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«AZA 3» 
4C.313/1999 
 
 
 
Ie C O U R C I V I L E 
************************** 
 
25 janvier 2000 
Composition de la Cour: M. Walter, président, M. Leu, M. Corboz, Mme Klett, Mme Rottenberg Liatowitsch, juges. Greffière: Mme de Montmollin Hermann. 
 
__________ 
 
Dans la cause civile pendante 
entre 
 
 
Marie Kopf, à Genève, demanderesse et recourante, représentée par Me Benoît Carron, avocat à Genève, 
 
 
et 
 
 
Ville de Genève, défenderesse et intimée, représentée par Me Alain Zwahlen, avocat à Genève; 
 
 
 
 
(contrat de travail; prescription) 
 
Vu les pièces du dossier d'où ressortent 
les f a i t s suivants : 
 
 
A.- Durant trois ans, de mars 1990 à mars 1993, Marie Kopf a vécu avec Emma Zell d'une manière quasi permanente; elle occupait auprès d'elle la fonction de dame de compagnie, elle tenait son ménage et lui prodiguait des soins. Toutes deux s'étaient entendues pour que ces services soient récompensés par une disposition à cause de mort. 
Emma Zell a fait quatre testaments: 
- un testament du 14 août 1982 où elle a institué unique héritière la Ville de Genève, sous réserve de deux legs, 
- un testament olographe du 24 avril 1990, par lequel elle a notamment attribué à Marie Kopf une maison à Genève, avenue de Miremont, 
- un testament public du 10 septembre 1992 faisant de Marie Kopf son héritière unique, sous réserve d'un legs, 
- un testament public du 4 février 1993 qui confirmait ses dispositions antérieures et désignait une exécutrice testamentaire. 
Emma Zell est décédée le 23 août 1993. Ses héritiers légaux, après s'être d'abord opposés à la délivrance d'un certificat d'héritier en faveur de Marie Kopf, sont convenus avec elle d'un acte de répudiation de la succession en leur faveur, moyennant cession de la maison de l'avenue de Miremont et la remise d'une somme de 2 millions. Cet accord a été communiqué à la justice de paix le 20 janvier 1994. 
 
 
Par demande du 13 juin 1994, la Ville de Genève, qui avait été instituée unique héritière de Emma Zell par le testament du 14 août 1982, a intenté action en annulation ou en constatation de nullité des autres testaments. Emma Zell, qui avait répudié la succession, n'a pas été prise à partie par la demanderesse dans cette procédure. Par jugement du 18 novembre 1996, le Tribunal de première instance de Genève a dit que le testament du 24 avril 1990 était complètement nul et a annulé les testaments publics. Il a jugé en conséquence que la succession de Emma Zell devait être dévolue conformément aux dispositions pour cause de mort prises dans le testament du 14 août 1982. Cette décision a été confirmée par la Cour de justice du canton de Genève le 23 mai 1997, et, sur recours en réforme et de droit public des héritiers, par arrêts du Tribunal fédéral du 10 mars 1998. 
B.- Le 13 août 1998, Marie Kopf a assigné la Ville de Genève devant la juridiction des prud'hommes en paiement de 131 000 fr. avec intérêts à 5 % dès le 12 août 1998 principalement à titre de salaire pour la période du 15 mai 1990 au 12 mars 1993. Par jugement du 15 décembre 1998, le Tribunal des prud'hommes a admis la demande à concurrence de 28 832 fr. 50, intérêts en sus. 
Saisie par les deux parties, la Chambre d'appel de la juridiction des prud'hommes a annulé ce jugement dans un arrêt du 27 mai 1999. Elle a débouté Marie Kopf de toutes ses conclusions au motif que ses prétentions étaient atteintes par la prescription. C.- Marie Kopf recourt en réforme au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 27 mai 1999. Principalement, elle reprend les conclusions en paiement qu'elle avait formulées en première instance, subsidiairement elle conclut à ce qu'il soit dit que la demande n'est pas prescrite et au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour décision sur le fond. 
 
 
La défenderesse invite le Tribunal fédéral à rejeter le recours dans la mesure où il est recevable. 
Par décision du 27 septembre 1999, le Tribunal fédéral a accordé l'assistance judiciaire à Emma Kopf et a désigné son conseil comme avocat d'office. 
 
 
C o n s i d é r a n t e n d r o i t : 
 
 
1.- L'art. 320 al. 2 CO pose la présomption qu'un contrat de travail est conclu lorsque l'employeur accepte pour un temps donné l'exécution d'un travail qui, d'après les circonstances, ne doit être fourni que contre un salaire. La cour cantonale a laissé ouverte la question de savoir si cette disposition pouvait trouver application en l'espèce, jugeant que la défenderesse soutenait à bon droit que la prescription était atteinte lors de l'ouverture de l'action, le 13 août 1998. Elle a retenu que le délai de cinq ans prévu par l'art. 128 ch. 3 CO pour les actions des travailleurs avait commencé à courir le 12 mars 1993, date à laquelle la demanderesse avait cessé de vivre dans le ménage de la défunte - et non à partir du décès de celle-ci ou après l'entrée en force de l'arrêt de la Cour de justice du 23 mai 1997 confirmant la dévolution de la succession à la défenderesse. La cour a notamment considéré qu'on ne pouvait voir une manifestation de volonté des héritiers légaux de Emma Zell d'interrompre la prescription dans l'accord qu'ils avaient passé en janvier 1994 avec la demanderesse. 2.- La demanderesse invoque la violation des art. 320 al. 2 et 3 CO, ainsi que des art. 128 ch. 3, 130 al. 1, en liaison avec l'art. 341 CO, de même que 135 ch. 1 CO. 
 
 
Elle fait en substance valoir qu'elle et Emma Zell étaient liées, au moins tacitement, par un contrat de travail en vertu de l'art. 320 al. 2 CO. Toutes deux avaient, exposet-elle, convenu de différer la créance de salaire - qui devait prendre la forme d'une disposition pour cause de mort - jusqu'au décès de l'employeuse. Cette situation n'aurait été changée ni en raison du licenciement signifié par le tuteur de Emma Zell, le 12 mars 1993, ni par la conclusion de l'accord passé en janvier 1994 avec les héritiers légaux. La clause de rémunération aurait été invalidée, au sens de l'art. 20 CO, par la décision du Tribunal fédéral du 10 mars 1998 confirmant la nullité des testaments attaqués. Comme il n'y aurait pas lieu d'admettre qu'il aurait été conclu sans cette clause, le contrat de travail passé entre Emma Zell et la demanderesse devrait être déclaré nul dans son ensemble. Le cas de figure visé par l'art. 320 al. 3 CO serait dès lors réalisé. Le constat de nullité aurait un effet ex nunc et non ex tunc, si bien que l'exigibilité de la créance en salaire resterait fixée au décès de Emma Zell. 
La demanderesse conteste que sa créance soit prescrite. Elle allègue que les créances de salaire des travailleurs se prescrivent par cinq ans à compter du jour où elles sont devenues exigibles, soit en l'occurrence à compter du jour du décès de Emma Zell. La prescription aurait au demeurant été interrompue par l'accord - valant reconnaissance de dette - passé entre elle et les héritiers légaux de Emma Zell au mois de janvier 1994. 
3.- Sauf exceptions non réalisées en l'espèce (art. 55 al. 1 let. d, 63 al. 2, 64 al. 2 OJ), le Tribunal fédéral est lié par les constatations de fait de l'autorité cantonale lorsqu'il statue en instance de réforme (art. 55 al. 1 let. c 63 al. 2 OJ). En l'occurrence, il ressort des constatations souveraines de la Cour de justice que la demanderesse s'est entendue expressément avec Emma Zell, qui s'est exécutée, sur 
 
 
le fait que ses services seraient récompensés par une disposition pour cause de mort. Autrement dit, les parties avaient convenu que la demanderesse devait déployer une activité en échange d'une valeur patrimoniale. Les services qu'elle devait rendre, soins personnels et tenue du ménage, sont typiques d'un contrat de travail au sens de l'art. 319 CO - l'existence d'un lien de subordination retenue par le tribunal des prud'hommes n'étant pas remise en question par la cour cantonale. Le fait que les parties ont prévu le principe et le mode de rémunération exclut l'application de l'art. 320 al. 2 CO. Certes, la demanderesse a renoncé par transaction avec les héritiers légaux à la prestation promise et exécutée par l'employeur (une disposition pour cause de mort), pour la remplacer par une autre, qui a été annulée ou rendue inefficace par la suite. Cette circonstance demeure cependant sans effet sur l'échéance et l'exigibilité de la créance de la demanderesse fondée sur la relation de travail. 
Selon l'art. 130 al. 1 CO, la prescription court dès que la créance est exigible. L'art. 339 al. 1 CO stipule quant à lui qu'à la fin du contrat de travail toutes les créances deviennent exigibles. En l'espèce, il ressort des constatations de la cour cantonale qui lient le Tribunal fédéral (art. 63 al. 2 OJ) que le tuteur de Emma Zell a renvoyé la demanderesse le 12 mars 1993. La fin du contrat de travail n'a cependant pas entraîné l'exigibilité de la prétention que la demanderesse fait présentement valoir. En effet, la créance en salaire de la demanderesse envers son employeur avait la particularité de porter sur une disposition pour cause de mort. Lors de la résiliation du contrat de travail, Emma Zell avait exécuté son obligation. La demanderesse ne pouvait alors rien exiger d'autre, une disposition pour cause de mort ne donnant, par définition, naissance à des droits qu'à la mort du de cujus. Ce n'est qu'à ce moment-là que la créance de la demanderesse en délivrance de biens est née et est devenue exigible. Comme Emma Zell est décédée le 23 août 1993, 
 
 
le délai minimum de la prescription quinquennale, applicable à la créance de salaire (art. 128 ch. 3 CO), échéait le 23 août 1998, de telle sorte que l'action de la demanderesse n'était pas prescrite au moment de son ouverture, le 13 août 1998. 
En définitive, c'est à tort que la Chambre d'appel a déclaré l'action prescrite, en faisant partir le délai de prescription non pas de la date du décès d'Emma Zell, mais de la date à laquelle la demanderesse a cessé de faire ménage commun avec celle-ci. 
4.- Le recours doit donc être admis et la créance de la demanderesse déclarée non prescrite. Le Tribunal fédéral n'est pas en mesure de se prononcer sur le fond; aussi la cause sera-t-elle renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision en application de l'art. 64 al. 1 OJ
Les dépens seront mis entièrement à la charge de la défenderesse. S'agissant d'une autorité publique, il est peu probable que celle-ci se soustraie à son obligation. On peut par conséquent renoncer à fixer les honoraires que devrait verser la Caisse du Tribunal fédéral à l'avocat d'office de la recourante en application de l'art. 152 al. 2 OJ
 
 
 
 
Par ces motifs, 
 
l e T r i b u n a l f é d é r a l : 
 
 
1. Admet le recours, annule l'arrêt attaqué et renvoie la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision au sens des considérants; 
 
 
2. Met un émolument judiciaire de 5000 fr. à la charge de l'intimée; 
3. Dit que l'intimée versera à la recourante une indemnité de 6000 fr. à titre de dépens; 
4. Communique le présent arrêt en copie aux mandataires des parties et à la Chambre d'appel de la juridiction des prud'hommes du canton de Genève (cause n° C/17271/1998-6). 
 
 
 
 
_______________ 
 
 
 
 
Lausanne, le 25 janvier 2000 ECH 
 
Au nom de la Ie Cour civile 
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE: 
Le président, 
 
 
 
 
La greffière,