Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
1C_288/2024
Arrêt du 22 mai 2024
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président,
Chaix et Haag.
Greffier : M. Parmelin.
Participants à la procédure
A.________,
recourant,
contre
Office fédéral de la justice, Unité Extraditions, Bundesrain 20, 3003 Berne.
Objet
Transfèrement vers l'Italie,
recours contre l'arrêt de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral du 25 avril 2024 (RR.2024.27).
Considérant en fait et en droit :
1.
Par jugement du 17 juin 2021, rectifié le 25 juin 2021 et confirmé sur appel le 5 mai 2022, le Tribunal criminel de l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a reconnu A.________, ressortissant italien âgé de 51 ans, divorcé et père de trois enfants, nés en 2004, 2005 et 2009, coupable de voies de faits, d'actes d'ordre sexuel avec des enfants, de contrainte sexuelle qualifiée, de viol qualifié, de pornographie et d'inceste et l'a condamné à une peine privative de liberté de 15 ans, sous déduction de 687 jours de détention avant jugement. Il a ordonné la mise en oeuvre d'un traitement ambulatoire au sens de l'art. 63 CP, soit un suivi psychiatrique en détention, dans la mesure du possible par des thérapeutes spécialisés dans le traitement des auteurs d'infractions à caractère sexuel. Il a prononcé son expulsion du territoire suisse pour une durée de 12 ans ainsi qu'une interdiction d'exercer toute activité professionnelle et non professionnelle organisée impliquant des contacts réguliers avec des mineurs pour une durée de 10 ans. Une libération conditionnelle était possible, au plus tôt, le 29 juin 2029, la fin de la peine étant prévue le 31 juillet 2034.
Le 6 septembre 2023, l'Office d'exécution des peines du canton de Vaud a informé A.________ de son intention d'initier à son encontre la procédure de transfèrement vers l'Italie. L'intéressé s'y est opposé.
Par décision du 5 février 2024, l'Office fédéral de la justice a demandé à l'Italie d'accepter le transfèrement de A.________ en vue de l'exécution du solde de la peine prononcée par jugement du 17 juin 2021, rectifié le 25 juin 2021.
La Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral a rejeté le recours déposé contre cette décision par A.________ au terme d'un arrêt rendu le 25 avril 2024.
Par acte du 8 mai 2024, A.________ forme un recours en matière d'entraide pénale internationale auprès du Tribunal fédéral contre cet arrêt, dont il demande l'annulation, assorti d'une demande d'effet suspensif et d'une requête d'assistance judiciaire.
Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures. La Cour des plaintes a produit le dossier de la cause.
2.
Selon l'art. 84 de la loi sur le Tribunal fédéral (LTF; RS 173.110), le recours en matière droit public n'est recevable, à l'encontre d'un arrêt du Tribunal pénal fédéral rendu en matière d'entraide pénale internationale, que s'il a pour objet une extradition, une saisie, le transfert d'objets ou de valeurs ou la transmission de renseignements concernant le domaine secret, pour autant qu'il s'agisse d'un cas particulièrement important (al. 1). Un cas est particulièrement important notamment lorsqu'il y a des raisons de supposer que la procédure à l'étranger viole des principes fondamentaux ou comporte d'autres vices graves (al. 2). Selon l'art. 42 al. 2 LTF, il appartient au recourant de démontrer que ces exigences sont satisfaites (ATF 134 II 120 consid. 1).
2.1. Le transfèrement d'un condamné à un État étranger aux fins d'exécution d'une peine prononcée en Suisse, en application des art. 100 ss de la loi fédérale sur l'entraide internationale en matière pénale (EIMP; RS 351.1) et de la Convention sur le transfèrement des personnes condamnées (RS 0.343), est un acte d'entraide qui, du point de vue de la personne concernée, s'apparente à un cas d'extradition (cf. art. 25 al. 2 et 2
bis EIMP ; arrêts 1C_58/2018 du 19 mars 2018 consid. 1.2 et 1C_268/2016 du 6 juillet 2016 consid. 1.1). La décision de l'Office fédéral de la justice de requérir le transfèrement constitue l'acte attaquable (Message relatif au Protocole additionnel à la Convention du Conseil de l'Europe sur le transfèrement des personnes condamnées et à une modification de la loi sur l'entraide pénale internationale du 1
er mai 2002, FF 2002 4046). Le recourant a qualité pour agir (art. 89 al. 1 LTF) et le recours a été déposé dans le délai de dix jours prévu à l'art. 100 al. 2 LTF.
