Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
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{T 0/2}
1C_699/2013
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Arrêt du 23 septembre 2013
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président, Aemisegger, Merkli, Eusebio et Chaix.
Greffier: M. Kurz.
Participants à la procédure
Office fédéral de la justice, Bundesrain 20, 3003 Berne,
recourant,
contre
A.________, représenté par Me Jean-Marc Carnicé, avocat,
B.________ et 4 consorts,
tous représentés par Me Pierre de Preux, avocat,
C.________,
D.________,
tous représentés par Me Jean-Marie Crettaz, avocat,
intimés,
Ministère public de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy.
Objet
Procédure pénale, consultation du dossier
par la partie plaignante; effet suspensif,
recours contre l'arrêt du Tribunal pénal fédéral, Cour des plaintes, du 20 août 2013.
Faits:
A.
Le Ministère public du canton de Genève mène une procédure pénale pour escroquerie et blanchiment d'argent à l'encontre notamment des dénommés A.________, C.________ et B.________, sur plainte de la société X.________. Parallèlement, le Ministère public est saisi d'une commission rogatoire tunisienne dont l'exécution a été suspendue au profit de la procédure pénale. Les parties ont été enjointes de garder le silence sur la procédure et les personnes impliquées, par ordonnance du 23 août 2012, reconduite jusqu'au 31 août 2013. Le 24 janvier 2013, le Ministère public a accordé à la plaignante l'accès au dossier, limité à sa seule lecture avec interdiction de lever des copies, dans le but de ne pas compromettre la procédure d'entraide judiciaire. Les prévenus ont requis en vain, à plusieurs reprises, que l'accès au dossier soit suspendu, car des documents avaient été remis aux autorités tunisiennes. Par décision du 30 juillet 2013, le Ministère public a rejeté cette demande. Les prévenus ont recouru contre ce prononcé, d'une part auprès de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral, d'autre part à la Chambre pénale de recours de la Cour de justice genevoise (CPR). Ils ont requis dans les deux cas l'effet suspensif et des mesures provisionnelles.
B.
Par ordonnance du 14 août 2013, le Président de la CPR a rejeté la demande de mesures provisionnelles. Un recours a été formé auprès du Tribunal fédéral contre ce prononcé (cause 1B_271/2013).
C.
Par arrêt du 20 août 2013, la Cour des plaintes a déclaré irrecevable le recours qui lui était soumis. La décision litigieuse avait été rendue par le Ministère public en application du CPP et était soumise à la juridiction de recours cantonale; un recours parallèle à la Cour des plaintes n'était pas possible, les autorités de poursuite cantonales ne pouvant être considérées comme des instances précédentes du TPF. Il n'y avait pas de risque de conflit négatif de compétence (l'autorité cantonale ayant été saisie), et il y avait lieu d'éviter tout conflit positif.
D.
Par acte du 2 septembre 2013, l'Office fédéral de la justice (OFJ) forme un recours en matière de droit public. Il demande l'annulation de l'arrêt de la Cour des plaintes et le renvoi de la cause à cette juridiction pour nouvelle décision sur le fond. L'OFJ demande également l'effet suspensif, qui a été accordé par ordonnance du 4 septembre 2013.
Il n'a pas été demandé de réponse.
Considérant en droit:
1.
Le recours est dirigé contre une décision rendue par la Cour des plaintes. Il porte sur la compétence de l'autorité de recours lorsqu'est invoquée une violation des règles sur l'entraide judiciaire internationale en matière pénale. Il est ainsi fondé sur l'art. 84 LTF.
1.1. La contestation porte au fond sur l'accès au dossier accordé par le Ministère public genevois à la partie plaignante, qui comporterait le risque de transmission de renseignements à la Tunisie avant même que l'autorité suisse d'entraide judiciaire ait statué sur l'admissibilité d'une telle transmission. Selon la jurisprudence, la décision par laquelle l'autorité d'exécution refuse de limiter le droit d'une partie de consulter le dossier de la procédure pénale nationale connexe à la procédure d'entraide, doit être considérée comme rendue en application de l'EIMP (arrêt 1C_545/2013 du 11 juillet 2013 destiné à la publication, consid. 1; ATF 127 II 198 consid. 2a p. 201-203; arrêt 1A.63/2004 du 17 mai 2004).
1.2. Selon l'art. 84 LTF, le recours est recevable à l'encontre d'un arrêt du TPF en matière d'entraide judiciaire internationale si celui-ci a pour objet la transmission de renseignements concernant le domaine secret, ce qui peut, comme on l'a vu, être le cas en l'espèce (arrêt 1C_545/2013 consid. 1; cf. consid. 2.1 ci-dessous). Il doit toutefois s'agir d'un cas particulièrement important. A ce titre, le Tribunal fédéral peut être appelé à intervenir lorsqu'il s'agit de trancher une question juridique de principe ou lorsque l'instance précédente s'est écartée de la jurisprudence suivie jusque-là (ATF 133 IV 215 consid. 1.2 p. 218). En l'occurrence, le recours porte sur la question de savoir quelle est l'autorité compétente pour traiter d'un recours contre l'accès au dossier accordé à la partie plaignante dans une procédure pénale cantonale. Cette question (résolue sous l'ancien droit par la voie du recours de droit administratif - ATF 127 II 198) n'a pas encore été réglée sous l'empire de la LTF. Cela justifie d'entrer en matière.
