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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
1C_510/2019  
 
 
Arrêt du 25 mai 2020  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Chaix, Président, 
Müller et Hofmann, Juge suppléant. 
Greffière : Mme Tornay Schaller. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par Me Léonard Bruchez, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
1.       B.________ SA, 
       représentée par Me David Millet, avocat, 
2.       Confédération Suisse, armasuisse Immobilier, 
intimées, 
 
Municipalité de Château-d'Oex, 
Service du développement territorial du canton de Vaud, 
 
Objet 
Permis de construire; qualité pour recourir, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public, du 23 août 2019 (AC.2018.0370). 
 
 
Faits :  
 
A.  
La Confédération Suisse, armasuisse Immobilier (ci-après: armasuisse), est propriétaire des parcelles nos xxx et yyy du registre foncier de la commune de Château-d'Oex. Le bien-fonds no xxx est entièrement recouvert de forêt et comprend en sous-sol un fort d'artillerie construit en 1947 sur trois niveaux, dénommé "C.________". La parcelle n° yyy supporte quant à elle notamment un chalet de 188 m2, une route-chemin, des champs, une forêt et l'entrée au fort d'artillerie. 
Dans le courant du printemps 2016, armasuisse a lancé un appel d'offres relatif à la vente de ces parcelles, auquel a notamment répondu A.________, entreprise individuelle basée à Vernier et active dans la pyrotechnie ainsi que dans la gravure, la découpe au laser et le commerce de pièces diverses. 
Le 5 octobre 2016, armasuisse a attribué les parcelles à B.________ SA, société anonyme basée à Genève ayant le but social suivant: "gestion de dépôt sécurisé pour la conservation du patrimoine; location de coffre; achat, gestion et mise en valeur du patrimoine immobilier du site C.________; locations d'hébergements de vacances; exercice de tous types d'activités liées au tourisme et à la valorisation de la région du pays d'Enhaut". L'autorité fédérale a toutefois soumis l'adjudication à la condition que B.________ SA produise les autorisations requises par la loi fédérale du 22 juin 1979 sur l'aménagement du territoire (LAT; RS 700), et plus particulièrement le changement d'affectation des objets militaires. 
Le 27 mars 2017, armasuisse, en tant que propriétaire des parcelles, et B.________ SA, en tant que promettant acquéreur, ont déposé une demande de permis de construire, requérant le changement d'affectation de C.________, au sens de l'art. 24a LAT. Mis à l'enquête publique du 29 juillet au 27 août 2017, le projet a suscité l'opposition de A.________. Celle-ci a fait valoir que, contrairement à ce qui serait indiqué dans la demande de permis de construire, B.________ SA ne serait pas une association privée sans but lucratif, mais une société de capitaux dont le but serait de générer des profits, et qu'il y aurait dès lors de fortes chances que le projet de conservation du patrimoine helvétique annoncé dévie en réalité vers des activités purement commerciales. 
Le 12 octobre 2017, la Centrale des autorisations en matière de construction (CAMAC) du canton de Vaud a délivré la synthèse des autorisations cantonales consultées. En particulier, le Service du développement territorial du canton de Vaud (ci-après: SDT) a délivré l'autorisation spéciale requise pour le projet à différentes conditions impératives. Par décision du 13 septembre 2018, la Municipalité de Château-d'Oex (ci-après: la Municipalité) a accordé l'autorisation de construire sollicitée et a levé l'opposition de A.________. 
 
B.  
Le 15 octobre 2018, A.________ a recouru contre cette décision auprès de la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton du Vaud (ci-après: le Tribunal cantonal). Dans ses observations au Tribunal cantonal du 2 novembre 2018, armasuisse a indiqué que, dès qu'elle serait en possession de la décision définitive en matière de construction, le transfert du site militaire C.________ pourrait être réalisé et qu'il n'était pas absolument garanti que A.________ puisse sans autre acquérir ce site militaire, dans la mesure où son offre arrivait seulement en sixième position sur sept. Par arrêt du 23 août 2019, le Tribunal cantonal a déclaré le recours irrecevable. Il a considéré en substance que A.________ n'avait pas la qualité pour recourir au sens de l'art. 75 de la loi vaudoise du 28 octobre 2008 sur la procédure administrative (LPA-VD; RS/VD 173.36), applicable par renvoi de l'art. 99 LPA-VD. 
 
C.  
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande principalement au Tribunal fédéral de réformer l'arrêt du 23 août 2019 en ce sens que son recours contre la décision du 13 septembre 2018 (intégrant l'autorisation spéciale du SDT du 12 octobre 2017) est admis et que l'autorisation au sens de l'art. 24a LAT octroyée à B.________ SA est annulée. Elle conclut subsidiairement au renvoi de la cause à l'instance précédente pour nouvelle décision au sens des considérants. 
Invité à se déterminer, le Tribunal cantonal renonce à le faire et se réfère aux considérants de son arrêt. B.________ SA conclut à l'irrecevabilité du recours, alors qu'armasuisse, le SDT et l'Office fédéral du développement territorial renoncent à prendre position. A.________ a répliqué, par courrier du 4 mars 2020. 
Par ordonnance du 17 octobre 2019, le Président de la Ire Cour de droit public a admis la requête d'effet suspensif, présentée par la recourante. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) prise en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF) dans le domaine du droit public de l'aménagement du territoire et des constructions (art. 82 let. a LTF), le recours est en principe recevable comme recours en matière de droit public selon les art. 82 ss LTF, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. La recourante, qui a pris part à la procédure devant l'instance précédente, est directement touchée par le prononcé d'irrecevabilité de l'arrêt attaqué et a un intérêt digne de protection à en obtenir l'annulation. Elle a dès lors qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF
Les juges cantonaux ayant refusé d'entrer en matière sur le recours, seule la question de la recevabilité du recours cantonal peut donc être portée devant le Tribunal fédéral qui n'a, à ce stade, pas à examiner le fond de la contestation. En cas d'admission du recours, la cause devrait être renvoyée à l'instance précédente pour qu'elle entre en matière sur le recours et statue au fond. Les griefs portant sur la violation de l'art. 24a LAT sont donc irrecevables. 
 
2.  
Dans un premier grief d'ordre formel, la recourante se plaint d'un établissement incomplet des faits (art. 97 al. 1 LTF). 
Le Tribunal fédéral statue en principe sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF (ATF 142 I 155 consid. 4.4.3 p. 156). La recourante ne peut critiquer les constatations de fait ressortant de la décision attaquée que si celles-ci ont été effectuées en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou de manière manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire, et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF; ATF 142 II 355 consid. 6 p. 358). 
La recourante reproche au Tribunal cantonal d'avoir uniquement constaté que B.________ SA était active "notamment en matière de conservation ainsi que de gestion et de mise en valeur du patrimoine mobilier et immobilier", ce qui ne correspondrait pas aux buts figurant au registre du commerce. Elle lui fait aussi grief d'avoir retenu qu'armasuisse avait attribué les parcelles n° xxx et yyy à B.________ SA le 5 octobre 2016, alors qu'une telle décision ne figure pas au dossier et n'a pas été notifiée à la recourante. Vu le raisonnement qui suit, ces éléments ne sont pas susceptibles d'avoir une incidence sur l'issue du litige. Le grief de l'établissement incomplet des faits doit par conséquent être rejeté. 
 
3.  
La recourante fait grief à l'instance précédente d'avoir nié sa qualité pour recourir. Elle se plaint d'une violation de l'art. 33 al. 3 let. a LAT et de l'art. 89 LTF
 
3.1. En vertu de l'art. 33 al. 3 let. a LAT, la qualité pour recourir devant les instances cantonales contre les décisions et les plans d'affectation fondés sur la présente loi et sur les dispositions cantonales et fédérales d'exécution doit être reconnue dans les mêmes limites que pour le recours en matière de droit public devant le Tribunal fédéral. Une exigence analogue ressort de manière générale de l'art. 111 al. 1 LTF. L'art. 111 al. 3 LTF précise au surplus que l'autorité qui précède immédiatement le Tribunal fédéral doit pouvoir examiner au moins les griefs visés aux art. 95 à 98 LTF. Il en résulte que la qualité pour recourir devant les autorités cantonales ne peut pas s'apprécier de manière plus restrictive que la qualité pour recourir devant le Tribunal fédéral, les cantons demeurant libres de concevoir cette qualité de manière plus large (ATF 135 II 145 consid. 5 p. 149).  
Aux termes de l'art. 89 LTF, la qualité pour recourir est reconnue à toute personne atteinte par la décision attaquée et qui dispose d'un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification. L'art. 75 let. a LPA/VD définit de la même manière la qualité pour agir. 
Selon la jurisprudence, l'intérêt digne de protection consiste dans l'utilité pratique que l'admission du recours apporterait au recourant en lui évitant de subir un préjudice de nature économique, idéale, matérielle ou autre que la décision attaquée lui occasionnerait. Il implique que le recourant soit touché de manière directe, concrète et dans une mesure et avec une intensité plus grandes que la généralité des administrés. L'intérêt invoqué, qui peut être un intérêt de fait, doit se trouver dans un rapport étroit, spécial et digne d'être pris en considération avec l'objet de la contestation (ATF 137 II 40 consid. 2.3 p. 43 et les arrêts cités). 
Un intérêt digne de protection peut être reconnu aux concurrents de la même branche économique, à condition qu'ils se trouvent, en raison de réglementations de politique économique ou d'autres normes spéciales, dans une relation particulièrement étroite (par exemple dans des domaines où le droit prévoit un contingentement). En revanche, celui qui craint simplement que l'autorisation donnée à un tiers ne l'expose à une concurrence accrue ne peut pas se prévaloir d'un intérêt en rapport étroit et spécial avec l'objet de la contestation; de tels risques économiques sont en effet inhérents à un régime de libre concurrence (ATF 127 II 264 consid. 2c p. 269; arrêt 1C_260/2007 du 7 décembre 2007 consid. 3.2 et les références citées). Ces critères s'appliquent notamment quand un commerçant demande l'annulation d'une autorisation de construire pour le projet d'un concurrent (cf. ATF 109 Ib 198; arrêt 1A.205/2003 du 19 mars 2004 consid. 1.4). 
 
3.2. En l'occurrence, la recourante ne prétend pas, à juste titre, disposer de la qualité pour recourir dévolue au voisin direct d'une construction ou installation. Elle soutient par contre que, en tant que pollicitante intéressée à l'acquisition du site militaire C.________, la qualité pour recourir en tant que concurrente devait lui être reconnue, même si elle n'est pas de la même branche économique que B.________ SA. La recourante ne peut toutefois se prévaloir de la jurisprudence relative à la qualité pour agir des concurrents pour contester l'octroi à la constructrice de l'autorisation de changement d'affectation. Dans le cadre de cette procédure en effet, la recourante et la constructrice ne sont, à ce stade, pas concurrentes puisque seule la constructrice dispose de la possibilité de déposer une demande d'autorisation de changement d'affectation, à la suite de l'attribution dont elle a bénéficié de la part d'armasuisse des biens-fonds militaires en question.  
La recourante fait valoir aussi que la décision d'adjudication du 5 octobre 2016 ne lui a pas été notifiée: les décisions contre lesquelles elle a interjeté recours auprès du Tribunal cantonal seraient les seules qu'elle a reçues lui permettant de faire valoir ses droits. La recourante ne se plaint cependant d'aucune nuisance qui découlerait directement de l'autorisation de changement d'affectation. Ses griefs portent uniquement sur la procédure d'adjudication menée par armasuisse. Ces arguments sont étrangers à la question de l'aménagement du territoire et ne relèvent pas de la présente procédure. La recourante ne peut utiliser les voies de droit liées à l'autorisation de construire pour se plaindre de son éviction du marché public. Les procédures de changement d'affectation et d'adjudication sont en effet distinctes. 
Par ailleurs, la question de savoir si une décision d'adjudication a été rendue par armasuisse ou non n'entre pas dans le cadre de l'objet du présent litige. Cette question n'est au demeurant pas déterminante. En effet, si une décision d'adjudication a été rendue, il appartenait à la recourante de défendre ses intérêts dans le cadre de cette procédure et d'y faire valoir un éventuel déni de justice. Si au contraire, comme le soutient la recourante, l'autorisation de l'art. 24a LAT est un préalable à toute adjudication, une décision d'adjudication devra encore être rendue par armasuisse à l'issue de la procédure relative au changement d'affectation, décision que la recourante pourra alors contester. Celle-ci ne peut en tirer un quelconque argument pour fonder sa qualité pour agir dans la présente procédure relative à l'art. 24a LAT
Enfin, l'avantage pratique que la recourante entend retirer de la procédure d'annulation de l'autorisation de changement d'affectation, soit l'attribution des parcelles litigieuses au travers d'une nouvelle procédure, n'apparaît qu'indirect et hypothétique. Comme l'a relevé à juste titre la cour cantonale, il n'est pas certain que l'annulation des décisions attaquées impliquerait l'organisation par armasuisse d'une nouvelle procédure de vente des biens-fonds litigieux, ni que, si tel était le cas, armasuisse choisisse la recourante et non pas un tiers. Armasuisse pourrait en effet décider d'attribuer les parcelles en cause à la personne ou à l'entreprise arrivée en deuxième position, alors que la recourante n'est arrivée qu'en sixième position sur sept, selon les explications d'armasuisse. 
Partant, l'arrêt cantonal est conforme à la jurisprudence relative à l'art. 89 al. 1 LTF et c'est à bon droit que la qualité pour recourir a été déniée à la recourante. 
 
4.  
Il s'ensuit que le recours est rejeté, aux frais de la recourante qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). Celle-ci versera en outre une indemnité de dépens à B.________ SA qui obtient gain de cause avec l'assistance d'un avocat (art. 68 al. 1 LTF). Armasuisse, qui ne s'est pas déterminée, n'a pas droit à des dépens. 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 4'000 francs, sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
La recourante versera à B.________ SA la somme de 2'000 francs à titre de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Municipalité de Château-d'Oex, au Service du développement territorial du canton de Vaud, au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public, et à l'Office fédéral du développement territorial. 
 
 
Lausanne, le 25 mai 2020 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Chaix 
 
La Greffière : Tornay Schaller