Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
9C_491/2024
Arrêt du 24 avril 2025
IIIe Cour de droit public
Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux
Moser-Szeless, Présidente,
Beusch et Bollinger.
Greffier : M. Bürgisser.
Participants à la procédure
A.________ SA,
représentée par B.________ SA,
recourante,
contre
Administration fiscale cantonale du canton de Genève,
rue du Stand 26, 1204 Genève,
intimée,
Intendance des impôts du canton de Berne Droit et législation,
Brünnenstrasse 66, 3018 Berne.
Objet
Impôts cantonaux et communaux du canton de Genève, période fiscale 2016,
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 9 juillet 2024 (A/683/2023-ICC ATA/829/2024).
Faits :
A.
A.a. A.________ SA (ci-après: la contribuable), dont le siège se trouve dans le canton de Berne, dispose d'une succursale dans le canton de Genève.
A.b. Par décision du 19 octobre 2009, la Commission de la concurrence (ci-après : COMCO) a constaté que la contribuable avait abusé de sa position dominante au sens de l'art. 7 de la loi fédérale du 6 octobre 1995 sur les cartels et autres restrictions à la concurrence (LCart; RS 251) et a fixé le montant de la sanction à 219'861'720 fr.
Par arrêt du 14 septembre 2015, le Tribunal administratif fédéral (ci-après: TAF) a réduit le montant de la sanction à 186'036'840 fr. Le Tribunal fédéral a rejeté le recours dirigé contre cet arrêt, le 9 décembre 2019 (arrêt 2C_985/2015, publié aux ATF 146 II 217).
A.c. Il ressort des états financiers relatifs à l'année 2015 que A.________ SA a comptabilisé une provision de 186'036'840 fr., afin de tenir compte du risque lié à la sanction de la COMCO. En janvier 2016, la contribuable s'est acquittée de ce montant et l'a comptabilisé en débitant le compte provision (au passif du bilan) et en créditant un compte de liquidités (à l'actif du bilan).
L'Administration fiscale cantonale du canton de Genève (ci-après: l'Administration fiscale) a reçu une copie de la décision de taxation et de la répartition intercantonale de la part de l'Intendance des impôts du canton de Berne lui indiquant qu'une provision de 186'036'840 fr. avait été comptabilisée en 2015, puis extournée en 2016. Par courriel du 2 septembre 2020, l'Administration fiscale a invité la contribuable à lui fournir des explications et des justificatifs concernant la comptabilisation de cette provision, ce que celle-ci a fait.
A.d. Le 19 octobre 2020, l'Administration fiscale a procédé à la taxation de la contribuable pour les impôts cantonaux et communaux (ci-après: ICC) de la période fiscale 2015 dus pour le canton de Genève; elle a admis la charge relative à la constitution de la provision de 186'036'840 fr. Cette décision est entrée en force.
Par bordereau de taxation du 25 novembre 2021, l'Administration fiscale a fixé les ICC de la période fiscale 2016 dus dans le canton de Genève en procédant à une reprise sur le bénéfice à hauteur de 186'036'840 fr., au motif que les amendes prononcées par la COMCO et fondées sur les art. 49a ss LCart constituaient des sanctions financières administratives. De telles sanctions avaient un caractère pénal, de sorte qu'elles ne représentaient pas une dépense fiscalement déductible.
A.e. Par décision sur réclamation du 27 janvier 2023, l'Administration fiscale a maintenu la taxation litigieuse.
B.
B.a. Par jugement du 18 décembre 2023, le Tribunal administratif de première instance de la République et canton de Genève (ci-après: le TAPI) a rejeté le recours de A.________ SA.
B.b. Statuant par arrêt du 9 juillet 2024, la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative (ci-après: la Cour de justice), a rejeté le recours de la contribuable.
C.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ SA conclut en substance et à titre principal à la réforme de l'arrêt de la Cour de justice du 9 juillet 2024, en ce sens que le montant de 186'036'840 fr. n'est pas réintégré à son bénéfice imposable à titre d'ICC de la période fiscale 2016. Elle demande également l'annulation des bordereaux de taxation ICC de l'année 2016 et à ce qu'il soit ordonné que l'Administration fiscale émette de nouveaux bordereaux de taxation. À titre subsidiaire, la contribuable conclut à l'annulation de l'arrêt cantonal et à ce que la cause soit renvoyée à la Cour de justice ou à l'Administration fiscale pour nouvelle décision et nouveaux bordereaux d'impôt dans le sens des considérants.
Après que l'Administration fiscale a conclu au rejet du recours, la contribuable s'est encore déterminée. L'Intendance des impôts du canton de Berne ne s'est pas exprimée.
Considérant en droit :
1.
1.1. La décision attaquée est finale (art. 90 LTF) et a été rendue par une autorité judiciaire supérieure de dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF), dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF), ne tombant pas sous le coup de l'une des exceptions de l'art. 83 LTF. La voie du recours en matière de droit public est partant ouverte (cf. aussi art. 73 al. 1 LHID [RS 642.14]).
1.2. Le recours a été déposé en temps utile et dans les formes requises par la recourante qui, destinataire de l'arrêt attaqué, a qualité pour recourir (cf. art. 89 al. 1 LTF). Il convient donc d'entrer en matière, sous réserve de la conclusion relative à l'annulation du bordereau de taxation ICC du 25 novembre 2021 de l'Administration fiscale. Cette conclusion est irrecevable, en raison de l'effet dévolutif complet du recours auprès de la Cour de justice (cf. ATF 136 II 539 consid. 1.2; arrêt 9C_186/2024 du 18 juin 2024 consid. 1.5).
2.
2.1. D'après l'art. 106 al. 1 LTF, le Tribunal fédéral applique le droit d'office. Il examine en principe librement l'application du droit fédéral ainsi que la conformité du droit cantonal harmonisé et de sa mise en pratique par les instances cantonales aux dispositions de la LHID (cf. ATF 150 II 346 consid. 1.5.2; arrêt 2C_826/2015 du 5 janvier 2017 consid. 2, non publié in ATF 143 I 73).
2.2. Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits constatés par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), hormis dans les cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF. Selon l'art. 97 al. 1 LTF, le recours ne peut critiquer les constatations de fait que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire (art. 9 Cst.) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (ATF 150 II 346 consid. 1.6 et les références).
3.
3.1. Le litige porte sur la détermination des ICC de la période fiscale 2016 dus par la contribuable dans le canton de Genève. Il porte en particulier sur le point de savoir si c'est à bon droit que la Cour de justice a considéré que l'intimée pouvait réintégrer le montant de 186'036'840 fr. dans le bénéfice imposable de la recourante, en lien avec la sanction prononcée par la COMCO.
3.2. Il est incontesté que le droit applicable en l'espèce est celui en vigueur durant la période fiscale litigieuse et que la modification des art. 59 LIFD (RS 642.11) et 25 LHID, prévue par la loi fédérale du 19 juin 2020 sur le traitement fiscal des sanctions financières (RO 2020 5121) et entrée en vigueur le 1er janvier 2022, n'est pas applicable à la présente cause.
4.
