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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1C_623/2021, 1C_625/2021  
 
 
Arrêt du 24 novembre 2022  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président, 
Merz et Weber, Juge suppléant. 
Greffière : Mme Arn. 
 
Participants à la procédure 
1C_623/2021 
A.________ SA, 
représentée par Me Pascal Nicollier, avocat, 
recourante, 
 
et 
 
1C_625/2021 
B.________ SA, 
représentée par Me Daniel Guignard, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Département des institutions, du territoire et des sports du canton de Vaud, place du Château 1, 1014 Lausanne, 
représenté par la Direction générale du territoire et du logement du canton de Vaud, avenue de l'Université 5, 
1014 Lausanne Adm cant VD, 
 
Municipalité de Yens, 
représentée par Me Jean-Daniel Théraulaz, avocat, 
 
Objet 
Zone réservée cantonale, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud, du 5 septembre 2021 (AC.2020.0237, AC.2020.0251). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Le lieu-dit "En Muraz" du territoire de la commune de Yens (VD) est régi par le plan de quartier (ci-après: PQ) du même nom, adopté par le Conseil communal le 11 octobre 1993 et approuvé par le Conseil d'Etat le 31 août 1994. Ce PQ, qui comprend les parcelles n os 652, 654, 657 à 661, 1384, 1395, 1411, 1494, 1616, 1867 et 2100, se situe à l'extrémité Nord-Est d'une large bande affectée à la zone à bâtir. Cette bande s'étire le long du coteau sur environ un kilomètre depuis le village. Le PQ est bordé au Nord-Est par la zone forestière. En amont et en aval, il est enserré, à l'instar du reste de la bande précitée, par la zone agricole. Le PQ n'ayant pas été réalisé à ce jour, son périmètre ne supporte en l'état que les bâtiments érigés avant son adoption, à savoir trois maisons d'habitation (parcelles n os 1395, 1494 et 1867) et un bâtiment agricole (parcelle n° 652).  
Les parcelles incluses dans le PQ - à l'exception des parcelles n os 1395 et 1494 - appartiennent toutes à B.________ SA et sont promises-vendues à A.________ SA.  
 
B.  
Les autorisations accordées par la Municipalité de Yens (ci-après: la municipalité) en 1999 tendant à la construction d'une première étape du PQ, à savoir seize logements, une route de liaison et des équipements, ont été annulées, sur recours d'opposants au projet, par l'ancien Tribunal administratif vaudois (aujourd'hui la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal) en date du 28 juin 2000 (arrêt AC.1999.0080) au motif que l'octroi du permis de construire devait être précédé non seulement de la réalisation de la route de liaison interne au PQ, mais aussi de l'adaptation des tronçons des chemins de Chanta-Merloz et de Sus-Vellaz, englobés dans le PQ. 
 
C.  
Le nouveau plan directeur communal (PDCom), approuvé par le Conseil d'Etat le 16 juin 2004, réaffirmait la volonté de mener à chef l'aménagement du quartier "En Muraz". Dans la ligne du nouveau PDCom, la commune a poursuivi des démarches destinées à la révision de sa planification, sous la forme d'un projet de plan général d'affectation (PGA). Le PGA et son règlement ont été adoptés par le Conseil communal le 13 septembre 2010, puis approuvés par le département cantonal compétent le 8 mars 2011 et mis en vigueur le 23 mai 2011; le PQ "En Muraz" figure désormais sur le PGA au titre de plan spécial n° 3 (cf. rapport au sens de l'art. 47 OAT [RS 700.1] établi le 17 août 2007). 
 
D.  
En 2014, l'Association des habitants de l'Est du Village de Yens ainsi que divers habitants ont requis de la municipalité qu'elle abandonne ou révise le PQ "En Muraz". Cette dernière a refusé d'entrer en matière sur cette requête. A la suite de recours formés par ladite association et 57 autres personnes, cette décision municipale a été confirmée par la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal (ci-après: Tribunal cantonal ou cour cantonale) en date du 21 juin 2016 (arrêt AC.2014.0354), puis par le Tribunal fédéral le 1 er mai 2017 (arrêt 1C_387/2016).  
 
