Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
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{T 0/2}
2C_280/2014
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Arrêt du 22 août 2014
IIe Cour de droit public
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Zünd, Président,
Aubry Girardin et Stadelmann.
Greffier : M. Chatton.
Participants à la procédure
Office fédéral des migrations,
recourant,
contre
A.________,
représenté par Me Christophe Tafelmacher, avocat,
intimé.
Objet
Révocation de l'autorisation d'établissement ; demande de reconsidération,
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg, Ie Cour administrative, du 12 février 2014.
Faits :
A.
A.a. Ressortissant turc né en Suisse en 1981, A.________ a été mis au bénéfice d'une autorisation d'établissement. Il est marié à une ressortissante suisse depuis le 9 octobre 2009. Le couple a une fille, née le *** 2009 et scolarisée récemment.
A.b. Sur le plan professionnel, A.________ a effectué deux années d'apprentissage comme maçon, avant d'interrompre cette formation, alternant par la suite des périodes de travail et d'inactivité. Financièrement, A.________ faisait, au 8 avril 2013, l'objet de poursuites à hauteur de 4'548 fr. et d'actes de défaut de biens pour un montant de 6'321 fr. Aidé depuis mai 2002 par le Service de l'aide sociale de la Ville de Fribourg, sa dette sociale s'élevait à 62'343 fr. à fin juillet 2012, une demande d'aide pour couple étant alors pendante auprès du Service social de la Haute Sarine, où leur dette sociale s'élevait à 5'735 fr. Les dettes de l'épouse à la même date s'élevaient à 19'320 fr. de poursuites et 6'881 fr. d'actes de défaut de biens.
A.c. Depuis l'âge de quinze ans, A.________ a régulièrement fait l'objet de condamnations pénales en Suisse. Ainsi, la Chambre pénale des mineurs lui a infligé, le 16 octobre 1995, deux jours de travail pour vol et conduite sans permis; le 28 janvier 1997, quatre jours de détention ferme pour injures et menaces; le 26 mai 1998, sept jours d'emprisonnement pour rixe; le 9 février 1999, quatorze jours de détention ferme pour lésions corporelles simples et dommages à la propriété.
A l'âge adulte, A.________ a été condamné par l'Office des juges d'instruction du canton de Fribourg, le 16 janvier 2002, à deux mois d'emprisonnement, avec sursis et délai d'épreuve de quatre ans, pour dommages à la propriété, violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires, opposition aux actes de l'autorité et délit contre la loi fédérale sur les stupéfiants (LStup); le 27 octobre 2003, à trente jours d'emprisonnement, avec sursis et délai d'épreuve de cinq ans et 600 fr. d'amende, pour rixe et contravention à la loi fédérale sur le transport public (LTP); le 4 juin 2004, à dix jours d'arrêt et 200 fr. d'amende pour contraventions à la LStup et à la LTP; le 26 novembre 2004, à dix jours d'arrêt et 200 fr. d'amende pour contraventions à la LStup et à la LTP. Le 20 avril 2005, la Cour d'appel pénal du canton de Fribourg a condamné A.________ à dix-sept mois d'emprisonnement, avec sursis, délai d'épreuve de quatre ans et 100 fr. d'amende, pour vol en bande et tentative de vol en bande, dommages à la propriété, violation de domicile et contravention à la LTP. L'Office des juges d'instruction l'a encore condamné, le 30 octobre 2006, à vingt jours d'emprisonnement pour agression; le 31 octobre 2007, à vingt heures de travail d'intérêt général, avec sursis, délai d'épreuve de trois ans et 200 fr. d'amende, pour délit et contravention à la LStup; le 9 janvier 2009, à trente jours de peine privative de liberté pour agression, et le 13 mars 2009, à vingt-cinq jours-amende à 10 fr., avec sursis pendant cinq ans, et 300 fr. d'amende pour contravention à la LTP, lésions corporelles et agression (actes commis les 15 et 28 novembre 2007).
