Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
5D_56/2022
Arrêt du 23 septembre 2022
IIe Cour de droit civil
Composition
MM. les Juges fédéraux Herrmann, Président,
Marazzi et Schöbi.
Greffière : Mme Jordan.
Participants à la procédure
A.________,
représentée par Me Tano Barth, avocat, Legalitic,
recourante,
contre
Vice-Présidente du Tribunal de première instance de la République et canton de Genève, place du Bourg-de-Four 1, 1204 Genève,
intimée.
Objet
indemnité de l'avocat d'office (assistance judiciaire; divorce),
recours contre la décision de la Présidente de la Cour de justice du canton de Genève, Assistance judiciaire, du 22 février 2022 (AC/1929/2017, DAAJ/14/2022).
Faits :
A.
Le 3 juillet 2017, Me A.________ a été désignée en qualité d'avocat d'office pour défendre les intérêts de B.________ avec effet au 21 juin 2017 dans le cadre d'une procédure unilatérale en divorce avec mesures superprovisionnelles. L'octroi de l'assistance juridique était limité à la première instance.
Par décisions des 11 juin et 1er décembre 2020, l'assistance juridique a été étendue à la seconde instance, l'ancien époux de B.________ ayant formé appel à l'encontre du jugement de divorce du 22 avril 2020. Elle a été limitée à 25 heures d'activité d'avocat au total, audiences et forfait courriers et téléphones non compris. L'appréciation des heures nécessaires en vertu de l'art. 16 al. 2 du règlement genevois du 28 juillet 2010 sur l'assistance juridique et l'indemnisation des conseils juridiques et défenseurs d'office en matière civile, administrative et pénale (RAJ/GE; RS/GE E 2 05.04) a été réservée au moment de la taxation de l'état de frais.
La procédure d'appel a pris fin le 26 janvier 2021 par le prononcé d'un arrêt de la Cour de justice confirmant le jugement de divorce.
B.
B.a. Pour l'activité déployée pour le compte de B.________ en première instance, Me A.________ a requis le versement d'un montant total de 36'443 fr. 88, sous déduction de l'avance de 10'000 fr. octroyée par décision du 15 juin 2020.
Pour la seconde instance, elle a demandé le paiement d'un montant total de 10'662 fr. 30, représentant 33 heures d'activité d'avocat accomplies entre le 3 septembre et le 10 novembre 2020.
B.b. Par décision de taxation du 3 juin 2021 - qui n'a pas fait l'objet de contestation -, le greffe de l'Assistance juridique a arrêté l'indemnité due à Me A.________ pour la première instance à 25'000 fr., montant duquel devait être déduite l'avance de 10'000 fr., mais auquel devait être ajoutée la TVA par 1'925 fr. Il a considéré que la rémunération réclamée était excessive, en particulier les postes " procédure " et " entretien client ", bien que l'affaire présentât une certaine complexité.
B.c. Par décision du même jour, l'indemnité due à l'avocate d'office pour la procédure de seconde instance a été arrêtée à 7'000 fr. 50, TVA comprise, montant correspondant aux 25 heures d'activité d'avocat fixées initialement par décisions des 11 juin et 1er décembre 2020 et à un forfait courriers et téléphones de 30%, précision faite qu'aucune audience n'avait été tenue.
Le recours interjeté contre cette dernière décision par Me A.________ auprès de la Présidente de la Cour de justice du canton de Genève a été déclaré irrecevable le 14 septembre 2021, la voie de droit choisie n'étant pas la bonne. Il a toutefois été transmis au président du Tribunal de première instance dès lors que la recourante avait agi dans le délai de 10 jours applicable à une demande de reconsidération.
Par décision du 21 octobre 2021, la Vice-présidente du Tribunal de première instance du canton de Genève a rejeté la demande de reconsidération, motif pris que l'indemnisation de la recourante ne pouvait être supérieure à la limite temporelle de 25 heures prévue dans les décisions d'extension de l'assistance juridique.
Le 22 février 2022, sur recours de l'avocate d'office, la Présidente de la Cour de justice (Assistance judiciaire) a annulé ce prononcé et, statuant à nouveau, a admis la demande de reconsidération, fixé la rémunération de Me A.________ à 7'539 fr. et débouté cette dernière de toutes autres conclusions. Elle n'a pas perçu de frais judiciaires pour le recours et a condamné l'État de Genève à verser à la recourante 200 fr. à titre de dépens réduits.
C.
Par écriture transmise par voie électronique et par voie postale le 7 avril 2022, Me A.________ interjette un recours en matière civile au Tribunal fédéral. Elle conclut principalement à la réforme de la décision cantonale en ce sens que son indemnisation est arrêtée à 9'951 fr. 50 et, subsidiairement, au renvoi pour nouvelle décision.