En se référant aux ATF 143 II 8 et ATF 146 II 217 (consid. 5.2 infra), la Cour de justice est parvenue à la conclusion que l'amende fixée en l'occurrence par la COMCO constituait une sanction administrative à caractère pénal et qu'elle n'était dès lors pas déductible fiscalement pour la période fiscale 2016, puisqu'elle n'était pas justifiée commercialement. Elle a constaté que la provision litigieuse avait été inscrite dans les comptes 2015 de la recourante et que l'intimée en avait admis le bien-fondé dans son bordereau de taxation du 19 octobre 2020 pour les ICC de la période fiscale 2015. À cette date, l'intimée disposait de toutes les informations relatives à la sanction prononcée par la COMCO, à savoir notamment que le montant de celle-ci avait été définitivement fixé et que le Tribunal fédéral avait, dans un arrêt rendu en décembre 2019 (à savoir l'ATF 146 II 217), retenu le caractère pénal de sanctions administratives telles que celle prononcée à l'encontre de la recourante par la COMCO. Cependant, même si la taxation pour l'année fiscale 2015 était entrée en force, rien n'empêchait l'autorité fiscale de procéder à une correction de son erreur relative à la déductibilité de la sanction de la COMCO l'année fiscale suivante. À défaut, une telle erreur de l'administration, constitutive d'une violation du droit, se serait systématiquement répétée, ce qui aurait contrevenu au principe de légalité. En outre, la recourante ne démontrait pas que l'autorité intimée lui aurait indiqué qu'elle allait, également pour les années fiscales suivantes et singulièrement pour l'année 2016, retenir le caractère déductible du montant correspondant à la sanction de la COMCO. Le seul fait que l'intimée avait requis, à l'occasion de la procédure de taxation de l'année fiscale 2015, des renseignements au sujet de ladite provision ne permettait pas de déduire l'existence d'une promesse donnée, en ce sens que l'administration se serait engagée à qualifier de la même manière ce montant pour la période fiscale 2016. Aucun élément ne permettait ainsi de retenir l'existence d'assurances données ou de droits acquis concernant le traitement fiscal de l'amende prononcée par la COMCO.
5.
5.1. La recourante soutient que la Cour de justice "se trompe" lorsqu'elle laisserait entendre que le caractère pénal de la sanction prononcée par la COMCO aurait été jugé par l'arrêt publié aux ATF 146 II 217 et que cette "question [serait] dès lors tranchée au regard du droit fiscal". Elle en conclut en substance que le Tribunal fédéral n'aurait pas jugé que la sanction litigieuse aurait un caractère pénal mais seulement "similaire au droit pénal" et que celle-ci serait, dans son cas, justifiée commercialement, dans l'hypothèse où cet arrêt lui serait applicable, ce qu'elle conteste (infra consid. 6.1). Partant, la Cour de justice aurait violé les art. 57 et 58 LIFD , ainsi que les dispositions cantonales harmonisées correspondantes, en lien avec l'art. 24 LHID.
5.2.
5.2.1. Selon l'art. 58 al. 1 let. b LIFD, le bénéfice net imposable comprend tous les prélèvements opérés sur le résultat commercial avant le calcul du solde du compte de résultat, qui ne servent pas à couvrir des dépenses justifiées par l'usage commercial, tels que les amortissements et les provisions qui ne sont pas justifiés par l'usage commercial. La législation cantonale genevoise, en relation avec les art. 10 al. 1 let. b et 24 al. 1 let. a LHID, prévoit des dispositions similaires à celles du droit fédéral ( art. 57 et 58 LIFD ), aux art. 11 et 12 al. 1 let . e de la loi genevoise du 23 septembre 1994 sur l'imposition des personnes morales (LIPM; rs/GE D 3 15).
5.2.2. Selon l'art. 49a al. 1 LCart, l'entreprise qui participe à un accord illicite aux termes de l'art. 5, al. 3 et 4, ou qui, ayant une position dominante, se livre à des pratiques illicites aux termes de l'art. 7, est tenue au paiement d'un montant pouvant aller jusqu'à 10 % du chiffre d'affaires réalisé en Suisse au cours des trois derniers exercices.
Au sujet des sanctions du droit des cartels prononcées en application de l'art. 49a LCart, le Tribunal fédéral a jugé à plusieurs reprises qu'elles avaient un caractère de droit pénal ou similaire au droit pénal (cf. ATF 146 II 217 consid. 8.1; 143 II 297 consid. 9.1; 139 I 72 consid. 2; arrêt 2C_33/2020 du 8 décembre 2022 consid. 10.5).
5.2.3. Dans son arrêt publié aux ATF 143 II 8 (et rendu sous l'empire du droit existant avant les modifications législatives entrées en vigueur au 1er janvier 2022; consid. 3.2 supra), le Tribunal fédéral a considéré que les amendes et sanctions financières à caractère pénal qui étaient infligées à des personnes morales du fait de leur responsabilité pénale propre ne valaient en principe pas comme charges justifiées par l'usage commercial et n'étaient par conséquent pas déductibles fiscalement. Les amortissements et provisions qui avaient été constitués en prévision de telles charges devaient ainsi être réintégrées dans le bénéfice net fiscal en application de l'art. 58 al. 1 let. b LIFD. En revanche, les sanctions visant à réduire le bénéfice obtenu illicitement étaient quant à elles justifiées selon l'usage commercial et étaient par conséquent fiscalement déductibles, dans la mesure où elles n'avaient pas de caractère pénal (ATF 143 II 8 consid. 7.7). Ces principes s'appliquaient également aux ICC (ATF 143 II 8 consid. 9).
5.3. Il convient d'emblée de relever que la recourante s'était expressément prévalu du caractère pénal ou similaire au droit pénal de la sanction litigieuse dans le cadre de la procédure 2C_985/2015 qui avait porté sur l'existence d'un abus de position dominante (consid. A.b. supra); elle y avait soutenu que l'art. 7 al. 1 LCart était insuffisamment précis au regard de l'art. 7 CEDH pour fonder une sanction (cf. ATF 146 II 217 consid. 8, 8.3.5 et 8.3.6; sur le principe nulla poena sine lege, cf. ATF 150 IV 255 consid. 3.1; 148 IV 234 consid. 3.5). Or, dans le cadre de la présente procédure, la recourante soutient en substance le contraire. Elle prétend que la sanction prononcée à son encontre par la COMCO ne serait pas, du point de vue fiscal, une sanction ayant "un but strictement punitif et revêtant dès lors un caractère exclusivement pénal". On peut se demander si ce faisant, la recourante ne commet pas un abus de droit en ayant à la fois soutenu que la sanction litigieuse serait de nature pénale dans la première procédure tout en argumentant dans la présente procédure, que cette même sanction ne revêtirait pas un tel caractère (comp. arrêt 4A_590/2016 du 26 janvier 2017 consid. 2.1).
Cela étant, le grief de la recourante ne résiste pas à l'examen, puisque la Cour de justice n'a pas commis d'erreur de droit en ayant retenu que la sanction prononcée à l'encontre de la contribuable par la COMCO n'était pas déductible fiscalement. En effet et quoi qu'elle en dise en se prévalant du caractère "semi-pénal" de la sanction prononcée en application de l'art. 49a LCart et du fait que cette sanction n'aurait pas "exclusivement et toujours un caractère pénal", les termes " caractère de droit pénal ou similaire au droit pénal" (supra consid. 5.2.2) ne laissent aucun doute sur la nature pénale de la sanction en cause. De plus, le montant de la sanction a bien été fixé sur la base du comportement anticoncurrentiel de la recourante (cf. ATF 146 II 217 consid. 9.2.2.6). Partant, en application de la jurisprudence fédérale publiée aux ATF 143 II 8 (consid. 5.2.3 supra), une telle sanction n'est pas déductible fiscalement. En se référant à "la nature juridique des sanctions administratives prévues par le droit des cartels", de même qu'en alléguant que la sanction litigieuse aurait eu "pour but la réduction/annihilation du bénéfice obtenu grâce à une pratique anti-concurrentielle, soit un but de réduction du bénéfice qui caractérise les sanctions administratives de nature financière" ou encore que "le calcul de la sanction administrative, qui poursuit également des intérêts de praticabilité, n'exclut pas que la sanction administrative contienne une part correspondant à un ajustement des bénéfices réalisés à raison du comportement concurrentiel", la recourante s'en prend en réalité aux considérants de l'ATF 146 II 217 et au raisonnement du Tribunal fédéral sur la nature des sanctions prononcées en application de l'art. 49a LCart. Or il n'existe aucun motif - et la recourante n'en présente d'ailleurs aucun - de s'écarter des considérants de l'arrêt précité.
Partant, la sanction prononcée par la COMCO à l'encontre de la recourante ne constitue pas une charge justifiée par l'usage commercial au vu de sa nature. La conclusion en renvoi de la cause à la Cour de justice afin qu'elle détermine si la sanction prononcée "contient (également) un caractère punitif" ou si "elle revêt un caractère purement financier" est mal fondée.
6.
6.1. La recourante soutient également que l'application à sa situation de l'ATF 143 II 8 constituerait un cas de rétroactivité proprement dite, lequel est proscrit par les art. 5 al. 1, 8 al. 1 et 9 Cst. Selon elle, cette jurisprudence ne lui serait pas applicable puisque la provision litigieuse aurait été "consommée/utilisée" entièrement en janvier 2016 (soit lors du paiement de la sanction) et qu'elle ne figurait donc plus en septembre 2016 dans ses états financiers, soit lorsque l'arrêt fédéral a été rendu. Pour elle, et contrairement à ce qu'avait retenu la cour cantonale, le fait que la procédure de taxation relative à l'année fiscale 2016 n'était pas encore entrée en force ne constituait pas un fait déterminant sous l'angle de la rétroactivité et ne pouvait lui être opposé.
6.2. Liée aux principes de sécurité du droit et de prévisibilité, l'interdiction de la rétroactivité des lois résulte du droit à l'égalité de traitement (art. 8 Cst.), de l'interdiction de l'arbitraire et de la protection de la bonne foi ( art. 5 et 9 Cst. ). S'il est vrai que l'interdiction de la rétroactivité implique qu'une nouvelle jurisprudence ou un changement de celle-ci ne soit pas appliquée à des faits entièrement révolus avant son adoption (rétroactivité proprement dite), ce principe ne s'oppose pas à ce que la nouvelle jurisprudence soit appliquée à des faits ayant pris naissance antérieurement au prononcé judiciaire, mais qui déploient encore des effets postérieurement à ce moment (rétroactivité improprement dite), sous réserve des droits acquis (ATF 140 V 154 consid. 6.3.2; arrêt 9C_346/2017 du 14 novembre 2017 consid. 5.3.1).
6.3. La jurisprudence de l'arrêt ATF 143 II 8 s'applique
ex nunc et pro futuro à toutes les procédures pendantes. Elle est donc opposable aux contribuables et aux autorités fiscales à partir du mois de septembre 2016. Contrairement à ce que prétend la recourante, les faits déterminant pour sa taxation pour la période fiscale 2016 n'étaient pas entièrement révolus en septembre 2016: la procédure de taxation n'avait pas encore débuté et la question de la réintégration du montant de 186'036'840 fr. dans le bénéfice imposable de la recourante pouvait être soulevée dans le cadre de celle-ci (consid. 7.2 infra). L'argumentation de la recourante fondée sur l'application rétroactive de l'ATF 143 II 8, qui serait de nature à violer le principe de la confiance, est donc mal fondée.
7.
7.1. Invoquant une violation du principe de déterminance, la recourante soutient ensuite que la provision litigieuse a été comptabilisée en 2015, de même que la charge y relative dans le compte de résultat. Elle fait valoir que d'un point de vue comptable, il n'existerait plus aucune provision dans les comptes commerciaux de l'année 2016 puisqu'elle avait payé le montant litigieux en janvier de cette année-là; il n'y aurait donc pas eu d'opération comptable ayant une incidence sur le compte de résultat ce qui, selon elle, aurait pour effet "qu'une analyse de la justification commerciale de la provision ne serait plus possible". En somme, aucune norme correctrice ne permettrait de refuser la déductibilité d'une charge liée à la dissolution d'une provision, qu'elle qualifie de "fantôme".
