Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
6B_1207/2021
Arrêt du 23 mai 2022
Cour de droit pénal
Composition
MM. les Juges fédéraux Denys, Juge présidant,
Abrecht et Hurni.
Greffière : Mme Elmiger-Necipoglu.
Participants à la procédure
A.________,
recourant,
contre
Ministère public central du canton de Vaud, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens VD,
intimé.
Objet
Convention, retrait de la plainte (escroquerie et infraction à la LF sur l'assurance-vieillesse et survivants),
recours contre le jugement de la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 18 mai 2021
(n° 182 PE16.017631-SBT).
Faits :
A.
Par jugement du 10 décembre 2020, le Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne a libéré A.________ du chef d'accusation d'infraction à la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants (LAVS; RS 831.10), a constaté que le prénommé s'était rendu coupable d'escroquerie et l'a condamné à une peine pécuniaire de 360 jours-amende à 250 fr., avec sursis pendant 2 ans, ainsi qu'à une amende de 10'000 fr.; il a par ailleurs libéré B.________ du chef d'accusation de complicité d'infraction à la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants, a constaté que la prénommée s'était rendue coupable de complicité d'escroquerie et l'a condamnée à une peine pécuniaire de 180 jours-amende à 80 fr., avec sursis pendant 2 ans, ainsi qu'à une amende de 1500 francs.
B.
B.a. Dans le cadre des appels formés par A.________ et B.________ contre ce jugement, une audience de conciliation a eu lieu le 18 mai 2021 entre ceux-ci et l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud (ci-après: l'OAI) devant la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud. Lors de cette audience, les parties ont conclu une convention dont la teneur est la suivante:
" I. A.________ restituera à l'Office de l'assurance-invalidité la somme de 155'152 fr. (cent cinquante-cinq mille cent cinquante-deux francs). La restitution se fera sous forme de son accord à la levée du séquestre portant sur cette somme en faveur de la lésée.
II. A.________ déclare retirer son recours déposé auprès de la Cour des assurances sociales contre la décision de l'OAI du 5 décembre 2017.
III. A.________ déclare retirer son recours déposé auprès de la Cour des assurances sociales contre la décision de l'OAI du 24 novembre 2017 pour la période antérieure au 1er janvier 2015.
IV. A.________ et B.________ assumeront les frais de justice de première instance mis à leur charge. A.________ renonce à toute indemnité de l'art. 429 CPP pour ses frais d'avocat, pour les deux instances.
V. L'Office de l'assurance-invalidité déclare retirer sa plainte. "
B.b. Par jugement du 18 mai 2021, la Cour d'appel pénale a pris acte de la convention passée entre les parties (I) et a partiellement admis les appels interjetés par A.________ et B.________ (II). Elle a réformé le jugement du 10 décembre 2020 (III) notamment en ce sens qu'elle a: (i) libéré A.________ des chefs d'accusation d'escroquerie et d'infraction à la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants; (ii) libéré B.________ des chefs d'accusation de complicité d'escroquerie et de complicité d'infraction à la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants; (iii) levé en faveur de l'OAI le séquestre portant sur le montant de 155'152 fr.; (iv) dit que le CD de vidéosurveillance et que le CD contenant les données C.________ SA et divers courriers étaient maintenus au dossier à titre de pièces à conviction; (vi) mis les frais de la procédure cantonale, comprenant les indemnités allouées aux défenseurs de A.________ et de B.________, à leur charge; (vii) constaté que la situation financière de A.________ respectivement de B.________ leur permettait de rembourser immédiatement à l'État les indemnités avancées à leur défenseur de la première heure respectivement d'office. Les frais d'appel, y compris l'indemnité allouée au défenseur d'office de B.________, ont été laissés à la charge de l'État (IV et V).
C.
A.________ interjette un recours en matière pénale et un recours constitutionnel subsidiaire contre le jugement du 18 mai 2021, en concluant principalement à sa réforme en ce sens que les chiffres III et IV de la convention soient supprimés et que les chiffres (iv) et (vi) du dispositif du jugement de première instance, tels que réformés au chiffre III du dispositif du jugement d'appel, soient modifiés en ce sens que le CD de vidéosurveillance ainsi que le CD contenant diverses données soient détruits et que les frais de la procédure de première instance soient laissés à la charge de l'État. A titre subsidiaire, il conclut à l'annulation du jugement attaqué et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures.
