Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
1C_524/2023
Arrêt du 22 novembre 2024
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président,
Chaix et Merz.
Greffière : Mme Rouiller.
Participants à la procédure
A.________ SA,
recourante,
contre
Commune des Genevez, Conseil communal, La Sagne-au-Droz 20, 2714 Les Genevez JU, représentée
par Me Clémence Girard-Beuchat, avocate,
Section de l'aménagement du territoire
du Service du développement territorial
de la République et canton du Jura,
rue du 24-Septembre 2, 2800 Delémont.
Objet
Modification du plan de zones et du règlement communal sur les constructions,
recours contre l'arrêt de la Cour administrative du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura
du 26 août 2023 (ADM 81 / 2022).
Faits :
A.
Au mois de novembre 2021, la commune des Genevez a mis à l'enquête publique la modification de son plan de zones et de son règlement communal sur les constructions. Cette modification prévoit l'affectation partielle ou complète des parcelles n
os 823 et 827 à 832 de la commune des Genevez, actuellement sises en zone agricole, en zone mixte secteur c (MAc) et en zone verte (ZVA). Le but de cette modification, portant sur environ 11'000 m
2, est de relocaliser sur les parcelles susmentionnées l'entreprise B.________ SA, jusqu'alors située ailleurs dans la commune.
Par décision du 5 mai 2022, la Section de l'aménagement du territoire du Service du développement territorial de la République et canton du Jura (ci-après: SDT) a approuvé ladite modification. À cette même occasion, le SDT a rejeté l'opposition de A.________ SA (ci-après: A.________), propriétaire des parcelles n
os 167 et 1700 de la commune des Genevez, lesquelles jouxtent les parcelles n
os 830 et 831.
B.
Par arrêt du 26 août 2023, la Cour administrative du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura (ci-après: Tribunal cantonal) a rejeté le recours interjeté par A.________ contre la décision du 5 mai 2022. Le droit d'être entendu de la recourante n'était pas violé. Au surplus, le Tribunal cantonal a notamment retenu que la commune des Genevez disposait de zones centres, mixtes et d'habitation (ci-après: CMH) sous-dimensionnées d'environ 2.7 hectares et pouvait donc prétendre à une extension de sa zone à bâtir. Dès lors qu'une étude de variantes d'implantation de la relocalisation de l'entreprise B.________ SA avait été effectuée non seulement sur le territoire de la commune des Genevez, mais également sur celui de la commune voisine de Lajoux, ladite étude satisfaisait à l'exigence de coordination à l'échelle régionale. Si le site choisi se situait effectivement sur les meilleures terres labourables de la commune, il s'inscrivait dans une zone agricole déjà fortement morcelée. L'impact du projet sur le paysage était également fortement limité, dès lors qu'il s'appuyait sur la structure bâtie actuelle.
C.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande au Tribunal fédéral de réformer l'arrêt cantonal du 26 août 2023, d'annuler la décision du 5 mai 2022 et de rejeter la modification du plan de zones et du règlement communal. Elle conclut subsidiairement à ce que la décision du 5 mai 2022 soit annulée et la cause renvoyée à l'autorité précédente pour nouvelle décision au sens des considérants.
Le Tribunal cantonal et le SDT concluent au rejet du recours et à la confirmation de l'arrêt attaqué. La commune renvoie à l'arrêt attaqué et conclut au rejet du recours.