Il n'a pas été demandé de réponses.
Considérant en droit :
1.
1.1. La décision entreprise a pour objet la fixation de l'indemnité due à la recourante en sa qualité d'avocate d'office d'une partie à une procédure de divorce. Lorsqu'elle porte, comme en l'occurrence, sur la rétribution de l'activité déployée par le conseil d'office dans une affaire susceptible de recours en matière civile, la décision est rendue dans une matière connexe au droit civil au sens de l'art. 72 al. 2 let. b LTF (parmi plusieurs, arrêts 5D_31/2022 du 11 août 2022 consid. 1.1; 5D_11/2022 du 25 mars 2022 consid. 1.1; 5A_301/2018 du 7 juin 2018 consid. 1.1 et l'arrêt cité).
1.2. Le litige portant sur la rétribution de l'avocat d'office est de nature pécuniaire, de telle sorte que le recours en matière civile n'est recevable que si la valeur litigieuse atteint 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF). Cette indemnité ne constitue pas un " point accessoire " des conclusions au fond, mais concerne une prétention (découlant du droit public) qui compète en propre à l'avocat; partant, pour déterminer la valeur litigieuse, il faut se fonder sur le montant contesté de l'indemnité (arrêts 5D_31/2022 précité, consid. 1.2; 5D_11/2022 précité, consid. 1.2 et la référence; 5D_7/2019 du 5 août 2019 consid. 1.2 non publié in ATF 145 III 433, et les références).
En l'espèce, la valeur litigieuse n'est pas atteinte. Pour la recourante, le recours en matière civile serait néanmoins recevable, car la contestation soulèverait une question juridique de principe au sens de l'art. 74 al. 2 let. a LTF.
1.3. La jurisprudence n'admet que restrictivement l'existence d'une question juridique de principe, qui permet de déroger à l'exigence de la valeur litigieuse. Pour qu'une telle condition soit réalisée, il ne suffit pas que la question juridique n'ait jamais été tranchée par le Tribunal fédéral. Encore faut-il que la résolution du cas d'espèce implique de résoudre une question juridique donnant lieu à une incertitude caractérisée, appelant de manière pressante un éclaircissement de la part du Tribunal fédéral en tant qu'autorité judiciaire suprême chargée de dégager une interprétation uniforme du droit fédéral (ATF 146 III 237 consid. 1 et les références). Une nouvelle question juridique peut ainsi être tranchée par le Tribunal fédéral lorsque cette décision est propre à orienter la pratique, soit lorsque les instances inférieures sont appelées à trancher de nombreux cas similaires (ATF 140 III 501 consid. 1.3; 135 III 1 consid. 1.3). Le litige en cause doit être de nature à guider la résolution des autres cas. Cette condition n'est pas remplie lorsqu'il présente des particularités dont les autres affaires sont généralement dépourvues (ATF 139 II 340 consid. 4). Il y a également lieu d'examiner s'il est probable ou non que la question litigieuse puisse un jour être présentée avec une valeur litigieuse suffisante pour ouvrir la voie du recours en matière civile (ATF 134 III 115 consid. 1.2, 267 consid. 1.2.3; arrêt 5A_120/2016 du 26 mai 2016 consid. 1.2 et les autres références). Si le point soulevé ne concerne que l'application de principes jurisprudentiels à un cas particulier, il ne saurait être qualifié de question juridique de principe (ATF 141 II 113 consid. 1.4.1; 135 III 1 consid. 1.3).
La recourante fait valoir que la présente cause soulèverait deux questions juridiques de principe.
