêt du Tribunal administratif fédéral du 27 juin 2022. Une telle contestation ne peut donc pas faire l'objet d'une action devant le Tribunal fédéral au sens de l'art. 120 al. 1 let. b LTF, mais uniquement d'un recours auprès de cette même instance.
1.3. Reste à examiner si le recours de la République et canton de Neuchâtel satisfait aux conditions de recevabilité qui lui sont applicables. Il est sur ce point rappelé que l'art. 120 al. 2, 2e phrase, LTF prévoit que, lorsque la loi habilite une autorité à rendre une décision sur une contestation entre la Confédération et un canton, un recours contre cette décision "
est recevable en dernière instance devant le Tribunal fédéral ". Or, dans un arrêt très récent destiné à la publication, le Tribunal fédéral a considéré qu'en application de cette disposition légale, les cantons pouvaient en principe recourir jusqu'au Tribunal fédéral contre une décision tranchant un différend les opposant à la Confédération, cela dans le seul respect des conditions générales de recevabilité fixées au chapitre 4 de la LTF, c'est-à-dire aux art. 90 ss LTF (motifs invocables, délai, etc.), et qu'ils n'étaient dès lors pas soumis aux exigences des art. 83 et 89 LTF , sauf exception clairement prévue par la loi (cf. arrêt 2C_294/2022 du 21 décembre 2023 consid. 1.4, destiné à la publication).
En l'occurrence, le présent recours, qui est dirigé contre une décision finale (cf. art. 92 LTF) du Tribunal administratif fédéral tranchant une contestation de droit public entre la Confédération et un canton au sens de l'art. 120 al. 1 let. b LTF (cf. supra consid. 1.3), a été déposé dans les formes (cf. art. 42 LTF) et les délais, compte tenu des féries estivales (cf. art. 100 al. 1 en lien avec l'art. 46 al. 1 let. b LTF). Il est donc recevable, sans qu'il faille se demander, comme on vient de le dire, si les conditions des art. 83 et 89 LTF sont réunies.
2.
Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Ce faisant, il se fonde sur les faits constatés par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), à moins que ceux-ci n'aient été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire (ATF 143 IV 241 consid. 2.3.1) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et pour autant que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (cf. art. 97 al 1 LTF), ce que la partie recourante doit démontrer d'une manière circonstanciée, conformément aux exigences de l'art. 106 al. 2 LTF.
3.
En l'occurrence, le litige trouve son origine dans la décision du SEM de ne plus verser à la République et canton de Neuchâtel d'indemnités forfaitaires en lien avec la prise en charge de A.________ au-delà du 27 octobre 2017, au motif que le canton aurait failli à son devoir de procéder au transfert dit "Dublin" de ce requérant d'asile dans le délai imparti.
Le Tribunal administratif fédéral a confirmé cette décision de l'Administration fédérale en rappelant que l'art. 89b LAsi permettait effectivement à la Confédération de renoncer à verser les indemnités forfaitaires que la loi fédérale sur l'asile prévoyait en faveur des cantons lorsque ceux-ci ne remplissaient pas - ou que partiellement - leurs obligations en matière de renvoi des requérants, sans que rien ne justifie de tels manquements. Or, en l'espèce, la République et canton de Neuchâtel avait précisément négligé ses obligations en matière d'exécution du renvoi en lien avec A.________, dans la mesure où elle n'avait, dès la fin du mois de juillet 2016, plus entrepris aucune mesure concrète en vue du transfert de ce requérant d'asile vers la Bulgarie, alors même que celui-ci devait intervenir, selon les accords d'association à Dublin (AAD; RS 0.142.392.68), dans les dix-huit mois après que le Tribunal administratif fédéral avait confirmé, par arrêt du 23 mars 2016, entré en force le 25 mars 2016, qu'il n'y avait pas lieu d'entrer en matière sur la demande d'asile de l'intéressé. Selon les juges précédents, il importait en l'occurrence peu que le canton ait renoncé à mener cette mesure à bien en raison de la situation médicale de A.________, lequel avait effectué deux tentatives de suicide fin juin 2016. En effet, d'après le Tribunal administratif fédéral, le législateur fédéral n'a voulu laisser aucune marge de manoeuvre aux cantons, qui doivent toujours exécuter fidèlement les décisions de renvoi prononcées par les autorités fédérales à propos des requérants d'asile qui leur ont été assignés, sauf motifs objectifs empêchant techniquement un renvoi ou un transfert vers l'étranger.
4.
