Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
6P.142/2006
6S.309/2006 /svc
Arrêt du 22 septembre 2006
Cour de cassation pénale
Composition
MM. les Juges Schneider, Président,
Wiprächtiger et Kolly.
Greffier: M. Vallat.
Parties
X.________,
recourant, représenté par Me Laurent Maire, avocat,
contre
Ministère public du canton de Vaud,
case postale, 1014 Lausanne,
Tribunal cantonal du canton de Vaud,
Cour de cassation pénale,
rte du Signal 8, 1014 Lausanne.
Objet
6P.142/2006
Procédure pénale; arbitraire, règle de la bonne foi, principe "in dubio pro reo",
6S.309/2006
Fixation de la peine (art. 63 CP), erreur sur les faits
(art. 19 CP),
recours de droit public (6P.142/2006) et pourvoi
en nullité (6S.309/2006) contre l'arrêt du
Tribunal cantonal du canton de Vaud,
Cour de cassation pénale, du 15 mars 2006.
Faits:
A.
Par jugement du 26 janvier 2006, le Tribunal de police de l'arrondissement de La Côte a condamné X.________, pour violation grave des règles de la circulation, à quarante-cinq jours d'emprisonnement, avec sursis pendant deux ans et 1500 francs d'amende.
Statuant le 15 mars 2006 sur recours du condamné, la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois a confirmé ce jugement.
B.
En bref, l'arrêt cantonal repose sur les faits suivants:
Le 29 avril 2003, vers 01 heure 30, X.________ a fait l'objet d'un contrôle de vitesse par un véhicule de la gendarmerie. Une première mesure a donné un résultat de plus de 200 km/h, la seconde 189 km/h, soit 177 km/h après déduction de la marge de sécurité.
Le 20 juillet 2004, à 23 heures 51, il a encore conduit à 97 km/h (marge de sécurité déduite) sur un tronçon limité à 60 km/h en raison d'un chantier.
C.
X.________ interjette un recours de droit public et un pourvoi en nullité contre cet arrêt, concluant à son annulation. Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
I. Recours de droit public
1.
Le recours de droit public au Tribunal fédéral est ouvert contre une décision cantonale pour violation des droits constitutionnels des citoyens (art. 84 al. 1 let. a OJ). Il n'est en revanche pas ouvert pour se plaindre d'une violation du droit fédéral, qui peut donner lieu à un pourvoi en nullité (art. 269 al. 1 PPF). Un tel grief ne peut donc pas être invoqué le cadre d'un recours de droit public, qui est subsidiaire (art. 84 al. 2; art. 269 al. 2 PPF ).
En vertu de l'art. 90 al. 1 let. b OJ, l'acte de recours doit, à peine d'irrecevabilité, contenir un exposé succinct des droits constitutionnels ou des principes juridiques violés et préciser en quoi consiste la violation. Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'a donc pas à vérifier de lui-même si la décision attaquée est en tous points conforme au droit ou à l'équité. Il n'examine que les griefs d'ordre constitutionnel invoqués et suffisamment motivés dans l'acte de recours. Le recourant ne saurait se contenter de soulever de vagues griefs ou de renvoyer aux actes cantonaux (ATF 129 I 185 consid. 1.6 p. 189, 113 consid. 2.1 p. 120; 125 I 71 consid. 1c p. 76). Le Tribunal fédéral n'entre pas non plus en matière sur les critiques de nature appellatoire (ATF 125 I 492 consid. 1b p. 495).
2.
2.1 Le recourant s'en prend tout d'abord à l'appréciation des preuves et à l'établissement des faits sous l'angle de l'art. 9 Cst. Il reproche dans un premier moyen à la cour cantonale d'avoir arbitrairement retenu le résultat de la seconde mesure effectuée le 29 avril 2003.
Dans un deuxième moyen, articulé séparément, il reproche sur ce même point à la cour cantonale d'avoir violé la présomption d'innocence. Ce grief tend uniquement à démontrer que la cour cantonale aurait dû éprouver un doute. Il relève de l'appréciation des preuves et ne peut être examiné que sous l'angle de l'arbitraire (ATF 124 IV 86 consid. 2a p. 88; 120 Ia 31 consid. 2e p. 38), si bien qu'il se confond avec le premier moyen et peut être examiné conjointement.
2.2 Le seul indice que la seconde mesure pourrait être erronée résulte du fait que le résultat de la première mesure excédait la vitesse maximale théorique du véhicule conduit par le recourant. Le résultat improbable de la première mesure ne procède toutefois pas d'un défaut technique du tachygraphe embarqué, qui aurait pu biaiser les deux mesures. Le contrôle de cet appareil en cours d'enquête n'a révélé aucun dysfonctionnement (Certificat de vérification du tachygraphe établi le 23 avril 2003 par le laboratoire Y.________ SA).