Elle soutient d'abord qu'il serait essentiel de clarifier si une décision octroyant une assistance judiciaire quantitativement circonscrite à un certain nombre d'heures d'avocat constitue une " décision incidente qui devrait être attaquée avec la décision finale ", ainsi que semble l'indiquer l'arrêt 1B_385/2021 du 25 octobre 2021 consid. 1, ou " une décision devant être attaquée immédiatement jusqu'au Tribunal fédéral ", comme il en résulterait de l'arrêt 4A_523/2019 du 16 avril 2020 consid. 7. Ce faisant, elle tire un parallèle entre des considérations qui ne ressortissent pas aux mêmes questions, de telle sorte qu'on ne saurait retenir qu'elles seraient " en contradiction " au point de fonder une question juridique de principe. Le considérant un de l'arrêt 1B_385/2021 traite de la recevabilité sous l'angle de la condition du préjudice irréparable de l'art. 93 al. 1 let. a LTF du recours interjeté par une partie assistée devant le Tribunal fédéral contre une décision cantonale confirmant une limitation de principe de l'indemnisation des déplacements de l'avocat d'office à une demi-heure au maximum par trajet. Tout en relevant le caractère douteux de l'existence d'un tel dommage pour le recourant, le Tribunal fédéral a laissé ouverte cette question (consid. 1), la décision de limiter l'indemnisation des frais de déplacement en fonction de leur durée ne contrevenant notamment pas au droit fédéral (consid. 1 in fine et 2). Le considérant 7 de l'arrêt 4A_523/2019 dispose que la décision posant le principe d'une assistance judiciaire quantitativement circonscrite à quinze heures d'avocat d'office qui n'a pas fait l'objet d'un recours de la partie assistée a autorité de chose jugée sur ce point et en conclut que celle-là ne peut plus se plaindre de la compatibilité de la limitation de l'assistance judiciaire avec l'art. 118 CPC dans le cadre d'un recours interjeté contre une décision ultérieure accordant une extension des heures d'avocat d'office initialement allouées pour les prestations encore attendues de ce dernier, à l'exclusion de celles déjà effectuées mais excédant la durée initiale.
La Cour de céans ne saurait par ailleurs entrer en matière lorsque la recourante affirme que la question de la compatibilité avec les art. 118 CPC, 29 al. 3 Cst. et 6 CEDH de la pratique genevoise fondée sur l'art. 3 RAJ/GE de limiter l'activité de l'avocat d'office à un certain nombre d'heures constitue aussi une question juridique de principe, nonobstant le fait que l'autorité cantonale ne soit pas entrée en matière à ce sujet. Le bref passage du recours consacré à ce point est insuffisant au regard des exigences de motivation prévalant en la matière. La recourante se limite en effet à énoncer péremptoirement qu'il s'agit là d'une question qu'elle juge comme étant de principe. Ainsi, elle ne tente pas de démontrer l'existence d'une incertitude caractérisée qui appellerait de manière pressante un éclaircissement du Tribunal fédéral. Quoi qu'il en soit, l'existence d'une question juridique de principe sur ce point ne s'impose pas de façon évidente, l'autorité cantonale ayant refusé d'examiner ce dernier.
Cela étant, le recours en matière civile est irrecevable. Seule reste ouverte la voie du recours constitutionnel subsidiaire (art. 113 ss LTF).
1.4. A cet égard, le recours a été déposé en temps utile ( art. 117 et 100 al. 1 LTF ) contre une décision finale ( art. 117 et 90 LTF ) prise en dernière instance cantonale et sur recours par un tribunal supérieur ( art. 114 et 75 LTF ), par une partie qui a pris part à la procédure devant l'autorité précédente et a un intérêt juridique à la modification de la décision (art. 115 LTF).
2.
Si la Cour de céans devait admettre que l'autorité cantonale a refusé à tort d'entrer en matière sur le grief tiré de la conformité au droit fédéral de la pratique genevoise fondée sur l'art. 3 RAJ/GE de limiter l'activité de l'avocat d'office à un certain nombre d'heures, elle ne pourrait que renvoyer la cause pour examen de ce moyen. Partant, le chef de conclusions tendant à ce que l'indemnité de l'avocate d'office soit fixée à 9'951 fr. 50 est irrecevable, tout comme la critique soulevée dans ce cadre.
3.
Le recours constitutionnel subsidiaire n'est ouvert que pour se plaindre de la violation des droits constitutionnels (art. 116 LTF). En vertu de l'art. 106 al. 2 LTF, applicable par renvoi de l'art. 117 LTF, les griefs y relatifs doivent être invoqués et motivés par le recourant, à savoir expressément soulevés et exposés de manière claire et détaillée (" principe d'allégation "; ATF 144 II 313 consid. 5.1; 142 II 369 consid. 2.1; 142 III 364 consid. 2.4). Le recourant doit ainsi indiquer quelle disposition constitutionnelle aurait été violée et démontrer, par une argumentation précise, en quoi consiste cette violation (ATF 134 II 349 consid. 3).
4.
4.1. La Cour de justice a considéré que, nonobstant la mention de l'art. 29 al. 3 Cst. dans son écriture cantonale, la recourante ne se plaignait pas réellement de l'incompatibilité du droit cantonal genevois avec la Constitution fédérale, mais plaidait plutôt la non-conformité à l'art. 118 al. 2 CPC (relatif à l'étendue de l'assistance judiciaire) de la limitation du nombre d'heures d'activité d'avocat d'office prévue à l'art. 3 al. 1 première phrase RAJ/GE. Partant, elle a refusé d'examiner à titre préjudiciel la constitutionnalité de la norme cantonale contestée.
Sur la conformité du règlement cantonal avec le droit fédéral, elle a relevé que la bénéficiaire de l'assistance juridique n'avait pas attaqué les décisions des 11 juin et 1er décembre 2020 lui accordant une aide étatique quantitativement circonscrite à 25 heures d'activité d'avocat d'office au total (audiences et forfait courriers et téléphones non inclus), acquiesçant ainsi implicitement au principe d'une assistance judiciaire quantitativement circonscrite à un certain nombre d'heures d'activité d'avocat. Ces décisions avaient dès lors acquis autorité de chose jugée sur ce point, de sorte qu'elles ne pouvaient plus être remises en cause, tant dans leur principe que dans l'étendue de l'aide étatique octroyée, encore moins par le biais d'un recours déposé par l'avocate d'office contre une décision portant sur la fixation de son indemnité. Il s'ensuivait que les nombreux griefs invoqués par la recourante en lien avec l'incompatibilité de l'art. 3 RAJ/GE avec l'art. 118 CPC ne seraient pas examinés
Citant l'arrêt 4A_523/2019 du 16 avril 2020 consid. 5 et 7, l'autorité cantonale a par ailleurs jugé que, nonobstant l'entrée en force des décisions d'assistance judiciaire précitées, la justiciable conservait la possibilité de présenter une requête tendant à l'augmentation de ce nombre d'heures si elle considérait que la limitation quantitative fixée jusqu'alors ne suffisait pas à une représentation adéquate de la cause. Une telle demande aurait toutefois dû intervenir avant l'épuisement, ou à tout le moins peu après l'épuisement du nombre d'heures initialement alloué. Une requête d'extension du nombre d'heures formée au moment de la taxation, après que l'avocate d'office avait fourni une activité excédant la durée allouée, équivalait en effet, en réalité, à requérir que l'assistance judiciaire soit accordée à titre rétroactif, ce que l'art. 119 al. 4 CPC excluait, sauf circonstances exceptionnelles non réalisées en l'espèce, dès lors que la recourante ne prétendait pas avoir été objectivement empêchée de requérir une augmentation du nombre d'heures d'avocat pour le compte de sa cliente.
4.2. La recourante taxe un tel raisonnement d'arbitraire. Elle expose d'abord que la partie recourante n'est pas la bénéficiaire de l'assistance judiciaire mais elle-même en sa qualité d'avocate d'office et qu'il est donc " surprenant " qu'elle se voit reprocher l'absence de recours de la destinataire et bénéficiaire de la décision d'octroi alors que la première décision la concernant était la décision de taxation. Elle affirme ensuite que le raisonnement de l'autorité cantonale (ainsi que celui tenu dans l'arrêt 4A_523/2019) " méconnaît [...] que, même si une décision incidente peut causer un préjudice irréparable, la justiciable peut attaquer celle-ci avec la décision finale (sous réserve des problématiques de compétence et de récusation) " et qu'il " empêche la contestation d'une décision incidente dans le cadre d'une décision finale ". Elle est enfin d'avis que l'arrêt attaqué confond la limitation et le principe de l'octroi de l'assistance judiciaire. Elle allègue à cet égard que, dans la mesure où " l'assistance judiciaire a été accordée à Madame B.________, il n'est plus question d'un octroi rétroactif, mais d'une extension du nombre d'heures " et qu'" il est donc arbitraire de considérer qu'une fois l'assistance octroyée, il s'agirait d'un octroi rétroactif chaque fois que l'extension n'est pas demandée juste au moment où le nombre d'heures est épuisé[.] ". Elle ajoute que " cette question peut cependant demeurer ouverte, dès lors que de toute manière, vu que les décisions incidentes peuvent de toute manière être attaquées dans le cadre de la décision finale et ainsi la limitation du nombre d'heures annulée[s], la question d'une non-rétroactivité de l'octroi de l'assistance judiciaire ne se pose même pas ".
Autant qu'elle est intelligible, une telle argumentation, qui s'épuise en des affirmations péremptoires, ne correspond nullement à une motivation conforme à l'art. 106 al. 2 LTF (par renvoi de l'art. 117 LTF; cf. supra, consid. 3). Partant, elle est irrecevable.
5.
Vu ce qui précède, le recours est irrecevable. La recourante, qui succombe, supportera les frais de la procédure (art. 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens (art. 68 al. 3 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est irrecevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Présidente de la Cour de justice du canton de Genève, Assistance judiciaire.
Lausanne, le 23 septembre 2022
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Herrmann
La Greffière : Jordan