Considérant en droit :
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 146 IV 185 consid. 2).
1.1. Dirigé contre une décision finale (cf. art. 90 LTF) rendue en matière pénale (cf. art. 78 LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (cf. art. 80 LTF), le recours en matière pénale est en principe recevable quant à son objet. Le recours constitutionnel subsidiaire qu'entend également déposer le recourant est par conséquent irrecevable (cf. art. 113 LTF).
1.2. Le recourant a pris part à la procédure cantonale (art. 81 let. a LTF) et a un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification du jugement attaqué ( art. 81 let. a et b ch. 1 LTF ), dont fait partie intégrante la transaction judiciaire qu'il a conclue avec l'OAI et qu'il entend invalider partiellement. Pour le surplus, les autres conditions de recevabilité sont remplies, de sorte qu'il y a lieu d'entrer en matière sur le recours en matière pénale.
2.
Le Tribunal fédéral est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), sous les réserves découlant des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, soit pour l'essentiel de l'arbitraire dans la constatation des faits (ATF 145 IV 154 consid. 1.1). Le Tribunal fédéral n'examine de tels griefs ainsi que, de manière plus générale, tous les moyens qui relèvent de la violation de droits fondamentaux, que s'ils sont invoqués et motivés par le recourant (art. 106 al. 2 LTF), c'est-à-dire s'ils ont été expressément soulevés et exposés de manière claire et détaillée. Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 145 IV 154 consid. 1.1).
3.
3.1. La transaction judiciaire est un acte consensuel par lequel les parties mettent fin à leur litige ou à une incertitude au sujet de leur relation juridique moyennant des concessions réciproques (ATF 132 III 737 consid. 1.3; arrêt 4A_456/2019 du 8 avril 2020 consid. 4.1 et les références). D'une manière générale, et en particulier en droit des assurances sociales (ATF 135 V 65 consid. 2.3 avec renvoi à l'arrêt U 19/79 de l'ancien Tribunal fédéral des assurances du 10 mars 1982 consid. 3), il est possible d'invoquer l'invalidité de la transaction judiciaire pour vice du consentement (cf. arrêt 4A_150/2020 du 17 septembre 2020 consid. 2.2 et les références). Celui qui invoque un vice du consentement (art. 23 ss CO) supporte le fardeau de la preuve (arrêts 5A_520/2018 du 26 octobre 2018 consid. 5.3, publié in Pra 2019 n° 17 p. 215; 4A_641/2010 du 23 février 2011 consid. 3.4.1, publié in SJ 2011 I 328, et les références).
Aux termes de l'art. 29 al. 1 CO, si l'une des parties a contracté sous l'empire d'une crainte fondée que lui aurait inspirée sans droit l'autre partie ou un tiers, elle n'est point obligée. Selon l'art. 30 al. 1 CO, la crainte est réputée fondée lorsque la partie menacée devait croire, d'après les circonstances, qu'un danger grave et imminent la menaçait elle-même, ou l'un de ses proches, dans sa vie, sa personne, son honneur ou ses biens. Selon la jurisprudence, un contrat ne peut être invalidé pour cause de crainte fondée que si les quatre conditions suivantes sont réunies: une mesure dirigée sans droit contre une partie, la crainte fondée qui en résulte, l'intention de l'auteur de la menace de déterminer le destinataire à faire une déclaration de volonté et le lien de causalité entre la crainte et le consentement (ATF 111 II 349 consid. 2). L'invalidation d'une transaction pour cause de crainte fondée ne doit pas être admise trop facilement; en matière de vices du consentement liés à une transaction, il s'agit de considérer non seulement ce que la partie aurait pu obtenir, d'un point de vue objectif, en cas de procès, mais aussi du souci des parties d'éviter les risques d'un procès, cela au prix de concessions qui peuvent sans doute être excessives, mais qui sont inhérentes à la nature de la transaction (ATF 111 II 349consid. 3 et l'arrêt cité).
