Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
4A_47/2021
Arrêt du 24 octobre 2022
Ire Cour de droit civil
Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux
Hohl, Présidente, Kiss, Niquille, Rüedi et May Canellas.
Greffière : Mme Godat Zimmermann.
Participants à la procédure
1. A.________ SA,
représentée par Me Christophe A. Gal,
2. B.________ SA,
3. C.________ SA,
recourantes,
contre
1. D.D.________,
2. E.D.________,
3. F.________ Sàrl,
4. G.________ Sàrl,
tous les quatre représentés par Me Jonathan Cohen, avocat,
intimés.
Objet
contrat de bail; résiliation; décision partielle ou incidente,
recours contre l'arrêt rendu le 7 décembre 2020 par la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice du canton de Genève (C/4515/2017, ACJC/1729/2020).
Faits :
A.
A.a. Selon contrat daté du 22 septembre 2009, F.________ Sàrl, G.________ Sàrl, D.D.________ et E.D.________ (ci-après: les locataires) ont pris à bail une arcade d'environ 210 m² au rez-de-chaussée, ainsi qu'une place de parc dans l'immeuble sis 19, rue U.________ à V.________. En fait, l'arcade était implantée aux 19-23, rue U.________. Depuis janvier 2017, les bailleresses sont A.________ SA, B.________ SA et C.________ SA.
Le bail était convenu pour une durée initiale de cinq ans, débutant le 1er octobre 2009 et se terminant le 30 septembre 2014. Il se renouvelait ensuite tacitement pour une nouvelle période de cinq ans.
Les locaux étaient destinés à l'exploitation d'une salle d'exposition, d'un petit magasin de vente et d'un bureau. Le bail prévoyait également que les locaux pouvaient, avec l'autorisation des bailleresses, être utilisés pour y organiser exceptionnellement des vernissages, avec des horaires d'ouverture identiques à ceux du magasin à l'exception de deux soirs par mois, avec un horaire étendu jusqu'à 22 heures. Il était également prévu qu'une buvette/café pourrait y être exploitée, à titre occasionnel, moyennant autorisation administrative.
Par avenant du 27 août 2010, la destination des locaux a été étendue à celle d'un établissement public avec débit de boissons et restauration (tea-room-café-bar-restauration), en sus de l'affectation d'origine qui a été conservée. Un local fermé dans le garage sis rue U.________ 19 était remis à titre de dépendance.
Le 9 août 2012, le Département de l'urbanisme a autorisé l'aménagement d'un café-restaurant dans les locaux loués, faisant droit à la demande des locataires que les propriétaires avaient avalisée.
A.b. Par courrier du 26 mars 2014, les locataires ont été informés par le bureau d'architecte mandaté par les propriétaires que ceux-ci étaient au bénéfice d'autorisations de construire leur permettant de réaliser des travaux de surélévation des immeubles sis 19-21-23 rue U.________ et 67, boulevard W.________ impliquant la construction de logements. Les travaux allaient affecter directement les locaux loués, car la structure du nouveau bâtiment traverserait intégralement la galette sise aux 21-23, rue U.________ et les fondations seraient entièrement transformées. Le 9 avril 2014, les locataires ont été informés que le chantier devait débuter en juin 2014 pour une durée de dix-huit mois environ et que les travaux de renforcement s'étendraient sur six mois environ.
Un protocole d'accord a été signé le 14 août 2014 entre les locataires et la direction des travaux, agissant pour le compte des bailleresses; il avait trait notamment à la mise à disposition des locataires d'un appartement de 4,5 pièces au 5ème étage de l'immeuble sis 19, rue U.________ à titre de locaux de remplacement, ainsi qu'à la réduction du loyer pendant les travaux.
A partir de mars 2015, un conflit important a opposé les parties, principalement au sujet des travaux d'aménagement de l'arcade du rez-de-chaussée, à charge des bailleresses, et de la restitution de l'appartement mis provisoirement à disposition des locataires.
Parmi les diverses procédures engagées, une action a été ouverte le 5 septembre 2016 par les locataires à l'encontre des bailleresses, tendant notamment à l'octroi de réductions et exemptions de loyer, au paiement de dommages-intérêts à hauteur de 390'997 fr. et à l'exécution de l'accord du 14 août 2014 (cause C/10235/2016 Tribunal des baux et loyers).
Après sommation des bailleresses, les locataires ont pris possession de l'arcade après travaux le 19 décembre 2016. Ils persistaient toutefois à considérer l'arcade comme inutilisable et, de ce fait, refusaient la restitution de l'appartement mis à disposition en remplacement.
A.c. Par avis officiels du 3 février 2017, les bailleresses, invoquant l'art. 257f al. 3 CO, ont résilié avec effet au 31 mars 2017 les baux de l'appartement de 4,5 pièces au 5ème étage de l'immeuble sis 19, rue U.________ et de l'arcade de 176,6 m2 au rez-de-chaussée des immeubles sis rue U.________ 21-23.
A.d. Par courrier du 6 mars 2017 adressé à la gérance des bailleresses, G.________ Sàrl a réitéré les griefs des locataires quant à la surface moins importante et à l'aménagement de l'arcade après les travaux. Elle indiquait notamment avoir dû cesser l'activité fiduciaire et ne pratiquer encore que la restauration. Elle prétendait également que les locaux de l'arcade avaient été totalement saccagés par les mandataires des bailleresses et que toutes les installations et les matériaux qu'elle avait laissés dans les lesdits locaux avaient été détruits, jetés ou volés.
A.e. Par avis officiels du 13 mars 2017, les bailleresses ont résilié le bail portant sur l'arcade de 176,6 m² pour le 30 juin 2017, en indiquant que l'exécution du contrat était devenue intolérable pour elles et que la résiliation était donnée pour justes motifs sur la base de l'art. 266g CO. Elles préciseront plus tard que ce congé faisait immédiatement suite à la réception du courrier des locataires du 6 mars 2017.
B.
B.a. Les locataires ont contesté les congés le 2, respectivement le 29 mars 2017 par-devant la juridiction des baux et loyers.
A la suite de l'échec de la tentative de conciliation commune aux deux causes, les locataires ont saisi le Tribunal des baux et loyers du canton de Genève. Ils ont conclu, tant sur les congés notifiés en application de l'art. 257f al. 3 CO que sur celui fondé sur l'art. 266g CO, à leur nullité, subsidiairement à leur inefficacité et, plus subsidiairement, à leur annulation ou à l'octroi d'une prolongation de bail de six ans.
Les causes ont été jointes.
Par jugement du 9 mars 2019, le tribunal a jugé tous les congés inefficaces et a débouté les parties de toutes autres conclusions.
B.b. Statuant le 7 décembre 2020 sur appel des bailleresses, la Cour de justice du canton de Genève a annulé le jugement de première instance dans la mesure où il prononçait l'inefficacité des résiliations du 3 février 2017 fondées sur l'art. 257f al. 3 CO et a renvoyé la cause aux premiers juges pour qu'ils statuent à nouveau dans le sens des considérants; elle a confirmé la décision attaquée en tant qu'elle constatait l'inefficacité de la résiliation du 13 mars 2017.
D'une part, l'examen de la validité des congés du 3 février 2017 supposait de déterminer si les travaux à charge des bailleresses étaient terminés et si celles-ci étaient ainsi en droit d'exiger tant la restitution de l'appartement que la réintégration - même partielle - de l'arcade. Selon la cour cantonale, le Tribunal des baux et loyers ne pouvait déclarer les premiers congés inefficaces en se bornant à constater que ces questions étaient litigieuses dans une procédure parallèle encore pendante (cf. C/10235/2016 précitée). La cause était donc renvoyée à l'instance inférieure pour nouvelle décision sur ces points.
D'autre part, la Cour de justice a jugé, en rapport avec le congé du 13 mars 2017, que le courrier du 6 mars 2017 invoqué par les bailleresses ne contenait pas des propos d'une gravité suffisante pour justifier à lui seul une résiliation anticipée sur la base de l'art. 266g CO. Ces propos étaient au surplus sans rapport avec les accusations et termes - certes inacceptables - émis par les locataires en 2015 et en été 2016, de sorte que le courrier précité, même cumulé avec lesdits événements fâcheux, ne permettait pas de considérer que la poursuite du bail était devenue intolérable pour les bailleresses.
C.
Les bailleresses interjettent un recours en matière civile. Elles concluent à l'annulation de l'arrêt cantonal uniquement dans la mesure où il confirme l'inefficacité de la résiliation du 13 mars 2017. Elles demandent au Tribunal fédéral de déclarer ce congé valable, de constater que les locataires occupent illicitement l'arcade en question depuis le 1er juillet 2017 et de prononcer qu'aucune prolongation de bail n'est accordée, pas plus qu'une quelconque indemnité.
Les locataires concluent principalement au rejet du recours.
Pour sa part, la cour cantonale se réfère aux considérants de son arrêt.
Considérant en droit :
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 147 I 89 consid. 1).
1.1. Le recours au Tribunal fédéral est en principe recevable contre les décisions finales (art. 90 LTF) ou partielles (art. 91 LTF). Il l'est également contre les décisions incidentes concernant la compétence et la récusation visées par l'art. 92 LTF. Contre d'autres décisions incidentes, un recours séparé n'est recevable qu'aux conditions restrictives prévues à l'art. 93 al. 1 LTF.
La décision finale met définitivement un terme à la procédure, pour un motif de fond ou de procédure. La décision partielle est une variante de la décision finale (ATF 141 III 395 consid. 2.2 et les arrêts cités) : sans terminer l'instance, elle règle définitivement le sort de certaines des prétentions en cause (art. 91 let. a LTF) ou termine l'instance seulement à l'égard de certaines des parties à la cause (art. 91 let. b LTF). Les décisions qui ne sont ni finales ni partielles d'après ces critères sont des décisions incidentes.
Une décision incidente peut être attaquée, s'il y a lieu, avec la décision finale qu'elle précède (art. 93 al. 3 LTF). En revanche, la décision partielle doit être attaquée dans le délai de recours, une contestation seulement avec la décision finale n'étant pas recevable (ATF 146 III 254 consid. 2.2.3; 141 III 395 consid. 2.2).
1.2. L'arrêt entrepris ne met pas fin définitivement à la procédure et ne constitue donc pas une décision finale. Il comporte deux aspects: d'une part, la cause est renvoyée au juge de première instance pour nouvelle décision sur la validité des résiliations du 3 février 2017, fondées sur l'art. 257f al. 3 CO; d'autre part, il constate l'inefficacité de la résiliation du 13 mars 2017, fondée sur l'art. 266g CO.
Le recours vise uniquement le second point tranché par la cour cantonale, à savoir la validité de la résiliation du 13 mars 2017. La question se pose de savoir si, ce faisant, l'autorité précédente a rendu une décision partielle au sens de l'art. 91 let. a LTF.
1.2.1. Selon cette disposition, le recours est recevable contre toute décision qui statue sur un objet dont le sort est indépendant de celui qui reste en cause. Le juge doit avoir statué de manière définitive sur une partie de ce qui est demandé, qui aurait pu être jugée indépendamment des autres prétentions formulées (ATF 146 III 254 consid. 2.1; 141 III 395 consid. 2.2 et 2.4; 135 III 212 consid. 1.2.1). L'art. 91 let. a LTF exige premièrement que le juge ait statué sur un chef de conclusions ou une partie du
petitum, ce qui suppose que des actions distinctes ont été jointes ou que la demande est divisible; en d'autres termes, il faut que les conclusions traitées puissent théoriquement donner lieu à un procès séparé (ATF 146 III 254 consid. 2.1.1 et 2.1.3; 141 III 395 consid. 2.4; 135 III 212 consid. 1.2.2). Deuxièmement, l'indépendance au sens de l'art. 91 let. a LTF implique que la décision attaquée tranche de manière définitive une partie de l'ensemble de l'objet du litige, de sorte qu'il existe pas de risque que la décision à rendre sur le reste de la demande se trouve en contradiction avec la décision déjà en force (ATF 146 III 254 consid. 2.1.1; 141 III 395 consid. 2.4; 135 III 212 consid. 1.2.2 et 1.2.3). Plus précisément, pour que le sort de deux actions soit indépendant, on doit pouvoir juger séparément leurs conclusions en ce sens que la décision sur l'une n'est pas le préalable nécessaire de la décision sur l'autre; il faut donc non seulement qu'il soit possible de statuer sur les prétentions déjà tranchées indépendamment de celles qui ne le sont pas encore, mais également que le sort de l'objet encore en cause puisse être réglé indépendamment des conclusions déjà tranchées (ATF 146 III 254 consid. 2.1.4 et les arrêts cités). De manière générale, il n'y a pas de décision partielle au sens de l'art. 91 let. a LTF s'il ne peut être statué sur certaines prétentions avant qu'une décision sur d'autres ait été rendue (ATF 146 III 254 consid. 2.1.4).
