Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
7B_583/2024, 7B_653/2024
Arrêt du 25 juin 2024
IIe Cour de droit pénal
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Abrecht, Président, Koch, Hurni, Kölz et Hofmann.
Greffier: M. Magnin.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Aurore Gaberell, avocate,
recourant,
contre
Ministère public de l'arrondissement de Lausanne, p.a. Ministère public central du canton de Vaud, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens VD.
Objet
Détention provisoire,
recours contre les arrêts rendus les 18 avril et 7 mai 2024 par la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud
(299 et 361 - PE23.002423-LAS).
Faits:
A.
A.a. Le Ministère public de l'arrondissement de Lausanne (ci-après: le Ministère public) a ouvert une enquête préliminaire contre A.________ (ci-après: le prévenu) pour les infractions de lésions corporelles simples qualifiées ( art. 123 ch. 2 al. 2 et 3 CP ), de remise à des enfants des substances pouvant mettre en danger leur santé (art. 136 CP), de contrainte (cf. art. 181 CP), d'actes d'ordre sexuel avec des enfants (art. 187 ch. 1 al. 1 à 3 CP), de contrainte sexuelle (art. 189 CP), ainsi que de violation du devoir d'assistance ou d'éducation (art. 219 al. 1 CP). Il lui reproche en substance d'avoir, à une date indéterminée, durant l'année 2011, ainsi qu'au mois d'août 2019, infligé divers actes d'ordre sexuel, notamment de type "BDSM", à sa fille, née en 2005, et d'avoir porté atteinte à son intégrité physique en lui faisant subir à plusieurs reprises des violences. Il l'aurait en outre confrontée, ainsi que son fils mineur, à un épisode lors duquel il aurait eu des ébats sexuels avec sa compagne au mois d'août 2022.
Le 28 juillet 2023, l'ex-épouse du prévenu a déposé plainte contre lui pour lui avoir, principalement entre les années 2011 et 2013, imposé des actes d'ordre sexuel du même type que ceux infligés à sa fille, auxquels elle n'aurait pas consenti. Le 6 septembre 2023, la soeur du prévenu a également expliqué qu'elle aurait subi des attouchements de la part de ce dernier lorsqu'elle avait entre 8 et 12 ans.
A.b. Le prévenu a été interpelé le 25 juillet 2023. Par ordonnances des 27 juillet 2023, 20 octobre 2023 et 23 janvier 2024, le Tribunal des mesures de contrainte du canton de Vaud (ci-après: le TMC) l'a placé en détention provisoire puis a prolongé celle-ci jusqu'au 22 avril 2024, en raison d'un risque de réitération.
A.c. Le Ministère public a soumis le prévenu a une expertise psychiatrique. Les experts ont déposé leur rapport le 26 février 2024. Ils ont diagnostiqué un trouble sévère de la personnalité, avec des traits dépendants, paranoïaques et immatures, ainsi qu'un trouble de la préférence sexuelle. Ils ont indiqué que ces pathologies étaient chroniques, persistantes, en lien avec les infractions commises, et que le risque de récidive pour des actes de même nature était considéré comme modéré sur le moyen-long terme.
B.
B.a. Le 14 mars 2024, le prévenu a déposé une demande de mise en liberté immédiate. Il a proposé d'être astraint le cas échéant, à titre de mesures de substitution, à un traitement ambulatoire au sens de l'art. 63 CP, assorti, si nécessaire, du port d'un bracelet électronique, ainsi que de l'interdiction de contacter sa fille et son ex-épouse, par quelque moyen que ce soit, et d'approcher de leur domicile.
Par ordonnance du 2 avril 2024, le TMC a rejeté la demande de libération du prévenu.
Par arrêt du 18 avril 2024 (n° 299), la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal vaudois (ci-après: la Chambre des recours pénale) a rejeté le recours formé par le prévenu contre l'ordonnance rendue le 2 avril 2024 par le TMC.
B.b. Dans l'intervalle, le 9 avril 2024, le Ministère public a demandé la prolongation de la détention provisoire du prévenu.