Le 4 octobre 2010 sur recours, la Cour d'appel pénal du canton de Fribourg a condamné l'intéressé, pour conduite en état d'ébriété et infraction à la LStup (actes commis du 1er octobre 2008 au 19 janvier 2009), à une peine privative de liberté de trente mois, dont douze mois fermes et dix-huit mois avec sursis pendant un délai d'épreuve de cinq ans, ainsi qu'au paiement d'une amende de 500 fr., peine d'ensemble englobant celles prononcées les 20 avril 2005 et 31 octobre 2007. Le 20 juillet 2012, le Ministère public du canton de Fribourg a condamné A.________ à une peine privative de liberté d'un mois pour abus de confiance, commis entre 2009 et 2011.
A.d. Par décision du 21 avril 2006, le Service de la population et des migrants de l'Etat de Fribourg (ci-après: le Service cantonal) a menacé A.________ d'expulsion. Après l'ouverture d'une procédure le 27 août 2008, le Service cantonal a, par décision du 10 février 2009, révoqué l'autorisation d'établissement de l'intéressé et prononcé son renvoi de Suisse, décision confirmée en dernière instance par le Tribunal fédéral dans son arrêt 2C_265/2011 du 27 septembre 2011.
A.e. Depuis 2011, A.________ a effectué des cours et formations de grutier-machiniste puis, en prison, de cariste, d'informatique et d'anglais; il a en outre participé à une démarche de bilan personnel et professionnel. Entre 2009 et le 16 août 2012 (date d'un prélèvement capillaire ayant servi à une analyse toxicologique), il a pu attester de plusieurs périodes, chacune de trois mois environ, durant lesquelles il n'a plus consommé de stupéfiants, ayant fait effectuer, à sa demande, six analyses urinaires chaque année, dont les deux premières en 2009 avaient toutefois révélé un résultat positif.
Par décision du 7 décembre 2012, le Service de l'application des sanctions pénales et des prisons du canton de Fribourg a refusé d'accorder à A.________ le régime de travail et de logement externes, au motif que celui-ci n'avait pas fait preuve d'un comportement irréprochable durant le régime de travail externe qui lui avait été accordé (attitude inadéquate face au travail et prestations insuffisantes lors d'un premier emploi pour B.________, puis absences injustifiées sur le lieu d'activité pour la commune de C.________).
L'intéressé a été libéré le 16 février 2013, après avoir purgé l'entier de sa peine. Il a été engagé par la société D.________ SA dès le 15 mars 2013, puis, sur la base d'un contrat de durée déterminée, par E.________ SA du 29 avril au 11 juin 2013. Via l'entreprise d'emplois temporaires F.________, qui a relevé les qualités professionnelles de l'intéressé, il a subséquemment été engagé, le 8 juillet 2013, auprès de la société G.________ SA en tant que grutier-machiniste, avant de travailler pour H.________ SA.
B.
Le 2 avril 2013, A.________ a demandé la reconsidération de la décision de révocation de son autorisation d'établissement du 10 février 2009, exposant qu'il avait décidé de changer de vie en s'éloignant du monde de la drogue depuis juin 2009 et en réalisant plusieurs projets de formation professionnelle depuis 2011, poursuivis durant son incarcération, où il aurait fait preuve d'un comportement irréprochable; né en Suisse, il vivait en outre avec son épouse et leur fille de nationalité suisse, n'avait quasiment aucun contact avec son pays d'origine, où seul son père était retourné vivre et ne trouverait aucun emploi en Turquie, dont il ne parlait pas la langue officielle, mais seulement des rudiments de kurde.
Par décision du 23 avril 2013, le Service cantonal a rejeté au fond la demande de reconsidération et a retiré l'effet suspensif à un éventuel recours, retrait confirmé sur recours par le Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg (ci-après: le Tribunal cantonal), puis en dernière instance par le Tribunal fédéral dans son arrêt 2C_695/2013 du 27 août 2013. Statuant ensuite sur le fond du recours contre le rejet de la demande de reconsidération formée par A.________, le Tribunal cantonal a, par arrêt du 12 février 2014, partiellement admis ledit recours, annulé la décision du 23 avril 2013 et renvoyé la cause au Service cantonal pour qu'il prononce un avertissement à l'endroit du recourant.