Soulevant un grief formel à l'encontre de l'arrêt attaqué qu'il y a lieu de traiter en premier lieu, la République et canton de Neuchâtel se plaint d'une violation du droit d'être entendu consacré à l'art. 29 al. 2 Cst. Elle reproche plus précisément au Tribunal administratif fédéral d'avoir insuffisamment motivé son arrêt en ne répondant pas à son grief selon lequel le SEM n'était pas habilité à suspendre
de facto le versement d'indemnités forfaitaires sans avoir préalablement rendu de décision formelle en ce sens, ce qu'il n'a en l'occurrence fait que le 8 mars 2019, soit une année et demie après avoir cessé de payer les indemnités dues pour la prise en charge de A.________.
4.1. Le droit d'être entendu consacré à l'art. 29 al. 2 Cst. comprend notamment l'obligation pour l'autorité de motiver sa décision, afin non seulement que l'intéressé puisse la comprendre et l'attaquer utilement s'il y a lieu, mais aussi pour que l'autorité de recours puisse exercer son contrôle (ATF 135 V 65 consid. 2.6; 134 I 83 consid. 4.1). Cette obligation est notamment concrétisée à l'art. 112 al. 1 let. b LTF, qui prévoit que les décisions qui peuvent faire l'objet d'un recours au Tribunal fédéral doivent indiquer les motifs déterminants de fait et de droit sur lesquels l'autorité s'est fondée. Le juge doit ainsi mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause. Il n'a toutefois pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à l'examen des questions décisives pour l'issue du litige (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1.; 134 I 83 consid. 4.1 et les arrêts cités). La motivation peut au demeurant être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1; arrêts 2C_849/2018 du 18 septembre 2019 consid. 3.1 et 2C_12/2017 du 23 mars 2018 consid. 3.3.1, non publié in ATF 144 IV 136).
4.2. En l'occurrence, il ressort de l'arrêt attaqué que le Tribunal administratif fédéral n'a pas ignoré les problèmes procéduraux particuliers que pouvaient poser les cas de suspension de versement d'indemnités forfaitaires justifiés par la non-exécution d'un transfert Dublin par un canton. Il a toutefois rejeté le recours de la République et canton de Neuchâtel en considérant, entre autres arguments, que, sur le plan procédural, le SEM avait parfaitement respecté sa circulaire d'application de l'art. 89b LAsi, datée 19 septembre 2016 et intitulée "
Suppression des subventions fédérales lors de manquements de la part des cantons à l'exécution des renvois dans le cadre d'une procédure Dublin ". L'autorité précédente a relevé que cette circulaire, connue des cantons, prévoyait que le SEM devait systématiquement bloquer le versement des indemnités forfaitaires découlant de la prise en charge d'un requérant d'asile visé par un ordre de transfert dit "Dublin" chaque fois qu'un canton responsable n'exécutait pas cette mesure dans le délai réglementaire. Selon la circulaire, ce n'était que si ce dernier s'opposait au blocage, sans parvenir à convaincre le SEM que le transfert non-exécuté était en réalité objectivement impossible, que celui-ci devait rendre, après-coup, une décision formelle de suspension des subventions, ce qu'il a en l'occurrence fait sur demande expresse de la République et canton de Neuchâtel en date du 8 mars 2019.
4.3. Il résulte de ce qui précède qu'il ne peut pas être reproché au Tribunal administratif fédéral de n'avoir pas répondu au grief de la République et canton de Neuchâtel selon lequel le SEM ne pouvait pas suspendre le versement des indemnités forfaitaires présentement litigieuses dès le 27 octobre 2017 sans rendre préalablement de décision formelle en ce sens. Comme on vient de le voir, les juges précédents ont expliqué dans leur arrêt qu'en agissant de la sorte, le SEM s'était parfaitement conformé à sa circulaire du 19 septembre 2016, dont il a admis - à tout le moins implicitement - la conformité au droit fédéral. La question de savoir si cette manière de procéder du SEM viole le droit fédéral, comme la République et canton de Neuchâtel le prétend encore dans son recours au Tribunal fédéral, ne relève pas d'un problème de violation du droit d'être entendu de la part de l'instance précédente, mais d'un examen de conformité de l'arrêt attaqué au droit de fond.
4.4. Il s'ensuit que le recours est assurément mal fondé en tant qu'il invoque une violation du droit à une décision motivée garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. Il n'y a même pas lieu de se demander si la République et canton de Neuchâtel pouvait, en tant que collectivité publique, véritablement invoquer un tel droit fondamental dans le cadre de la présente procédure (cf. ATF 140 I 285 consid. 1.2; aussi 146 I 195 consid. 1.2.1 et 145 I 239).