Consulté, l'Office fédéral du développement territorial (ci-après: ARE) conclut à l'admission du recours et à l'annulation de la décision du 5 mai 2022. En substance, il conteste la pesée des intérêts effectuée par le Tribunal cantonal. Il rappelle que le site choisi pour y relocaliser l'entreprise B.________ SA est entouré par de la surface agricole sur trois côtés et estime partant que le projet aurait pour incidence de renforcer le morcellement de la zone agricole en y créant une enclave. Il considère également que le projet aurait un impact paysager manifeste et incontestable, dans la mesure où les bâtiments d'habitation situés devant ce projet sont de faible volume et où le site choisi est entouré principalement de zone agricole; la construction contrasterait ainsi de manière choquante avec l'environnement bâti l'entourant. L'ARE relève encore que, dès lors que le plan d'affectation litigieux prévoit le classement du périmètre concerné en zone mixte, et non en zone industrielle, l'autorité ne pouvait se contenter de procéder à la pesée des intérêts en mettant en balance les seuls besoins de l'entreprise B.________ SA, mais aurait également dû examiner les intérêts de la commune à disposer de davantage de zone mixte pouvant accueillir de l'habitation. Il estime aussi qu'un examen des variantes possibles aurait dû être mené à une échelle régionale et non pas uniquement locale. Finalement, l'ARE considère qu'il ne saurait être retenu que la commune des Genevez connaît un sous-dimensionnement de sa zone mixte d'environ 2.7 hectares.
Les parties ont maintenu leurs conclusions respectives lors des échanges d'écritures ultérieurs.
Considérant en droit :
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis.
1.1. Dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) prise en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF) dans le domaine du droit public de l'aménagement du territoire (art. 82 let. a LTF), le recours est en principe recevable comme recours en matière de droit public selon les art. 82 ss LTF, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée.
1.2. L'art. 89 al. 1 let. c LTF exige que la partie recourante ait un intérêt digne de protection à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée. Cet intérêt doit être actuel et exister tant au moment du dépôt du recours qu'à celui où l'arrêt est rendu (ATF 142 I 135 consid. 1.3.1). Pour déterminer si, au moment où il se prononce, cette exigence est satisfaite, le Tribunal fédéral peut, en dérogation à l'interdiction des faits nouveaux prévue à l'art. 99 al. 1 LTF, prendre en compte des faits postérieurs à l'arrêt attaqué (cf. ATF 136 II 497 consid. 3.3 et références).
En l'occurrence, il ressort des différentes écritures et du dossier que la planification litigieuse a été réalisée dans le seul but de relocaliser l'entreprise B.________ SA. Or, cette dernière envisagerait désormais de quitter la commune des Genevez (cf. notamment les déterminations de l'ARE, p. 1-2), ce qui rendrait l'ensemble de cette planification obsolète (cf. l'art. 75 al. 3 du projet de modification du règlement communal sur les constructions, qui prévoit que si les travaux de relocalisation de l'entreprise B.________ SA ne commencent pas dans les trois ans suivant la décision d'approbation dudit projet de modification, le secteur visé par le changement d'affectation retourne à son affectation antérieure). Toutefois, la commune des Genevez conteste que B.________ SA ait pris une décision définitive. Au demeurant, la planification litigieuse existe encore. Partant, il ne saurait être retenu que l'intérêt de la recourante à recourir contre l'arrêt attaqué n'est plus actuel.
1.3. Les autres conditions de recevabilité étant au surplus réunies, il convient d'entrer en matière.
2.
Dans un premier grief d'ordre formel, la recourante se plaint d'une violation de son droit d'être entendue au motif qu'elle n'aurait eu accès, avant le dépôt de son opposition, qu'à une partie du dossier en mains de la commune. Elle n'aurait ainsi obtenu l'ensemble du dossier qu'en mai 2022, soit après que la décision du 5 mai 2022 avait été rendue, alors qu'il contenait plusieurs documents devant selon elle être qualifiés d'essentiels, à savoir les études multisites, dont seul un résumé figurait dans le rapport explicatif et de conformité (ci-après: REC), un document de plus de 200 pages comprenant les échanges entre les différents intervenants et un rapport d'opportunité.
La recourante se plaint également d'un défaut de motivation de l'arrêt attaqué, l'empêchant de comprendre si et, le cas échéant, comment, une pesée des intérêts avait été effectuée.
2.1.