3.2. Le recourant allègue avoir fait l'objet d'une crainte fondée en transigeant devant la Cour d'appel pénale, lors de l'audience du 18 mai 2021, le litige de droit des assurances sociales l'opposant à l'OAI. Il requiert l'invalidation partielle de la convention du 18 mai 2021, soit de ses chiffres III et IV, en précisant ne pas vouloir invalider le reste de la convention, ayant consciemment accepté de restituer la somme de 155'152 fr. à l'OAI. Il allègue que les juges de la Cour d'appel pénale auraient d'emblée démontré une volonté de trancher rapidement le litige pénal, sans se pencher sur son dossier très complexe, et auraient d'une part incité l'OAI à retirer sa plainte et d'autre part incité le recourant à restituer une somme de 155'152 fr. à l'OAI. Il expose que dans un courrier du 20 mai 2021 adressé à la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud - qu'il produit en annexe à son recours -, l'OAI a relevé qu'au cours de l'audience du 18 mai 2021, " les juges ont fortement incité les parties à signer une convention, ce qui fut fait ". Lui-même se serait senti comme devant accepter cette convention, son cas étant sinon traité " avec beaucoup moins de bienveillance ", ce qui sous-entendait qu'il serait probablement condamné, comme en première instance. S'il y avait certes eu entre lui et l'OAI certaines concessions réciproques sur lesquelles il n'entendait pas revenir, les chiffres III et IV lui feraient perdre des avantages sur lesquels il n'aurait pas transigé si l'audience s'était déroulée plus sereinement.
3.3. Le recourant ne démontre nullement, alors que le fardeau de la preuve lui incombe sur ce point (cf. consid. 3.1 supra), avoir conclu la transaction litigieuse sous l'empire d'une crainte fondée suscitée par les juges cantonaux, qui lui auraient laissé entendre que sinon, son cas pourrait être traité " avec beaucoup moins de bienveillance " et qu'il pourrait, comme en première instance, être condamné pour escroquerie. Toutefois, force est de constater qu'aucun élément du dossier, en particulier du procès-verbal de l'audience du 18 mai 2021, ne laisse supposer que le recourant aurait été amené à signer la convention contre son gré. Comme il le reconnaît lui-même, lors de l'audience de conciliation, il était non seulement assisté par un mandataire professionnel, mais la Cour d'appel pénale lui a en outre laissé suffisamment de temps pour réfléchir à l'offre transactionnelle, en suspendant l'audience à deux reprises pour une durée d'environ 15 minutes à chaque fois. Par ailleurs, le fait que les juges cantonaux aient expliqué, dans le cadre de la conciliation, les risques du procès ne constitue pas une mesure illicite au sens de la jurisprudence relative à la crainte fondée (cf. consid. 3.1 supra), mais seulement l'évocation du risque réel que le recourant encourait après avoir été condamné en première instance pour escroquerie.
On relèvera encore qu'alors que le but d'une transaction consiste à mettre fin à un litige en faisant des concessions réciproques (cf. consid. 3.1 supra), le recourant ne saurait aujourd'hui, après avoir été libéré du chef d'accusation d'escroquerie - point sur lequel le Tribunal fédéral ne peut pas revenir en raison de l'interdiction de la
reformatio in pejus (art. 107 al. 1 LTF; arrêt 6B_1057/2021 du 10 février 2022 consid. 3.4.3 et les références; sur la notion de
reformatio in pejus, cf. ATF 144 IV 35 consid. 3.1.1) -, chercher à revenir uniquement sur les concessions qu'il a faites et qui apparaissent inhérentes à la nature de la transaction conclue avec l'OAI, s'agissant en particulier du chiffre III de la convention. Quant au chiffre IV de la convention, par lequel le recourant s'est engagé à assumer les frais judiciaires de première instance mis à sa charge et à renoncer à toute indemnité de l'art. 429 CPP pour ses frais d'avocat, le recourant ne saurait prétendre qu'il " visait en réalité à punir les recourants de manière déguisée "; ce chiffre apparaissait au contraire clairement comme une concession raisonnable que le recourant était prêt à faire pour échapper à une condamnation pénale pour escroquerie, étant relevé que l'OAI a pour sa part accepté de retirer sa plainte (chiffre V) et que les frais de la procédure d'appel ont été laissés à la charge de l'État. Dès lors qu'il n'apparaît pas que la transaction litigieuse aurait été conclue sous l'empire d'une crainte fondée, il n'y a pas lieu de l'invalider.
4.
Il s'ensuit que le recours en matière pénale doit être rejeté. Le recourant, qui succombe, supportera les frais de la cause (art. 66 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours en matière pénale est rejeté.
2.
Le recours constitutionnel subsidiaire est irrecevable.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3000 fr., sont mis à la charge du recourant.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Lausanne, le 23 mai 2022
Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Juge présidant : Denys
La Greffière : Elmiger-Necipoglu