Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
7B_24/2023, 7B_25/2023
Arrêt du 22 février 2024
IIe Cour de droit pénal
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Abrecht, Président,
Koch et Hofmann,
Greffière : Mme Paris.
Participants à la procédure
7B_24/2023
1. A.________,
2. B.________,
3. C.________,
4. D.________,
tous les quatre représentés par Me Marc Oederlin, avocat,
recourants,
et
7B_25/2023
1. E.________,
2. F.________ Ltd,
3. G.________ Ltd,
tous les trois représentés par Me Marc Oederlin, avocat,
recourants,
contre
1. Ministère public de la République et canton de Genève,
route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy,
2. Banque H.________ SA,
intimés.
Objet
Ordonnance de non-entrée en matière (gestion déloyale),
recours contre l'arrêt de la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 13 janvier 2023 (P/13978/2020 ACPR/30/2023).
Faits :
A.
Les 23 juillet, 30 juillet et 5 août 2020, C.________, D.________, B.________ et A.________ ont déposé plainte pour gestion déloyale (art. 158 CP) contre la Banque H.________ SA et/ou toute personne impliquée dans cet établissement. Les 4, 7 et 9 septembre 2020, E.________, F.________ Ltd et G.________ Ltd ont fait de même.
Par deux ordonnances du 25 octobre 2022, le Ministère public de la République et canton de Genève (ci-après: le Ministère public) a décidé de ne pas entrer en matière sur les plaintes.
B.
Par deux actes séparés, déposés le 7 novembre 2022, C.________, D.________, B.________ et A.________ d'une part, et E.________, F.________ Ltd et G.________ Ltd d'autre part, ont recouru contre les deux ordonnances précitées en concluant à leur annulation et au renvoi de la cause au Ministère public pour l'ouverture d'une instruction.
Par arrêt du 13 janvier 2023, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève a joint les recours et les a rejetés.
Il ressort de l'arrêt attaqué les faits suivants.
B.a. Les plaignants ont ouvert un ou plusieurs comptes auprès de la Banque H.________ SA et ont confié la gestion de leurs avoirs à la société I.________ SA.
La banque et I.________ SA sont liées depuis juin 2012 par une "convention de gérant indépendant", où la seconde s'engage à présenter à la première des clients et à gérer le compte de ceux-ci, en contrepartie de rétrocessions.
A l'ouverture de leur relation bancaire, les plaignants ont tous signé plusieurs documents contractuels, parmi lesquels une "demande d'ouverture de compte et dépôt" où figurent les chapitres suivants.
Un chapitre E intitulé "Droit général de gage et cession" stipulant notamment ce qui suit:
"Si la valeur des Sûretés vient à diminuer ou si une telle diminution apparaît imminente selon la propre appréciation de la Banque ou si pour toute autre raison la Banque ne s'estime plus suffisamment garantie par les Sûretés, celle-ci pourra, en tout temps, sans égard aux termes et conditions d'exigibilité de ses créances, demander au Client que des Sûretés complémentaires lui soient fournies immédiatement ou dans tout délai qu'elle fixera librement. Dans le cas où les Sûretés complémentaires demandées ne sont pas fournies immédiatement ou dans le délai imparti, et si dans le même temps aucun paiement ne rétablit une situation de couverture jugée suffisante pour la Banque, l'ensemble des créances de cette dernière à l'encontre du Client deviendra immédiatement exigible dans sa totalité, sans qu'aucun préavis ne soit nécessaire. Il en va de même si pour des raisons matérielles ou juridiques il n'était pas possible pour la Banque de faire une telle demande de Sûretés complémentaires au Client, ou si des circonstances extraordinaires survenaient (...) ".