C.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, l'Office fédéral des migrations (ci-après: l'Office fédéral) demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du 12 février 2014, sous suite de frais.
Tandis que le Tribunal cantonal conclut au rejet du recours de l'Office fédéral, le Service cantonal appuie celui-ci. L'intimé conclut, sous suite de frais et dépens, au rejet du recours et à la confirmation de l'arrêt du 12 février 2014. Il requiert en outre sa mise au bénéfice de l'assistance judiciaire, en expliquant, par l'intermédiaire de son avocat, se trouver en Turquie et ne plus exercer d'emploi en Suisse dans l'attente d'être autorisé à regagner le territoire helvétique.
Considérant en droit :
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office la recevabilité du recours dont il est saisi (ATF 139 III 133 consid. 1 p. 133; 138 I 475 consid. 1 p. 476).
1.1. Le recours est dirigé contre un jugement final (cf. art. 90 LTF [RS 173.110]), le renvoi de la cause à l'autorité cantonale inférieure pour qu'elle prononce un avertissement (cf. art. 96 al. 2 LEtr [RS 142.20]) ne laissant en effet aucune marge de manoeuvre à cette dernière (cf. ATF 138 I 143 consid. 1.2 p. 148; 135 V 141 consid. 1.1 p. 143). Il a été rendu dans une cause de droit public (cf. art. 82 let. a LTF) par un tribunal cantonal supérieur (cf. art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF).
1.2. En vertu de l'art. 14 al. 2 de l'ordonnance fédérale du 17 novembre 1999 sur l'organisation du Département fédéral de justice et police (Org DFJP; RS 172.213.1), l'Office fédéral a qualité pour recourir contre des décisions cantonales de dernière instance devant le Tribunal fédéral, si l'acte attaqué est susceptible de violer la législation fédérale, respectivement la mise en oeuvre uniforme du droit administratif fédéral dans le domaine d'attributions dudit office (cf. art. 89 al. 2 let. a LTF), à savoir sur le terrain du droit des étrangers (cf. ATF 134 II 201 consid. 1.1 p. 203; 129 II 1 consid. 1.1 p. 3 s.). L'Office fédéral dénonçant de manière défendable une violation de l'art. 63 LEtr en lien avec les art. 96 LEtr et 8 CEDH, cette condition est remplie en l'espèce.
1.3. Il existe en principe un droit pour l'étranger intimé à séjourner en Suisse auprès de son épouse et de son enfant de nationalité suisse (cf. art. 42 LEtr et art. 8 CEDH). La présente cause ne tombe ainsi pas sous le coup de l'art. 83 let. c ch. 2 LTF, ni d'aucune autre clause d'irrecevabilité figurant à l'art. 83 LTF.
Déposé au surplus dans le délai (cf. art. 100 al. 1 LTF) et la forme (cf. art. 42 LTF) prévus par la loi, le recours est en principe recevable.
2.
2.1. Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral vérifie librement la violation du droit fédéral (cf. art. 95 let. a et 106 al. 1 LTF ), sous réserve des exigences de motivation figurant à l'art. 106 al. 2 LTF. Hormis ces exceptions, le Tribunal fédéral n'est pas lié par les motifs de l'autorité précédente ni par les moyens des parties; il peut donc admettre le recours pour d'autres motifs que ceux invoqués par le recourant, comme il peut le rejeter en opérant une substitution de motifs (cf. ATF 135 III 397 consid. 1.4 p. 400; 133 II 249 consid. 1.4.1 p. 254; arrêts 2C_985/2012 du 4 avril 2014 consid. 1.2; 2C_349/2012 du 18 mars 2013 consid. 2.1).
2.2. Pour statuer, le Tribunal fédéral se fonde sur les faits constatés par l'autorité précédente (cf. art. 105 al. 1 LTF), à moins que ceux-ci n'aient été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire (ATF 138 I 49 consid. 7.1 p. 51) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (cf. art. 105 al. 2 LTF). Si le recourant entend s'écarter des constatations de l'autorité précédente (cf. art. 97 al. 1 LTF), il doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions d'une exception prévue par l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées. Sinon, il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait divergent de celui qui est contenu dans l'acte attaqué (ATF 135 II 313 consid. 5.2.2 p. 322 s.; 133 IV 286 consid. 6.2 p. 288). En particulier, le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur des critiques de type appellatoire portant sur l'état de fait ou sur l'appréciation des preuves (ATF 137 II 353 consid. 5.1 p. 356; 136 II 101 consid. 3 p. 104).
En tant que l'Office recourant présente, sous le titre "en fait" de son mémoire, sa propre version des événements, sans indiquer en quoi les faits constatés par le Tribunal cantonal seraient manifestement inexacts ou arbitraires, la Cour de céans n'en tiendra pas compte. Il sera ainsi statué sur la base des faits établis par l'autorité précédente.
3.
Le dispositif de l'arrêt entrepris est entaché de vices juridiques importants. En effet, le Tribunal cantonal s'est contenté d'annuler la décision sur reconsidération du 23 avril 2013 et de renvoyer la cause au Service cantonal pour qu'il émette un avertissement, sans en même temps se prononcer sur l'octroi d'un titre permettant à l'intéressé de séjourner en Suisse. Celui-ci, en cas de confirmation de l'arrêt cantonal, ne disposerait donc d'aucun titre de séjour valable en Suisse.
Même à supposer que le Tribunal fédéral puisse - sans devoir statuer
ultra petita - considérer que le dispositif de l'arrêt attaqué aurait implicitement octroyé un titre de séjour à A.________, ledit arrêt demeurerait contradictoire pour plusieurs motifs. Premièrement, le rétablissement de l'autorisation
d'établissementen faveur de l'intéressé serait en principe contraire au droit fédéral; en effet, il appartiendrait au seul Tribunal fédéral, statuant conformément aux règles sur la révision (cf. art. 123 al. 2 let. a LTF) de rétablir une telle autorisation, dès lors que sa révocation avait été confirmée dans l'arrêt entré en force 2C_265/2011 précité. Dans le cadre de la procédure de réexamen initiée devant les autorités cantonales, seule l'attribution d'une autorisation de
séjour pour faits nouveaux déterminants pouvait a priori être envisagée. Secondement, dans une procédure de reconsidération, on ne saurait, comme y ont procédé les précédents juges, à la fois retenir que les circonstances ont à ce point évolué que la révocation du titre de séjour de l'étranger intéressé ne se justifie plus, et à la fois permettre au recourant de séjourner en Suisse en prononçant un avis comminatoire au sens de l'art. 96 al. 2 LEtr. Cette disposition implique en effet que la mesure de révocation demeure encore justifiée, mais permet à l'autorité d'y renoncer au profit d'un avertissement pour des motifs liés à la seule proportionnalité (cf. arrêt 2C_844/2013 du 6 mars 2014 consid. 4.2; Message concernant la loi sur les étrangers du 8 mars 2002, FF 2002 p. 3469 ss, 3578; Benjamin Schindler, ad art. 96 LEtr, in Bundesgesetz über die Ausländerinnen und Ausländer - Handkommentar, 2010, n. 19 s., p. 885 s.; Marc Spescha, ad art. 96 LEtr, in Migrationsrecht - Kommentar, 3e éd., 2012, n. 7 p. 258). Partant, la reconsidération d'une décision de révocation conduisant au rétablissement d'un titre de séjour en faveur de l'étranger en raison de la disparition de tout motif de révocation exclut, logiquement, le prononcé simultané d'un avertissement au sens de l'art. 96 al. 2 LEtr.
Pour ces motifs déjà, l'arrêt attaqué, qui est gravement vicié, devra être annulé. Au demeurant, il sera vu ultérieurement que le recours de l'Office fédéral devra être admis pour un autre motif encore (consid. 4 supra).
4.
Le présent recours a pour objet un arrêt cantonal rendu sur la base d'une requête en reconsidération d'une précédente décision, par laquelle le Service cantonal avait révoqué l'autorisation d'établissement de A.________. Cette décision de révocation avait en outre été confirmée, en dernière instance, par le Tribunal fédéral dans son arrêt 2C_265/2011 du 27 septembre 2011, qui est entré en force de chose jugée dès son prononcé, conformément à l'art. 61 LTF.
4.1. L'existence d'un motif justifiant la révocation de l'autorisation d'établissement n'est, à juste titre, plus remise en cause dans la présente procédure. Celle-ci porte exclusivement sur la question de savoir si c'est à bon droit que le Tribunal cantonal a considéré que les circonstances nouvelles invoquées par l'intimé étaient à ce point significatives qu'elles modifiaient la position des autorités en matière de droit des étrangers à l'égard de l'intéressé et justifiaient que le Service cantonal (dès lors que A.________ pouvait théoriquement toujours se prévaloir d'un droit à séjourner en Suisse sur la base de l'art. 42 LEtr) revienne sur son refus d'octroyer un titre de séjour à l'intéressé. Il s'ensuit en d'autres termes que, statuant dans le cadre d'une demande de reconsidération, le Tribunal cantonal ne pouvait revenir, a posteriori, sur la position que si les faits nouveaux que l'intimé a fait valoir étaient à même de modifier au fond l'appréciation globale des éléments qui avait jadis été opérée par les précédents juges, respectivement contrôlée par la Cour de céans. Il sera par ailleurs précisé qu'une demande de réexamen ne saurait servir à remettre continuellement en cause les décisions précédentes (cf. ATF 136 II 177 consid. 2.1 p. 181; arrêt 2C_406/2013 du 23 septembre 2013 consid. 6.7).
4.2. Ont déjà été pris en considération par le Tribunal fédéral dans son arrêt 2C_265/2011 précité, et ne peuvent donc en principe justifier la reconsidération de la décision de révocation du titre de séjour (cf., mutatis mutandis, ATF 117 V 8 consid. 2a p. 13; arrêt 8C_89/2014 du 24 juillet 2014 consid. 2.3), en particulier, les difficultés d'intégration qu'un renvoi en Turquie engendrerait pour l'intimé, né en Suisse et vivant auprès de son épouse et de leur fille mineure de nationalité suisse. Ces éléments avaient en effet été relativisés, en particulier, par le faible degré d'intégration socio-professionnelle de l'intéressé en Suisse, qui avait accumulé d'importantes dettes vis-à-vis de l'assistance publique et faisait l'objet de plusieurs actes de défaut de biens, ainsi que par les très nombreuses infractions pénales commises entre 1995 et 2010, dont l'intéressé n'avait pu être détourné ni par les sursis avec période d'épreuve dont certaines condamnations pénales avaient été assorties, ni par la menace d'expulsion du 21 avril 2006, ni par l'ouverture le 27 août 2008 d'une procédure de révocation de son permis d'établissement, ni encore grâce à sa vie commune (à une époque où il faisait déjà l'objet de nombreuses procédures et condamnations pénales) ou à son mariage subséquent avec une Suissesse (célébré après le prononcé de la menace d'expulsion et après la révocation de l'autorisation d'établissement par le Service cantonal) et à la naissance imminente de leur enfant. Il n'y a dès lors pas lieu de revenir sur ces éléments.
