Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
1C_211/2024
Arrêt du 23 avril 2024
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président,
Haag et Müller.
Greffier : M. Kurz.
Participants à la procédure
1. Patrimoine Suisse,
villa Patumbah, Zollikerstrasse 128, 8008 Zurich,
2. Patrimoine Suisse, section vaudoise,
chemin des Bulesses 154, 1814 La Tour-de-Peilz,
toutes deux représentées par Me Jérôme Reymond, avocat,
recourantes,
contre
1. A.________,
2. B.________,
tous deux représentés par Me Alain Brogli, avocat,
intimés,
Municipalité de Lutry,
Le Château, case postale 190, 1095 Lutry,
Direction générale de l'environnement du canton de Vaud,
Unité droit et études d'impact, avenue de Valmont 30b, 1014 Lausanne.
Objet
Permis de construire,
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public, du 29 février 2024 (AC.2023.0170).
Faits :
A.
Par décision du 4 mai 2023, la Municipalité de Lutry a refusé de délivrer à A.________ et B.________ (les propriétaires) un permis de construire portant sur l'installation de 50 m² de panneaux photovoltaïques sur le mur de soutènement de la terrasse situé au sud de la parcelle n° 1599. Cette décision est fondée sur le refus d'autorisation spéciale de la Direction générale de l'environnement du canton de Vaud (DGE) qui considère que la distance de 15 mètres depuis la rive du Lac Léman au sud et le ruisseau des Bannerettes à l'ouest (espace réservé aux eaux, ERE) n'est pas respectée et que le règlement communal sur les constructions et l'aménagement du territoire (RCAT) n'autorise aucune construction à moins de 10 mètres du domaine public des eaux.
B.
Les propriétaires ont saisi la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal vaudois (CDAP) d'un recours contre la décision de la DGE et contre le refus de la municipalité. Les associations Sauver Lavaux et Patrimoine Suisse, section vaudoise, ont également pris part à la procédure. Par arrêt du 29 février 2024, la CDAP a admis le recours. La bande de terrain située entre la route de Lavaux et le lac était occupée par de nombreux bâtiments et devait être considérée comme densément bâtie au sens de l'art. 41c al. 1 de l'ordonnance sur la protection des eaux (OEaux, RS 814.201). L'installation était conforme à la destination de la zone à bâtir et l'art. 18a al. 4 LAT faisait prévaloir l'intérêt à l'utilisation de l'énergie solaire. L'installation litigieuse était aussi conforme à la loi sur le plan de protection de Lavaux. La décision de la DGE était réformée en ce sens que l'autorisation spéciale fondée sur l'art. 41c al. 1 OEaux était délivrée. La cause était renvoyée à la Municipalité de Lutry pour nouvelle décision sur la demande de permis de construire.
C.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, Patrimoine Suisse et Patrimoine Suisse, section vaudoise demandent au Tribunal fédéral de réformer l'arrêt cantonal en ce sens que la décision municipale du 4 mai 2023 et la décision de la DGE sont confirmées.
Il n'a pas été demandé de réponse.
Considérant en droit :
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont adressés (ATF 149 II 66 consid. 1.3).
1.1. La voie du recours en matière de droit public est en principe ouverte, la décision attaquée ayant été rendue dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF).
Selon l'art. 90 LTF, le recours est ouvert sans restriction contre les décisions finales, soit celles qui mettent définitivement un terme à la procédure, qu'il s'agisse d'une décision sur le fond ou d'une décision qui clôt l'affaire pour un motif tiré des règles de la procédure (ATF 149 II 170 consid. 1.2; 146 I 36 consid. 2.1). Lorsqu'elles ne portent pas sur la compétence ou la récusation (art. 92 LTF), les décisions préjudicielles et incidentes notifiées séparément peuvent faire l'objet d'un recours si elles sont susceptibles de causer un préjudice irréparable ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse ( art. 93 al. 1 let. a et b LTF ). Cette réglementation est fondée sur des motifs d'économie de procédure: en tant que cour suprême, le Tribunal fédéral doit en principe ne s'occuper qu'une seule fois d'une affaire, et ce à la fin de la procédure (ATF 149 II 170 consid. 1.3; 142 II 363 consid. 1.3).