2.1.1. Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. comprend notamment le droit pour l'intéressé d'avoir accès au dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1). Le droit de consulter le dossier s'étend à toutes les pièces décisives et garantit que les parties puissent prendre connaissance des éléments fondant la décision et s'exprimer à leur sujet (ATF 132 II 485 consid. 3.2). L'art. 29 al. 2 Cst. ne confère en revanche pas le droit de prendre connaissance de documents purement internes qui sont destinés à la formation de l'opinion et qui n'ont pas le caractère de preuves (ATF 129 V 472 consid. 4.2.2; 115 V 297 consid. 2g/aa).
Le droit d'être entendu implique en outre pour l'autorité l'obligation de motiver sa décision, afin que le justiciable puisse la comprendre, la contester utilement s'il y a lieu et exercer son droit de recours à bon escient. Pour répondre à cette exigence, le juge doit mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause. Il n'a toutefois pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à l'examen des questions décisives pour l'issue du litige (ATF 148 III 30 consid. 3.1; 139 IV 179 consid. 2.2 et les arrêts cités).
Le droit d'être entendu est une garantie de nature formelle, dont la violation entraîne en principe l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recours sur le fond (ATF 144 IV 302 consid. 3.1 et les références). Sa violation peut cependant être réparée lorsque la partie lésée a la possibilité de s'exprimer devant une autorité de recours jouissant d'un pouvoir d'examen complet en fait et en droit (ATF 145 I 167 consid. 4.4 et les références). Une telle réparation doit rester l'exception et n'est admissible, en principe, que dans l'hypothèse d'une atteinte qui n'est pas particulièrement grave aux droits procéduraux de la partie lésée. Cela étant, une réparation de la violation du droit d'être entendu peut également se justifier, même en présence d'un vice grave, lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure, ce qui serait incompatible avec l'intérêt de la partie concernée à ce que sa cause soit tranchée dans un délai raisonnable (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1; 137 I 195 consid. 2.3.2).
2.1.2. Aux termes de l'art. 33 LAT, les plans d'affectation sont mis à l'enquête publique (al. 1). Le but de l'art. 33 LAT est de satisfaire aux exigences des art. 6 CEDH (RS 0.101), 29 et 29a Cst. en garantissant, dans le domaine du droit de l'aménagement du territoire et des constructions, une protection juridique globale. Il s'agit en particulier de permettre à chacun de prendre connaissance du plan, de servir de point de départ de la procédure d'opposition dans les cantons qui connaissent cette institution - tel le canton du Jura - et de permettre ainsi l'exercice du droit d'être entendu (ATF 143 II 467 consid. 2.2 et les références; 138 I 131 consid. 5.1). L'art. 33 al. 1 LAT ne comportant toutefois pas de précisions, c'est au droit cantonal qu'il appartient d'indiquer les modalités pratiques de la mise à l'enquête (ATF 143 II 467 consid. 2.2; 138 I 131 consid. 5).
Le droit cantonal jurassien prévoit une procédure de mise à l'enquête publique et d'opposition antérieure à la prise de décision par l'autorité compétente. Ainsi, après un examen préalable par le département cantonal compétent (art. 70 de la loi jurassienne du 25 juin 1987 sur les constructions et l'aménagement du territoire [LCAT; RS/JU 701.1]), les plans et prescriptions relevant de la réglementation en matière de construction sont déposés publiquement pendant 30 jours au moins (art. 71 al. 1 LCAT).
2.2. Le Tribunal cantonal a rappelé que le dossier déposé publiquement contenait un document regroupant les modifications apportées au règlement communal sur les constructions et au plan de zones, ainsi que le REC. Il a partant considéré que le contenu du dossier auquel avait eu accès la recourante était conforme aux exigences de l'art. 71 al. 1 LCAT et avait d'ailleurs permis à la recourante de former opposition de manière motivée. Le Tribunal cantonal a en tout état retenu que la recourante avait obtenu l'ensemble du dossier avant de déposer son recours cantonal. Ainsi, eu égard à son pouvoir d'examen complet en fait, en droit et en opportunité, et même si une certaine réserve devait être observée s'agissant des intérêts locaux, l'autorité précédente a estimé que l'éventuelle violation du droit d'être entendu avait pu être réparée au cours de la procédure cantonale de recours.