3.
Le recourant ne se prononce pas sur la condition de l'art. 84 al. 1 LTF comme il lui incombait de le faire. Il soutient qu'il serait exposé, en cas de poursuite de l'exécution de sa peine dans une prison en Italie, à des traitements contraires à l'art. 3 CEDH voire que sa vie serait mise en danger, au vu des conditions carcérales prévalant en Italie et du sort réservé aux délinquants condamnés pour des délits sexuels envers les enfants. Il se réfère à ce propos à divers articles de presse et rapports émanant d'organisations non gouvernementales et du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) sur l'état des prisons italiennes et se faisant l'écho d'actes de torture et de mauvais traitements envers des détenus commis par d'autres détenus ou des membres du personnel pénitentiaire.
Depuis la condamnation de l'Italie par la Cour européenne des droits de l'homme le 8 janvier 2013 dans l'arrêt Torreggiani sur le fondement de l'art. 3 CEDH, qui avait conduit la Suisse à exiger des assurances quant aux conditions carcérales, la Cour de céans s'est penchée à plusieurs reprises sur la question de savoir si les conditions de détention dans les prisons italiennes faisaient obstacle au transfèrement ou à l'extradition d'un condamné. Elle est arrivée à la conclusion, en tenant compte des nombreuses mesures de réforme prises par l'Italie pour réduire la surpopulation carcérale, que l'extradition ne devait plus être soumise à des garanties (cf. en dernier lieu, arrêt 1C_169/2021 du 6 mai 2021 consid. 2.3). Par ailleurs, dans ce dernier arrêt, elle a ajouté que lors de l'évaluation du risque d'un traitement incompatible avec l'art. 3 CEDH dans l'État de destination, il fallait tenir compte du fait que ce dernier était un État partie à la Convention européenne des droits de l'homme avec des possibilités de recours correspondantes (décision de la CourEDH
Kaplan contre Allemagne du 15 décembre 2009, requête n° 43212/05; ATF 149 IV 376 consid. 3.4).
Le fait que l'Italie connaisse toujours à l'heure actuelle, à l'instar de la Suisse, un problème de surpopulation carcérale, dans une mesure notablement moindre que celle qui prévalait en janvier 2013 lorsque l'arrêt Torreggiani a été rendu, et que des cas de mauvais traitements de détenus par d'autres détenus et des gardiens de prison aient été signalés dans l'un ou l'autre des établissements pénitentiaires de la péninsule italienne postérieurement à ces arrêts, ne remet pas en cause cette appréciation. Il ne suffit pas à rendre vraisemblable que le recourant serait concrètement exposé à un risque sérieux d'une violation des droits de l'homme en cas de transfèrement vers l'Italie et à renoncer à une telle mesure, dont les conditions formelles sont par ailleurs toutes réunies. Le recourant n'a pas produit les articles de presse et autres rapports dont il se prévaut. L'existence de cas isolés de mauvais traitements ne permet pas encore de retenir que les standards minimaux définis dans les Règles pénitentiaires européennes, qui ont été adoptées par l'ensemble des pays du Conseil de l'Europe, dont l'Italie, ne pourraient pas être respectés s'agissant du recourant en dépit de la surpopulation carcérale. Celui-ci disposerait en tout état de cause des voies de recours interne en cas d'inadéquation des conditions carcérales au sein de l'établissement pénitentiaire auquel il serait attribué si son transfèrement par l'Italie devait être accepté.