4.3. Pour aboutir, dans l'arrêt du 12 février 2014, à la reconsidération en faveur de A.________ de la décision de révocation du titre de séjour, les précédents juges ont considéré comme déterminants, tels que pris dans leur ensemble, les efforts et la volonté de A.________ d'abandonner son mode de vie répréhensible, compte tenu du bilan personnel et professionnel ainsi que des cours et formations de grutier-machiniste, de cariste, d'informatique et d'anglais qu'il avait suivis depuis 2011, dans et hors de la prison. Le Tribunal cantonal a aussi souligné les emplois de durée déterminée que l'intimé avait accomplis de façon satisfaisante depuis qu'il avait recouvré sa liberté en février 2013; les relations qu'il avait poursuivies avec son épouse et sa fille (désormais scolarisée), nonobstant l'incarcération et des répercussions de ses actes sur sa famille; l'absence de récidive pénale depuis environ trois à quatre ans; le changement probable d'attitude face aux stupéfiants et l'acceptation de se soumettre à la décision de justice de regagner son pays d'origine dans l'attente de l'issue de la présente procédure. Selon l'instance précédente, ces éléments permettaient de considérer que l'intérêt privé de l'intéressé l'emportait désormais sur l'intérêt public à son renvoi, fondé sur la menace sérieuse qu'il représentait vis-à-vis de l'ordre et de la sécurité publics.
4.4. D'après l'Office fédéral, les nouveaux éléments avancés par l'étranger intéressé ne suffisent pas objectivement pour retenir que celui-ci avait durablement décidé de se prendre en charge et de respecter l'ordre juridique suisse, de sorte à justifier la reconsidération de la décision de révocation. S'opposaient à une telle interprétation le lourd passé pénal de l'intimé (qui lui a entre autres valu des peines privatives de liberté totalisant plus de trente-sept mois, notamment pour trafic de stupéfiants et atteinte à l'intégrité corporelle d'autrui); le fait d'avoir récidivé nonobstant ses liens familiaux, l'octroi de cinq délais d'épreuve pénale et un avertissement selon l'art. 96 al. 2 LEtr; le refus de lui octroyer, en fin de peine, le régime de travail et logement externes en raison de son comportement inadéquat face au travail; les emplois précaires exercés depuis sa sortie de prison, ainsi que la péjoration de sa situation financière au détriment de la collectivité. En acceptant, sur réexamen, de modifier le fond de la décision de révocation de l'autorisation d'établissement en dépit des circonstances précitées, les précédents juges auraient violé les art. 63 et 96 LEtr ainsi que l'art. 8 CEDH.
4.5. L'art. 8 CEDH protège notamment la vie familiale, son par. 2 en réglementant les restrictions. L'art. 63 LEtr détermine les conditions auxquelles une autorisation d'établissement peut être révoquée. L'art. 96 al. 1 LEtr, qui gouverne en priorité le pouvoir d'appréciation dont la LEtr investit les autorités administratives dans le domaine du droit des étrangers (cf. Schindler, ad art. 96 LEtr, op. cit., n. 9 p. 879), dispose que les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d'appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger, ainsi que de son degré d'intégration.
4.6.
4.6.1. En l'espèce, comme le relève l'intimé dans sa réponse, l'Office fédéral ne peut être suivi lorsqu'il reproche à A.________ d'avoir, depuis sa sortie de prison, uniquement exercé des emplois de nature
temporaire, étant donnée l'absence de titre de séjour valable et l'existence d'une simple tolérance durant cette période.
4.6.2. En revanche, c'est à bon droit que le recourant reproche, en substance, au Tribunal cantonal d'avoir violé l'art. 96 LEtr en relation avec l'art. 63 LEtr (et les règles relatives au réexamen susmentionnées), en ne tenant pas dûment compte, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation réglementé par le droit fédéral (art. 96 al. 1 LEtr), des intérêts publics que le Service cantonal avait considérés et qui avaient conduit cette autorité cantonale à refuser de modifier la décision de révocation du permis d'établissement en faveur de l'intimé.