1.2.2. En l'espèce, un point doit être précisé d'emblée. L'arrêt attaqué fait état de trois résiliations de bail, relatives à l'appartement et à l'arcade, mais les bailleresses n'ont notifié en réalité que deux congés, concernant le même bail. A l'instar des premiers juges, la cour cantonale a constaté en effet que les parties - qui l'admettent - sont liées par un seul contrat, portant sur l'arcade, la remise du logement de 4,5 pièces pendant les travaux constituant une modification provisoire de l'objet du bail.
Les deux résiliations - extraordinaires - sont intervenues à des dates et pour des termes différents, dans le contexte du conflit entre les parties lié aux grands travaux de transformation entrepris par les propriétaires. Elles supposent toutes deux que le maintien du contrat de bail soit insupportable pour les bailleresses, mais les motifs invoqués ne sont pas les mêmes.
La résiliation du 3 février 2017, avec effet au 31 mars 2017, est fondée sur le refus des locataires, après plusieurs avertissements écrits, de restituer l'appartement de 4,5 pièces mis provisoirement à leur disposition et de réintégrer l'arcade, soit une violation du devoir de diligence en lien avec l'usage de la chose louée au sens de l'art. 257f al. 3 CO.
La résiliation du 13 mars 2017, avec effet au 30 juin 2017, est fondée sur des accusations prétendument outrageantes contenues dans le courrier du 6 mars 2017 (postérieur à la première résiliation), venant s'ajouter à des propos du même ordre des locataires à l'encontre de la direction du chantier en été 2016 et aux comportements inacceptables de 2015 qui avaient donné lieu au dépôt d'une plainte pénale, soit des justes motifs au sens de l'art. 266g CO.
1.2.3. Les locataires ont formulé deux demandes successives en justice, concluant principalement à ce que chacune des résiliations de bail soit déclarée nulle ou inefficace, et ces actions ont été jointes.
La question est de savoir si le sort de ces deux actions est indépendant ou, en d'autres termes, si la cour cantonale a tranché définitivement une partie du litige en prononçant l'inefficacité de la seconde résiliation, fondée sur l'art. 266g CO.
Les deux actions portent sur le même objet, à savoir la fin anticipée du contrat de bail liant les parties. En effet, les deux congés, fondés sur l'art. 257f al. 3 et l'art. 266g CO, sont extraordinaires et permettaient aux bailleresses de ne pas respecter les termes et/ou délais contractuels ou légaux. Pour être valide, la résiliation extraordinaire doit satisfaire aux exigences légales auxquelles son exercice est subordonné; si tel n'est pas le cas, elle est inefficace et ne met donc pas fin au contrat (ATF 135 III 441 consid. 3.1; 121 III 156 consid. 1c/aa).
En première instance, le Tribunal des baux et loyers a jugé inefficaces les deux résiliations extraordinaires: le premier congé n'avait donc pas mis fin au bail et celui-ci se poursuivait au moment où les bailleresses ont notifié le second congé, lequel ne remplissait pas non plus les conditions pour mettre un terme au contrat.
Saisie d'un appel des bailleresses, la cour cantonale n'a pas tranché la question de savoir si le contrat de bail avait pris fin, puisqu'elle renvoie la cause aux premiers juges pour qu'ils se prononcent à nouveau, après complètement des faits, sur la validité du premier congé fondé sur l'art. 257f al. 3 CO. En réalité, lorsqu'elle constate l'inefficacité du second congé extraordinaire, la Cour de justice déclare simplement que, sur la base de l'état de fait invoqué par les bailleresses, cette résiliation fondée sur l'art. 266g CO ne remplit pas les conditions légales et qu'elle n'est ainsi pas apte, le cas échéant, à mettre un terme (anticipé) au contrat de bail. Autrement dit, l'autorité précédente se prononce d'ores et déjà sur une question qui ne deviendra pertinente que si les juges de première instance auxquels l'affaire est renvoyée constatent l'inefficacité de la première résiliation extraordinaire. C'est dire que, même si la seconde résiliation répond aux exigences légales d'un congé fondé sur l'art. 266g CO, comme les recourantes le prétendent, elle ne peut à ce stade mettre un terme au bail. La situation est comparable à celle où le tribunal supérieur rend une décision de renvoi dans laquelle il écarte l'un des fondements juridiques possibles d'une prétention, mais sans statuer encore définitivement sur le fond; le Tribunal fédéral a alors refusé d'y voir une décision partielle (ATF 136 II 165 consid. 1.1).
Il s'ensuit qu'en prononçant l'inefficacité du second congé extraordinaire, la cour cantonale n'a pas rendu une décision partielle au sens de l'art. 91 let. a LTF.
Le cas se présenterait différemment si le second congé avait été une résiliation ordinaire, notifiée en même temps que le congé extraordinaire par une manifestation de volonté séparée (cf. ATF 137 III 389 consid. 8.4.2) ou plus tard (mais avant la contestation du congé extraordinaire; cf. DAVID LACHAT, Le bail à loyer, 2019, p. 868). Dans une telle constellation, si l'autorité d'appel, contrairement au premier juge, prononce l'inefficacité de la résiliation extraordinaire et renvoie la cause à l'instance précédente pour qu'elle se prononce sur le congé ordinaire, la décision tranche définitivement une partie du litige, soit celle portant sur la fin anticipée du contrat. Il s'agit d'une décision partielle au sens de l'art. 91 let. a LTF. Le bailleur, qui a intérêt à obtenir gain de cause sur le congé anticipé plutôt que sur le congé ordinaire soumis notamment à des délais plus longs, doit pouvoir recourir immédiatement contre la décision constatant l'inefficacité de la résiliation extraordinaire, sans que n'entrent en ligne de compte les conditions restrictives posées à l'art. 93 al. 1 LTF.
1.2.4. Comme la cour cantonale n'a pas rendu une décision partielle en constatant l'inefficacité du second congé, l'arrêt attaqué est une décision de renvoi. Le prononcé par lequel l'autorité d'appel renvoie une affaire à l'autorité de première instance en application de l'art. 318 al. 1 let. c CPC est une décision incidente, susceptible de recours immédiat aux conditions strictes de l'art. 93 al. 1 LTF (ATF 144 III 253 consid. 1.3 et 1.4; 143 III 290 consid. 1.4; 135 III 212 consid. 1.2).
Les bailleresses ne s'en prennent pas à l'arrêt attaqué en tant qu'il renvoie la cause au Tribunal des baux et loyers et ne cherchent donc pas à justifier un recours immédiat selon l'art. 93 al. 1 LTF.
En conclusion, le recours se révèle irrecevable.
2.
Les frais judiciaires seront mis à la charge des recourantes (art. 66 al. 1 LTF), qui verseront par ailleurs une indemnité de dépens aux intimés (art. 68 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est irrecevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'500 fr., sont mis à la charge des recourantes, solidairement entre elles.
3.
Les recourantes, débitrices solidaires, verseront aux intimés, créanciers solidaires, une indemnité de 6'500 fr. à titre de dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice du canton de Genève.
Lausanne, le 24 octobre 2022
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : Hohl
La Greffière : Godat Zimmermann