5.
Sur le fond, la République et canton de Neuchâtel reproche au SEM d'avoir mal appliqué le droit fédéral et, en particulier, l'art. 89b LAsi. Le canton soutient que la Confédération n'était pas en droit d'appliquer cette disposition en la cause et, partant, de lui refuser le paiement de toutes indemnités forfaitaires pour la prise en charge de A.________ au-delà de son délai de transfert "Dublin" vers la Bulgarie. S'il reconnaît n'avoir pas procédé à ce transfert dans le délai imparti, il affirme que son manquement se justifiait pour des raisons médicales objectives, l'intéressé ayant notamment tenté de se suicider plusieurs fois par crainte d'être renvoyé.
5.1. De manière générale, le droit de l'asile en Suisse est du ressort de la Confédération (cf. art. 121 al. 1 Cst.) et, plus particulièrement, du Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM), qui constitue l'autorité fédérale de mise en oeuvre de la loi fédérale sur l'asile (cf. art. 6a, 22 s., 44, 63 et 68 LAsi). Il n'en demeure pas moins que la loi confie également certaines tâches spécifiques importantes aux cantons dans le domaine de l'asile. L'art. 46 LAsi délègue en particulier à ces derniers la charge d'exécuter les éventuelles décisions de renvoi frappant les personnes étrangères qui séjournent en Suisse en vertu de cette même loi et qui leur ont été attribuées par le SEM (cf. art. 46 al. 1 en lien avec l'art. 27 al. 3 LAsi), tandis que l'art. 80a LAsi dispose pour sa part que les cantons doivent fournir l'aide sociale ou l'aide d'urgence à ces mêmes personnes. Afin de compenser dans une certaine mesure les frais découlant de ces tâches, le législateur a néanmoins prévu que la Confédération devait verser diverses aides financières aux cantons et, notamment, ce que l'on appelle des "indemnités forfaitaires" (cf. art. 88 al. 1 LAsi). Selon les situations, ces indemnités, qui sont en principe payées pendant cinq ans au plus à compter du dépôt de la demande d'asile du requérant attribué au canton (cf. art. 88 al. 3 LAsi), peuvent constituer une simple indemnisation des coûts de l'aide d'urgence ou couvrir plus largement les coûts de l'aide sociale, de l'assurance-maladie obligatoire et d'autres frais d'encadrement ou administratifs (cf. art. 88 al. 2 à 4 LAsi). Il appartient au Conseil fédéral d'en fixer les montants exacts (cf. art 89 LAsi). Il ressort du texte de l'art. 88 al. 1 LAsi ("[la] Confédération verse [...]") et des travaux préparatoires de la loi que les cantons jouissent en principe d'un véritable droit au versement d'indemnités forfaitaires pour chacune des personnes étrangères qui leur a été attribuée et dont elles ont la charge d'assurer la subsistance en application de cette même loi (cf. Message du 4 septembre 2002 concernant la modification de la loi sur l'asile, de la loi fédérale sur l'assurance-maladie et de la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants du 4 septembre 2002, FF 2002 6359, p. 6410; aussi arrêt 2C_694/2022 du 21 décembre 2023 consid. 4.1, destiné à publication).
5.2. Toutefois, si l'on doit admettre un droit du canton au versement de telles indemnités, ce droit n'est pas absolu. En effet, depuis la révision partielle de la loi sur l'asile adoptée le 25 septembre 2015, laquelle visait une restructuration du domaine de l'asile, un nouvel art. 89b prévoit que la Confédération peut, à certaines conditions, réclamer le remboursement d'indemnités forfaitaires déjà versées (al. 1) ou, simplement, renoncer à leur versement (al. 2) lorsqu'un canton n'accomplit pas ou pas correctement sa mission d'exécution des renvois. Cette disposition, qui se trouve au centre du présent litige, a en l'occurrence la teneur exacte suivante:
Art. 89b Remboursement et renonciation au versement d'indemnités forfaitaires
1 La Confédération peut réclamer le remboursement d'indemnités forfaitaires déjà versées conformément à l'art. 88 de la présente loi et aux art. 58 et 87 LEI , lorsqu'un canton ne remplit pas ses obligations en matière d'exécution comme le prévoit l'art. 46 de la présente loi ou ne les remplit que partiellement et que rien ne justifie de tels manquements.