Un chapitre F intitulé "Conditions générales" selon lequel:
"La Banque est toujours libre de refuser de donner suite à des instructions du Client pouvant exposer la Banque à un risque de crédit (...). La Banque est notamment en droit de restreindre aux fins de gérer ses risques juridiques et réputationnels, les moyens et modalités de paiement ou de transfert d'actifs du Client, en particulier dans le contexte de la clôture de sa relation bancaire; le Client autorise irrévocablement la Banque à liquider en tout temps, sans être tenue de l'informer au préalable, tout ou partie des opérations à terme en cours, en cas d'insuffisance de la couverture. De même, la Banque est autorisée à refuser d'exécuter tout ou partie des instructions du Client, si la couverture est insuffisante selon la libre appréciation de la Banque".
Les plaignants ont également signé une "procuration limitée à la gestion" en faveur de I.________ SA. Ce document précise:
"Le Mandataire est autorisé à accomplir tous actes d'administration et de gestion du compte sans aucune restriction et sans être obligé de s'en tenir aux opérations bancaires ordinaires (...); le Client déclare être conscient des éventuels problèmes de transmission d'ordres pouvant survenir et accepte de supporter intégralement tous les risques liés à leur transmission (tels que retard dans la transmission ou l'exécution des ordres, problèmes liés à l'intégralité, l'authenticité et la confidentialité des ordres transmis) ".
Parmi les documents signés par les intéressés figurait également "une Décharge relative à des investissements en devises étrangères (Forex) et aux autres opérations sur dérivés" stipulant notamment ce qui suit:
"Le Client reconnaît expressément que toutes les valeurs patrimoniales qu'il a déposées auprès de la Banque sont nanties en faveur de celle-ci à titre de couverture des opérations effectuées. En outre, la Banque fixe la marge initiale dont le Client doit disposer. Cette marge est adaptée à intervalles réguliers en fonction de la situation du marché et doit être couverte par des avoirs en compte ou par une limite de crédit. Lorsque la marge est insuffisante, le Client doit immédiatement effectuer un versement complémentaire de marge (margin call). La Banque a le droit, à son entière discrétion, de sommer le Client ou son mandataire d'effectuer des versements complémentaires; si la marge est dépassée et/ou si les garanties fournies ont perdu de leur valeur et que le Client n'effectue pas les versements complémentaires requis dans un délai d'un jour ouvrable de la Banque après sommation, ou dans un délai plus bref à fixer par la Banque en cas de circonstances exceptionnelles telles que la détérioration de la situation du marché, la Banque est en droit, à son entière discrétion, de liquider immédiatement une position ouverte du Client, qui supporterait entièrement toute perte qui en découlerait; le Client décharge expressément la Banque de toute responsabilité quant aux pertes éventuelles qu'il viendrait à subir du fait de ces investissements, sous réserve de faute grave de cette dernière".
B.b. Dans leur plainte pénale, les intéressés reprochaient en particulier à la banque la liquidation de leur patrimoine, le 12 mars 2020, sans préavis ni appel de marge, alors même que certains comptes n'étaient, selon eux, pas en situation de couverture insuffisante. Ils reprochaient en outre à la banque divers manquements dans sa gestion. A l'appui de leurs plaintes, les intéressés ont produit de nombreux documents échangés entre I.________ SA et la Banque H.________ SA entre le 9 et le 12 mars 2020. Il en ressortait notamment que I.________ SA avait contesté à plusieurs reprises la teneur des tableaux de risques établis par la banque et s'était plainte du système utilisé pour calculer les soldes. Le 9 mars 2020, la banque avait requis un appel de marge pour tous les "clients en Net Equity Negatif". Le 11 mars 2020, I.________ SA s'était plainte d'un "blocage" de la part de la banque, l'empêchant de diminuer les risques pour les clients. Le même jour, la Banque H.________ SA avait fait transmettre un tableau des positions avec l'ordre de notifier un appel de marge à tous les clients présentant une couverture inférieure à 80%. Les fonds supplémentaires devaient être versés dans les 48h. Dans l'intervalle, il n'était plus accepté d'ordre sur l'ensemble de la relation I.________ SA. Le 12 mars 2020, la banque avait adressé à la société une liste des comptes désormais en situation de liquidation. Elle avait par ailleurs indiqué à I.________ SA avoir appliqué sa politique d'appel de marge, respectivement de mise en liquidation, connue par I.________ SA, lorsque les portefeuilles étaient passés sous le seuil de couverture de 60%. Elle ne pouvait pas prendre position sur la stratégie de "derisking", rappelant que la gestion des portefeuilles avait été confiée à la société, seule responsable des résultats.
C.
C.________, D.________, B.________ et A.________ forment un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral contre l'arrêt du 13 janvier 2023 (cause 7B_24/2023). Ils concluent à son annulation et au renvoi de la cause principalement au Ministère public afin qu'il ouvre une instruction en lien avec les plaintes déposées, et subsidiairement à l'autorité cantonale afin qu'elle invite le Ministère public à ouvrir une instruction.
E.________, F.________ Ltd et G.________ Ltd forment un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral contre l'arrêt du 13 janvier 2023 (cause 7B_25/2023). Ils concluent à son annulation et au renvoi de la cause principalement au Ministère public afin qu'il ouvre une instruction en lien avec les plaintes déposées et subsidiairement à l'autorité cantonale afin qu'elle invite le Ministère public à ouvrir une instruction.
Considérant en droit :
1.
Les deux recours formés dans les causes 7B_24/2023 et 7B_25/2023 ont pour objet la même décision, ont trait au même complexe de faits et portent sur les mêmes questions de droit. Il y a donc lieu de joindre les causes et de les traiter dans un seul arrêt (cf. art. 71 LTF et 24 al. 2 PCF).
2.
Le Tribunal fédéral examine d'office (art. 29 al. 1 LTF) et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 146 IV 185 consid. 2).
2.1. Selon l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 5 LTF, la partie plaignante qui a participé à la procédure de dernière instance cantonale est habilitée à recourir au Tribunal fédéral si la décision attaquée peut avoir des effets sur le jugement de ses prétentions civiles.
Constituent de telles prétentions celles qui sont fondées sur le droit civil et doivent en conséquence être déduites ordinairement devant les tribunaux civils. Il s'agit principalement des prétentions en réparation du dommage et du tort moral au sens des art. 41 ss CO (ATF 146 IV 76 consid. 3.1; 141 IV 1 consid. 1.1).
En vertu de l'art. 42 al. 1 LTF, il incombe à la partie recourante d'alléguer les faits qu'elle considère comme propres à fonder sa qualité pour recourir. Lorsque le recours est dirigé contre une décision de non-entrée en matière ou de classement de l'action pénale, la partie plaignante n'a pas nécessairement déjà pris des conclusions civiles. Quand bien même la partie plaignante aurait déjà déclaré faire valoir des conclusions civiles (cf. art. 119 al. 2 let. b CPP), il n'en reste pas moins que le procureur qui refuse d'entrer en matière ou prononce un classement n'a pas à statuer sur l'aspect civil (cf. art. 320 al. 3 CPP). Dans tous les cas, il incombe par conséquent à la partie plaignante d'expliquer dans son mémoire au Tribunal fédéral quelles prétentions civiles elle entend faire valoir contre l'intimé. Comme il n'appartient pas à la partie plaignante de se substituer au ministère public ou d'assouvir une soif de vengeance, la jurisprudence entend se montrer restrictive et stricte, de sorte que le Tribunal fédéral n'entre en matière que s'il ressort de façon suffisamment précise de la motivation du recours que les conditions précitées sont réalisées, à moins que l'on puisse le déduire directement et sans ambiguïté compte tenu notamment de la nature de l'infraction alléguée (ATF 141 IV 1 consid. 1.1).