2.3. La recourante n'expose pas en quoi l'absence du rapport d'opportunité l'a empêchée de faire valoir ses droits au stade de l'opposition. Elle reconnaît également avoir obtenu accès à l'ensemble du dossier durant la procédure cantonale de recours, soit devant une autorité disposant d'un plein pouvoir d'examen. Sans citer de disposition idoine ni apporter de plus amples explications, elle se contente à cet égard d'affirmer que le Tribunal cantonal disposait d'un pouvoir d'examen plus restreint que celui de la commune, ne permettant pas de guérir la violation de son droit d'être entendue. L'autorité précédente pouvait ainsi retenir, sans violer le droit fédéral, qu'il n'y avait pas eu de violation du droit d'être entendu et que même si cela avait été le cas, elle avait été réparée au cours de la procédure cantonale.
Partant, le grief de violation de l'art. 29 al. 2 Cst., faute d'accès suffisant au dossier, peut être écarté.
2.4. Finalement, et quoiqu'en dise la recourante, le raisonnement du Tribunal cantonal est suffisant au regard des garanties offertes par le droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.) : il lui permet de comprendre les motifs pour lesquels leur critique a été rejetée et de contester en toute connaissance de cause l'appréciation de l'instance précédente, comme en attestent au demeurant les griefs développés à l'appui de son recours fédéral. Mal fondée, cette critique doit être rejetée.
3.
La recourante se plaint ensuite, selon l'intitulé de son grief, d'une "violation des art. 1, 3, 15, 21 al. 2 LAT et 51 LCAT" en lien avec la "pesée des intérêts pour une modification du plan d'affectation en vue d'un classement en zone à bâtir". On comprend de son argumentation que la recourante reproche au Tribunal cantonal de ne pas avoir procédé à une pesée des intérêts tenant compte de tous les intérêts en présence et d'avoir donné un poids démesuré aux intérêts de la société B.________ SA et de la commune des Genevez en validant le classement en zone mixte de 1,1 hectares jusqu'alors sis en zone agricole. La recourante estime en particulier qu'il n'a été tenu compte ni des principes de concentration, d'utilisation mesurée du sol et de préservation du paysage ( art. 1 et 3 LAT ), ni du principe selon lequel les meilleures terres cultivables doivent être, autant que possible, réservées à l'agriculture (art. 3 al. 2 let. a et 15 al. 3 LAT). Au surplus, aucune coordination régionale, pourtant nécessaire, n'aurait eu lieu (art. 15 al. 3 LAT).
3.1. Aux termes de l'art. 15 LAT, les zones à bâtir sont définies de telle manière qu'elles répondent aux besoins prévisibles pour les quinze années suivantes (al. 1). Les zones à bâtir surdimensionnées doivent être réduites (al. 2). L'emplacement et la dimension des zones à bâtir doivent être coordonnés par-delà les frontières communales en respectant les buts et les principes de l'aménagement du territoire (al. 3 1
ère phrase; cf. ATF 145 II 18 consid. 3.1 et références). En particulier, il faut maintenir les surfaces d'assolement et préserver la nature et le paysage (al. 3 2
ème phrase). Selon l'art. 15 al. 4 LAT, de nouveaux terrains peuvent être classés en zone à bâtir si les conditions suivantes sont réunies: ils sont propres à la construction (let. a); ils seront probablement nécessaires à la construction dans les quinze prochaines années même si toutes les possibilités d'utilisation des zones à bâtir réservées ont été épuisées et ils seront équipés et construits à cette échéance (let. b); les terres cultivables ne sont pas morcelées (let. c); leur disponibilité est garantie sur le plan juridique (let. d); ils permettent de mettre en oeuvre le plan directeur (let. e).