7.2. La recourante méconnaît que, selon la jurisprudence, l'art. 58 al. 1 let. b LIFD fait partie des règles fiscales correctrices et que de telles règles permettent de reprendre dans le résultat fiscal des éléments qui n'apparaîtraient pas dans les comptes commerciaux; ces reprises peuvent en effet concerner aussi bien des charges comptabilisées à tort que des produits réintégrés dans le compte de résultats (cf. arrêt 2C_733/2022 du 13 décembre 2022 consid. 6.2 et la référence). En application de cette jurispudence, il importait peu que la provision litigieuse ne figurât plus dans les états financiers en raison de sa dissolution liée au crédit d'un compte de l'actif au bilan en 2016; l'intimée était en effet en droit de procéder à la correction du bénéfice imposable sur la base de l'art. 12 al. 1 let. e de la loi cantonale genevoise du 23 septembre 1994 sur l'imposition des personnes morales (LIPM; rs/GE D 3 1), lequel est conforme à l'art. 24 al. 1 let. a LHID. En conséquence, le raisonnement de la recourante lié au point de savoir si la justification commerciale d'une provision s'examine à la lumière de la situation prévalant au jour de l'établissement du bilan ("Bilanzstichtag"; arrêt 2C_1012/2021 du 13 septembre 2022 consid. 5.2.1 et la référence) n'est pas pertinent. Il en va de même de son raisonnement relatif au "moment précédant l'opération de dissolution/utilisation du passif concerné", qui serait selon elle seul déterminant, soit janvier 2016.
Il s'ensuit que quand bien même la provision litigieuse était "consommée" à la fin de l'exercice 2016, l'intimée pouvait procéder à une augmentation du bénéfice imposable en lien avec la provision litigieuse dans le cadre de la procédure de taxation de l'année 2016.
8.
8.1. La recourante reproche enfin à la cour cantonale une violation du principe de la bonne foi, prévu aux art. 2 CC, 5 al. 3 et 9 Cst. Elle fait en substance valoir que lors du processus de taxation de l'année 2015, l'intimée était en "pleine connaissance des éléments de fait du cas d'espèce" et avait admis la provision relative à la sanction prononcée par la COMCO en tant qu'élément justifié par l'usage commercial. Selon elle, ce "comportement" ne pouvait "que provoquer une confiance légitime" auprès d'elle et devrait être assimilé à une assurance donnée en sa faveur. Par conséquent, la réintégration du montant litigieux dans son bénéfice imposable ne serait pas possible. La contribuable reproche également à l'intimée d'avoir adopté un comportement contraire à la bonne foi, en ayant été consciente de la "tromper". Selon elle, il serait contraire aux dispositions légale et constitutionnelles précitées d'"accorder un traitement fiscal dans un sens lors d'une période fiscale donnée sachant qu[e l'autorité fiscale] a déjà décidé et qu'elle "sait" à ce moment-là qu'elle refusera ce même traitement fiscal [...] lors de la période fiscale qui suit". En somme pour la recourante, l'intimée aurait volontairement adopté un "comportement contradictoire et déloyal", que la Cour de justice aurait dû sanctionner.
8.2. En matière fiscale, en application du principe de l'étanchéité (ou de l'indépendance) des exercices comptables et des périodes fiscales, l'autorité n'est pas liée pour l'avenir par une taxation notifiée pour une période fiscale déterminée; à défaut, elle risquerait de se trouver indéfiniment liée par une erreur ou une omission qu'elle aurait pu commettre initialement. Selon la jurisprudence rendue à propos de l'art. 63 al. 2 LIFD applicable aux provisions, il n'y a pas de droit au maintien d'une provision au motif que l'autorité fiscale a renoncé à une reprise au cours des années précédentes ou l'a à tort accordée. Il n'y a par ailleurs pas de violation du principe de la bonne foi ( art. 5 al. 3 et 9 Cst. ) lorsque l'administration fiscale procède à un examen de la justification commerciale de la provision, alors qu'un tel examen n'a pas eu lieu l'année précédente. Ce n'est que si le fisc promet expressément un certain traitement fiscal que peut se poser la question de la bonne foi (ATF 147 II 155 consid. 10.5.1 et les références).
En conséquence de ce qui précède, l'autorité fiscale détermine le revenu pour chaque période fiscale et peut, d'une période à l'autre, modifier son appréciation et corriger des erreurs commises lors de taxations précédentes (arrêts 2C_596/2007 du 24 juin 2008 consid. 5; 2C_383/2011 du 31 octobre 2011 consid. 3.3).
8.3.