Par ordonnance du 22 avril 2024, le TMC a ordonné la prolongation de la détention provisoire du prévenu pour une durée de trois mois, à savoir jusqu'au 21 juillet 2024.
Par arrêt du 7 mai 2024 (n° 361), la Chambre des recours pénale a rejeté le recours formé par le prévenu contre l'ordonnance rendue le 22 avril 2024 par le TMC.
C.
C.a. Par acte du 23 mai 2024, A.________ (ci-après: le recourant) interjette un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 18 avril 2024 (n° 299), en concluant à sa réforme en ce sens qu'il soit immédiatement remis en liberté. A titre subsidiaire, il conclut à la réforme de l'arrêt précité en ce sens qu'il soit, en lieu et place de la détention provisoire, mis au bénéfice de mesures de substitution à forme d'une obligation de suivre un traitement ambulatoire au sens de l'art. 63 CP, d'une interdiction de prendre contact avec sa fille et son ex-épouse et de s'approcher à moins de 200 mètres de leur domicile, ainsi que d'une assignation à résidence, avec le port d'un bracelet électronique. Il demande en outre l'assistance judiciaire.
Invités à se déterminer sur le recours du 23 mai 2024, le Ministère public et l'autorité cantonale ont renoncé à déposer des déterminations. Leurs prises de position ont été communiquées au recourant.
C.b. Par acte du 13 juin 2024, le recourant forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 7 mai 2024 (n° 361). Il prend les mêmes conclusions que dans son recours du 23 mai 2024. Il demande l'assistance judiciaire, ainsi que la jonction des causes pendantes devant le Tribunal fédéral.
Invités à se déterminer sur le recours du 13 juin 2024, le Ministère public et l'autorité cantonale ont renoncé à déposer des déterminations. Leurs prises de position ont été communiquées au recourant.
Considérant en droit:
1.
Les deux recours en matière pénale au Tribunal fédéral sont dirigés contre deux décisions connexes, dans la mesure où elles portent sur les conditions matérielles de la détention provisoire du recourant. Les recours contiennent les mêmes conclusions, concernent pour l'essentiel le même complexe de faits et portent sur des questions juridiques identiques. Il y a donc lieu de joindre les causes et de les traiter dans un seul arrêt (art. 24 al. 2 PCF et 71 LTF).
2.
Le recours en matière pénale (art. 78 al. 1 LTF) est ouvert contre les décisions relatives à la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté au sens des art. 212 ss CPP. En outre, les arrêts entrepris, en tant que décisions incidentes, peuvent causer au recourant un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF. Pour le surplus, les recours ont été formés en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre des décisions prises en dernière instance cantonale (art. 80 LTF). Il y a donc lieu d'entrer en matière.
3.
3.1. Le recourant, qui ne remet pas en cause l'existence de soupçons suffisants de culpabilité, invoque une violation de l'art. 221 al. 1
bis CPP. Il reproche à l'autorité cantonale d'avoir considéré qu'il présentait un risque de récidive et conteste en particulier le caractère imminent de celui-ci.
Le recourant expose que les experts n'auraient pas qualifié le risque de récidive d'élevé, mais de modéré. Il relève qu'il conteste les faits dénoncés par sa soeur et son ex-épouse et reproche aux experts, et partant à l'autorité cantonale, de s'être fondés sur ceux-ci pour retenir les troubles qui lui ont été diagnostiqués et le fait qu'il présentait un risque de récidive. Il fait en effet valoir que les facteurs ayant conduit au diagnostic et au pronostic de récidive précités se baseraient, en violation du principe de la présomption d'innocence, sur les déclarations de son ex-épouse et de sa soeur. Il ajoute que les experts auraient retenu que son incarcération actuelle et le dévoilement des faits qui lui sont reprochés diminuaient le risque de récidive.
