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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
7B_235/2024  
 
 
Arrêt du 23 août 2024  
 
IIe Cour de droit pénal  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Abrecht, Président, 
Hurni et Hofmann. 
Greffière : Mme Schwab Eggs. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par Me Romain Jordan, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Ministère public de la République et canton de Genève, 
route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, 
intimé. 
 
Objet 
Ordonnance de classement (indemnité, assistance judiciaire), 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 23 janvier 2024 (ACPR/43/2024 - P/10667/2021). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Durant l'audience du 22 juin 2021, le Ministère public de la République et canton de Genève (ci-après: le Ministère public) a informé A.________ qu'une instruction était ouverte contre elle, notamment pour l'hébergement de tiers recherchés par la police et la mise à leur disposition de son véhicule qui n'avait pas d'assurance responsabilité civile.  
 
A.b. Le 1er août 2021, le Ministère public a tenu une audience, à laquelle A.________ a assisté, accompagnée de Me Barnabas Denes, excusant Me Romain Jordan.  
 
A.c. Faisant suite à une demande de A.________ du 23 septembre 2021, le Ministère public a ordonné la défense d'office de celle-ci et a désigné Me Romain Jordan à cet effet par ordonnance du 30 septembre 2021.  
 
A.d. Le 22 décembre 2022 ( recte : 23 décembre 2022), le Ministère public a avisé les parties de son intention de rendre une ordonnance pénale contre A.________.  
Invité à fournir son état de frais, Me Romain Jordan a transmis le détail de l'activité déployée depuis le 16 juillet 2021. 
 
A.e. Le 29 août 2023, le Ministère public a informé les parties qu'il prononcerait un classement pour les faits reprochés à A.________. Il a invité cette dernière à chiffrer ses prétentions en indemnisation en précisant que "les avocats plaidant au bénéfice de l'assistance judiciaire" devaient produire leur état de frais.  
Me Romain Jordan a sollicité une indemnité en application de l'art. 429 al. 1 let. a CPP pour la période du 16 juillet au 29 septembre 2021 et une indemnité en qualité de défenseur d'office dès le 30 septembre 2021. 
 
B.  
 
B.a. Par ordonnance de classement du 25 octobre 2023, le Ministère public a fixé l'indemnisation due à Me Romain Jordan en qualité de défenseur d'office, en opérant des déductions sur l'activité déclarée par celui-ci, à partir du 16 juillet 2021. Aucune indemnité au sens de l'art. 429 al. 1 let. a CPP n'a été accordée à A.________.  
 
B.b. Par arrêt du 13 mars 2024, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève (ci-après: la Chambre pénale de recours) a rejeté le recours formé par A.________ contre l'ordonnance du 25 octobre 2023.  
 
C.  
Le 23 février 2024, A.________ interjette un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 13 mars 2024, en concluant à sa réforme en ce sens qu'une indemnité de 11'859 fr. 90 fondée sur l'art. 429 al. 1 let. a CPP lui soit allouée. Par courrier du 19 mars 2024, elle a requis l'octroi de l'assistance judiciaire. 
Invités à se déterminer sur le recours, la Chambre pénale de recours y a renoncé et le Ministère public a conclu à son rejet. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 149 IV 9 consid. 2). 
Le recours en matière pénale au Tribunal fédéral est ouvert contre les décisions sur les prétentions en indemnisation prévues à l'art. 429 al. 1 CPP (cf. ATF 139 IV 206 consid. 1; cf. arrêts 7B_56/2022 du 20 septembre 2023 consid. 1; 6B_1094/2022 du 8 août 2023 consid. 1). Les autres conditions de recevabilité étant réunies, il y a lieu d'entrer en matière. 
 
2.  
 
2.1. La recourante soutient que la cour cantonale aurait violé son droit d'être entendue en ne sanctionnant pas l'absence de motivation dans l'ordonnance de classement sur l'indemnisation requise sur la base de l'art. 429 CPP.  
 
2.2. L'obligation de motiver, telle qu'elle découle du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst., art. 3 al. 2 let. c et 107 CPP; cf. aussi art. 6 par. 1 CEDH), est respectée lorsque le juge mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision (ATF 146 II 335 consid. 5.1; 143 III 65 consid. 5.2), de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 143 IV 40 consid. 3.4.3; 139 IV 179 consid. 2.2). Il n'a toutefois pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à l'examen des questions décisives pour l'issue du litige (ATF 147 IV 249 consid. 2.4; 142 II 154 consid. 4.2). Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté, la motivation pouvant d'ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1; arrêts 7B_56/2022 du 20 septembre 2023 consid 3.3.2; 6B_893/2022 du 8 juin 2023 consid. 1.4.1).  
 
2.3. En l'espèce, il ressort de l'arrêt cantonal que le Ministère public a indemnisé au tarif de l'assistance judiciaire le défenseur de la recourante pour l'ensemble de son activité, soit à partir du 16 juillet 2021; considérant que cette motivation excluait toute prétention en dédommagement des frais à titre privé, la Chambre pénale de recours a rejeté le grief de violation du droit d'être entendu formé devant elle. Autrement dit, l'indemnisation d'office impliquait le rejet de l'indemnité fondée sur l'art. 429 al. 1 let. a CPP. Comme l'autorité précédente, on ne voit pas qu'une telle motivation implicite aurait violé le droit d'être entendue de la recourante. Quoi qu'il en soit, celle-ci perd de vue que la Chambre pénale de recours statuait avec un plein pouvoir de cognition en fait et en droit (cf. art. 398 al. 2 CPP) et n'était aucunement liée par l'appréciation de l'autorité de première instance. Or la cour cantonale a examiné le grief de la recourante en lien avec la violation de l'art. 429 CPP.  
Il s'ensuit que ce grief doit être rejeté. 
 
3.  
 
3.1. La recourante reproche à la cour cantonale d'avoir refusé de lui accorder une indemnité en application de l'art. 429 al. 1 let. a CPP pour la période courant du 16 juillet au 22 septembre 2021.  
 
3.2.  
 
3.2.1. L'art. 429 al. 1 let. a, 1re phr., CPP prévoit que si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s'il bénéficie d'une ordonnance de classement, il a droit à une indemnité fixée conformément au tarif des avocats, pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure. Cette indemnité concerne les dépenses du prévenu pour un avocat de choix. Le prévenu acquitté qui est au bénéfice de l'assistance judiciaire ne saurait prétendre à une indemnité pour frais de défense (cf. ATF 138 IV 205 consid. 1 et les références citées).  
 
3.2.2. L'art. 132 CPP prévoit les cas dans lesquels une défense d'office est ordonnée par la direction de la procédure. La désignation du défenseur d'office a en principe un effet rétroactif à la date du dépôt de la demande; généralement, elle ne couvre des dépenses antérieures qu'en cas de justes motifs, en particulier lorsque le prévenu ou son conseil n'a pas pu déposer la requête plus tôt pour une question d'urgence (ATF 122 I 203 consid. 2f et les références citées; arrêts 7B_208/2023 du 12 octobre 2023 consid. 2; 1B_95/2022 du 18 juillet 2022 consid. 3.4).  
 
3.3. La cour cantonale a considéré en substance que le Ministère public aurait certes pu refuser d'indemniser les honoraires du défenseur de la recourante pour l'activité déployée entre le 18 juillet [ recte : 16 juillet] et le 29 septembre 2021. Aucun élément ne permettait d'établir que la situation financière de la recourante aurait évolué durant cette période, de sorte que la recourante avait, de façon inexplicable, attendu presque deux mois avant de requérir l'assistance juridique, alors qu'elle était déjà assistée d'un conseil à l'audience du 1er août 2021. Toutefois, bien que l'ordonnance de nomination du 30 septembre 2021 n'indiquât pas d'effet rétroactif, le Ministère public avait décidé d'indemniser l'ensemble de l'activité du défenseur sous le régime de la défense d'office, y compris pour la période précédant la nomination de celui-ci. La Chambre pénale de recours a considéré qu'il ne lui appartenait pas de remettre en cause cette décision, qui s'avérait favorable à la recourante.  
 
3.4. Ce raisonnement ne peut cependant pas être suivi.  
Il ressort de l'arrêt attaqué que le Ministère public a ordonné la défense d'office de la recourante le 30 septembre 2021 à la suite d'une demande du 23 septembre 2021. Comme relevé par la juridiction précédente, cette ordonnance n'a pas été assortie de l'effet rétroactif; au surplus, il ne résulte pas de l'arrêt querellé que cette demande n'aurait pas pu être déposée plus tôt pour une question d'urgence (cf. consid. 3.2.2 supra). On ne voit dès lors pas que la désignation d'un défenseur d'office aurait eu un effet rétroactif pour la période précédant le 23 septembre 2021, date du dépôt de la requête. A cet égard, faute d'urgence, les raisons pour lesquelles la recourante n'a pas requis de bénéficier de l'assistance judiciaire dès le début du mandat de son conseil sont dénuées de pertinence.  
Pour ces motifs, la cour cantonale a violé le droit fédéral en confirmant l'indemnisation du conseil de la recourante au tarif de l'assistance judiciaire pour la période du 16 juillet au 22 septembre 2021. Il convient par conséquent d'annuler l'arrêt attaqué et de renvoyer la cause à l'autorité précédente pour qu'elle statue sur l'éventuel octroi d'une indemnité au sens de l'art. 429 al. 1 let. a CPP pour la période du 16 juillet au 22 septembre 2021 et sur l'indemnisation au tarif de l'assistance judiciaire à partir du 23 septembre 2021. 
 
4.  
Il s'ensuit que le recours doit être admis. L'arrêt attaqué doit être annulé et la cause renvoyée à l'autorité précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants, y compris sur les frais et indemnités de la procédure cantonale. 
La recourante, qui obtient gain de cause avec l'assistance d'un mandataire professionnel, a droit à des dépens à la charge de la République et canton de Genève (art. 68 al. 1 LTF). Il ne sera pas perçu de frais judiciaires (art. 66 al. 1 et 4 LTF). Sa requête d'assistance judiciaire doit dès lors être déclarée sans objet. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est admis. L'arrêt du 23 janvier 2024 de la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève est annulé et la cause est renvoyée à l'autorité précédente pour nouvelle décision au sens des considérants. 
 
2.  
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
3.  
Une indemnité de dépens, fixée à 1'500 fr., est allouée au mandataire de la recourante à la charge de la République et canton de Genève. 
 
4.  
La requête d'assistance judiciaire est sans objet. 
 
5.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 23 août 2024 
 
Au nom de la IIe Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Abrecht 
 
La Greffière : Schwab Eggs