1.2. Une décision de renvoi à l'instance inférieure pour nouvelle décision ne met en règle générale pas fin à la procédure, raison pour laquelle elle doit en principe être qualifiée de décision incidente, sauf si le renvoi ne laisse plus aucune latitude à l'autorité inférieure pour la décision qu'elle doit rendre (ATF 149 II 170 consid. 1.9; 147 V 308 consid. 1.2). Tel n'est pas le cas en l'occurrence puisque la cause est renvoyée à la municipalité de Lutry "pour nouvelle décision sur la demande de permis de construire, au sens des considérants". Si l'autorisation spéciale de la DGE est définitivement délivrée, l'autorité communale ne se voit pas enjointe de délivrer le permis de construire; la cour cantonale considère au contraire qu'elle dispose d'une latitude de jugement suffisante pour lui permettre de statuer à nouveau "en fonction d'une synthèse CAMAC positive". Le litige ne porte pas non plus sur un projet de grande ampleur et les questions qui restent à trancher selon l'arrêt de renvoi ne revêtent pas une importance de principe telle qu'elle justifierait d'entrer en matière sur le recours nonobstant son caractère incident (ATF 142 II 20 consid. 1.4).
1.3. Il y a donc lieu d'examiner si les conditions alternatives de l' art. 93 al. 1 let. a et b LTF sont réalisées. Les recourantes, a qui le caractère incident de l'arrêt attaqué a manifestement échappé, ne s'expriment pas sur cette question alors qu'il leur revenait de le faire (ATF 149 II 476 consid 1.2.1; 148 I 155 consid. 1.1 in fine).
A l'exception de quelques situations particulières non réalisées en l'espèce (cf. ATF 136 II 165 consid. 1.2; 135 II 30 consid. 1.3.4), le préjudice irréparable visé à l'art. 93 al. 1 let. a LTF doit être de nature juridique et ne pas pouvoir être ultérieurement réparé par une décision finale qui serait favorable à la partie recourante (cf. ATF 149 II 170 consid. 1.3; 147 III 159 consid. 4.1). En l'occurrence, la nouvelle décision municipale pourra encore être contestée, le cas échéant, auprès de la CDAP puis, en dernier ressort, auprès du Tribunal fédéral, l'arrêt incident pouvant également être attaqué à cette occasion aux conditions de l'art. 93 al. 3 LTF. L'admission du recours, à l'un ou l'autre stade, mettrait fin au préjudice inhérent à l'arrêt incident de renvoi. Les coûts relatifs à l'allongement de la procédure ne constituent pas un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF.
Il n'apparaît pas non plus que la condition prévue à l'art. 93 al. 1 let. b LTF soit réalisée puisque rien ne permet d'admettre que la procédure de permis de construire, voire une procédure ultérieure de recours, soit particulièrement longue et coûteuse dans la mesure notamment où le dossier soumis à la municipalité apparaît désormais complet.
2.
Il s'ensuit que l'arrêt entrepris ne peut pas faire l'objet d'un recours immédiat au Tribunal fédéral. Le recours doit par conséquent être déclaré irrecevable selon la procédure simplifiée prévue par l'art. 109 al. 2 let. a LTF, aux frais des recourantes qui succombent ( art. 65 et 66 al. 1 et 4 LTF ). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens aux intimés qui n'ont pas été invités à se déterminer.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est irrecevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge solidaire des recourantes. Il n'est pas alloué de dépens.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties, à la Municipalité de Lutry, à la Direction générale de l'environnement du canton de Vaud et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public ainsi que, pour information, au mandataire de l'association Sauver Lavaux.
Lausanne, le 23 avril 2024
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Kneubühler
Le Greffier : Kurz