Le recourant fait également valoir que les faits litigieux se seraient déroulés il y a plus de cinq ans en ce qui concerne sa fille et il y a plus de dix ans en ce qui concerne son ex-épouse, qu'il n'aurait aucun antécédent inscrit à son casier judiciaire, qu'il aurait respecté le choix de sa fille de ne plus le voir et que plus aucune nouvelle infraction n'aurait été dénoncée depuis l'année 2019. Il estime dès lors qu'en raison de ce qui précède, et en particulier de l'écoulement du temps depuis les derniers évènements qui lui sont reprochés, il n'y aurait pas lieu de retenir que le risque de récidive serait imminent. A cet égard, il reproche également à la cour cantonale de s'être écartée de manière arbitraire des conclusions des experts en considérant que le recourant pouvait présenter un risque de récidive dans les semaines à venir, dès lors que ceux-ci auraient relevé que le risque de récidive pouvait être estimé comme lointain, à savoir qu'il pourrait se produire dans les mois ou les années à venir. Il considère dès lors que ce risque ne pourrait pas être qualifié d'imminent.
3.2.
3.2.1. Le Tribunal fédéral n'est pas une autorité d'appel, auprès de laquelle les faits pourraient être rediscutés librement. Il est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'elles aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, soit pour l'essentiel de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation mais aussi dans son résultat (ATF 146 IV 88 consid. 1.3.1; 145 IV 154 consid. 1.1; 143 IV 241 consid. 2.3.1). En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il n'y a arbitraire que lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables. Le Tribunal fédéral n'entre en matière sur les moyens fondés sur la violation de droits fondamentaux, dont l'interdiction de l'arbitraire, que s'ils ont été invoqués et motivés de manière précise (art. 106 al. 2 LTF; ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 148 IV 409 consid. 2.2; 147 IV 73 consid. 4.1.2).
3.2.2. L'art. 221 al. 1 let. c CPP a été modifié au 1
er janvier 2024 (RO 2023 468). Il prévoit désormais que la détention provisoire et la détention pour des motifs de sûreté ne peuvent être ordonnées que lorsque le prévenu est fortement soupçonné d'avoir commis un crime ou un délit et qu'il y a sérieusement lieu de craindre que l'auteur compromette sérieusement et de manière imminente la sécurité d'autrui en commettant des crimes ou des délits graves après avoir déjà commis des infractions du même genre. Le nouvel art. 221 al. 1
bis CPP, en vigueur depuis le 1
er janvier 2024, prévoit pour sa part que la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté peut exceptionnellement être ordonnée si le prévenu est fortement soupçonné d'avoir porté gravement atteinte à l'intégrité physique, psychique ou sexuelle d'autrui en commettant un crime ou un délit grave (let. a) et s'il y a un danger sérieux et imminent qu'il commette un crime grave du même genre (let. b).
Avec l'adoption du nouvel art. 221 al. 1
bis CPP, le législateur a introduit un motif légal exceptionnel de mise en détention provisoire ou pour des motifs de sûreté, à savoir un risque de récidive qualifié (cf. Message du 28 août 2019 concernant la modification du Code de procédure pénale [ci-après: le Message, FF 2019 6351 ss]). Ce motif de détention découle de la jurisprudence du Tribunal fédéral, en particulier celle publiée aux ATF 146 IV 136, 143 IV 9 et 137 IV 13 (cf. arrêt 7B_155/2024 du 5 mars 2024 consid. 3.1.4 et, pour le détail, consid. 3.2 et 3.6, destiné à publication; Message, FF 2019 6351 ss, spéc. p. 6395). Dans le cadre de l'examen de la légalité d'une mise en détention provisoire et pour des motifs de sûreté sur la base de l'art. 221 al. 1
bis CPP, la jurisprudence sur laquelle l'adoption de cet article s'est fondée continue pour l'essentiel à s'appliquer (cf. arrêt 7B_155/2024 précité consid. 3.6.2 et les références citées).
L'art. 221 al. 1
bis CPP prévoit un risque de récidive qualifié par rapport à l'art. 221 al. 1 let. c CPP, qui a été introduit dans le but de compenser le fait qu'il est renoncé à l'exigence d'infractions préalables à celle (s) qui fonde (nt) la mise en détention provisoire ou pour des motifs de sûreté; cela étant, ce motif exceptionnel de détention ne peut être envisageable qu'aux conditions strictes, cumulatives, énumérées aux let. a et b de l'art. 221 al. 1
bis CPP (cf. arrêt 7B_155/2024 du 5 mars 2024 consid. 3.1.4, 3.2 et 3.6.2; Message, FF 2019 6351 ss, spéc. p. 6395; MARC FORSTER, in Basler Kommentar StPO, 3
e éd. 2022, n. 15d ad art. 221 CPP et les références citées).
3.2.3. L'art. 221 al. 1
bis let. b CPP exige, dans l'examen du pronostic, qu'il y ait un danger sérieux et imminent que le prévenu commette un crime grave du même genre. La jurisprudence du Tribunal fédéral ne parlait à l'époque pas littéralement de l'exigence d'un danger "sérieux et imminent" (de nouveaux crimes graves) dans sa jurisprudence; cependant, il existait déjà, à cet égard, une pratique restrictive sous l'ancien droit, dès lors que le Tribunal fédéral avait expressément souligné que le risque qualifié de récidive n'entrait en ligne de compte que si le risque de nouveaux crimes graves apparaissait comme "inacceptablement élevé" ("
untragbar hoch "); sur ce point, il y a lieu de continuer à tenir compte de la jurisprudence du Tribunal fédéral (cf., pour le détail, ATF 146 IV 136 consid. 2.2; 143 IV 9 consid. 2.3.1 et 2.8 à 2.10; 137 IV 13 consid. 3 s.; cf. arrêt 7B_155/2024 du 5 mars 2024 consid. 3.6.2 et les références citées). Les crimes graves du même genre redoutés au sens de l'art. 221 al. 1
bis let. b CPP mettent en effet directement en danger la sécurité tant au regard de l'ancien droit (art. 221 al. 1 let. c aCPP) qu'à la lumière du nouveau droit ( art. 221 al. 1
bis let. a et b CPP ; arrêt 7B_155/2024 précité consid. 3.7).
La notion de crime grave au sens de l'art. 221 al. 1
bis let. b CPP se rapporte aux biens juridiques protégés cités à l'art 221 al. 1
bis let. a CPP, à savoir l'intégrité physique, psychique et sexuelle d'autrui; si la notion de crime est définie à l'art. 10 al. 2 CP et qu'il s'agit donc des infractions passibles d'une peine privative de liberté de plus de trois ans, il n'existe pas de critère clair permettant de délimiter un crime grave au sens de l'art. 221 al. 1
bis let. b CPP d'un crime moins grave (cf. MARC FORSTER, op. cit., n. 15d ad art. 221 CPP et les références citées). Selon le Message, le motif de détention exceptionnel prévu à l'art. 221 al. 1
bis CPP a une certaine proximité avec le motif de détention mentionné à l'art. 221 al. 2 CPP (risque de passage à l'acte; FF 2019 6351 ss, spéc. p. 6395). Le libellé de cette disposition prévoit également que la menace de passer à l'acte doit porter sur un crime grave.
En ce qui concerne l'aspect temporel du risque d'infraction dans le cadre du risque de récidive qualifié au sens de l'art. 221 al. 1
bis CPP, il faut se référer, selon le Message, à ce qui a été retenu en lien avec l'art. 221 al. 1 let. c CPP (cf. FF 2019 6351 ss, spéc. p. 6395). Ainsi, l'ajout du terme "imminent" permet de préciser que le prévenu doit représenter une lourde menace, que des crimes graves risquent de se produire dans un avenir proche et que, de ce fait, la détention doit être ordonnée de toute urgence, la détention préventive paraissant en effet justifiée seulement si ces conditions sont réunies (cf. FF 2019 6351 ss, spéc. p. 6395).
3.2.4. La prévention du risque de récidive doit permettre de faire prévaloir l'intérêt de la sécurité publique sur la liberté personnelle du prévenu (ATF 137 IV 13 consid. 3 et 4). Pour établir le pronostic de récidive, les critères déterminants sont la fréquence et l'intensité des infractions poursuivies. Cette évaluation doit prendre en compte une éventuelle tendance à l'aggravation telle qu'une intensification de l'activité délictuelle, une escalade de la violence ou une augmentation de la fréquence des agissements. Les caractéristiques personnelles du prévenu doivent en outre être évaluées (ATF 146 IV 326 consid. 3.1). En général, la mise en danger de la sécurité d'autrui est d'autant plus grande que les actes redoutés sont graves. En revanche, le rapport entre gravité et danger de récidive est inversement proportionnel. Cela signifie que plus l'infraction et la mise en danger sont graves, moins les exigences seront élevées quant au risque de réitération. Lorsque la gravité des faits et leurs incidences sur la sécurité sont particuli èrement élevées, on peut ainsi admettre un risque de réitération à un niveau inférieur. Il demeure qu'en principe, le risque de récidive ne doit être admis qu'avec retenue comme motif de détention. Dès lors, un pronostic défavorable est nécessaire (et en principe également suffisant) pour admettre l'existence d'un tel risque (ATF 146 IV 136 consid. 2.2; 143 IV 9 consid. 2.9).
3.3. L'autorité cantonale a tout d'abord indiqué qu'à ce stade, la commission des faits reprochés au recourant et non admis par celui-ci apparaissait vraisemblable au regard du contenu de l'expertise, des mises en cause faites par trois personnes et du dossier médical de son ex-épouse. Elle a ajouté que le recourant se prévalait en vain de l'absence d'antécédent et du fait que les faits dénoncés étaient anciens, dans la mesure où les infractions auraient en l'occurrence été commises à huis clos et où il était notoire que le dévoilement des victimes intervenait souvent très tard. Elle a en outre relevé qu'il n'y avait pas d'emblée lieu de partir du principe qu'il n'avait pas agi à d'autres reprises dans l'intervalle.
La juridiction cantonale a ensuite indiqué qu'il résultait du rapport d'expertise psychiatrique du 26 février 2024 que le recourant souffrait de troubles sévères de la personnalité et d'une paraphilie, chroniques et persistants, en lien avec les infractions qu'il était soupçonné d'avoir commises, qu'il avait un besoin de contrôle et de domination sur l'autre qui pouvait l'amener à se livrer à des actes de violence, notamment sur le plan sexuel, et qu'il manquait de culpabilité, d'empathie et d'introspection. Elle a en outre relevé que le recourant avait, lors de son audition du 28 mars 2024, minimisé les actes qu'il avait admis. Ainsi, elle a considéré que si l'incarcération du recourant et le dévoilement des faits diminuaient le risque de récidive intra-familiale, le risque de violence sur des tiers semblait exister quoi qu'il en soit, notamment en lien avec ses fantasmes "BDSM", et que si le risque pouvait être estimé comme lointain par les experts, il n'en demeurait pas moins que cela signifiait dans les mois ou les années à venir.
Enfin, la cour cantonale a retenu que le recourant présentait un risque de récidive, au mieux dans les années à venir, au pire dans les mois et donc les semaines à venir, et que cela était suffisant pour retenir le caractère imminent du risque précité. Elle a précisé que le risque de violences sexuelles hors du cadre intra-familial existait en raison des pathologies diagnostiquées, des difficultés de l'intéressé à percevoir le consentement de ses partenaires, de ses préférences sexuelles, de l'absence de prise de conscience de la gravité des faits ou encore des divers facteurs de risque, étant précisé que les experts ne distinguaient pas de facteurs protecteurs. Dans ces circonstances, les infractions étant, selon l'autorité cantonale, graves, nombreuses et commises au préjudice de tout type de victimes, l'intérêt de la sécurité publique devait prévaloir en raison de l'importance des biens juridiques en cause, de sorte qu'il y avait lieu de retenir un risque de récidive qualifié.
3.4.
3.4.1. En l'espèce, le recourant ne conteste pas être fortement soupçonné d'avoir commis les faits pour lesquels il est mis en cause et relève qu'il a partiellement admis ceux-ci. Selon les faits retenus, il lui est notamment reproché d'avoir commis des actes constitutifs de lésions corporelles simples qualifiées ( art. 123 ch. 2 al. 2 et 3 CP ), d'actes d'ordre sexuel avec des enfants (art. 187 ch. 1 al. 1 à 3 CP) et de contrainte sexuelle (art. 189 CP) au préjudice de sa fille, ainsi que d'avoir imposé divers actes d'ordre sexuel non consentis à son ex-épouse. Il s'agit notamment de crimes, respectivement de délits graves prétendument perpétrés contre l'intégrité corporelle et sexuelle d'une enfant (cf., sur ce point, ATF 143 IV 9 consid. 2.7). Ainsi, il y a en l'occurrence lieu de retenir que le recourant est fortement soupçonné d'avoir à tout le moins gravement porté atteinte à l'intégrité physique et sexuelle d'autrui en commettant un crime ou un délit grave au sens de l'art. 221 al. 1
bis let. a CPP.