Premièrement, l'Office fédéral relève pertinemment que la situation financière de A.________ s'était aggravée depuis l'examen qu'avaient effectué les autorités dans le cadre de la procédure de révocation de l'autorisation d'établissement. De 52'744 fr. 80 au 1er avril 2008, sa dette envers l'aide sociale est en effet passée à 62'343 fr. à fin juillet 2012; de 7'029 fr. 75 au 30 décembre 2008, l'état de ses poursuites et actes de défaut de biens a atteint les 10'869 fr. (soit 4'548 fr. de poursuites et 6'321 fr. d'actes de défaut de biens) au 8 avril 2013, une nouvelle demande d'aide auprès du Service social de la Haute Sarine, où la dette sociale s'élève à 5'735 fr., étant en outre pendante durant la procédure de recours devant les instances cantonales. Si la perspective pour l'intimé de trouver, à terme, un emploi stable et suffisamment rémunérateur pour pouvoir rembourser, sur le long terme, une fraction de ses dettes ne peut être entièrement écartée au vu de l'évolution positive constatée au niveau professionnel, sa situation économique n'en demeure pas moins précaire, augmentant d'autant le risque que, mis sous pression, l'intimé retombe dans (certains de) ses comportements répréhensibles du passé et, par exemple, subisse une rechute dans sa consommation de stupéfiants.
Deuxièmement, l'on ne peut passer sous silence que l'intéressé se trouvait illégalement en Suisse au plus tard depuis le prononcé de l'arrêt du Tribunal fédéral du 27 septembre 2011 qui confirmait la révocation de son permis d'établissement. De plus, les autorités ont successivement refusé d'accorder l'effet suspensif à la procédure de reconsidération entamée par l'intimé le 2 avril 2013, refus qui a été ultimement confirmé par le Tribunal fédéral dans son arrêt 2C_695/2013 du 27 août 2013; or, ce n'est, selon les pièces au dossier (annonce de départ contrôlé du 20 janvier 2014, quoiqu'une attestation de F.________ datée du 27 janvier 2014 le mentionne encore comme faisant partie de son équipe de machiniste-grutier pour la saison 2014; art. 105 al. 2 LTF) qu'à partir du 10 janvier 2014 que A.________ aurait enfin consenti à déférer aux décisions de justice en quittant le territoire helvétique pour se rendre dans son pays d'origine, tardiveté qui ne plaide pas en faveur d'un amendement positif durable de son attitude vis-à-vis de l'ordre juridique suisse.
Troisièmement, en considérant qu'il ne s'agissait en définitive pas d'une situation "très grave ni surtout pénal[e]" (cf. arrêt, p. 6), le Tribunal cantonal a méconnu l'importance qu'il convient d'attacher au comportement que A.________ avait affiché au moment de bénéficier d'un régime de travail externe vers la fin de son incarcération. Si, à l'évidence, les absences injustifiées et les prestations de travail insuffisantes reprochées à l'intéressé ne revêtent aucun caractère pénal, cette attitude n'en a pas moins valu à l'intéressé de se voir refuser l'assouplissement d'exécution de peine mis en perspective, en l'occurrence le régime de travail et de logement externes. Partant, quoi qu'en dise l'intéressé, son comportement durant la dernière période d'exécution de peine (détention du 16 janvier 2012 au 16 février 2013) ne présentait en tout état rien d'irréprochable.
Quatrièmement et dernièrement, l'arrêt querellé a, à tort, minimisé l'importance et la fréquence des infractions que l'intéressé a commises durant son séjour en Suisse. S'il n'y a pas lieu de revenir par le menu sur les infractions pénales réitérées que l'intimé a commises en Suisse depuis son adolescence, force est en particulier de rappeler que A.________ n'avait, entre 2009 et 2011, pas hésité à commettre une nouvelle infraction pénale, à savoir un abus de confiance, qui lui a valu une peine privative de liberté d'un mois par décision pénale du 20 juillet 2012, prononcée postérieurement à l'arrêt du Tribunal cantonal du 17 février 2011 et à l'arrêt du Tribunal fédéral du 27 septembre 2011. Or, cette nouvelle et énième infraction pénale commise par l'intimé, les multiples avertissements dont il a vainement bénéficié en vue de l'amener à changer durablement son comportement et le fait qu'il n'a recouvré sa liberté qu'en février 2013, donc relativement récemment, impliquent que l'on est loin de circonstances exclusivement positives, témoignant d'un changement de comportement manifeste et radical de la part de l'intéressé, qui auraient permis de revenir sur la décision de révocation du titre de séjour confirmée, en dernière instance, par l'arrêt du Tribunal fédéral du 27 septembre 2011, respectivement d'octroyer une autorisation de séjour à l'intimé.