2 Si le fait de ne pas remplir ses obligations en matière d'exécution comme le prévoit l'art. 46 ou de ne les remplir que partiellement entraîne une prolongation de la durée du séjour de l'intéressé en Suisse, la Confédération peut renoncer à verser au canton les indemnités forfaitaires visées à l'art. 88 de la présente loi et aux art. 58 et 87 LEI .
5.3. En l'occurrence, le Tribunal administratif fédéral a constaté que la République et canton de Neuchâtel n'avait pas exécuté le transfert dit "Dublin" vers la Bulgarie de A.________ - c'est-à-dire d'un requérant d'asile dont le canton s'était vu attribuer la charge depuis le 16 juin 2015 - alors même que cette mesure avait été ordonnée par le SEM dans le cadre de sa décision de non-entrée en matière sur la demande d'asile du 31 août 2015, décision confirmée par arrêt du Tribunal administratif fédéral du 23 mars 2016, entré en force deux jours plus tard. L'autorité précédente a par ailleurs constaté, d'une manière qui lie la Cour de céans (cf. art. 105 al. 1 LTF et supra consid. 2.2), qu'après la seconde tentative de suicide de A.________ au début de l'été 2016, le canton n'avait en réalité plus procédé à aucune démarche visant au transfert de l'intéressé vers la Bulgarie, alors même que le délai de celui-ci avait finalement été fixé au 25 septembre 2017, après avoir été prolongé d'une année en raison de la fuite de l'intéressé fin juin 2016 (cf. art. 29 ch. 2 du Règlement [UE] no 604/2013 du 26 juin 2013 [ci-après: Règlement Dublin III]). Or, en l'absence de transfert dans les délais, le SEM a dû, en application de l'art. 1 ch. 1 et 3 de l'Accord d'association à Dublin, ouvrir une procédure nationale de traitement de la demande d'asile de A.________, procédure à l'issue de laquelle le SEM a reconnu la qualité de réfugié à ce dernier et l'a autorisé à demeurer en Suisse. Il est ainsi indéniable que la République et canton de Neuchâtel n'a pas rempli ses obligations d'exécution en matière de renvoi en ce qui concerne A.________ et que ce manquement a permis à celui-ci de prolonger la durée de son séjour en Suisse, en amenant les autorités helvétiques à devoir traiter sa demande d'asile à la place de la Bulgarie. Or, il faut admettre que, dans ces circonstances, une suspension des indemnités forfaitaires était susceptible d'entrer en ligne de compte à l'aune l'art. 89b al. 2 LAsi, à tout le moins dans son principe.
5.4. Reste à vérifier si la République et canton de Neuchâtel peut s'opposer à une telle mesure en se prévalant de l'existence de justes motifs à son manquement, comme elle l'invoque dans ses écritures, mais le conteste le SEM.
5.4.1. Dans un arrêt très récent déjà évoqué plus haut et destiné à publication, la Cour de céans a examiné en détail la question de savoir si un canton qui avait failli ses devoirs en matière de renvoi pouvait s'opposer à une suspension de ses indemnités forfaitaires au sens de l'art. 89b al. 2 LAsi en se prévalant de motifs justificatifs à son manquement (cf. arrêt 2C_294/2022 du 21 décembre 2023 consid. 4, destiné à publication).
Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral a tout d'abord constaté que, sur un plan purement littéral, l'art. 89b al. 2 LAsi ne prévoit pas qu'un canton peut s'opposer à une suspension de ses indemnités forfaitaires en justifiant la non-exécution du renvoi - ou du transfert "Dublin" comme en l'espèce - qui en est à la base. Une telle preuve libératoire n'est effectivement mentionnée qu'à l'art. 89b al. 1 LAsi, c'est-à-dire uniquement en lien avec d'éventuelles demandes de remboursement d'indemnités forfaitaires. Il n'en demeurait pas moins qu'une interprétation historique et systématique de l'art. 89b LAsi permettait de conclure que le législateur était toujours parti de l'idée qu'un canton ne devait pas voir le versement de ses indemnités forfaitaires suspendu après la non-exécution d'un renvoi lorsqu'il pouvait invoquer des raisons légitimes à son manquement, quand bien même l'art. 89b al. 2 LAsi ne le précisait pas expressément (cf. arrêt 2C_294/2022 précité consid. 4.4).