1.3. Pour le surplus, le recours est formé en temps utile (art. 100 al. 2 let. b LTF) par l'OFJ agissant en tant qu'autorité de surveillance (art. 25 al. 3 EIMP et 89 al. 2 let. a LTF).
2.
L'office recourant considère que les griefs relatifs à l'application de l'EIMP, y compris dans les procédures pénales cantonales, ressortiraient de la seule compétence de la Cour des plaintes. Cela a déjà été admis récemment pour les procédures pénales menées par une autorité fédérale (arrêt 1C_545/2013) et il devrait en aller de même pour les procédures cantonales, compte tenu de la volonté du législateur d'instituer une procédure de recours unifiée. Au contraire de la Cour des plaintes, les autorités cantonales de recours n'auraient aucune compétence en matière d'EIMP. En tant qu'autorité de surveillance, l'OFJ relève la nécessité d'assurer une pratique uniforme sur ces questions.
2.1. Dans son arrêt précité 1C_545/2013, le Tribunal fédéral a considéré que le recours au sens de l'art. 84 LTF est ouvert lorsque l'accès au dossier pénal accordé à la partie plaignante comporte le risque d'une transmission de renseignements à l'autorité étrangère avant que l'autorité suisse d'entraide judiciaire ait statué sur l'admissibilité d'une telle transmission (consid. 1). Cet arrêt part de la considération qu'une transmission prématurée peut avoir les mêmes effets qu'une décision finale de clôture de la procédure d'entraide. Il concerne toutefois une procédure pénale menée par le Ministère public de la Confédération, dont les décisions (qu'il s'agisse d'entraide judiciaire ou de procédure pénale) peuvent être portées devant la Cour des plaintes du TPF. Celle-ci est en effet l'autorité de recours contre les décisions du MPC au sens de l'art. 20 CPP ( KIPFER, BSK StPO, n° 6 ad art. 20; cf. art. 393 CPP et 37 de la loi sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération - LOAP, RS 173.71), ainsi que contre les décisions de la même autorité prises en matière d'entraide judiciaire (art. 25 EIMP).
2.2. La situation est différente lorsque la procédure pénale est de la compétence des autorités cantonales au sens de l'art. 22 CPP. Dans ce cas, l'ensemble de l'activité du ministère public est soumise aux autorités de recours cantonales ordinaires au sens de l'art. 393 al. 1 let. a CPP. Certes, l'accès au dossier pénal peut comporter, comme on l'a vu, le risque d'un détournement de la procédure d'entraide. Toutefois, contrairement à ce qu'estime l'OFJ, si l'autorité cantonale de recours ne peut pas connaître des recours formés directement contre les décisions de l'autorité d'exécution en matière d'entraide judiciaire, sa cognition est libre et complète, et s'étend à l'ensemble des questions de droit (art. 393 al. 2 let. a CPP; DONATSCH/HANSJAKOB/LIEBER, Kommentar StPO, n° 38 ad art. 393). Le grief de violation du droit administratif fédéral, y compris de l'EIMP, peut donc être soulevé dans ce cadre, et l'autorité de recours est alors tenue de l'examiner. Il n'est d'ailleurs pas rare qu'une question de droit administratif doive être examinée par une autorité pénale (par exemple lorsqu'il s'agit d'examiner l'obligation de diligence en rapport avec une infraction par négligence), ce qui n'en fait pas pour autant une cause de droit administratif. Les risques liés aux pratiques divergentes entre les autorités cantonales peuvent par ailleurs être palliés par l'intervention, en dernière instance, du Tribunal fédéral.
Admettre la possibilité d'un recours à la Cour des plaintes présenterait en outre des difficultés lorsque celui-ci porte également sur des questions de procédure pénale (telle que l'admission de la qualité de partie plaignante) pour lesquelles cette autorité n'est pas compétente.
2.3. La jurisprudence précitée doit ainsi être précisée en ce sens que la contestation sur le droit de la partie plaignante de consulter le dossier d'une procédure pénale cantonale doit être soumise à l'autorité de recours cantonale.
3.
Sur le vu de ce qui précède, l'arrêt d'irrecevabilité de la Cour des plaintes apparaît conforme au droit fédéral. Le recours doit être rejeté. Conformément à l'art. 66 al. 4 LTF, il n'est pas perçu de frais judiciaires. Les parties intimées n'ayant pas été appelées à procéder, il n'est pas alloué de dépens.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté.
2.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Ministère public et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours, ainsi qu'au Tribunal pénal fédéral, Cour des plaintes.
Lausanne, le 23 septembre 2013
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Fonjallaz
Le Greffier: Kurz