8.3.1. En application de ces principes, singulièrement de celui de périodicité, l'intimée n'était pas liée, pour la période fiscale 2016, par son appréciation au sujet de la provision litigieuse telle qu'adoptée à l'occasion de la taxation de l'année 2015 et ce même si, ainsi que l'a retenu à bon droit la Cour de justice, elle avait procédé à une demande de renseignements relative à cette provision. En effet, à aucun moment, la recourante n'a reçu d'assurance spécifique concernant le traitement fiscal de la provision pour l'année fiscale 2016, de sorte que le principe constitutionnel de la bonne foi ne lui est d'aucun secours pour empêcher la réintégration du montant litigieux durant cette année. À cet égard, elle fait une mauvaise lecture du consid. 3.3 de l'arrêt du Tribunal fédéral 2C_383/2011 du 31 octobre 2011 qu'elle cite. Dans cet arrêt, et contrairement à ce qu'elle prétend, le Tribunal fédéral n'a pas jugé que lorsque l'autorité procède à un examen plus approfondi d'une déduction invoquée, cela peut "correspondre à une promesse expresse de l'autorité". Au contraire, le Tribunal fédéral a jugé dans ce cas que l'autorité fiscale n'est pas liée pour l'avenir par une taxation notifiée pour une période fiscale déterminée car à défaut, elle risquerait de se trouver indéfiniment liée par une erreur ou une omission qu'elle aurait pu commettre initialement (cf. également consid. 8.2 supra). Vu l'absence de toute assurance donnée de la part de l'intimée, il n'est pas nécessaire d'examiner l'argumentation de la recourante relative aux conditions qui permettent d'exiger des autorités qu'elles se conforment aux promesses ou renseignements qu'elles ont donnés (sur ces conditions, cf. ATF 143 V 95 consid. 3.6.2).
8.3.2. Pour démontrer ensuite le caractère "déloyal" et "trompeur" du comportement de l'autorité qui ne mériterait selon elle pas d'être protégé, la recourante se réfère à l'écriture de l'intimée, déposée le 15 février 2024 devant la cour cantonale. L'intimée y avait indiqué qu'"elle était en droit de ne pas redresser fiscalement la provision au moment de sa comptabilisation en 2015, bien qu'elle savait déjà à ce moment-là qu'elle n'accepterait pas la déductibilité fiscale de la sanction ultérieurement". La recourante omet cependant de mentionner que l'Administration fiscale a également ajouté en complément de cette prise de position qu'en ayant procédé comme elle l'avait fait, elle "n'avait rien fait d'autre que de cristalliser le redressement fiscal au moment où la sanction a été définitivement comptabilisée", en se référant dans son argumentation à l'arrêt du Tribunal fédéral 2C_1082/2014 du 29 septembre 2016.
Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral avait considéré que l'administration fiscale n'était pas habilitée à qualifier juridiquement les corrections de valeur dans le bilan commercial (consid. 2.2) et qu'une nouvelle qualification ne devait être effectuée que durant la période au cours de laquelle la qualification avait des conséquences juridiques sur les facteurs fiscaux, le taux d'imposition ou les montants d'impôt (consid. 2.3). Or on ne saurait voir un comportement contradictoire de la part de l'intimée lorsqu'elle s'appuie sur cette jurisprudence - indépendamment du point de savoir si celle-ci est pertinente en l'espèce - pour défendre le point de vue selon lequel c'était le moment du paiement de la sanction qui était déterminant pour effectuer le redressement. Dans cette mesure, il n'apparaît pas que l'intimée ait, comme l'allègue la recourante, "admis elle-même" avoir eu un comportement contraire à l'art. 2 CC.
8.4. Les griefs de la recourante tirés des principes de la bonne foi et de l'interdiction des comportements contradictoires doivent donc être écartés.
9.
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours en matière d'ICC de la période fiscale 2016.
Succombant, la recourante doit supporter les frais de la procédure fédérale (art. 66 al. 1 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable, en tant qu'il concerne les impôts cantonaux et communaux de la période fiscale 2016.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 14'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à l'Intendance des impôts du canton de Berne Droit et législation et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, 4
ème section.
Lucerne, le 24 avril 2025
Au nom de la IIIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : Moser-Szeless
Le Greffier : Bürgisser