E.  
Parallèlement, le secteur "En Muraz" a fait l'objet d'un nouveau projet de réalisation du PQ, entamé par B.________ SA, portant sur la réalisation de treize bâtiments (42 logements et leurs équipements). Par décisions du 13 octobre 2015, la municipalité a délivré les permis relatifs à la construction des logements, d'une route de liaison, d'une nouvelle desserte de quartier et des équipements. Par arrêt du 31 octobre 2017 (AC.2015.0314, AC.2015.0315, AC.2015.0322 et AC.2015.0323), la cour cantonale a rejeté les recours formés contre ces décisions municipales par l'Association des habitants de l'Est du village de Yens ainsi que par 72 autres personnes. Par arrêt du 1 er octobre 2018 (causes 1C_655/2017 et 1C_661/2017), le Tribunal fédéral a admis le recours formé par les opposants et a annulé les autorisations de construire litigieuses pour des motifs liés à la conformité au PQ de l'équipement projeté, en particulier s'agissant de la desserte et des accès.  
 
F.  
Faisant suite à l'entrée en vigueur le 1er mai 2014 de la novelle du 15 juin 2012, imposant en particulier l'obligation de réduire les zones à bâtir surdimensionnées (art. 15 al. 2 LAT [RS 700]), la commune de Yens a établi un bilan de ses réserves en zone à bâtir. Sur cette base, la municipalité a décidé d'établir une zone réservée sur trois secteurs des zones constructibles de la commune (ne comprenant pas le PQ "En Muraz") et d'entreprendre la révision du PGA en vue de réduire le surdimensionnement de la zone à bâtir. 
La municipalité a soumis à l'enquête publique, du 7 mars au 5 avril 2018, un projet de zone réservée communale au sens de l'art. 46 de la loi cantonale du 4 décembre 1985 sur l'aménagement du territoire et les constructions [LATC; RS/VD 700.11], laquelle comprenait le périmètre du plan d'extension partiel PEP "En Oussin" ainsi que la zone de villa B du PGA (quartiers Es Niclettes et du Vieux Motty). La zone réservée communale a été adoptée le 10 septembre 2018 par le Conseil communal de Yens, puis approuvée préalablement le 7 mars 2019 par le Département du territoire et de l'environnement du canton de Vaud (par le suite Département des institutions et du territoire [ci-après: DIT ou département]; actuellement Département des institutions, du territoire et des sports [DITS]). Plusieurs recours ont été déposés auprès de la cour cantonale à l'encontre des décisions communale et cantonale relatives à la zone réservée communale. 
 
G.  
Dans l'intervalle, le 9 novembre 2017, le Service du Développement territorial vaudois (SDT; actuellement: Direction générale du territoire et du logement [DGTL]) a, dans le cadre du mandat de surveillance des permis de construire conféré par le Conseil d'Etat le 18 janvier 2016, déposé une opposition concernant une demande de permis de construire sept villas mitoyennes (quatorze logements) sur les parcelles nos 694 et 771 de la commune de Yens. Une zone réservée cantonale sur ces parcelles a ensuite été mise à l'enquête publique, puis approuvée par le département le 2 août 2018. 
 