La Cour de céans a ensuite poursuivi son interprétation de l'art. 89b LAsi afin de définir le type de motifs justificatifs qu'un canton pouvait invoquer pour s'opposer à une suspension de paiement ou une demande de remboursement d'indemnités forfaitaires. A cet égard, la Cour de céans a d'abord relevé que la formulation de l'art. 89 LAsi - qui autorisait la Confédération à prendre de telles mesures uniquement "si rien ne justifi[ait]" les manquements du canton, c'est-à-dire s'il n'existait aucun motif excusable à ceux-ci ("
wenn keine entschuldbaren Gründe vorliegen ") - permettait
a priori au canton d'invoquer tout motif propre à démontrer qu'il ne pouvait pas lui être reproché d'avoir voulu se soustraire sans raison légitime à ses devoirs en matière de renvoi (cf. arrêt 2C_294/2022 précité consid. 4.5.1). Il convenait néanmoins de garder à l'esprit que, selon les art. 46 al. 1 Cst. et 46 al. 1 LAsi, les cantons étaient tenus d'exécuter les décisions de renvoi du SEM et que le but de l'art. 89b LAsi était bien d'inciter les cantons à respecter les décisions de renvoi prononcées par cette autorité, si bien qu'il s'agissait de se montrer assez strict dans l'admission d'une éventuelle preuve libératoire de la part des cantons défaillants (cf. arrêt 2C_294/2022 précité consid. 4.5.3). Sur cette base, le Tribunal fédéral a considéré qu'une suspension de paiement ou une demande de remboursement d'indemnités forfaitaires était exclue au sens de l'art. 89b LAsi lorsque le canton démontrait avoir été empêché de remplir son devoir pour des raisons techniques (p. ex. compte tenu de la fuite ou de l'intransportabilité de la personne à renvoyer) ou lorsqu'il invoquait d'autres motifs excusables (
entschuldbare Gründe) à son manquement qui faisaient qu'il était objectivement impossible de lui reprocher un défaut de diligence et d'avoir voulu se soustraire fautivement à ses obligations (cf. arrêt 2C_694/2022 précité consid. 4.5.4). Le Tribunal fédéral a jugé que tel était le cas en l'espèce s'agissant d'un requérant d'asile, visé par une décision de transfert, dont la compagne, également requérante en Suisse, était enceinte: le canton avait renoncé à procéder à un transfert Dublin afin de ne pas séparer une famille, qui attendait l'arrivée d'un nouvel enfant et qui, surtout, préexistait à l'arrivée du père en Suisse, ce que le SEM avait finalement lui-même admis subséquemment dans le cadre des procédures de traitement des demandes d'asile de la famille (cf. arrêt 2C_694/2022 précité, consid. 4.6).
5.4.2. En l'occurrence, il ressort de l'arrêt attaqué que la République et canton de Neuchâtel disposait initialement d'un délai de six mois pour procéder au transfert Dublin de A.________, étant précisé que ce délai avait commencé à courir dès l'entrée en force de l'arrêt du Tribunal administratif fédéral du 23 mars 2016 qui confirmait la décision de non-entrée en matière sur la demande d'asile du 31 août 2015. L'autorité précédente a constaté qu'à cette fin, le Service cantonal des migrations avait d'abord réservé un vol de départ accompagné à destination de Sofia pour le 29 juin 2016. Ce vol accompagné a toutefois dû être annulé en raison de la disparition de A.________ fin juin 2016, quelques jours après que le SEM avait refusé de reconsidérer sa décision de non-entrée en matière sur sa demande d'asile et juste avant son placement en détention administrative en vue du renvoi planifié pour le 27 juin 2016. L'intéressé a finalement été retrouvé le 28 juin 2016 après une tentative de suicide, pour laquelle il a été brièvement hospitalisé. Placé en détention administrative dans l'attente d'un nouveau vol accompagné à destination de Sofia, A.________ a néanmoins rapidement tenté de mettre fin à ses jours une nouvelle fois. Il a alors été transféré dans un établissement pour détenus souffrant de troubles psychiques, dont il est ressorti en date du 20 juillet 2016, étant précisé que le corps médical avait entre-temps refusé de donner son assentiment à l'exécution d'un nouveau vol accompagné, en l'occurrence prévu pour le 19 juillet 2016.