Les gendarmes ont en outre confirmé en cours d'enquête qu'ils estimaient à 200 km/h l'allure du recourant. L'imprécision inhérente à cette estimation humaine, ne permet certes pas d'en déduire avec certitude la vitesse atteinte par le recourant. Mais elle n'enlève pas non plus toute force probante à cet élément qui pouvait ainsi constituer tout au moins un indice supplémentaire de la validité de la seconde mesure effectuée dont elle ne s'écarte - marge de sécurité non déduite dans les deux cas - en définitive que de 11 km/h. La cohérence de la seconde mesure a, par ailleurs, été confirmée par une expertise (arrêt entrepris, consid. 2.1 p. 6); le recourant ne remet pas en cause sa valeur probante. Il n'y a enfin, contrairement à ce que soutient le recourant, pas de contradiction à se référer à l'estimation des gendarmes, d'une part, et à admettre, d'autre part, que le résultat de la première mesure n'était pas possible techniquement. L'estimation des gendarmes n'est en effet pas fondée sur le résultat des mesures effectuées, mais sur leur propre expérience et le fait qu'ils ont eu quelque peine à rattraper le véhicule du recourant.
Le recourant ne démontre ainsi ni que la cour cantonale n'aurait pas pris en compte, sans raison sérieuse, un moyen de preuve propre à modifier la décision, ni qu'elle se serait manifestement trompée sur le sens et la portée d'un tel élément, ou encore qu'elle aurait tiré des déductions insoutenables à partir des éléments recueillis (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9; 127 I 38 consid. 2a p. 41; 124 I 208 consid. 4a p. 211). Ce moyen est infondé.
2.3 Dans un troisième moyen, le recourant soutient que la cour cantonale a appliqué arbitrairement l'art. 63 CP. Ce grief, qui relève de la violation du droit fédéral, est irrecevable dans le recours de droit public (v. supra consid. 1). Il sera examiné dans le cadre du pourvoi en nullité (v. infra consid. 7).
Le recourant reproche certes aussi dans ce contexte à la cour cantonale de n'avoir pas constaté les éléments à décharge qui, selon lui, seraient nombreux. Faute d'indiquer précisément en quoi consistent ces circonstances et en quoi la cour cantonale serait tombée dans l'arbitraire en ne les constatant pas, le recours est irrecevable sous cet angle également (v. supra consid. 1).
3.
Dans la mesure où il est recevable, le recours de droit public doit être rejeté. Le recourant qui succombe supportera les frais de la procédure (art. 156 al. 1 OJ).
II. Pourvoi en nullité
4.
Le pourvoi en nullité n'est recevable que pour violation du droit fédéral (art. 269 al. 1 PPF). Saisi d'un pourvoi, le Tribunal fédéral est lié par les constatations de fait de l'autorité cantonale (art. 277bis al. 1 2e phrase PPF). Il n'examine donc l'application du droit fédéral que sur la base de l'état de fait retenu, et cela même s'il est incomplet; dans ce dernier cas, il peut, le cas échéant, tout au plus admettre le pourvoi au motif que les lacunes dans l'état de fait ne lui permettent pas de constater si le droit fédéral a été appliqué correctement. Il en découle que le recourant doit mener son raisonnement juridique exclusivement sur la base de l'état de fait ressortant de la décision attaquée. Il ne peut ni exposer une version des faits divergente de celle de l'autorité cantonale, ni apporter des éléments de fait supplémentaires non constatés dans la décision attaquée; il ne saurait en être tenu compte (ATF 126 IV 65 consid. 1 p. 66).
5.
Le recourant invoque tout d'abord la violation du principe in dubio pro reo. Ce grief est toutefois irrecevable dans le pourvoi en nullité (ATF 120 Ia 31 consid. 2b p. 35); il a été examiné dans le recours de droit public (v. supra consid. 2.1).
6.
Le recourant reproche ensuite à la cour cantonale, en relation avec le second excès de vitesse, d'avoir violé l'art. 19 CP. Il soutient que, n'ayant pas vu le panneau de limitation, il a cru par erreur que la limitation habituelle sur ce tronçon (80 km/h) s'appliquait et en conclut qu'il doit être jugé selon cette appréciation des faits pour un excès de vitesse de 17 et non 37 km/h.
6.1 Cette argumentation a déjà été développée par le recourant devant la cour cantonale et, précédemment, devant le Tribunal de police. Dans son jugement, auquel la cour cantonale renvoie en ce qui concerne les faits (arrêt entrepris consid. B p. 2), ce dernier a retenu que les affirmations de l'accusé - selon lesquelles la signalisation de chantier n'était pas en place, subsidiairement qu'il ne l'aurait pas vue - se heurtaient aux constatations des gendarmes dénonciateurs, qui avaient fait état de cette signalisation. Le Tribunal de police en a déduit que le recourant tentait d'instiller un doute qui ne reposait sur rien (jugement du Tribunal de police, du 26 janvier 2006, consid. 2b p. 6). Ce faisant, c'est toute la thèse du recourant qu'a écartée le Tribunal de police. Il résulte ainsi de son jugement et du renvoi au rapport de dénonciation non seulement que la signalisation était en place, mais tout au moins implicitement qu'elle était visible. Ce point ressort en effet du rapport de dénonciation du 29 juillet 2004, que le tribunal de police a opposé à la version du recourant et qui précise encore que la signalisation était apposée des deux côtés de la chaussée. Dans ces conditions, on peut même se demander si le Tribunal de police n'a pas retenu implicitement que le recourant avait bien vu la signalisation. Cette question peut toutefois demeurer indécise.