2.2. En l'espèce, les recourants reprochent à l'intimée de ne pas avoir suivi les instructions de leur tiers gérant, ce qui aurait conduit à la réalisation de leurs portefeuilles le 12 mars 2020 alors que leurs comptes ne se trouvaient pas en situation de couverture insuffisante. Cette opération leur aurait causé un dommage de plusieurs millions de francs. Par cette argumentation, les 7 recourants n'expliquent pas dans quelle mesure chacun d'entre eux aurait subi quel dommage, ni
a fortiori quelles seraient les répercussions de l'arrêt attaqué sur chacune de leurs prétentions civiles. A défaut d'explications suffisantes à cet égard, la qualité pour recourir des recourants apparaît douteuse (cf. arrêts 7B_80/2022 du 7 juillet 2023 consid. 3.1; 7B_89/2022 du 31 juillet 2023 consid. 2.3). Cette question peut néanmoins rester ouverte, vu le sort du recours.
3.
Invoquant les art. 9 Cst., 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, les recourants reprochent à la cour cantonale d'avoir constaté les faits de manière manifestement inexacte et d'avoir apprécié les preuves de façon insoutenable. Ils se plaignent en outre d'une violation de l'art. 310 al. 1 let. a CPP, respectivement du principe
in dubio pro duriore, en lien avec l'art. 158 CP.
3.1. Le Tribunal fédéral est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins que celles-ci aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, soit pour l'essentiel de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. L'art. 97 al. 1 LTF trouve également application lorsque le recours porte sur la question du classement de la procédure ou d'une non-entrée en matière. Lorsque les éléments de preuve au dossier sont peu clairs, le ministère public et l'autorité de recours ne sauraient anticiper l'appréciation des preuves qu'en ferait le tribunal du fond. Ainsi, lorsque le recours porte sur le classement de la procédure ou une non-entrée en matière, le Tribunal fédéral, dont la cognition est limitée à l'arbitraire selon l'art. 97 al. 1 LTF, n'examine pas si les constatations de fait de l'autorité précédente sont arbitraires, mais si celle-ci s'est arbitrairement écartée d'un moyen de preuve clair ou, à l'inverse, a tenu arbitrairement un fait comme clairement établi (ATF 143 IV 241 consid. 2.3.2). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 142 III 364 consid. 2.4 et les références citées).
3.2. Conformément à l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis. Cette disposition doit être appliquée dans le respect de l'adage
in dubio pro duriore. Celui-ci découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et art. 2 al. 2 CPP en relation avec les art. 319 al. 1 et 324 al. 1 CPP; ATF 138 IV 86 consid. 4.2) et signifie qu'en principe, un classement ou une non-entrée en matière ne peuvent être prononcés par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions de la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un pouvoir d'appréciation et le Tribunal fédéral n'intervient qu'avec retenue. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave. En effet, en cas de doute s'agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de trancher (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1; 138 IV 86 consid. 4.1.2 et les références citées; arrêt 6B_77/2021 du 6 mai 2021 consid. 2.2).
3.3.
3.3.1. L'art. 158 CP vise celui qui, en vertu de la loi, d'un mandat officiel ou d'un acte juridique, est tenu de gérer les intérêts pécuniaires d'autrui ou de veiller sur leur gestion et qui, en violation de ses devoirs, aura porté atteinte à ces intérêts ou aura permis qu'ils soient lésés (ch. 1 al. 1). La peine est aggravée si l'auteur a agi dans le dessein de se procurer à lui-même ou à un tiers un enrichissement illégitime (ch. 1 al. 3). Cette infraction suppose la réalisation de quatre éléments constitutifs : il faut que l'auteur ait eu une position de gérant, qu'il ait violé une obligation lui incombant en cette qualité, qu'il en soit résulté un dommage et qu'il ait agi intentionnellement (cf. ATF 120 IV 190 consid. 2b; arrêt 6B_608/2020 du 4 décembre 2020 consid. 3.1).