Les autorités en charge de l'aménagement du territoire bénéficient d'une importante liberté d'appréciation dans l'accomplissement de leurs tâches et notamment dans leurs tâches de planification (cf. art. 2 al. 3 LAT). Cette liberté d'appréciation n'est toutefois pas totale. L'autorité de planification doit en effet se conformer aux buts et aux principes d'aménagement du territoire tels qu'ils résultent de la Constitution (art. 75 Cst.) et de la loi ( art. 1 et 3 LAT ). Parmi les buts et les principes de l'aménagement du territoire figurent notamment l'utilisation mesurée du sol (art. 1 al. 1 LAT), la protection des bases naturelles de la vie, telles que le sol, l'air, l'eau, la forêt et le paysage (art. 1 al. 2 let. a LAT), l'orientation du développement de l'urbanisation vers l'intérieur du milieu bâti en maintenant une qualité de l'habitat appropriée (art. 1 al. 1 let. abis LAT), la création d'un milieu bâti compact (art. 1 al. 2 let. b LAT), ainsi que la préservation du paysage en veillant à réserver à l'agriculture suffisamment de bonnes terres cultivables (art. 3 al. 2 let. a LAT). Le principe de regroupement des constructions (ou principe de concentration) nécessite que les bâtiments soient en règle générale rassemblés dans un espace déterminé cohérent et clairement séparé du territoire non construit (ATF 116 Ia 335 consid. 4a; 136 II 204 consid. 6.2.2; plus récemment, cf. arrêts 1C_218/2023 du 2 juillet 2024 consid. 6.3 et 1C_442/2019 du 17 juin 2020 consid. 2.5 et références). Il s'agit d'éviter le développement de constructions en ordre dispersé, de préserver les espaces agricoles, les paysages et les sites, et d'assurer une utilisation mesurée du sol (ATF 119 Ia 411 consid. 2b; arrêt 1C_409/2022 du 11 juin 2024 consid. 5.1).
Conformément à l'art. 3 de l'ordonnance fédérale sur l'aménagement du territoire du 28 juin 2000 (OAT; RS 700.1), les autorités sont tenues de procéder à une pesée complète des intérêts lors de l'approbation d'un plan d'affectation (ATF 146 II 347 consid. 3.5; 145 II 70 consid. 3.2).
3.2. En l'espèce, le projet litigieux entend transférer en zone mixte une surface de 11'000 m2 actuellement sise en zone agricole, afin d'y installer un bâtiment d'environ 100 mètres de long. Si le Tribunal cantonal reconnaît que la réalisation de ce projet entraîne la perte de surfaces agricoles de bonne qualité ("les meilleures terres labourables de la commune", cf. arrêt attaqué, consid. 9.1), il considère que l'intérêt à préserver ces terres ne suffit pas à exclure le changement d'affectation. Or, en l'espèce, même si la planification litigieuse ne donnerait pas lieu à une zone à bâtir isolée, la zone mixte nouvellement créée serait entourée de zone agricole sur trois côtés; une telle manière de procéder renforce manifestement le morcellement des terres cultivables et apparaît contraire aux principes d'utilisation mesurée du sol et de concentration, ainsi qu'aux exigences de l'art. 15 al. 4 LAT.
Au surplus, il ne saurait être retenu, comme l'a fait l'autorité précédente, que l'implantation d'un bâtiment industriel de près de 100 mètres de long à l'entrée du village, entouré principalement de zones agricoles et situé à la limite d'une zone se trouvant à l'inventaire fédéral des paysages, n'aura pas ou peu d'impact sur le paysage. En effet, les deux bâtiments d'habitation situés devant le projet, au premier plan depuis la rue, sont de faible volume et ne sauraient être considérés de même nature que le bâtiment industriel projeté. Le fait que des bâtiments agricoles existent au second plan ne saurait non plus suffire à intégrer le bâtiment projeté dans le tissu bâti, dès lors que ce dernier est séparé desdits bâtiments agricoles par environ 100 mètres de zone agricole. De même, le fait que d'autres entreprises soient situées du côté sud de la route ne permet pas de limiter l'impact paysager du nouveau bâtiment, projeté de l'autre côté de la route et séparé de cette dernière par des bâtiments d'habitation. Dès lors et comme le relève l'ARE, le Tribunal cantonal ne peut être suivi lorsqu'il affirme que la construction ne contrastera pas avec l'environnement bâti et sera intégré au paysage.