H.  
En août 2019, B.________ SA a fait établir un nouveau dossier de permis de construire, en tenant compte de l'arrêt du Tribunal fédéral du 31 octobre 2017 (cf. ci-dessus let. E). La Commune de Yens a, pour sa part, établi un dossier technique concernant les mesures d'accompagnement du PQ "En Muraz" ayant pour objectif de concrétiser les exigences découlant du PQ en matière d'équipement, en particulier s'agissant de la desserte et des accès. Dans le cadre de cette demande, le SDT a rendu un préavis négatif au motif que les futurs permis de construire répondaient aux critères de surveillance des permis de construire au sens du mandat confié par le Conseil d'Etat. 
Une nouvelle zone réservée cantonale - portant sur les parcelles nos 652, 654, 657 à 661, 1384, 1395, 1411, 1494, 1616, 1867 et 2100, (correspondant au PQ "En Muraz") - a été mise à l'enquête publique du 16 novembre au 15 décembre 2019. Trois oppositions ont été déposées, dont celles de A.________ SA et B.________ SA. 
Par décision du 5 août 2020, le DIT a levé les oppositions et approuvé la zone réservée cantonale sur les parcelles précitées. Il a notamment retenu que ces parcelles étaient situées en frange de la zone à bâtir hors du périmètre du territoire urbanisé, n'étaient que très faiblement construites avec une surface non bâtie correspondant à environ 38'488 m² et présentaient des réserves importantes. 
B.________ SA et A.________ SA ont chacune recouru auprès de la cour cantonale contre la décision du département du 5 août 2020. Après avoir joint les causes et procédé à une inspection locale le 20 mai 2021, la cour cantonale a rejeté, par arrêt du 15 septembre 2021, ces deux recours et a confirmé les décisions du DIT du 5 août 2020. 
 
I.  
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, B.________ SA (cause 1C_625/2021) ainsi que A.________ SA (cause 1C_623/2021) demandent au Tribunal fédéral, avec suite de frais et dépens, de réformer l'arrêt du 15 septembre 2021 de la cour cantonale en ce sens que les parcelles concernées sont exclues de la zone réservée. A titre subsidiaire, les recourantes concluent au renvoi de la cause à l'instance précédente pour nouvelle décision. 
Le Tribunal cantonal s'est référé aux considérants de l'arrêt attaqué. Le DIT, représenté par la DGTL, conclut au rejet des recours. La municipalité s'en remet à justice dans les deux causes. L'Office fédéral du développement territorial (ARE) renonce à prendre position. A.________ SA réplique. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Les deux recours sont dirigés contre un même arrêt et comportent des conclusions et motifs identiques. Il se justifie dès lors, par économie de procédure, de joindre les causes 1C_623/2021 et 1C_625/2021 afin qu'il soit statué sur les deux recours dans un seul arrêt. 
 
2.  
L'arrêt attaqué confirme l'institution d'une zone réservée sur le territoire communal, en application de l'art. 27 LAT. La jurisprudence y voit un processus de planification ordinaire et considère qu'il s'agit d'une décision finale au sens de l'art. 90 LTF (arrêts 1C_94/2020 du 10 décembre 2020 consid. 1; 1C_141/2014 du 4 août 2014 in ZBl 116/2015 p. 194), le recours n'étant par ailleurs pas soumis à la limitation des griefs prévue à l'art. 98 LTF (ATF 105 Ia 223 consid. 2b; arrêt 1C_671/2019 du 5 août 2020 consid. 1 et les arrêts cités). Le recours est donc en principe recevable comme recours en matière de droit public selon les art. 82 ss LTF, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. 
 
Les recourantes ont pris part à la procédure de recours devant la cour cantonale. Elles sont particulièrement touchées par l'arrêt attaqué qui confirme la collocation en zone réservée de parcelles dont elles sont respectivement propriétaire et promettante-acquéreuse (cf. arrêts 1C_407/2012 du 8 novembre 2012 consid.1.1; 1C_134/2010 du 28 septembre 2010 consid. 2). Elles peuvent ainsi se prévaloir d'un intérêt digne de protection à ce que cette décision soit annulée. Elles ont donc qualité pour agir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF. Il y a donc lieu d'entrer en matière. 
 
3.  
 
3.1. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF); il n'examine cependant la violation de droits fondamentaux que si ce grief a été invoqué et motivé par la partie recourante (cf. art. 106 al. 2 LTF), c'est-à-dire s'il a été expressément soulevé et exposé de façon claire et détaillée. Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 142 III 364 consid. 2.4; 141 I 36 consid. 1.3; 135 III 232 consid. 1.2).  
 
Le Tribunal fédéral statue en principe sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF (ATF 142 I 155 consid. 4.4.3). La partie recourante ne peut critiquer les constatations de fait ressortant de la décision attaquée que si celles-ci ont été effectuées en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou de manière manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire, et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF; ATF 145 V 188 consid. 2). Conformément aux art. 42 al. 2 et 106 al. 2 LTF, la partie recourante doit expliquer de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées. A défaut, il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de celui qui est contenu dans l'acte attaqué (ATF 145 V 188 consid. 2; 137 II 353 consid. 5.1). 
 
3.2. B.________ SA se plaint, à plusieurs égards, d'une constatation manifestement inexacte des faits, en lien avec le grief tiré d'une violation du principe de la bonne foi. Elle fait notamment grief à la cour cantonale de ne pas avoir mentionné que, dans le cadre du projet de construction portant sur 13 bâtiments (42 logements), la prise de position du SDT du 28 septembre 2015 indiquerait qu'aucun intérêt public prépondérant ne s'oppose au projet de réalisation du PQ. La recourante reproche également à l'instance précédente d'avoir omis de mentionner que la cour cantonale, puis le Tribunal fédéral auraient constaté la licéité du PQ, dans les arrêts des 21 juin 2016 (AC.2014.0354) et 1er mai 2017 (1C_387/2016). Certes, la décision entreprise n'expose pas l'intégralité des considérants en droit des arrêts précités et la prise de position du SDT. La cour cantonale ne les a toutefois pas ignorés, mais elle a considéré qu'il n'était pas possible d'en déduire des garanties que l'affectation du secteur litigieux en zone à bâtir ne pourrait pas être remise en cause dans le cadre de la révision de la planification communale en cours. En réalité, la critique de la recourante se confond avec le grief de violation du principe de la bonne foi, examiné ci-après (cf. consid. 6).  
 
Quant à A.________ SA, elle présente au début de son mémoire certains éléments de fait. Une telle argumentation, dans la mesure où elle s'écarte des constatations de l'instance précédente ou les complète, sans qu'il soit indiqué et démontré que celles-ci seraient manifestement inexactes ou arbitraires, est irrecevable (cf. consid. 3.1 ci-dessus). 
 
4.  
Les recourantes soutiennent ensuite que l'instauration de la zone réservée cantonale litigieuse contrevient à l'art. 27 LAT et constitue une application arbitraire de l'art. 46 LATC. Elles soutiennent que le secteur en question, par son emplacement et son équipement, répondrait aux critères de la zone à bâtir. Elles soutiennent en particulier que l'instauration de la zone réservée serait contraire au principe de proportionnalité et se prévalent dans ce contexte de la garantie de la propriété (art. 36 Cst.). 
 
4.1. Selon l'art. 27 LAT, s'il n'existe pas de plan d'affectation ou que l'adaptation d'un tel plan s'impose, l'autorité compétente peut prévoir des zones réservées dans des territoires exactement délimités. A l'intérieur de ces zones, rien ne doit être entrepris qui puisse entraver l'établissement du plan d'affectation (al. 1). Une zone réservée ne peut être prévue que pour cinq ans au plus; le droit cantonal peut prolonger ce délai (al. 2). En droit cantonal, l'art. 46 al. 1 LATC, dans sa teneur au 1er septembre 2018, prévoit que la commune ou le département cantonal peuvent établir des zones réservées pour une durée de cinq ans pouvant être prolongée de trois ans au maximum.  
 
L'établissement d'une zone réservée répond à un intérêt public lorsqu'il y a lieu de modifier un plan d'aménagement, que celui-ci soit ou non conforme au droit (arrêts 1C_576/2020 du 1er avril 2021 consid. 4.1; 1C_518/2019 du 8 juillet 2020 consid. 5.1 et les réf. cit.; ALEXANDER RUCH, in Commentaire pratique LAT: Planifier l'affectation, 2016, n. 31 ad art. 27 LAT). Il s'agit en particulier de garantir aux autorités chargées de l'aménagement du territoire la liberté de planifier et de décider, et d'éviter que des projets de construction viennent entraver cette liberté. Il n'est pas nécessaire que l'autorité ait déjà une idée précise de la manière dont elle entend redéfinir la zone à bâtir puisque cela ne découle pas d'une simple intention de sa part, mais d'une obligation résultant directement de l'art. 15 al. 2 LAT, puis du plan directeur cantonal. La mesure contestée constitue la première étape de ce processus obligatoire (arrêts 1C_532/2019 du 18 mai 2020 consid. 2.1; 1C_551/2018 du 19 novembre 2019 consid. 2.3; 1C_16/2019 du 18 octobre 2019 consid. 4.3). En général, une zone réservée satisfait à l'exigence d'aptitude découlant du principe de la proportionnalité puisqu'il s'agit de préserver la liberté de planification de l'autorité compétente. La règle de la nécessité est également respectée lorsque la zone réservée correspond au périmètre concerné par l'obligation de planifier (arrêts 1C_530/2021 du 23 août 2022 consid. 5.4; 1C_518/2019 du 8 juillet 2020 consid. 5.1; 1C_94/2020 du 10 décembre 2020 consid. 3.1 et 3.4; cf. RUCH, op cit, n. 36 ss ad art. 27 LAT). 
 
4.2. In casu, la cour cantonale a retenu que la zone à bâtir communale présentait une surcapacité d'accueil de 817 habitants à l'horizon 2036, calculée selon ce que prévoyait la 4ème adaptation du plan directeur cantonal du canton de Vaud (cf. extrait du guichet de simulation pour le dimensionnement de la zone à bâtir [d'habitation et mixte] produit par la DGTL). Au vu de ce constat - dont les recourantes ne démontrent pas le caractère arbitraire et dont il n'y a dès lors pas lieu de s'écarter -, l'autorité communale était tenue de réviser son plan général d'affectation, conformément aux exigences de l'art. 15 al. 2 LAT, entré en vigueur le 1er mai 2014, et du PDCn. L'on se trouve ainsi dans une situation où une adaptation de la planification s'impose, au sens de l'art. 27 al. 1 LAT.  
 
Si les recou rantes ne contestent pas que la zone à bâtir de la commune présente un excédent important, elles affirment en revanche que l'instauration de la zone réservée communale (secteurs En Oussin, Es Niclettes et du Vieux Motty) tempérerait la nécessité de créer une zone réservée cantonale sur le périmètre du PQ "En Muraz". Leur critique est vaine. En effet, sur ce point, la cour cantonale a retenu que la zone réservée communale - correspondant à 411 habitants - était insuffisante au vu de l'importance du surdimensionnement de la zone constructible (surcapacité d'accueil correspondant à 817 habitants). Faute d'arbitraire dûment allégué et démontré sur ce point par les recourantes, il n'y a pas lieu de revenir sur ces constatations de l'instance précédente. 
S'agissant plus particulièrement des caractéristiques du secteur "En Muraz", il ressort des constatations de fait de l'arrêt entrepris que les parcelles concernées sont localisées à la périphérie du village de Yens, sont bordées par des terrains en zone agricole au nord-ouest et au sud-est, et par une zone forestière au nord-est. Elles sont très faiblement construites et constituent une vaste surface non bâtie (environ 38'488 m²) qui ne saurait être considérée comme une brèche dans le tissu bâti susceptible d'être affectée à la zone à bâtir pour ce motif. Les recourantes ne proposent aucune démonstration du caractère arbitraire de ces éléments de fait, dont il n'y a dès lors pas lieu de s'écarter. Il n'est pas contesté que le secteur en question est situé dans le prolongement d'une zone d'habitation déjà construite, comme l'affirment les recourantes; ce secteur est cependant situé en périphérie de la zone d'habitation urbanisée et jouxte une zone agricole ainsi qu'une zone forestière. Ainsi, compte tenu de sa situation, sa dimension importante et l'absence de construction (à l'exception de trois bâtiments d'habitation et un bâtiment agricole), il n'apparaît pas d'emblée que le secteur "En Muraz" ne pourra pas être concerné par le remaniement de la zone à bâtir. L'affectation du secteur à la zone réservée n'est ainsi par critiquable (cf. arrêts 1C_576/2020 du 1er avril 2021 consid. 4.4.4; 1C_394/2019 du 14 août 2020 consid. 4.2). 
 
