Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
1C_540/2024
Arrêt du 23 septembre 2024
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président,
Chaix et Müller.
Greffier : M. Kurz.
Participants à la procédure
1. A.________,
2. B.________ SA,
tous les deux représentés par Me Didier Bottge, avocat,
recourants,
contre
Ministère public de la République et canton de Genève,
route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy.
Objet
Entraide judiciaire internationale en matière pénale à la France; remise de moyens de preuve,
recours contre l'arrêt du Tribunal pénal fédéral, Cour des plaintes, du 4 septembre 2024 (RR.2023.174/175/176).
Faits :
A.
Par ordonnance de clôture du 31 octobre 2023, le Ministère public du canton de Genève a transmis, au Juge d'instruction à la Cour d'appel d'Aix en Provence, des documents relatifs à des comptes bancaires détenus par A.________, B.________ SA et C.________ Sàrl (en liquidation) auprès de D.________ SA. Cette transmission intervient en exécution d'une demande d'entraide judiciaire et d'un complément formés dans le cadre d'une enquête pour association de malfaiteurs et blanchiment d'argent en lien avec une bande criminelle en Corse dont un membre aurait rencontré A.________ en mai 2019. Un montant de 2 millions d'euros lui aurait été versé en juillet 2019, que l'intéressé aurait tenté en vain de transférer à Hong Kong.
B.
Par arrêt du 4 septembre 2024, la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral a rejeté dans la mesure de sa recevabilité le recours formé par A.________, B.________ SA et C.________ Sàrl. Cette dernière avait été dissoute en décembre 2023 et le recourant n'avait pas démontré qu'il avait été bénéficiaire de sa liquidation. Il était en outre très douteux que B.________ SA puisse agir au nom d'une société qui n'avait finalement pas été constituée. B.________ SA, dont A.________ était l'administrateur, avait eu connaissance de la demande d'entraide et les recourants avaient eu l'occasion de participer au tri des documents; la demande d'entraide était suffisamment motivée, même si l'autorité requérante avait, dans sa requête complémentaire, considéré le recourant comme une victime potentielle. L'autorité d'exécution avait étendu la période d'investigation, mais le principe de la proportionnalité demeurait respecté. Si les autorités françaises avaient contacté A.________ en Suisse à de nombreuses reprises afin de le convoquer à des auditions en France, cela n'avait aucune incidence sur l'octroi de l'entraide.
C.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ et B.________ SA demandent au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt de la Cour des plaintes et la décision de clôture et de rejeter la demande d'entraide et son complément. Subsidiairement, ils demandent que soit ordonné un tri avec caviardage des transactions sans liens avec les personnes faisant l'objet de l'enquête. Plus subsidiairement, ils concluent au renvoi de la cause à la Cour des plaintes pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
Il n'a pas été demandé de réponse.
Considérant en droit :
1.
Selon l'art. 84 LTF, le recours en matière de droit public est recevable à l'encontre d'un arrêt du Tribunal pénal fédéral en matière d'entraide judiciaire internationale si celui-ci a, comme en l'espèce, pour objet une saisie et s'il concerne un cas particulièrement important (al. 1). Un cas est particulièrement important notamment lorsqu'il y a des raisons de supposer que la procédure à l'étranger viole des principes fondamentaux ou comporte d'autres vices graves (al. 2). Ces motifs d'entrée en matière ne sont toutefois pas exhaustifs et le Tribunal fédéral peut être appelé à intervenir lorsqu'il s'agit de trancher une question juridique de principe, quand il s'agit d'examiner une question qui ne s'était jamais posée précédemment ou lorsque l'instance précédente s'est écartée de la jurisprudence suivie jusque-là (ATF 142 IV 250 consid. 1.3).
En vertu de l'art. 42 al. 2 LTF, il incombe à la partie recourante de démontrer que les conditions d'entrée en matière posées à l'art. 84 LTF sont réunies (ATF 139 IV 294 consid. 1.1). En particulier, il ne suffit pas d'invoquer des violations des droits fondamentaux de procédure pour justifier l'entrée en matière; seule une violation importante, suffisamment détaillée et crédible, peut conduire, le cas échéant, à considérer que la condition de recevabilité posée à l'art. 84 al. 2 LTF est réalisée (ATF 145 IV 99 consid. 1.5).
1.1. La présente cause porte certes sur la transmission de renseignements touchant le domaine secret. Toutefois, compte tenu des faits à l'origine de la demande (soit des infractions sans aucune connotation fiscale ou politique) et de la nature de la transmission envisagée, limitée à la documentation relative à des relations bancaires déterminées, le cas ne revêt en soi aucune importance particulière.
1.2. Les recourants affirment que l'enquête menée en France violerait des principes fondamentaux et comporterait des vices graves, en ce sens que l'autorité requérante a d'abord dépeint le recourant comme auteur des faits exposés, avant de le qualifier de victime potentielle. On ne voit toutefois pas en quoi ce changement de statut, sans doute en fonction de l'évolution de l'instruction, serait constitutif d'un vice grave dès lors que l'autorité requérante a dûment fait état de ce changement et précisé que la situation procédurale du recourant s'en trouverait manifestement améliorée. Le recourant craint que la transmission litigieuse l'expose à des représailles. C'est toutefois exclusivement à l'autorité d'instruction française qu'il appartiendrait de prendre s'il y a lieu les mesures de protection adéquates; les recourants ne prétendent d'ailleurs pas que de telles mesures ne pourraient pas être ordonnées selon le droit français. C'est également aux autorités françaises qu'il appartiendrait de sanctionner - à conditions que celles-ci soient avérées - les tentatives illicites d'obtenir la comparution du recourant en France. L'État requérant fait en effet partie de ceux dont on présume le respect des droits de l'homme et des garanties de procédure et rien ne permet d'affirmer à ce stade que la procédure pénale en France ne satisfera pas in fine aux exigences de la CEDH (cf. arrêt 1C_574/2022 du 4 novembre 2022 consid. 1.3).
Les irrégularités alléguées ne sauraient ainsi faire échec à l'octroi de l'entraide judiciaire, ni justifier une entrée en matière sur le présent recours.
1.3. Les recourants se plaignent aussi d'une violation de principes fondamentaux dans la procédure en Suisse, en raison du refus du Ministère public de procéder à un tri des documents. L'arrêt attaqué rappelle toutefois qu'un tel tri a eu lieu le 4 octobre 2021, sur la base d'une liste de mots-clés, et que le Ministère public a ensuite décidé de transmettre l'ensemble de la documentation, la considérant comme potentiellement utile à l'enquête menée en France. Si leur argumentation relative à la limitation de la transmission n'a pas été suivie par l'autorité d'exécution, les recourants ne sauraient toutefois se plaindre d'une absence totale de tri.
Les recourants reprochent aussi au Ministère public de ne pas avoir exposé les raisons justifiant une extension de la période d'investigation (de 2018 à 2023, alors que la demande d'entraide portait sur la période de 2018 à mi-juin 2021). Quoiqu'il en soit, la Cour des plaintes a confirmé une telle extension et en a exposé les raisons, de sorte qu'une éventuelle violation du droit d'être entendu a pu être réparée.
1.4. Les recourants tentent de voir une question de principe à propos du statut procédural du recourant, en relevant que les mesures de contrainte doivent être appliquées avec une retenue particulière à l'égard des personnes n'ayant pas le statut de prévenu (art. 197 al. 2 CPP). Les recourants méconnaissent que l'octroi de l'entraide judiciaire est admissible indépendamment du statut de la personne visée en Suisse, pour autant notamment que les renseignements requis répondent au critère général de l'utilité potentielle. La question de savoir si le recourant est prévenu, témoin ou partie civile dans la procédure en France est donc sans incidence dans ce cadre et ne constitue pas une question de principe.
1.5. Il en va de même de la question de la qualité pour recourir de la société qui est mentionnée dans les documents transmis mais qui n'a finalement pas été constituée. La Cour des plaintes a laissé indécise la question de savoir si B.________ SA pouvait agir dans ce cadre. Dès lors que l'instance précédente a traité l'entier des griefs soulevés, y compris en tant qu'ils concernaient les documents relatifs à la société en question, le grief soulevé à propos de la qualité pour agir est lui aussi sans pertinence.
2.
Sur le vu de ce qui précède, la condition posée à l'art. 84 al. 2 LTF (dont il convient de rappeler que le but est de limiter fortement l'accès au Tribunal fédéral dans le domaine de l'entraide judiciaire, en ne permettant de recourir que dans un nombre très limité de cas jugés particulièrement importants - ATF 145 IV 99 consid. 1.2 et les références) n'est pas remplie, ce qui entraîne l'irrecevabilité du recours. Conformément à l'art. 66 al. 1 LTF, les frais judiciaires sont mis à la charge solidaire des recourants qui succombent. Le présent arrêt est rendu selon la procédure simplifiée prévue à l'art. 109 al. 1 LTF.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est irrecevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge solidaire des recourants.
3.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire des recourants, au Ministère public de la République et canton de Genève, au Tribunal pénal fédéral, Cour des plaintes, et à l'Office fédéral de la justice, Unité Entraide judiciaire.
Lausanne, le 23 septembre 2024
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Kneubühler
Le Greffier : Kurz