Le recourant estime que son transfèrement en Italie aux fins d'exécuter le solde de sa peine privative de liberté équivaudrait à l'exposer aux mauvais traitements des autres détenus et des gardiens vu le sort notoire réservé aux délinquants ayant commis des délits sexuels envers les enfants. La Cour des plaintes a considéré que le recourant n'avait pas démontré que le risque allégué serait propre à l'Italie ou plus prononcé dans ce pays qu'ailleurs. Si l'Italie devait consentir au transfèrement, rien n'indique qu'il ne sera pas en mesure de bénéficier, au sein de l'établissement pénitentiaire, d'un régime carcéral adapté à son statut de personne particulièrement vulnérable visant à le protéger de toute forme de menace, de violence ou de maltraitance de la part d'autres détenus. On observera que les autorités pénitentiaires ont l'obligation de mettre tout en oeuvre pour protéger la santé et l'intégrité physique de tous les détenus dont elles ont la garde.
Le recourant ne fonde à raison pas sa demande d'exécution du solde de sa peine en Suisse sur l'atteinte que porterait son transfèrement à sa vie privée et à ses relations avec ses enfants. Les art. 8 CEDH et 13 al. 1 Cst. peuvent certes faire obstacle à l'extradition lorsque cette dernière apparaît comme une ingérence disproportionnée dans la vie familiale de l'intéressé. Le Tribunal fédéral a ainsi été amené à refuser une extradition à l'Allemagne, requise pour l'exécution d'un solde de peine de 473 jours d'emprisonnement pour un délit de recel. L'intéressé était père de deux filles mineures en Suisse et l'incarcération avait mis sa compagne, invalide à 100 % et enceinte d'un troisième enfant, dans un état anxio-dépressif avec des idées suicidaires. Dans ces circonstances, la Suisse pouvait se charger de l'exécution sur son territoire du solde de peine (consid. 3e et 4 non publiés de l'ATF 122 II 485). Le Tribunal fédéral a toutefois eu l'occasion, dans des arrêts ultérieurs, de préciser qu'un tel refus devait rester tout à fait exceptionnel et n'entrait pas en ligne de compte dans d'autres circonstances (ATF 129 II 100 consid. 3.5; arrêt 1C_226/2017 du 24 mai 2017 consid. 1.5). En l'espèce, le recourant est divorcé. Il a été condamné pour des délits d'ordre sexuel commis envers sa fille mineure avec laquelle il n'entretient plus de relation. Son transfèrement vers l'Italie, en cas d'acceptation, occasionnera inévitablement des difficultés dans le maintien des relations familiales avec ses deux fils (difficultés inhérentes à toute mesure d'incarcération), mais la situation n'est pas comparable à celle, visée dans la jurisprudence précitée, dans laquelle la mère des enfants n'était manifestement plus en état de s'occuper de ceux-ci.
Enfin, comme le relèvent les instances précédentes, l'État requis sera dûment informé du traitement thérapeutique ambulatoire auquel le jugement du Tribunal criminel de l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a condamné le recourant à se soumettre et on peut raisonnablement supposer qu'il sera capable de lui accorder les soins nécessaires au sein de l'établissement pénitentiaire auquel il sera affecté (cf. dans le même sens, arrêt 1C_433/2019 du 2 septembre 2019 consid. 2.2).
4.
L'importance particulière du présent cas n'étant ni établie ni manifeste, le recours est par conséquent irrecevable. Dès lors qu'il était voué à l'échec, l'octroi d'un défenseur d'office pour compléter le recours ne s'imposait pas (art. 64 al. 1 LTF). Le recourant est privé de liberté depuis un certain temps. Il est donc renoncé à la perception de frais de justice (art. 66 al. 1, 2
ème phrase, LTF). Le présent arrêt est rendu selon la procédure simplifiée prévue à l'art. 109 al. 1 LTF.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est irrecevable.
2.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.
3.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
4.
Le présent arrêt est communiqué au recourant, à l'Office fédéral de la justice, Unité Extraditions, et à la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral.
Lausanne, le 22 mai 2024
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Kneubühler
Le Greffier : Parmelin