6.2 Dès lors que la signalisation était présente et qu'elle était visible, l'erreur dont le recourant entend se prévaloir était aisément évitable au sens de l'art. 19 al. 2 CP, ce qui exclut qu'il soit jugé selon son appréciation erronée des circonstances au sens de l'al. 1 de cette disposition.
Quant à la négligence, qui est punissable en matière de circulation routière lorsque la loi ne prévoit pas expressément le contraire (art. 100 ch. 1 al. 1 LCR), il convient de relever que le recourant roulait de nuit, à une vitesse de près de 100 km/h et a traversé une zone de chantier. De telles circonstances comptent parmi celles qui réclament une attention accrue (v. Bussy et Rusconi, Code suisse de la circulation routière, commentaire, 3e éd., Lausanne 1996, art. 31, n. 2.4; v. p. ex. également : ATF 108 II 184 consid. 1 in fine p. 186 et les références). Aussi, dans un tel contexte, une inattention si prolongée qu'elle eût permis au recourant de s'approcher du chantier, puis de passer devant la signalisation visible apposée de chaque côté de la route sans même l'apercevoir violerait gravement l'art. 3 al. 1 OCR. La violation de cette règle de circulation importante par une telle inattention est, par ailleurs, clairement susceptible de mettre sérieusement en péril la sécurité du trafic, tout au moins sous la forme d'une mise en danger abstraite accrue des autres usagers de la route (cf. ATF 131 IV 133 consid. 3.2 p. 136 et les références). Il s'ensuit que même si l'on devait retenir que la recourant n'a pas vu la signalisation, le non-respect de celle-ci procéderait d'une si grave négligence que l'excès de vitesse qui lui est reproché n'en devrait pas moins être sanctionné en application de l'art. 90 ch. 2 LCR.
Ce moyen est infondé.
7.
Le recourant reproche enfin à la cour cantonale d'avoir violé l'art. 63 CP, soit en particulier de n'avoir tenu compte ni de ses mobiles, ni de ses antécédents, ni de sa situation personnelle et de n'avoir retenu que des éléments à charge alors que ceux à décharge étaient, selon lui, nombreux.
7.1 L'arrêt entrepris constate l'absence d'antécédents, le casier judiciaire vierge et les certificats de travail élogieux du recourant. La cour cantonale a relevé la gravité des fautes commises en soulignant tout particulièrement le caractère insensé de l'allure à laquelle a circulé le recourant dans le premier des deux cas retenus. Elle a, par ailleurs, tenu compte du rapport existant entre son revenu mensuel et le montant de l'amende qui lui a été infligée à titre de sanction immédiate (arrêt entrepris, consid. 5c p. 8).
Les critiques du recourant tombent ainsi à faux en ce qui concerne ses antécédents et sa situation personnelle, respectivement financière et professionnelle. Le recourant ne mentionne, par ailleurs, aucun des éléments à décharge qui, selon lui seraient nombreux, et n'a pas valablement critiqué l'absence de constatation de ces faits dans son recours de droit public (supra consid. 2.3). Le Tribunal fédéral est par conséquent lié sur ce point (v. supra consid. 4).
7.2 En conclusion, la peine de quarante-cinq jours d'emprisonnement et 1500 francs d'amende à titre de sanction immédiate n'apparaît pas, au vu des circonstances, si sévère qu'il faille conclure à un abus du large pouvoir d'appréciation accordé à la cour cantonale. Cette dernière a motivé de manière détaillée et complète la peine, et le recourant ne parvient à démontrer aucun élément, propre à la modifier, qu'elle aurait omis ou pris en considération à tort. Le grief de violation de l'art. 63 CP est dès lors infondé.
8.
Dans la mesure où il est recevable, le pourvoi en nullité doit être rejeté. Le recourant qui succombe supportera les frais (art. 278 al. 1 1re phrase PPF).
Par ces motifs, vu l'art. 36a OJ, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Dans la mesure où il est recevable, le recours de droit public est rejeté.
2.
Dans la mesure où il est recevable, le pourvoi est rejeté.
3.
Un émolument judiciaire de 4000 francs est mis à la charge du recourant.
4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au Ministère public et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de cassation pénale, ainsi qu'au Tribunal administratif du canton de Vaud.
Lausanne, le 22 septembre 2006
Au nom de la Cour de cassation pénale
du Tribunal fédéral suisse
Le président: Le greffier: