Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
4C.235/2006 /ech
Arrêt du 23 octobre 2006
Ire Cour civile
Composition
MM. et Mmes les Juges Corboz, président, Klett, Rottenberg Liatowitsch, Kiss et Mathys.
Greffière: Mme Aubry Girardin.
Parties
A.________,
demandeur et recourant, représenté par Me Nicolas Jeandin,
contre
Société anonyme du Journal de Genève et de la Gazette de Lausanne,
défenderesse et intimée, représentée par Me Daniel Tunik.
Objet
société anonyme; révocation du liquidateur
(recours en réforme contre l'arrêt de la 1re Section de la Cour de justice genevoise du 18 mai 2006).
Faits:
A.
A.a A.________ détient deux actions de la Société Anonyme du Journal de Genève et de la Gazette de Lausanne (ci-après: SAJGGL) sur un total de 1'162'500 actions nominatives.
En 1997, A.________ et d'autres actionnaires minoritaires ont tenté en vain de s'opposer à la cessation de la parution du Journal de Genève et Gazette de Lausanne et à la création subséquente du quotidien Le Temps.
La SAJGGL s'est depuis lors transformée en une société holding dont la principale activité était de détenir 47 % du capital-actions de la SA Le Temps. Elle possédait par ailleurs une créance postposée de 6 millions de francs contre cette société.
B.________ était administrateur de la SAJGGL et de la SA Le Temps. Disposant d'une signature collective à deux, il a signé, avec une autre personne, la convention de postposition de la créance de la SAJGGL, agissant tant pour cette dernière que pour la SA Le Temps.
Lors de l'assemblée générale de la SAJGGL du 4 juillet 2000, alors que la situation comptable de la société correspondait à celle visée à l'art. 725 al. 1 CO, B.________ a recommandé aux actionnaires de ne pas tirer de conséquences de cette situation comptable et de ne pas aviser le juge.
A la suite d'une offre d'achat lancée en février 2001, le 80 % des actions de la SAJGGL a été regroupé en mains de quelques actionnaires alliés à un groupe de banquiers privés. Ces actionnaires majoritaires ont délégué au conseil d'administration de la SAJGGL le soin de les représenter lors des assemblées générales de la société.
Le 31 mai 2001, la SAJGGL a vendu à trois actionnaires, à savoir C.________, D.________ et E.________ SA, sa participation de 47 % du capital-actions de la SA Le Temps, ainsi que sa créance postposée pour le prix de 11 millions de francs. Cette vente était soumise à l'approbation de l'assemblée générale.
Lors de l'assemblée générale de la SAJGGL du 22 juin 2001, il a notamment été décidé, à la majorité absolue, de ratifier la vente conclue le 31 mai 2001, de dissoudre la SAJGGL et de nommer B.________ en qualité de liquidateur. La dissolution a été acceptée par 1'049'448 voix dont 1'035'523 voix étaient représentées par les organes de la société.
Depuis le 22 juin 2001, la SAJGGL n'a pratiquement plus exercé d'activité.
A.b Le 22 août 2001, A.________, de concert avec un groupe d'actionnaires, a introduit une action en justice à Genève tendant notamment à l'annulation de la décision d'approbation du rapport de gestion et des comptes pour l'exercice 2000 de la SAJGGL, de la décharge donnée aux administrateurs, de leur reconduction dans leurs fonctions et de l'élection de Y.________ en tant qu'organe de révision, ainsi qu'à l'annulation des décisions prises le 22 juin 2001.
Par ordonnance du 1er juillet 2002, le Tribunal a notamment interdit à titre provisoire l'inscription au registre du commerce de la dissolution et de la mise en liquidation de la SAJGGL.
Par jugement du 8 décembre 2005, le Tribunal de première instance a rejeté la demande pour l'essentiel, annulant uniquement la décision de décharge des administrateurs, pour le motif que ceux-ci avaient voté leur propre décharge. A.________ et ses consorts ont appelé de cette décision. La procédure est actuellement pendante devant la Cour de justice genevoise.
La vente par la SAJGGL de 47 % du capital-actions de la SA Le Temps, ainsi que la dissolution et la liquidation subséquente de la SAJGGL sont donc pour l'instant bloquées et dépendent de l'issue des procédures pendantes.
Les actionnaires candidats au rachat du capital-actions de la SA Le Temps n'ont payé à la qu'une partie des 11 millions de francs stipulés, le solde du prix de vente, portant intérêt, a été garanti à première demande par des billets à ordre émis par lesdits actionnaires, qui n'ont pas été acquittés. Ce montant a été comptabilisé au poste actif "débiteurs" dans les livres de la SAJGGL.
A.c Lors d'une assemblée générale du 11 février 2004, les comptes pour les exercices 2001 et 2002 de la SAJGGL ont été approuvés et la décharge du liquidateur a été votée. A cette occasion, B.________ a considéré que les conditions mises à la réalisation de la convention du 31 mai 2001 étaient réunies, de sorte que celle-ci était devenue exécutoire.
A.d Le 25 juin 2004, A.________, qui n'était pas satisfait des informations qui lui avaient été transmises à sa requête avant et au cours de l'assemblée du 11 février 2004, a déposé une demande de renseignements et de consultation de pièces à l'encontre de la SAJGGL. Rejetée en première instance, cette demande a été admise par la Cour de justice, qui a ordonné à la SAJGGL d'autoriser A.________ à consulter les livres.
A.e Lors de l'assemblée générale de la SAJGGL du 6 juillet 2004, B.________ a expliqué que le poste débiteurs apparaissant à l'actif du bilan à hauteur de 6'845'469,94 fr. représentait le solde de la dette de deux des trois actionnaires ayant repris la participation de la société dans la SA Le Temps, le troisième ayant payé entièrement sa part, dès que les conditions d'achat de la convention du 31 mai 2001 avaient été réunies. Ce solde était garanti par deux billets à ordre immédiatement négociables. A l'époque, le conseil d'administration avait considéré qu'il n'était pas adéquat de faire porter aux actionnaires repreneurs la charge de l'immobilisation de la totalité de leur engagement financier pris dans la perspective d'une liquidation de la société, alors que celle-ci était reportée en raison d'éléments qu'ils ne maîtrisaient pas.
A.f Lors de l'assemblée générale du 23 juin 2005, il a été décidé de réduire le capital social de la SAJGGL de 13'960'000 fr. à 4'068'750 fr. par remboursement de 8 fr. 50 par action, de modifier les statuts en ce sens, de reporter le bénéfice de l'exercice 2004, de donner la décharge au liquidateur et de nommer Y.________ aux fonctions d'organe de révision. B.________ a pris part au vote.
La réduction du capital social était justifiée par le fait que, n'exerçant plus aucune activité commerciale, la SAJGGL était surcapitalisée, ce qui entraînait des frais inutiles, notamment en matière d'impôts, au détriment de la société et des actionnaires. Cette réduction devait s'effectuer par un versement en espèces aux actionnaires pour un montant de 3'693'937 fr. 50 et par compensation partielle de la créance des actionnaires repreneurs des actifs de la SAJGGL à hauteur de 6'187'312 fr. 50 Pour ces derniers, la réduction envisagée avait donc pour effet de compenser partiellement le paiement du prix de vente avec le remboursement de leurs actions.
A l'occasion de cette assemblée, A.________ a dénoncé un conflit d'intérêts de Y.________, en raison de ses mandats de révision pour la SA Le Temps et le Groupe Edipresse.
Le 24 août 2005, un groupe d'actionnaires minoritaires comprenant A.________ a actionné la SAJGGL en annulation de la décision de réduire le capital social. Cette procédure est actuellement pendante.
La modification statutaire entérinant la diminution du capital-actions a été publiée dans la Feuille d'avis officielle le 12 décembre 2005.
A.g En sa qualité d'administrateur de la SAJGGL, B.________ recevait 50'000 fr. d'honoraires annuels et il a continué à percevoir le même montant en qualité de liquidateur de la société. Cette rémunération est versée sur la base de notes d'honoraires succinctes.
La comptabilité de la SAJGGL est tenue par la Société Z.________, qui s'occupe aussi de certaines tâches administratives. Elle perçoit environ 60'000 fr. d'honoraires annuels. Le contentieux judiciaire de la SAJGGL est pris en charge par une Etude d'avocats, qui a encaissé 22'000 fr. d'honoraires en 2004.
A.h Le 2 août 2005, A.________ a déposé une plainte pénale contre B.________ et les trois actionnaires candidats au rachat de 47 % du capital-actions de la SA Le Temps. Le classement de cette plainte par le Procureur général a été confirmé par la Chambre d'accusation. Le recours de A.________ au Tribunal fédéral contre cette décision a été déclaré irrecevable le 28 mars 2006 (cause 1P.171/2006).
B.
Le 28 octobre 2005, A.________ a déposé une action à l'encontre de la SAJGGL en concluant à la révocation pour justes motifs de B.________ de ses fonctions de liquidateur de la société et en requérant, à titre préalable, la condamnation de cette dernière à produire diverses pièces (art. 64 al. 2 OJ).
Par jugement du 16 janvier 2006, le Tribunal de première instance a débouté A.________ de l'entier de ses conclusions.
La 1ère Section de la Cour de justice, par arrêt du 18 mai 2006, a rejeté le recours déposé par A.________ et confirmé le jugement attaqué.
C.
Contre l'arrêt du 18 mai 2006, A.________ (le demandeur) dépose un recours en réforme au Tribunal fédéral. Il conclut à l'annulation de la décision attaquée et à ce que le Tribunal fédéral, statuant à nouveau, révoque B.________ de ses fonctions de liquidateur de la SAJGGL et retourne la cause à l'autorité cantonale, afin qu'elle nomme un nouveau liquidateur offrant toutes les garanties de compétences et d'indépendance nécessaires.
La SAJGGL (la défenderesse) propose de rejeter le recours et de confirmer l'arrêt du 18 mai 2006.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
1.1 Le présent litige porte sur une demande tendant à la révocation d'un liquidateur. La jurisprudence a reconnu le caractère civil d'une telle procédure, lorsque le mandat du liquidateur repose sur la loi, les statuts, une décision de la société ou un contrat (ATF 117 II 163 consid. 1a). Cette contestation revêt également une nature pécuniaire et, compte tenu des intérêts économiques en jeu, il y a lieu d'admettre que la valeur litigieuse minimale de l'art. 46 OJ est dépassée (cf. arrêt du Tribunal fédéral 4C.139/2001 du 13 août 2001 consid. 1c).
Interjeté par le demandeur, qui a été entièrement débouté de ses conclusions, et dirigé contre un jugement final rendu en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ), le recours, déposé en temps utile (art. 54 al. 1 OJ) et dans les formes requises (art. 55 OJ), est ainsi recevable.
1.2 Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral applique le droit d'office, sans être lié par les motifs que les parties invoquent ( art. 63 al. 1 et 3 OJ ), ni par l'argumentation juridique retenue par la cour cantonale (art. 63 al. 3 OJ; ATF 130 III 297 consid. 3.1). Il peut donc admettre un recours pour d'autres motifs que ceux invoqués par le recourant (ATF 130 III 297 consid. 3.1 in fine) et il peut également rejeter le recours en adoptant une autre solution que celle retenue par la cour cantonale (ATF 127 III 248 consid. 2c p. 253).
2.
Lorsqu'il statue sur un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire son raisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décision attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il y ait lieu de rectifier des constatations reposant sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter les constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents, régulièrement allégués et clairement établis (art. 64 OJ; ATF 130 III 102 consid. 2.2; 127 III 248 consid. 2c et les arrêts cités). Hormis ces exceptions que le recourant doit invoquer expressément, il ne peut être présenté de griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ).
Sous réserve des faits retenus en application de l'art. 64 al. 2 OJ par la Cour de céans, il ne sera pas tenu compte des précisions et des compléments apportés par le demandeur à l'état de fait reproduit dans l'arrêt entrepris.
3.
Le demandeur se plaint d'une violation de l'art. 741 al. 2 CO. Il reproche en substance à la cour cantonale d'avoir rejeté sa demande tendant à la révocation du liquidateur, en examinant isolément chacun des comportements de ce dernier, sans procéder à l'appréciation de la situation dans son ensemble, et en niant que ces différentes circonstances puissent constituer des justes motifs au sens de l'art. 741 al. 2 CO.
3.1 Les divers comportements du liquidateur mis en évidence par le demandeur sont intervenus postérieurement à l'entrée en vigueur, le 1er juillet 1992, du nouveau droit de la société anonyme, de sorte que le nouveau droit est applicable (ATF 132 III 564 consid. 4.1). Toutefois, comme l'art. 741 al. 2 CO actuel correspond à l'art. 741 al. 1 aCO, la doctrine et la jurisprudence rendues sous l'empire de l'ancien droit gardent leur pertinence (arrêt 4C.139/2001 précité, consid. 2).
3.2 Alors que la légitimation active appartient à tout actionnaire, seule la société et non le liquidateur possède la légitimation passive (Bürgi/Nordmann-Zimmermann, Commentaire zurichois, n. 5 ad art. 741 aCO; Meier-Hayoz, Die richterliche Ernennung von Liquidatoren bei der Aktiengesellschaft, RSJ 46/1950 p. 213 ss, 218). C'est donc à juste titre que le demandeur a introduit son action à l'encontre de la SAJGGL.
3.3 L'art. 741 al. 2 CO prévoit qu'à la requête d'un actionnaire et s'il existe de justes motifs, le juge peut révoquer des liquidateurs et, au besoin, en nommer d'autres. Cette disposition a pour but de protéger les intérêts de la minorité (Stäubli, Commentaire bâlois, n. 11 ad art. 741 CO; Böckli, Schweizer Aktienrecht, 3e éd. Zurich 2004, § 17 n. 40).
Par justes motifs, il faut entendre toutes circonstances desquelles on peut déduire objectivement que la liquidation ne sera pas exécutée de manière régulière, de telle sorte que les intérêts des actionnaires et de la société pourraient être mis en péril ou lésés. Il peut s'agir par exemple de l'incapacité d'un liquidateur, de sa négligence, de son absence, de son manque de probité ou encore de sa dépendance prévisible à l'égard d'une majorité qui prendrait des décisions abusives (arrêts du Tribunal fédéral 4C.92/2005 du 19 juillet 2005, publié in SJ 2006 I p. 134 ss, consid. 2.1 et 4C.139/2001 précité, consid. 2a, ainsi que la référence à Bürgi/Nordmann-Zimmermann, op. cit., n. 9 ad art. 741 aCO). Il peut aussi y avoir un juste motif lorsqu'un liquidateur occupe une double fonction, par exemple liquidateur de la société dissoute et administrateur d'une société nouvellement créée qui doit reprendre les valeurs patrimoniales de l'ancienne société (Stäubli, op. cit., n. 11 ad art. 741 CO) ou si un liquidateur est en conflit avec un actionnaire ou un groupe d'actionnaires (Meier-Hayoz, op. cit., p. 217).
La crainte qu'un liquidateur ne remplisse pas régulièrement sa fonction sera d'autant plus fondée qu'il a déjà violé ses devoirs (arrêts précités 4C.92/2005, publié in SJ 2006 I p. 134 ss, consid. 2.1, et 4C.139/2001, consid. 2a). A l'instar d'un administrateur, le liquidateur dispose d'une marge de manoeuvre étendue, qui est toutefois limitée par le fait qu'il doit garantir les intérêts de la société, et non agir dans son propre intérêt ou dans celui d'actionnaires déterminés ou de tiers. L'art. 717 CO lui est applicable, de sorte qu'il doit veiller à un traitement égal de tous les actionnaires (cf. art. 717 al. 2 CO; Stoffel, FJS 403 p. 10). Le respect de cette exigence pose problème en cas de conflit d'intérêts (Riek, Das Liquidationsstadium bei der AG, thèse Zurich 2003, p. 60) et la jurisprudence considère qu'en présence d'un tel conflit, il faut, contrairement à la règle habituelle, présumer que le liquidateur a agi contrairement à ses devoirs (arrêt 4C.139/2001 précité, consid. 2a/bb in fine).
On peut ajouter que les justes motifs doivent résider dans la personne du liquidateur. Ainsi, il peut être tenu compte, lors de l'application de l'art. 741 al. 2 CO, du fait qu'un liquidateur a déjà adopté par le passé un comportement non conforme à ses fonctions pour la société, peu importe qu'il n'ait alors pas agi en tant que liquidateur, mais par exemple en qualité de dirigeant (cf. arrêt 4C.139/2001 précité, consid. 3b).
Pour déterminer s'il existe des justes motifs de révocation au sens de l'art. 741 al. 2 CO, le juge doit faire usage de son pouvoir d'appréciation. Il appliquera les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC), en tenant compte de toutes les circonstances particulières du cas concret (arrêts précités 4C.92/2005, publié in SJ 2006 I p. 134 ss, consid. 2.1, et 4C.139/2001, consid. 2b). Comme chaque fois qu'une question relève du pouvoir d'appréciation du juge, le Tribunal fédéral ne revoit qu'avec réserve la décision d'équité prise en dernière instance cantonale et n'intervient que si le juge a excédé ou abusé de son pouvoir d'appréciation. Tel est notamment le cas si la décision attaquée s'appuie sur des faits qui, dans le cas particulier, ne devaient jouer aucun rôle ou lorsqu'elle ignore des éléments qui auraient absolument dû être pris en considération; le Tribunal fédéral redresse en outre les décisions rendues en vertu d'un pouvoir d'appréciation lorsqu'elles aboutissent à un résultat manifestement injuste ou à une iniquité choquante (ATF 132 III 49 consid. 2.1 p. 51, 109 consid. 2 p. 111 s. et les arrêts cités).
3.4 En l'espèce, la cour cantonale n'a pas examiné dans leur ensemble les différents motifs de révocation avancés par le demandeur. Elle les a analysés individuellement, parvenant à la conclusion qu'aucun d'eux n'était constitutif de justes motifs au sens de l'art. 741 al. 2 CO. Comme le relève pertinemment la défenderesse, on ne peut, dans ce cas, faire grief aux juges cantonaux de n'avoir pas procédé à un examen d'ensemble des différents comportements reprochés au liquidateur, dès lors qu'ils n'ont pas retenu le moindre indice d'un risque que la liquidation ne soit pas exécutée régulièrement. On ne se trouve donc pas dans la situation où la cour cantonale aurait émis des doutes quant à certains comportements du liquidateur qui, pris isolément, ne lui auraient pas paru suffisamment graves pour justifier sa révocation, mais ne les aurait pas envisagés globalement. La critique du demandeur concernant l'absence d'appréciation d'ensemble de la situation dans l'arrêt attaqué tombe par conséquent à faux.
3.5 En revanche, il faut se demander si, comme le soutient le demandeur, la cour cantonale a violé l'art. 741 al. 2 CO en niant, sur la base des faits constatés, l'existence de justes motifs de révocation. Lors de cet examen, les événements qualifiés de déterminants par l'actionnaire minoritaire seront passés en revue.
3.5.1 Le demandeur invoque tout d'abord le fait que B.________ ait recommandé, lors de l'assemblée générale du 4 juillet 2000, d'adopter les comptes de 1999, malgré la situation de surendettement de la défenderesse.
Sur ce point, le demandeur présente sa propre version des événements, s'écartant des constatations cantonales, ce qui n'est pas admissible dans un recours en réforme (cf. supra consid. 2). Il a en effet été retenu que la société n'était pas surendettée, de sorte que l'on ne voit manifestement pas qu'en recommandant de ne pas aviser le juge, B.________ ait violé l'art. 725 al. 2 CO. Selon l'arrêt attaqué, la situation comptable de la défenderesse correspondait à celle visée par l'art. 725 al. 1 CO et, contrairement à ce que soutient le demandeur, les faits constatés ne permettent pas d'en conclure que B.________ aurait méconnu les exigences de cette disposition le 4 juillet 2000.
3.5.2 Le demandeur se prévaut du fait que le liquidateur lui ait caché certaines informations auxquelles il avait droit en tant qu'actionnaire, ce que la Cour de justice a du reste admis, par arrêt du 6 janvier 2005.
Les juges cantonaux ont estimé que, puisque le demandeur avait finalement obtenu les renseignements auxquels il avait droit, cette circonstance n'avait pas à être prise en compte. De plus, ils discernaient mal que l'on puisse en déduire un risque, même abstrait, que les opérations de liquidation ne se déroulent pas correctement, ce que l'appelant n'expliquait pas.
Une telle appréciation ne saurait être confirmée. En effet, il apparaît que le liquidateur a manqué à son devoir d'information envers un actionnaire minoritaire (cf. art. 697 CO) et qu'un appel au juge a été nécessaire pour que cet actionnaire puisse obtenir les renseignements auxquels il avait droit. Un tel élément est objectivement de nature à susciter un doute sur la capacité ou la volonté du liquidateur à remplir régulièrement sa fonction envers les actionnaires minoritaires dans le futur, peu importe qu'en définitive le demandeur ait obtenu les informations qu'il requérait.
3.5.3 Selon le demandeur, la cour cantonale aurait dû tenir compte du cumul de fonctions de B.________, en relation avec la signature de la convention de postposition entre la défenderesse et la SA Le Temps.
Il ressort des constatations cantonales que B.________, alors qu'il était administrateur de la défenderesse et de la SA Le Temps, a signé au nom des deux sociétés une convention de postposition portant sur une créance de 6 millions de francs détenue par la défenderesse. Pour les juges cantonaux, la mise en danger des intérêts de la société créancière ou de ceux des actionnaires n'a pas été rendue vraisemblable, car B.________ n'avait pas signé seul cette convention. En outre, les deux sociétés étaient étroitement liées, la défenderesse possédant 47 % de la SA Le Temps.
Cette position méconnaît la portée d'une déclaration de postposition. Le créancier qui accepte la postposition, s'il ne renonce pas à sa créance, se déclare tout de même prêt, en cas de faillite ou de liquidation, à n'être désintéressé qu'après tous les autres créanciers (Forstmoser/Meier-Hayoz/Nobel, Schweizerisches Aktienrecht, Berne 1996, § 50 n. 215; Böckli, op. cit., § 13 n. 792). Dès qu'une postposition est mise en place par une même personne, agissant en tant qu'organe des deux personnes morales parties à la convention, il y a conflit d'intérêts potentiel (Witmer, Der Rangrücktritt im schweizerischen Aktienrecht, thèse Saint-Gall 1999, p. 128; cf. arrêt du Tribunal fédéral 5C.137/2000 du 29 août 2000, consid. 4b et c), avec le risque que l'une des parties soit privilégiée par rapport à l'autre (Forstmoser/Meier-Hayoz/Nobel, op. cit., § 30 n. 124).
En l'espèce, il est admis que B.________ a conclu la convention de postposition en tant qu'administrateur de la défenderesse et de la SA Le Temps. Peu importe qu'il n'ait disposé que de la signature collective à deux et que la défenderesse ait détenu 47 % des actions de la SA Le Temps. Sa participation, en tant qu'administrateur commun aux deux sociétés, à l'accord sur la postposition suffit à révéler un conflit potentiel d'intérêts et, partant, le risque que la défenderesse ait été lésée dans cette opération. On ignore certes si ce risque s'est concrétisé et cette question n'a pas à être tranchée dans la présente procédure, qui se limite à vérifier s'il existe objectivement des éléments de nature à faire douter de l'objectivité du liquidateur. Dans cette appréciation, la double fonction exercée par B.________ ne peut être occultée en relation avec la postposition.
3.5.4 C'est en revanche à juste titre que la cour cantonale n'a pas tiré de conséquence de la participation de B.________ dans le choix de l'organe de révision. On ne voit en effet pas en quoi l'on peut mettre en doute l'objectivité ou l'indépendance d'un liquidateur qui propose une société qu'il connaît en qualité d'organe de révision. Le risque que le réviseur proposé se trouve lui-même, en fonction de ses autres engagements, dans une situation de conflit d'intérêts, ne peut constituer un juste motif de révocation du liquidateur, sauf si cet élément devait sauter aux yeux de ce dernier lors de sa proposition. L'arrêt attaqué ne contient pas de faits permettant de tirer une telle conclusion.
3.5.5 Le demandeur allègue que le liquidateur a décidé, en février 2003, de procéder à une exécution partielle de la convention du 31 mai 2001 par laquelle la défenderesse avait vendu aux actionnaires majoritaires sa participation de 47 % du capital-actions de la SA Le Temps, ainsi que sa créance postposée contre cette dernière pour le prix de 11 millions de francs. Selon le demandeur, B.________ devait soit ne pas exécuter cette convention, dont la décision d'approbation par l'assemblée générale le 22 juin 2001 a fait l'objet de contestations judiciaires encore pendantes, soit l'exécuter complètement. Il ne pouvait choisir la voie médiane d'une exécution partielle, favorisant les acheteurs et actionnaires majoritaires.
La cour cantonale n'a pas examiné cette problématique, considérant que, comme les décisions prises par l'assemblée générale sont exécutoires dès leur adoption, nonobstant l'introduction d'une action en annulation, il ne pouvait être reproché au liquidateur d'avoir exécuté la vente approuvée le 22 juin 2001. Cette argumentation n'est pas pertinente. S'agissant d'examiner l'existence de justes motifs au sens de l'art. 741 al. 2 CO, il importe peu de savoir si le liquidateur était ou non en droit d'exécuter la convention de vente, puisque celui-ci peut être révoqué, même s'il n'a pas commis de manquements ou de faute (cf. Bürgi/Nordmann-Zimmermann, op. cit., n. 8 ad art. 741 CO; Meier-Hayoz, op. cit., p. 217; Montavon, Droit suisse de la SA, 3e éd., Lausanne 2004, p. 853). Seule importe la question de savoir si le choix du liquidateur d'exécuter partiellement la convention est révélateur d'un manque d'objectivité qui risque d'entraver le déroulement correct de la liquidation.
Selon l'arrêt attaqué, B.________ a considéré, lors de l'assemblée générale du 11 février 2004, que la convention de vente du 31 mai 2001 était devenue exécutoire. Les actionnaires majoritaires acheteurs ont ainsi obtenu les actions et sont devenus titulaires de la créance postposée, mais n'ont payé qu'une partie des 11 millions de francs stipulés. Le solde du prix, s'élevant à 6'854'469 fr. 94 et portant intérêt, a été garanti à première demande par des billets à ordre émis par les acheteurs et portés au poste actif "débiteurs" dans les livres de la défenderesse. C'est en raison de la contestation en justice de la décision de l'assemblée générale d'approuver cette vente que les acheteurs n'ont pas acquitté l'entier du prix. Le conseil d'administration de la défenderesse a considéré qu'il n'était pas adéquat de faire porter aux actionnaires repreneurs la charge de l'immobilisation de la totalité de l'engagement financier qu'ils avaient contracté dans la perspective d'une liquidation de la société, alors que le report de la liquidation, pourtant adoptée par l'assemblée générale, résultait d'éléments qu'ils ne maîtrisaient pas.
Il ressort de ces constatations que le mode d'exécution mis en place par B.________ ne lèse pas d'un point de vue strictement comptable la défenderesse, qui détient une créance garantie envers les acheteurs, mais la prive tout de même de liquidités. Cependant, les actionnaires majoritaires repreneurs apparaissent comme privilégiés par cette opération, qui leur a permis de disposer des actions, sans devoir en payer immédiatement le prix. Du reste, l'arrêt attaqué a expressément relevé que le conseil d'administration avait cherché, par ce procédé, à leur éviter d'immobiliser les fonds qu'ils s'étaient pourtant engagés à verser à la défenderesse dès la remise des actions, aux termes de la convention de vente. L'exécution partielle de la convention à l'initiative du liquidateur se révèle ainsi comme un élément pertinent dans l'appréciation des conditions de l'art. 741 al. 2 CO.
3.5.6 Le demandeur fait état de la proposition formée par le liquidateur à l'assemblée générale du 23 juin 2005 de diminuer le capital social de la défenderesse, ce qui a permis aux actionnaires majoritaires ayant acheté les actions et la créance postposée de compenser les montants encore dus à la défenderesse à hauteur de 6'187'312 fr. 50.
En ce qui concerne la réduction du capital social proposée par le liquidateur, la cour cantonale a constaté, sur la base des éléments portés au dossier, que, comme la défenderesse n'exerçait plus d'activité commerciale, cette opération permettait de supprimer des frais inutiles et de réduire les impôts. Elle ne portait donc pas atteinte aux intérêts de la défenderesse ou des actionnaires minoritaires.
Cette appréciation ne prête, en elle-même, pas le flanc à la critique. Toutefois, si l'on met la décision de réduire le capital social en parallèle avec l'exécution partielle de la convention de vente du 31 mai 2001 décidée par le liquidateur en février 2004 (cf. supra consid. 3.5.5), la proposition de B.________ apparaît sous un autre jour. Cette solution s'avère particulièrement favorable aux actionnaires majoritaires parties à la convention de vente du 31 mai 2001, puisque, par ce biais, ils sont définitivement libérés de l'obligation de verser à la défenderesse le solde du prix de vente, leur créance s'éteignant par compensation. En outre, il ne faut pas perdre de vue qu'une réduction du capital-actions avec remboursement aux actionnaires constitue, en fait, une liquidation partielle de la société (Montavon, op. cit., p. 390), car elle revient à la vider de sa substance (cf. Forstmoser/Meier-Hayoz/Nobel, op. cit., § 53 n. 29 et 52). Comme la décision formelle de liquider la défenderesse a été contestée par certains actionnaires minoritaires et fait l'objet de procédures encore pendantes, on peut se demander si la proposition du liquidateur ne constitue pas un moyen détourné de parvenir de facto à un résultat équivalant à la liquidation de la société. A nouveau, il ne s'agit que d'hypothèses; il n'en demeure pas moins qu'elles suffisent objectivement à jeter un doute sur la compétence ou la volonté du liquidateur de mener régulièrement la liquidation.
3.5.7 Le demandeur ne peut être suivi lorsqu'il déduit de la rémunération perçue par le liquidateur un indice de son manque d'indépendance. Soumis aux règles du mandat dans ses rapports avec la société, le liquidateur a droit à une rémunération pour son activité (Forstmoser/Meier-Hayoz/Nobel, op. cit., § 56 n. 56), de sorte que le fait que B.________ ait perçu 50'000 fr. d'honoraires annuels n'est nullement suspect. Les décisions du liquidateur de déléguer, dans le cadre de son mandat, la comptabilité et certaines tâches administratives à une fiduciaire et de faire appel à une étude d'avocats pour régler le contentieux judiciaire de la défenderesse ne sont pas davantage révélatrices d'une quelconque prévention du liquidateur. C'est ainsi à juste titre que la cour cantonale a estimé que cet élément n'était pas pertinent en regard de l'art. 741 al. 2 CO.
3.5.8 Enfin, le demandeur invoque le comportement du liquidateur, qui a lui-même pris part aux votes concernant le prononcé de sa propre décharge.
La cour cantonale a admis à juste titre que B.________ n'était pas en droit de participer, en tant que représentant des actionnaires majoritaires, à la décision de l'assemblée générale du 23 juin 2005 lui donnant décharge (cf. art. 695 al. 1 CO; ATF 128 III 142 consid. 3; Böckli, op. cit., § 12 n. 437 et 440). Elle n'en a toutefois tiré aucune conséquence, considérant, sur la base du même raisonnement que celui suivi s'agissant de la violation du devoir d'information du liquidateur, que, puisque le tribunal avait donné suite à l'action en annulation des décisions de l'assemblée générale et corrigé la transgression, les intérêts des actionnaires minoritaires ou de la société ne paraissaient pas en péril. Comme déjà indiqué (cf. supra consid. 3.5.2), une telle argumentation n'est pas pertinente s'agissant d'examiner si, objectivement, on peut douter d'une exécution régulière de la liquidation. Dès lors que l'exclusion du droit de vote prévue à l'art. 695 al. 1 CO tend notamment à éviter les conflits d'intérêts dans le but de sauvegarder la capacité de fonctionner de la société et de protéger la minorité (ATF 128 III 142 consid. 3b p. 145), le liquidateur qui ne s'y soumet pas peut donner objectivement l'apparence que les intérêts des actionnaires minoritaires risquent d'être lésés dans la liquidation. La cour cantonale devait donc tenir compte de cette circonstance dans son appréciation.
3.6 Il apparaît ainsi que la cour cantonale n'a pas pris en considération des éléments qui auraient absolument dû l'être lorsqu'elle a apprécié s'il existait des justes motifs de révocation du liquidateur au sens de l'art. 741 al. 2 CO. Le recours en réforme n'étant pas ouvert pour se plaindre uniquement de la motivation de la décision entreprise (cf. supra consid. 1.2), encore faut-il examiner si les circonstances tenues pour pertinentes sous l'angle de l'art. 741 al. 2 CO justifient, envisagées dans leur ensemble, une révocation du liquidateur.
En substance, les éléments retenus révèlent tout d'abord que le liquidateur a manqué à ses obligations par deux fois, la première en relation avec son devoir d'information envers un actionnaire minoritaire, la seconde s'agissant du vote de sa décharge. Il a fallu l'intervention du juge pour redresser ces manquements, qui concernaient le respect de dispositions tendant notamment à protéger les intérêts des actionnaires minoritaires. Ensuite, le cumul par B.________ des fonctions d'administrateur de la SA Le Temps et d'administrateur, puis de liquidateur de la défenderesse engendre un conflit potentiel d'intérêts, qui s'est en particulier révélé lors de la conclusion de la convention de postposition, le liquidateur ayant agi et signé cet acte en tant que représentant des deux parties. Enfin, le liquidateur est à l'origine d'opérations ayant eu pour résultat d'avantager les actionnaires majoritaires, tout en privant la défenderesse de liquidités et en la vidant de sa substance. Tel a été le cas lorsqu'il a décidé de n'exécuter que partiellement la convention de vente du 31 mai 2001 et lorsqu'il a proposé de réduire le capital social de la défenderesse. On peut déduire de l'ensemble de ces circonstances un risque objectif que les opérations de liquidation ne se déroulent pas correctement et que les intérêts des actionnaires minoritaires ou de la société soient mis en péril ou lésés. Force est donc de constater qu'en ne retenant pas l'existence de justes motifs de révocation au sens de l'art. 741 al. 2 CO, la cour cantonale a violé cette disposition.
3.7 Il convient par conséquent d'admettre le recours, d'annuler l'arrêt du 18 mai 2006 et de prononcer la révocation de B.________ de sa fonction de liquidateur de la défenderesse.
La cause sera par ailleurs renvoyée à l'instance inférieure (art. 64 al. 1 OJ), afin qu'elle nomme, au besoin, un ou d'autres liquidateurs comme le prévoit l'art. 741 al. 2 in fine CO. Il n'appartient pas à la Cour de céans de procéder à cette nomination ou de donner des indications à ce sujet, car la désignation d'un liquidateur par le juge est un acte de juridiction gracieuse qui échappe à la compétence du Tribunal fédéral statuant sur recours en réforme (cf. ATF 117 II 163 consid. 1a in fine p. 164). Lors de ce renvoi, la cour cantonale statuera également à nouveau sur les frais et dépens de la procédure cantonale ( art. 157 et 159 al. 6 OJ ).
4.
Compte tenu de l'issue du litige, les frais et dépens seront mis à la charge de la défenderesse, qui succombe (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est admis.
2.
L'arrêt attaqué est annulé. B.________ est révoqué de ses fonctions de liquidateur de la défenderesse. La cause est au surplus renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
3.
Un émolument judiciaire de 3'000 fr. est mis à la charge de la défenderesse.
4.
La défenderesse versera au demandeur une indemnité de 3'500 fr. à titre de dépens.
5.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la Cour de justice genevoise.
Lausanne, le 23 octobre 2006
Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse
Le président: La greffière: