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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
1C_340/2020  
 
 
Arrêt du 25 février 2021  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président, 
Chaix et Müller. 
Greffière : Mme Nasel. 
 
Participants à la procédure 
Commune d'Yverdon-les-Bains, par sa Municipalité, Hôtel de Ville, place Pestalozzi 2, 
1401 Yverdon-les-Bains, 
recourante, 
 
contre  
 
A.________ SA, 
représentée par Me Yves Nicole, avocat, 
intimée. 
 
Objet 
permis de construire, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton 
de Vaud, Cour de droit administratif et public, 
du 13 mai 2020 (AC.2019.0093). 
 
 
Faits :  
 
A.   
A.________ SA (la constructrice) est propriétaire de la parcelle no 1663, d'une surface totale de 1070 m², soit actuellement 982 m² de place-jardin et une habitation de 88 m². Elle est située au chemin du Coteau 11 à Yverdon-les-Bains. 
Un premier projet pour la construction, après démolition du bâtiment existant, de deux villas, de deux logements chacune et de deux villas jumelles sur la parcelle précitée a été refusé par décision du 9 octobre 2017 de la Municipalité d'Yverdon-les-Bains (Municipalité). 
Une seconde demande d'autorisation de construire a été déposée en vue de la réalisation, sur le même bien-fonds, d'une villa individuelle et de deux villas jumelées. Ce projet a suscité plusieurs oppositions. Le 22 février 2019, la Municipalité a refusé de délivrer le permis de construire requis. 
 
B.   
Par arrêt du 13 mai 2020, après avoir procédé le 20 août 2019 à une inspection locale, la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud (Tribunal cantonal) a admis le recours formé par la constructrice. Elle a annulé la décision de la Municipalité du 22 février 2019 et renvoyé le dossier à cette autorité pour qu'elle délivre le permis de construire sollicité. 
 
C.   
La Municipalité forme un recours en matière de droit public par lequel elle demande au Tribunal fédéral de réformer l'arrêt du 13 mai 2020 en ce sens que sa décision du 22 février 2019 est confirmée. Subsidiairement, elle conclut au renvoi de la cause au Tribunal cantonal pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
Le Tribunal cantonal renonce à se déterminer et se réfère aux considérants de l'arrêt attaqué. A.________ SA conclut au rejet du recours, dans la mesure de sa recevabilité. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le recours est dirigé contre une décision prise en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF) dans le domaine du droit public des constructions (art. 82 let. a LTF) et aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'est réalisée. 
L'arrêt cantonal renvoie le dossier à la Municipalité afin qu'elle délivre le permis de construire sollicité. Il ne laisse aucune latitude de jugement à cette autorité et peut donc être assimilé à une décision finale au sens de l'art. 90 LTF (ATF 138 I 143 consid. 1.2 p. 148; 135 V 141 consid. 1.1 p. 143; arrêts 2C_339/2020 du 5 janvier 2021 consid. 1.3; 2C_132/2020 du 26 novembre 2020 consid. 1.3). 
La Municipalité, qui fait valoir une violation de l'autonomie communale dont elle bénéficie en matière d'aménagement du territoire et en droit des constructions, a qualité pour recourir en vertu de l'art. 89 al. 2 let. c LTF (cf. ATF 142 I 26 consid. 3.3 p. 30; arrêt 1C_104/2020 du 23 septembre 2020 consid. 1). 
Les autres conditions de recevabilité du recours sont réunies, si bien qu'il y a lieu d'entrer en matière sur le fond. 
 
2.   
La recourante reproche au Tribunal cantonal d'avoir considéré qu'elle avait excédé son pouvoir d'appréciation en refusant d'octroyer le permis de construire litigieux pour des motifs d'esthétique et          d'intégration. Elle se plaint d'une violation de son autonomie communale (art. 50 Cst.). 
 
2.1. Selon l'art. 50 al. 1 Cst., l'autonomie communale est garantie dans les limites fixées par le droit cantonal. En droit cantonal vaudois, les communes jouissent d'une autonomie consacrée lorsqu'elles définissent, par des plans, l'affectation de leur territoire, et lorsqu'elles appliquent le droit des constructions (art. 139 al. 1 let. d Cst./VD [BLV 101.01]; ATF 146 II 367 consid. 3.1.4 p. 372 et les arrêts cités). Une commune reconnue autonome dans un domaine spécifique peut dénoncer tant les excès de compétence d'une autorité cantonale de recours que la violation par celle-ci des règles du droit fédéral, cantonal ou communal qui régissent la matière (ATF 146 I 36 consid. 3.1 p. 44; 143 II 120 consid. 7.2 p. 134).  
 
2.2. Lorsque, statuant sur une demande d'autorisation de construire, l'autorité communale interprète son règlement en matière de constructions et apprécie les circonstances locales, elle bénéficie d'une liberté d'appréciation particulière, que l'instance cantonale de recours contrôle avec retenue (cf. art. 3 al. 2 LAT). Une autorité de recours ne peut ainsi pas choisir entre plusieurs solutions disponibles et appropriées ou remplacer une appréciation adéquate de la commune par sa propre appréciation. Elle ne doit cependant pas seulement intervenir lorsque l'appréciation de l'instance précédente est insoutenable, auquel cas l'étendue de son pouvoir d'examen s'apparenterait à un contrôle limité à l'arbitraire, ce qui serait contraire à l'art. 33 al. 3 let. b LAT. Conformément aux art. 46 et 49 Cst., l'autorité de recours doit en particulier sanctionner l'appréciation communale lorsque celle-ci contrevient au droit supérieur, viole les principes constitutionnels d'égalité de traitement et de proportionnalité ou encore apparaît objectivement insoutenable - et partant arbitraire (ATF 146 II 367 consid. 3.1.4 p. 372; 145 I 52 consid. 3.6 p. 58 s.; arrêts 1C_104/2020 du 23 septembre 2020 consid. 2.2; 1C_450/2018 du 11 décembre 2019 consid. 3.1.3). Il appartient à la commune de motiver soigneusement sa décision sur des éléments susceptibles de heurter le droit supérieur (ATF 146 II 367 consid. 3.1.4 p. 372; arrêt 1C_419/2019 du 14 septembre 2020 consid. 2.2). Le contrôle de l'opportunité s'exerce donc avec retenue sur des points concernant principalement des intérêts locaux, tandis que, au contraire, la prise en considération adéquate d'intérêts d'ordre supérieur, dont la sauvegarde incombe au canton, doit être imposée par un contrôle strict. L'autorité intervient ainsi non seulement lorsque la mesure d'aménagement retenue par la commune est insoutenable, mais aussi lorsqu'elle paraît inappropriée à des intérêts qui dépassent la sphère communale (ATF 146 II 367 consid. 3.1.4 p. 372 s.; 145 I 52 consid. 3.6 p. 58 s.).  
 
2.3. Le Tribunal fédéral revoit librement l'interprétation et l'application du droit fédéral et du droit constitutionnel cantonal (art. 95 LTF). Il examine en revanche sous l'angle restreint de l'arbitraire l'interprétation et l'application des autres règles du droit cantonal ou communal (ATF 146 II 367 consid. 3.1.5 p. 373). Il contrôle librement si l'autorité judiciaire a respecté la latitude du jugement découlant de l'autonomie communale (ATF 145 I 52 consid. 3.1 p. 56).  
Lorsqu'il s'agit d'examiner l'application de clauses d'esthétique, le Tribunal fédéral fait preuve de retenue dans l'appréciation des circonstances locales. Dans ce domaine, les autorités locales disposent en effet d'un large pouvoir d'appréciation (cf. ATF 142 I 162 consid. 3.2.2 p. 165; 132 II 408 consid. 4.3 p. 416). C'est le cas notamment lorsqu'il s'agit de savoir si une construction ou une installation est de nature à compromettre l'aspect ou le caractère d'un site, d'une localité, d'un quartier ou d'une rue (ATF 115 Ia 114 consid. 3d p. 118 s.; arrêt 1C_ 104/2020 du 23 septembre 2020 consid. 2.3). 
 
2.4. En droit vaudois, un projet de construction peut être interdit sur la base de l'art. 86 de la loi cantonale sur l'aménagement du territoire et les constructions du 4 décembre 1985 (LATC; BLV 700.11) quand bien même il satisferait à toutes les autres dispositions cantonales et communales en matière de police des constructions. En effet, à teneur de l'art. 86 al. 1 LATC, la Municipalité veille à ce que les constructions, quelle que soit leur destination, ainsi que les aménagements qui leur sont liés, présentent un aspect architectural satisfaisant et s'intègrent à l'environnement. Elle refuse le permis pour les constructions ou les démolitions susceptibles de compromettre l'aspect et le caractère d'un site, d'une localité, d'un quartier ou d'une rue, ou de nuire à l'aspect d'un édifice de valeur historique, artistique ou culturelle (art. 86 al. 2 LATC). L'alinéa 3 de cette disposition prévoit que les règlements communaux doivent contenir des dispositions en vue d'éviter l'enlaidissement des localités et de leurs abords.  
Selon la jurisprudence, l'application d'une clause d'esthétique ne doit cependant pas aboutir à ce que, de façon générale, la réglementation sur les zones en vigueur soit vidée de sa substance. Une intervention des autorités dans le cas de la construction d'un immeuble réglementaire qui ne serait pas en harmonie avec les bâtiments existants, ne peut s'inscrire que dans la ligne tracée par la loi elle-même et par les règlements communaux, qui définissent en premier lieu l'orientation que doit suivre le développement des localités. Ainsi, lorsqu'un plan de zones prévoit que des constructions d'un certain volume peuvent être édifiées dans tel secteur du territoire, une interdiction de construire fondée sur l'art. 86 LATC ne peut se justifier que par un intérêt public prépondérant. Il faut que l'utilisation des possibilités de construire réglementaires apparaisse déraisonnable et irrationnelle (ATF 115 Ia 363 consid. 3a p. 366 s.; arrêt 1C_234/2020 du 5 février 2021 consid. 7). 
 
2.5. Dans la commune d'Yverdon-les-Bains, l'art. 3 al. 1 du règlement du plan général d'affectation, dans sa version 2017 (RPGA), prévoit que les dispositions qualitatives du plan général d'affectation (intégration de l'objet construit dans le site naturel ou bâti, recherche d'une architecture de valeur, prise en compte de facteurs favorisant l'urbanité et la sécurité, conservation et réalisation d'espaces extérieurs significatifs et prise en compte et maîtrise des nuisances sonores, visuelles et atmosphériques) priment les dispositions quantitatives (densité par les indices d'utilisation, d'occupation du sol et de masse, distances aux limites, périmètres d'implantation et hauteurs).  
L'art. 4 al. 2 RPGA précise que toute intervention prend en considération la structure urbanistique, existante ou en devenir. 
 
2.6. En l'espèce, se basant sur ses propres constatations locales, le Tribunal cantonal a considéré que le secteur concerné par le projet de construction ne présentait aucune homogénéité, que ce soit sous l'angle des dimensions, de l'implantation, des hauteurs, des toitures ou encore du style architectural des bâtiments existants; le projet litigieux s'inscrivait dans un bâti hétéroclite, certes constitué de villas individuelles entourées d'espaces verts, mais qui ne présentait aucune particularité ni cachet devant être préservé. La cour cantonale a également constaté une réduction des espaces verts projetés par rapport à la situation actuelle, notamment en raison de la création d'un chemin d'accès devant les villas jumelées; elle a néanmoins relevé que les immeubles envisagés seraient passablement entourés de ces espaces; il était en outre prévu de remplacer les trois arbres à abattre par cinq arbres dispersés sur la parcelle. Le Tribunal cantonal en a conclu qu'il ne voyait pas en quoi les constructions litigieuses seraient de nature à rompre l'équilibre du site ou à en affecter les caractéristiques; la décision attaquée fondée sur des motifs d'esthétique et d'intégration ne visait la sauvegarde d'aucun intérêt public prépondérant; la parcelle litigieuse ne se trouvait pas dans un site méritant une protection particulière ou présentant une quelconque autre spécificité que le projet mettrait en péril. La densification proposée par ledit projet constituait en revanche un intérêt public prépondérant.  
La recourante ne conteste pas que les constructions projetées sont conformes aux dispositions réglementaires relatives à la destination de la zone résidentielle 2 (art. 52 RPGA) et aux distances aux limites (art. 53 RPGA); elle ne nie pas non plus que les dimensions des constructions prévues, respectivement les indices d'occupation du sol et de verdure (art. 54 RPGA) sont respectés. Elle soutient en revanche que les espaces verts ne seraient pas satisfaisants d'un point de vue qualitatif; ils seraient fragmentés, de taille modeste et sans qualité spatiale. Selon elle, le projet de construction entraînerait une " surdensification " au détriment de la qualité. Ce faisant, elle n'expose pas en quoi les plantations compensatoires planifiées, au demeurant supérieures d'un point de vue quantitatif par rapport à celles existantes, ne rempliraient pas leur rôle d'un point de vue qualitatif. Elle ne cite de surcroît aucune raison qui justifierait que son objectif de préserver, respectivement de réaliser des espaces verts de qualité l'emporterait, dans les circonstances d'espèce, sur l'intérêt évoqué par la cour cantonale, auquel s'ajoute encore la nécessité de créer des habitations à Yverdon-les-Bains, où sévit une pénurie de logements (cf. arrêt 1C_104/2020 du 23 septembre 2020 consid. 2.6). 
La recourante évoque également la qualité architecturale des constructions planifiées, sans alléguer le moindre élément qui justifierait le refus du projet. Selon les constatations du Tribunal cantonal effectuées sur place, les villas projetées, de forme carrée, présenteront des dimensions similaires; la villa individuelle - la plus visible depuis la rue - sera en outre relativement semblable à l'existante qui sera détruite; elle aura la même forme, sera un peu plus haute et enterrée, et orientée dans le même sens. Quant aux villas jumelées, elles seront partiellement cachées par la villa individuelle. 
En définitive, le projet se situe dans un quartier où les bâtiments voisins, de qualités architecturales diverses, varient en volume, en hauteur et en orientation. Il n'apparaît ainsi pas qu'ils présenteraient une homogénéité ou une spécificité particulière. Le projet est en outre conforme aux dispositions réglementaires en matière de distances, de dimensions et d'indices d'occupation du sol et de verdure. Dans cette mesure, une interdiction de construire pour des motifs liés à l'esthétique doit être justifiée par des intérêts publics supérieurs (cf. supra consid. 2.4; voir également l'ATF 145 I 52 consid. 4.4 p. 63 et les arrêts cités). Or, la recourante ne parvient pas à démontrer que le Tribunal cantonal aurait retenu de façon insoutenable que l'intérêt public à exploiter au maximum les possibilités de construire - auquel on peut encore ajouter l'intérêt à améliorer l'offre d'habitation à Yverdon-les-Bains - l'emportait sur la volonté de la prénommée de préserver des espaces verts de qualité et en proportion suffisante. L'exploitation maximale des possibilités de construire correspond en effet à un intérêt public, car la politique suisse de l'aménagement du territoire vise à orienter le développement de l'urbanisation vers l'intérieur du bâti par une utilisation mesurée du sol (cf. art. 1 al. 2 let. abis LAT) et à créer un milieu bâti compact (art. 1 al. 2 let. b LAT; ATF 145 I 52 consid. 4.4 p. 63 et les arrêts cités). Au demeurant, il n'apparaît pas que l'utilisation qu'entend faire l'intimée des possibilités de construire offertes par le règlement communal en vigueur serait inappropriée ou peu rationnelle au sens de la jurisprudence susmentionnée (cf. supra consid. 2.4). 
Par conséquent, avec la retenue que s'impose le Tribunal fédéral dans l'examen des circonstances locales, il n'y a pas de raison de s'écarter de l'appréciation opérée par l'instance précédente, qui ne porte pas atteinte à l'autonomie communale. 
 
3.   
Il s'ensuit que le recours est rejeté. Conformément à l'art. 66 al. 4 LTF, il n'est pas perçu de frais judiciaires. L'intimée, assistée d'un avocat, a droit à des dépens, à la charge de la Commune d'Yverdon-les-Bains (art. 68 al. 2 LTF). 
 
 
  
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté. 
 
2.   
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
3.   
Une indemnité de 2'000 fr. est allouée à l'intimée à titre de dépens, à la charge de la Commune d'Yverdon-les-Bains. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué à la Municipalité d'Yverdon-les-Bains, au mandataire de l'intimée et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public. 
 
 
Lausanne, le 25 février 2021 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Kneubühler 
 
La Greffière : Nasel