Selon la jurisprudence, revêt la qualité de gérant celui à qui il incombe, de fait ou formellement, la responsabilité d'administrer un complexe patrimonial non négligeable dans l'intérêt d'autrui (ATF 142 IV 346 consid. 3.2; 129 IV 124 consid. 3.1). La qualité de gérant suppose un degré d'indépendance suffisant et un pouvoir de disposition autonome sur les biens administrés. Ce pouvoir peut aussi bien se manifester par la passation d'actes juridiques que par la défense, au plan interne, d'intérêts patrimoniaux, ou encore par des actes matériels, l'essentiel étant que le gérant se trouve au bénéfice d'un pouvoir de disposition autonome sur tout ou partie des intérêts pécuniaires d'autrui, sur les moyens de production ou le personnel d'une entreprise (ATF 142 IV 346 consid. 3.2; 123 IV 17 consid. 3b; arrêt 6B_815/2020 du 22 décembre 2020 consid. 4.1).
3.3.2. En matière d'opérations boursières, s'agissant des devoirs contractuels de diligence et de fidélité de la banque envers son client, la jurisprudence distingue trois types de relations contractuelles: (1) le contrat de gestion de fortune (
Vermögensverwaltungsvertrag), (2) le contrat de conseil en placements (
Anlageberatungsvertrag) et (3) la relation de simple compte/dépôt bancaire (
blosse Konto-/Depot-Beziehung; execution only) (ATF 133 III 97 consid. 7.1; arrêts 4A_54/2017 du 29 janvier 2018 consid. 5.1.1; 4A_593/2015 du
13 décembre 2016 consid. 7).
De la qualification du contrat passé entre la banque et le client dépendent l'objet exact et l'étendue des devoirs contractuels d'information, de conseil et d'avertissement de la banque (
Aufklärungs-, Beratungs- und Warnpflichten) (arrêts 4A_54/2017 précité consid. 5.1.1; 4A_593/2015 précité consid. 7; 4A_336/2014 du 18 décembre 2014 consid. 4.2; 4A_364/2013 du 5 mars 2014 consid. 6.2; 4A_525/2011 du 3 février 2012 consid. 3.1-3.2, in AJP 2012 p. 1317 ss). Ces devoirs contractuels découlent des obligations de diligence et de fidélité ancrées dans les règles du mandat (art. 398 al. 2 CO), dans le principe de la confiance (art. 2 CC) ou encore dans l'art. 11 de la loi fédérale sur les bourses et le commerce de valeurs mobilières du 24 mars 1995 (LBVM; RS 954.1).
Dans le contrat de simple compte/dépôt bancaire (e
xecution only), la banque s'engage uniquement à exécuter les instructions ponctuelles d'investissement du client, sans être tenue de veiller à la sauvegarde générale des intérêts de celui-ci (arrêts 4A_54/2017 précité consid. 5.1.4; 4A_369/2015 du 25 avril 2016 consid. 2).
3.4. La cour cantonale a constaté qu'à teneur de la demande d'ouverture de compte et dépôt signée par les recourants à l'ouverture de leur relation bancaire et compte tenu de la Convention de gérant indépendant conclue entre I.________ SA et l'intimée, la première occupait la fonction de gérant du patrimoine des recourants, tandis que la seconde n'était que dépositaire de celui-ci. Les recourants avaient d'ailleurs admis la nature
"execution only" de leur relation bancaire et concédaient qu'initialement, l'intimée n'avait aucun pouvoir de gestion sur leurs comptes. Dans ces conditions, la juridiction cantonale a retenu que l'intimée n'avait pas la qualité de gérant au sens de l'art. 158 CP. Les décisions prises par la banque entre le 9 et le 12 mars 2020 ne permettaient pas de retenir le contraire. Si, durant cette période, la communication entre la banque et I.________ SA en lien avec les portefeuilles des recourants avait certes été défaillante voire conflictuelle, les démarches entreprises alors par l'intimée étaient restées circonscrites au champ des possibilités prévues et stipulées dans les différents documents contractuels applicables à la relation bancaire de type "
execution only ". En faisant usage des clauses prévues par ces documents, l'intimée ne s'était pas subrogée au gérant externe en endossant la responsabilité de l'administration et de la gestion des avoirs des recourants, mais avait protégé ses intérêts comme les contrats le lui permettaient. Partant, dans la mesure où l'intimée n'avait pas la qualité de gérant, une condition de l'infraction de gestion déloyale (art. 158 CP) faisait défaut. Les reproches formulés par les recourants devaient en réalité être examinés à la lumière des clauses applicables à la relation bancaire selon la situation concrète des comptes jusqu'à la liquidation des positions, examen qui portait sur la bonne ou la mauvaise exécution contractuelle par la banque, au sens du code des obligations. Le Ministère public avait donc, à bon droit, refusé d'entrer en matière sur les plaintes.
3.5. Les recourants reprochent à la cour cantonale d'avoir considéré que la banque pouvait liquider leurs positions en analysant uniquement les échanges intervenus depuis le 12 mars 2020 entre l'intimée et I.________ SA.
Leur grief tombe à faux. La juridiction cantonale a bel et bien tenu compte des échanges intervenus entre les parties dès le 9 mars 2020 (cf. arrêt attaqué let. d p. 5). Elle a d'ailleurs considéré qu'ils laissaient apparaître une communication défaillante. Par contre, elle a constaté que les reproches formulés à cet égard par les recourants contre la banque relevaient tout au plus du droit civil, faute de qualité de gérant de cette dernière. Ce raisonnement ne prête pas le flanc à la critique et les recourants ne développent aucune argumentation propre à le remettre en question. En effet, il est établi et incontesté que durant la période litigieuse, l'intimée était liée à I.________ SA par un mandat
execution only et que la responsabilité d'administrer le complexe patrimonial des recourants revenait donc à la seconde. Contrairement à ce que prétendent les recourants, le droit que s'était octroyé la banque, par les différents documents contractuels, de liquider de manière autonome les positions des clients, ne lui conférait pas
de facto la qualité de gérant. En effet, ces clauses étaient prévues dans l'unique but de protéger les intérêts de la banque et ne lui permettaient en rien de prendre des décisions liées aux investissements des recourants ou à toute autre question relative à la gestion de leurs biens, dans l'intérêt de ceux-là.
Il ne découle pas davantage de l'autonomie et de l'indépendance dont a fait preuve l'intimée dans ses prises de décisions qu'elle occupait une fonction de gérant. En effet, les décisions que la banque a prises - certes de manière autonome - en lien avec les biens des recourants ne l'ont pas été dans la gestion des intérêts pécuniaires de ceux-ci, comme le veut la qualité de gérant au sens de l'art. 158 CP
(cf. consid. 3.3.1
supra), mais dans son propre intérêt, comme le lui permettait sa qualité de dépositaire des avoirs selon les contrats signés. Il s'ensuit que la cour cantonale était fondée à considérer que la banque ne revêtait pas la qualité de gérant dans le sens prévu par l'infraction de gestion déloyale.
Dans ces circonstances, il n'y a pas lieu d'examiner plus avant le grief des recourants relatif aux manquements organisationnels de la banque, lesquels relèvent tout au plus du droit civil.
3.6. Compte tenu de ce qui précède, la cour cantonale n'a pas violé le principe
in dubio pro duriore ou d'une autre manière le droit fédéral en confirmant la décision du Ministère public de ne pas entrer en matière sur les plaintes déposées par les recourants.
4.
Partant, les recours formés dans les causes 7B_24/2023 et 7B_25/2023 doivent être rejetés. Les recourants, qui succombent, supporteront solidairement entre eux les frais judiciaires liés à leurs recours respectifs (art. 65 al. 1 et 66 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Les causes 7B_24/2023 et 7B_25/2023 sont jointes.
2.
Les recours sont rejetés.
3.
Les frais judiciaires sont mis par 3'000 fr. à la charge de C.________, D.________, B.________ et A.________ (cause 7B_24/2023) solidairement entre eux, et par 3'000 fr. à la charge de E.________, F.________ Ltd et G.________ Ltd (cause 7B_25/2023), solidairement entre eux.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève.
Lausanne, le 22 février 2024
Au nom de la IIe Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Abrecht
La Greffière : Paris