Partant, et sur la base des aspects développés ci-dessus, il ressort que la pesée des intérêts effectuée n'a pas accordé une importance suffisante aux intérêts issus du principe de concentration et à ceux qui visent le maintien des surfaces agricoles et la préservation du paysage. En effet, s'il existe certes un intérêt à ce que l'entreprise B.________ SA puisse rester dans la commune des Genevez, cet intérêt ne saurait être considéré comme prioritaire sur les autres intérêts en présence, qui appartiennent aux buts et principes fondamentaux de l'aménagement du territoire résultant de la LAT.
3.3. Le Tribunal cantonal a retenu que l'étude de variantes d'implantation effectuée sur le territoire des commune des Genevez et de Lajoux répondait à l'exigence de coordonner l'emplacement et la dimension des zones à bâtir par-delà les frontières communales. Or, il ressort de ladite étude que, sur les six variantes d'implantation étudiées, cinq sont situées dans la commune des Genevez et une dans la commune voisine de Lajoux. Comme le relève l'ARE sans que cela ne soit contesté, le canton du Jura compte de nombreux terrains sis en zone d'activités qui sont libres de construction; aucune variante située en dehors des deux communes précitées n'a cependant été examinée, alors même que le Plan directeur jurassien vise, pour assurer une gestion judicieuse des zones d'activités, d'ancrer le développement de l'urbanisation au sein des pôles régionaux que sont Delémont, Porrentruy et Saignelégier (Fiche U.03 du Plan directeur du canton du Jura). Ainsi, l'étude de variantes d'implantation effectuée ne satisfait pas à l'exigence de coordonner l'emplacement et la dimension des zones à bâtir par-delà les frontières communales prévue par la loi.
Il n'apparaît dès lors pas qu'une coordination régionale, au sens de l'art. 15 al. 3 LAT, ait véritablement eu lieu.
3.4. Pour ces motifs déjà, le recours doit être admis. Il n'est dès lors pas nécessaire d'examiner la question du dimensionnement de la zone à bâtir de la commune des Genevez et si, comme le soutient la recourante, l'autorité précédente a omis de tenir compte de l'impact du projet sur la mobilité et sur l'écoulement terrestre des eaux. Il apparaît au demeurant douteux que ces griefs répondent aux exigences de motivation prévues par les art. 42 al. 2 et 106 al. 2 LTF.
4.
Les considérants qui précèdent conduisent à l'admission du recours. L'arrêt attaqué, la décision du SDT du 5 mai 2022, ainsi que la modification du plan de zones et du règlement communal sur les constructions sont annulés.
La République et canton du Jura et la commune des Genevez, qui succombent, sont dispensés de frais judiciaires (art. 66 al. 4 LTF). Ils verseront des dépens à la recourante qui obtient gain de cause avec l'assistance d'un avocat ( art. 68 al. 2 et 4 LTF ). La cause est par ailleurs renvoyée au Tribunal cantonal afin qu'il statue à nouveau sur les frais et dépens de la procédure cantonale ( art. 67 et 68 al. 5 LTF ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est admis. L'arrêt attaqué, la décision du SDT du 5 mai 2022, ainsi que la modification du plan de zones et du règlement communal sur les constructions sont annulés.
2.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
3.
Une indemnité de 3'000 fr. est versée à la recourante à titre de dépens, à charge de la République et canton du Jura et de la commune des Genevez, solidairement entre elles.
4.
La cause est renvoyée au Tribunal cantonal pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure cantonale.
5.
Le présent arrêt est communiqué à la recourante, à la mandataire de la Commune des Genevez, à l'Office fédéral du développement territorial ainsi qu'à la Section de l'aménagement du territoire du Service du développement territorial et à la Cour administrative du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura.
Lausanne, le 22 novembre 2024
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Kneubühler
La Greffière : Rouiller