Dans ces conditions, quoi qu'en disent les recourantes, l'instauration de la zone réservée cantonale, avec son périmètre, apparaît proportionnée aux objectifs d'intérêt public poursuivis, à savoir la préservation de la marge de manoeuvre de l'autorité communale nécessaire à la redéfinition et au redimensionnement d'une zone à bâtir conforme au droit fédéral. 
 
Le fait que le secteur litigieux n'a pas été intégré à la zone réservée communale n'est pas déterminant dès lors que la démarche de l'autorité cantonale tend précisément à compléter la zone réservée communale jugée insuffisante au regard de l'importance du surdimensionnement de la zone constructible. Enfin, les recourantes invoquent en vain la possibilité de limiter les droits à bâtir en zone périphérique au lieu de procéder au déclassement de l'aire du PQ "En Muraz". Comme le souligne à juste titre le Tribunal cantonal dans son arrêt, il appartiendra à l'autorité de planification d'examiner les solutions alternatives dans le cadre de l'élaboration du nouveau plan d'affectation communal. 
 
4.3. En définitive, la zone cantonale réservée litigieuse apparaît conforme à l'art. 27 LAT et échappe au grief d'arbitraire. Les griefs doivent être rejetés.  
 
4.4. Quant aux griefs de violation du principe de l'égalité de traitement et de la garantie de la propriété - tels qu'ils sont formulés par les recourantes -, ils ne remplissent pas les exigences de motivation découlant de l'art. 106 al. 2 LTF et sont donc irrecevables (cf. consid. 3.1 ci-dessus). Cela étant, au vu des considérations exposées ci-dessus, l'instauration de la zone réservée apparaît justifiée et échappe dès lors au grief de violation du principe de l'égalité de traitement (cf. arrêt 1C_218/2020 du 23 juillet 2021 consid. 3.1.2 et 3.6). Enfin, en lien avec la garantie de la propriété, les recourantes se prévalent en vain des investissements financiers importants consentis pour réaliser un projet conforme au PQ. Ceux-ci ne justifient pas de renoncer à l'instauration de la zone réservée cantonale, dont il convient de rappeler qu'elle est limitée dans le temps. L'atteinte subie par les recourantes n'est que temporaire et l'on ne saurait affirmer à ce stade que les investissements réalisés seraient définitivement perdus (cf. arrêts 1C_267/2019 du 5 mai 2020 consid. 6.2; 1C_149/2018 du 13 septembre 2018 consid. 2.7.2).  
 
5.  
Les recourantes se plaignent également d'une violation du principe de la bonne foi (art. 5 al. 3 et 9 Cst.). Elles affirment en substance que le surdimensionnement de la zone à bâtir était connu du DIT, en particulier du SDT, bien avant l'approbation par le Conseil fédéral de la 4e adaptation du PDCn le 31 janvier 2018 et que malgré tout, le SDT n'aurait pas remis en cause la validité du PQ; au contraire, par son approbation aux différentes avancées du développement du quartier, le SDT leur aurait ainsi donné des garanties; sur cette base, les recourantes auraient engagé plusieurs centaines de milliers de francs pour établir un dossier complet d'autorisation de construire. De plus, les recourantes se prévalent des différentes décisions judiciaires rendues par la cour cantonale et le Tribunal fédéral en lien avec le PQ "En Muraz": ces autorités judiciaires auraient confirmé, selon les recourantes, la conformité du PQ à la LAT et en particulier le caractère constructible du secteur litigieux, dans le cadre de la procédure de contrôle incident du PQ et de la procédure de recours contre le permis de construire délivré en 2015 par la municipalité. Selon les recourantes, rien ne permettait de présager un tel revirement du SDT. 
 