D'après les constatations de faits contenues dans l'arrêt attaqué, le Service des migrations n'a, après ces évènements, plus rien entrepris en vue de vérifier si l'état de A.________ avait évolué et si, dès lors, un transfert de l'intéressé vers la Bulgarie était désormais réalisable, transfert qui, pour rappel, devait intervenir jusqu'au 25 septembre 2017 selon l'Accord d'association à Dublin, soit dans un délai prolongé de douze mois afin de tenir compte de la disparition de l'intéressé. C'est ainsi qu'en date du 27 octobre 2017, le SEM a constaté l'échéance du délai pour transférer A.________ vers la Bulgarie et ouvert une procédure nationale d'asile en ce qui le concernait, procédure à l'issue de laquelle l'intéressé s'est finalement vu reconnaître la qualité de réfugié et a reçu l'asile par décision du 16 janvier 2018.
5.4.3. Il ressort ainsi de l'arrêt attaqué - d'une manière qui lie la Cour de céans (art. 105 al. 1 LTF) - que la République et canton de Neuchâtel a renoncé à exécuter le transfert de A.________ vers la Bulgarie après que l'intéressé avait tenté de se suicider par deux fois fin juin 2016 avant l'exécution de son transfert "Dublin" vers la Bulgarie. Le canton n'a alors plus procédé à aucun acte préparatoire permettant le renvoi du requérant d'asile précité. Il n'a ainsi soumis A.________ à aucun nouvel examen médical ou suivi psychologique visant à déterminer s'il présentait toujours une tendance suicidaire marquée en lien avec l'organisation de son transfert vers la Bulgarie, étant rappelé que ses deux tentatives de suicide avaient été accomplies fin juin 2016. Or, si des impératifs médicaux peuvent assurément constituer des motifs excusables à l'inexécution d'un renvoi de Suisse au sens de l'art. 89b LAsi, il appartient aux cantons de vérifier régulièrement qu'un requérant est dans un état médical permettant ou interdisant son transfert ou son renvoi vers un autre pays, lorsqu'il existe des doutes sur ce point; le seul fait que l'intéressé ait, comme A.________, tenté de se suicider lors d'une précédente procédure de transfert ou de renvoi avortée ne signifie pas que tout nouvel essai serait d'emblée exclu. En l'occurrence, le délai pour effectuer le transfert de A.________ a continué à courir jusqu'au 25 septembre 2017, soit encore pendant plus d'un an après sa double tentative de suicide, sans que le Service des migrations n'entreprenne de nouvelles démarches préparatoires en vue d'un renvoi. Le Conseil d'Etat se borne à cet égard à affirmer que le canton ne pouvait pas s'acharner à tenter un nouveau placement en détention administrative, ni prendre le risque que A.________ attente à nouveau à sa vie, et que le personnel médical aurait de toute façon refusé de remplir le formulaire d'aptitude au vol. Ce type d'allégations et de suppositions, sans que les autorités cantonales n'aient accompli la moindre vérification, ne permet toutefois pas de démontrer l'existence d'un obstacle médical permanent au transfert "Dublin" de A.________, ce qu'il appartenait au canton de prouver dans le mesure où il entendait se prévaloir de motifs excusables à la non-exécution de cette mesure. Il peut être au contraire reproché à ce dernier d'avoir manqué de diligence et d'avoir à tout le moins partiellement failli à ses obligations en matière de renvoi en renonçant définitivement à tout transfert de A.________ après ses deux tentatives de suicide fin juin 2016. Dès lors que le délai de transfert courait encore pendant plus d'une année, il aurait été utile et pertinent que les autorités cantonales se renseignent à intervalle régulier sur les possibilités d'exécuter une telle mesure, qu'elles avaient l'obligation de mener à bien en application du droit fédéral.
5.5. Il résulte des considérants qui précèdent que la République et canton de Neuchâtel a failli à son obligation de procéder au transfert "Dublin" de A.________ sans pouvoir se prévaloir de motif excusable ("entschuldbaren Grund") au sens de l'art. 89b LAsi. Partant, contrairement à ce que prétend le canton dans son recours, il ne peut être reproché au Tribunal administratif fédéral d'avoir violé cette norme fédérale en confirmant la décision du SEM de ne plus verser aucune indemnité forfaitaire à la République et canton de Neuchâtel en lien avec la prise en charge de ce requérant d'asile à partir du 27 octobre 2017.
6.
Enfin, la République et canton de Neuchâtel soutient que le SEM aurait violé le droit fédéral en suspendant le versement des indemnités forfaitaires liées à la prise en charge de A.________ immédiatement après la fin de son délai de transfert vers la Bulgarie, sans rendre préalablement de décision en ce sens. Elle affirme qu'en application de la loi sur l'asile et de l'ordonnance 2 sur l'asile relative au financement (Ordonnance 2 sur l'asile, OA 2; RS 142.312), ainsi que des règles essentielles de procédure et, en particulier, des art. 5 et 39 de la loi fédérale sur la procédure administrative (PA; RS 172.021), le SEM aurait dû continuer à verser les indemnités forfaitaires litigieuses jusqu'à ce qu'il rende une décision formelle de suspension de paiement, ce qu'il n'a en l'occurrence fait que le 8 mars 2019. Le canton en déduit que la Confédération lui devrait en tout cas le montant de 30'266 fr. 34, correspondant à la somme des subventions qui auraient dû lui être versées pour la prise en charge de A.________ entre les mois de novembre 2017 et de mars 2019.
6.1. Comme déjà dit (cf. supra consid. 4.2), le Tribunal administratif fédéral a considéré, dans son arrêt, que le SEM avait tout simplement respecté la procédure fixée dans sa circulaire du 19 septembre 2016 intitulée "
Suppression des subventions fédérales lors de manquements de la part des cantons à l'exécution des renvois dans le cadre d'une procédure Dublin " en suspendant le versement des indemnités forfaitaires litigieuses dès la fin du délai de transfert de A.________ vers la Bulgarie, ce sans rendre immédiatement de décision formelle attaquable en justice sur ce point. Reste à examiner si cette manière de procéder, que la République et canton de Neuchâtel conteste, est conforme au droit fédéral, étant rappelé que la circulaire du SEM précitée, qui n'a pas force de loi en tant que simple ordonnance administrative, ne lie pas le Tribunal fédéral (cf., sur ce sujet, notamment ATF 146 II 321 consid. 4.3 et 142 II 182 consid. 2.3.2).
6.2. La loi sur l'asile prévoit, à son art. 88, que la Confédération verse des indemnités forfaitaires aux cantons pour les frais résultant de l'application de la présente loi, sans toutefois régler elle-même les modalités concrètes de versement de ces indemnités. Celles-ci sont régies par l'ordonnance 2 sur l'asile (OA 2), conformément à l' art. 89 al. 1 et 2 LAsi qui charge le Conseil fédéral de fixer la durée et les conditions d'octroi des indemnités forfaitaires (cf. sur la question supra consid. 5.1). Cette ordonnance fixe ainsi le montant et la durée de versement des différentes indemnités forfaitaires pouvant être dues aux cantons en fonction du statut procédural et de la situation personnelle et familiale des requérants d'asile qui leur ont été attribués (cf. art. 20 ss OA 2). Elle prévoit également que la Confédération verse les indemnités forfaitaires prévues à l'art. 88 LAsi par trimestre, sur les comptes courants des cantons auprès de l'Administration fédérale des finances, en se basant sur les données saisies dans la banque de données du SEM (banque de données SYMIC; cf. art. 5 al. 1 et 6 OA 2 ). Selon cette ordonnance, il appartient aux cantons de déposer régulièrement auprès de ce dernier leurs éventuelles demandes de rectification portant sur des données déterminantes pour les versements, sans toutefois dépasser le 30 avril de l'année suivante, étant précisé que les rectifications concernant des versements déjà effectués sont apportées cette année-là et que d'éventuels paiements complémentaires et remboursements sont pris en compte dans les versements trimestriels (cf. art. 5 al. 3 et 4 OA 2 ).
6.3. Comme on le voit, si l'ordonnance 2 sur l'asile contient certes une réglementation détaillée sur les modalités concrètes de versement des indemnités forfaitaires prévues à l'art. 88 LAsi, elle ne précise en revanche nullement la marche à suivre par le SEM lorsque celui-ci envisage de suspendre le paiement de telles indemnités en application de l'art. 89b al. 2 LAsi, dans l'hypothèse où un canton ne satisferait pas ou que partiellement à ses obligations en matière de renvoi. Cette question s'examine donc à l'aune des principes généraux régissant l'octroi des subventions fédérales, auxquelles appartiennent sans conteste les indemnités forfaitaires prévues par la loi sur l'asile (cf. art. 2 al. 1 et 3 al. 2 LSu; arrêt 2C_294/2022 du 21 décembre 2023 consid. 1.3, destiné à publication; aussi supra consid. 1.3). Or, il convient à cet égard de rappeler qu'un canton ne peut en principe pas exiger le paiement d'une subvention fédérale avant que la Confédération n'ait rendu une décision d'octroi en sa faveur ou passer une convention-programme avec lui en ce sens (cf. art. 16 al. 1 à 2 LSu). Ce n'est qu'exceptionnellement que l'allocation d'une subvention trouve son fondement directement dans une loi spéciale (subvention
ex lege; cf. art. 2 al. 2 LSu; ATF 101 Ib 78 consid. 3a; HÄFELIN/MÜLLER/ UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 8e éd. 2020, no 2537; ETIENNE POLTIER, Les subventions in: Andreas Lienhard [éd.], Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht, Band X, Finanzrecht, 2011, p. 343 ss, n° 127,). Tel peut être le cas lorsqu'une loi se caractérise par un haut degré de précision en lien avec les conditions d'octroi d'une subvention et de son montant. Dans ces circonstances, l'autorité compétente peut procéder au paiement de la subvention en question, mais aussi renoncer à son versement en application directe de la loi, selon qu'elle considère que les conditions formelles et matérielles à son octroi sont réunies ou non, une éventuelle décision formelle sur ce point ne revêtant alors qu'une fonction déclarative (cf., en particulier, FABIAN MÖLLER, Rechtsschutz bei Subventionen, 2006, p. 150 s. et BARABARA SCHAERER, Subventionen des Bundes zwischen Legalitätsprinzip und Finanzrecht, 1992, p. 54 s.). S'agissant de telles subventions
ex lege, seul le rejet d'une requête formelle de constatation du droit au versement doit nécessairement faire l'objet d'une décision au sens de l'art. 5 PA (cf. art. 16 al. 5 LSu et 25 al. 2 PA).
6.4. Sur le vu de ce qui précède, la Cour de céans ne voit pas que le SEM aurait violé le droit fédéral en suspendant le versement des indemnités forfaitaires litigieuses avant même de notifier une décision formelle en ce sens à la République et canton de Neuchâtel. En effet, force est de constater que le canton ne peut se prévaloir d'aucune décision formelle ni d'aucune convention lui octroyant un quelconque droit à obtenir lesdites indemnités. La seule décision que le canton ait jamais reçue de la Confédération en lien avec les indemnités forfaitaires litigieuses est celle que le SEM a rendue à sa demande en date du 8 mars 2019, conformément à l'art. 16 al. 5 LSu (cf. supra consid. 1.2), et qui constate précisément et à juste titre (cf. supra consid. 6) que la Confédération n'avait plus l'obligation de verser de telles subventions au canton en lien avec la prise en charge de A.________ depuis le 27 octobre 2017. Pour le reste, si l'on devait considérer, comme le canton semble le soutenir, que les indemnités forfaitaires prévues à l'art. 88 LAsi représentent des subventions
ex lege, susceptibles d'être allouées directement en application de la loi sur l'asile et de l'ordonnance 2 sur l'asile, il faudrait alors également retenir, comme nous venons de le voir (cf. supra consid. 6.3), que leur paiement peut être suspendu sans décision préalable lorsque, comme en l'espèce, les conditions légales à leur versement ne sont plus remplies au sens de l'art. 89b al. 2 LAsi. Il s'ensuit que, quel que soit l'angle de vue adopté, il était permis au SEM de suspendre le versement des indemnités forfaitaires litigieuses dès le 27 octobre 2017 sans rendre préalablement de décision formelle au sens de l'art. 5 PA, ni
a fortiori attendre qu'une telle décision devienne exécutoire au sens de l'art. 39 PA, dès lors qu'une telle mesure n'a, en elle-même, pas eu pour effet de supprimer un quelconque droit aux subventions, quoi qu'en dise le canton recourant.
6.5. Il résulte de ce qui précède que le recours est mal fondé en tant qu'il prétend que l'arrêt attaqué violerait le droit fédéral en confirmant que le SEM était habilité à suspendre le paiement des indemnités forfaitaires litigieuses au fond dès le 27 octobre 2017 sans nécessairement rendre préalablement de décision formelle en ce sens.
7.
Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté.
La République et canton de Neuchâtel, dans la mesure où elle succombe en la présente cause et que ses intérêts patrimoniaux sont en jeu, supportera les frais de justice ( art. 66 al. 1 et 4 LTF ). Aucuns dépens ne seront en revanche alloués au SEM (art. 68 al. 3 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge de la République et canton de Neuchâtel.
3.
Il n'est pas alloué de dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué à la République et canton de Neuchâtel, au SEM et au Tribunal administratif fédéral, Cour VI.
Lausanne, le 22 février 2024
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : F. Aubry Girardin
Le Greffier : E. Jeannerat