4.7. Les développements que consacre l'intimé au sujet de l'arrêt de la Cour EDH
Udeh c. Suisse précité dans le cadre de sa réponse ne lui sont d'aucun secours en l'espèce. L'arrêt
Udeh, dont la portée dans l'ordre juridique suisse a du reste été relativisée par le Tribunal fédéral (ATF 139 I 325 consid. 2.4 p. 327 ss), ne constitue pas un arrêt de principe. Il n'apparaît que comme un cas d'application spécifique, notamment, des jurisprudences
Boultifet
Emre (n° 2) c. Suisse (du 2 août 2001, req. 54273/00, Rec. 2001-IX, resp. du 11 octobre 2011, req. 5056/10), dont les principes ont été dûment appliqués dans le présent arrêt de la Cour de céans.
4.8. Il s'ensuit que les points positifs qui ont été avancés dans l'arrêt attaqué étaient clairement insuffisants pour remettre en cause, à l'aune de la situation actuelle, le refus d'octroi d'un titre de séjour en faveur de l'intéressé et, par voie de conséquence, pour justifier qu'une nouvelle autorisation de séjour lui soit délivrée. Dans ces conditions, les précédents juges ont violé l'art. 96 al. 1 LEtr en lien avec l'art. 63 LEtr en considérant que l'intérêt public à l'éloignement de l'intéressé de Suisse ne l'emportait plus sur son intérêt privé à ce que lui et sa famille puissent poursuivre leur vie commune en Suisse, de sorte à annuler (du moins implicitement) la décision de révocation dont il faisait l'objet.
Le recours de l'Office fédéral doit partant être admis, l'arrêt attaqué annulé et la décision du Service cantonal du 23 avril 2013 rétablie.
5.
5.1. La requête d'assistance judiciaire de l'intimé sera admise. Celui-ci indique en effet se trouver en Turquie et ne plus exercer d'emploi en Suisse, dans l'attente d'être autorisé à regagner le territoire helvétique. Sa situation financière obérée est en outre avérée, de sorte que la condition de l'indigence est manifestement remplie. Ses conclusions n'apparaissaient en outre pas manifestement vouées à l'échec, étant donnée l'admission de son recours devant le Tribunal cantonal (art. 64 LTF), à l'encontre duquel l'Office fédéral a formé recours devant le Tribunal fédéral. Il y a partant lieu de désigner Me Christophe Tafelmacher en qualité d'avocat d'office et de fixer ses honoraires, qui seront supportés par la caisse du Tribunal fédéral (art. 64 al. 2 LTF). Le recourant est en outre dispensé des frais judiciaires (art. 64 al. 1 LTF).
5.2. Aucun dépens ne sera alloué à l'Office fédéral, qui obtient gain de cause dans l'exercice de ses attributions officielles ( art. 68 al. 1 et 3 LTF ). La cause sera renvoyée au Tribunal cantonal pour qu'il statue à nouveau sur les frais et dépens de la procédure menée devant lui (cf. art. 67 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est admis. L'arrêt du Tribunal cantonal du 12 février 2014 est annulé et la décision du Service cantonal du 23 avril 2013 rétablie.
2.
La demande d'assistance judiciaire de l'intimé est admise; Me Christophe Tafelmacher, avocat à Lausanne, lui est désigné comme avocat d'office pour la procédure fédérale et une indemnité de 2'000 fr. est allouée à ce dernier à titre d'honoraires, à payer par la caisse du Tribunal fédéral. Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
3.
La cause est renvoyée au Tribunal cantonal pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure antérieure.
4.
Le présent arrêt est communiqué à l'Office fédéral des migrations, au mandataire de l'intimé, au Service de la population et des migrants, ainsi qu'au Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg, Ie Cour administrative.
Lausanne, le 22 août 2014
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Zünd
Le Greffier : Chatton