5.1. Le principe de la bonne foi est explicitement prévu à l'art. 5 al. 3 Cst. et implique notamment que les organes de l'État s'abstiennent d'adopter un comportement contradictoire ou abusif (ATF 136 I 254 consid. 5.2). De ce principe général découle notamment le droit fondamental du particulier à la protection de sa bonne foi dans ses relations avec l'Etat, consacré à l'art. 9 in fine Cst. (ATF 138 I 49 consid. 8.3.1 et les arrêts cités). Selon la jurisprudence, un renseignement ou une décision erroné de l'administration peuvent obliger celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition que (1) l'autorité soit intervenue dans une situation concrète à l'égard de personnes déterminées, (2) qu'elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de ses compétences et (3) que l'administré n'ait pas pu se rendre compte immédiatement de l'inexactitude du renseignement obtenu. Il faut encore (4) qu'il se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice, (5) que la réglementation n'ait pas changé depuis le moment où l'assurance a été donnée et (6) que l'intérêt à l'application du droit n'apparaisse pas prépondérant (ATF 143 V 95 consid. 3.6.2; 137 I 69 consid. 2.5.1).  
 
5.2. En l'espèce, les éléments invoqués par les recourantes ne permettent pas d'affirmer que celles-ci auraient reçu des assurances de la part du département, en particulier du SDT, quant à la réalisation de leurs projets de construction. Les recourantes ne sauraient en particulier déduire de telles assurances des observations du 18 novembre 2014 adressées à la cour cantonale par le SDT, dans le cadre du contrôle incident du PQ; au contraire, il ressort de l'arrêt entrepris que le SDT a alors indiqué que la commune était concernée par la mesure A11 du PDCn et qu'elle était tenue de revoir son PGA afin de diminuer la capacité de la zone à bâtir. De telles garanties ne découlent pas non plus de la prise de position du SDT du 28 septembre 2015 émise dans le cadre de la procédure relative au permis de construire portant sur 42 logements. Sur ce point, la cour cantonale a constaté - sans que l'arbitraire ne soit démontré par les recourantes - que le SDT n'était concerné par le projet de construction qu'en tant qu'il incluait la pose de canalisation (EC et EU) hors de la zone à bâtir. L'autorisation spéciale accordée par le SDT pour la pose des canalisations n'impliquait ainsi aucune garantie du maintien du secteur en zone constructible dans le cadre de la révision de la planification communale qui est actuellement en cours.  
 
On ne saurait ainsi reprocher au SDT une attitude contradictoire. Les recourantes ne peuvent dans ce contexte rien déduire des arrêts précédents du Tribunal cantonal ou du Tribunal fédéral qui portaient sur des questions distinctes. Enfin, le fait que le département a approuvé la zone réservée communale - qui n'incluait pas les parcelles litigieuses - ne constitue pas non plus des garanties en faveur des recourantes. 
 
Cela étant, les divers éléments invoqués par les recourantes, et notamment les investissements financiers déjà consentis, relèvent d'avantage de la pesée des intérêts à effectuer dans le cadre de la révision du plan général d'affectation communal. De plus, suivant l'issue de cette procédure de révision, les intérêts financiers des recourantes pourront, dans certaines circonstances, être pris en compte. Cette question ne fait toutefois pas l'objet de la présente procédure. 
 
5.3. La cour cantonale n'a donc pas violé le principe de la bonne foi en considérant que les recourantes ne pouvait pas prétendre avoir obtenu l'assurance du département que les parcelles litigieuses allaient demeurer en zone constructible.  
 
6.  
Il résulte de ce qui précède que l'arrêt attaqué doit être confirmé et les recours rejetés, dans la mesure où ils sont recevables, aux frais des recourantes qui succombent (art. 66 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Les causes 1C_623/2021 et 1C_625/2021 sont jointes. 
 
2.  
Les recours sont rejetés dans la mesure où ils sont recevables. 
 
3.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 6'000 fr., sont mis à la charge des recourantes, solidairement entre elles. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des recourantes, au Département des institutions, du territoire et des sports du canton de Vaud, à la Municipalité de Yens, à la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud, ainsi qu'à l'Office fédéral du développement territorial. 
 
 
Lausanne, le 24 novembre 2022 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Kneubühler 
 
La Greffière : Arn