3.4.2. Le recourant expose toutefois qu'il conteste les faits dénoncés par son ex-épouse et sa soeur, qui l'ont mis en cause pour avoir porté atteinte à leur intégrité sexuelle, entre 2011 et 2013 pour la première et avant pour la seconde. Il reproche à la cour cantonale, ainsi qu'aux experts, d'avoir tenu compte des faits qu'il n'avait pas admis, voire qui seraient prescrits, dans le cadre de l'évaluation du risque de récidive et invoque le principe de la présomption d'innocence.
A cet égard, le raisonnement de l'autorité cantonale ne prête pas le flanc à la critique et peut être confirmé. Cette dernière a en effet à juste titre rappelé au recourant la jurisprudence constante selon laquelle il ne lui appartenait pas, en sa qualité de juge de la détention, d'examiner en détail l'ensemble des considérations de fait, pas plus que de procéder à une appréciation complète des éléments à charge et à décharge, mais qu'il lui incombait uniquement de vérifier, sous l'angle de la vraisemblance, que le maintien en détention reposait sur des indices de culpabilité suffisants (cf. ATF 143 IV 330 consid. 2.1; 143 IV 316 consid. 3.1). Par ailleurs, elle a retenu d'une manière soutenable qu'à ce stade, la commission des faits reprochés et non admis par le recourant apparaissait vraisemblable et qu'il avait été mis en cause par trois personnes. Les faits reprochés par sa fille et son ex-compagne se poursuivent d'office et cette dernière a déposé plainte contre lui. En outre, si l'on ne sait certes pas ce qu'il en est des mises en cause de sa soeur, il n'était pas arbitraire, pour la juridiction cantonale, ainsi que pour les experts, de retenir les déclarations de l'intéressée comme un indice supplémentaire permettant de considérer que le recourant pouvait être capable de commettre les faits qui lui sont reprochés, le cas échéant de réitérer de tels actes. Au demeurant, il ressort du rapport d'expertise que les experts n'ont pas ignoré le principe de la présomption d'innocence, puisqu'ils ont expressément précisé que le recourant était dans la minimisation des violences sexuelles commises au préjudice de sa soeur et de son ex-épouse "s'il devait être reconnu coupable des faits qu'elles lui reprochent". La juridiction cantonale a également relevé - sans que cela soit remis en cause par le recourant - que le dossier médical de l'ex-épouse du recourant avait été produit au dossier le 9 avril 2024 et qu'il accréditait les mises en cause de celle-ci. Dans ces circonstances, le fait que les experts et la cour cantonale se soient fondés sur les accusations de sa fille, de son ex-épouse et de sa soeur pour établir leur rapport d'expertise, respectivement examiner la question du risque de récidive du recourant, échappe à la critique.
Pour le surplus, c'est en vain que le recourant invoque une violation du principe de la présomption d'innocence, parce que l'autorité cantonale a retenu que son argumentation fondée sur son casier judiciaire vierge et sur l'ancienneté des faits dénoncés n'était pas pertinente. En effet, outre qu'il ne s'agit que d'arguments parmi d'autres et qu'ils n'ont manifestement été ignorés ni par les experts, ni par la cour cantonale (cf., à cet égard, consid. 3.4.3
infra), on rappelle que, dans le cadre du motif exceptionnel de détention prévu par l'art. 221 al. 1
bis CPP, à savoir le risque de récidive qualifié, l'exigence d'infractions préalables inscrites au casier judiciaire n'est précisément pas nécessaire.
3.4.3. Le recourant semble contester qu'il présente un risque de récidive. Il fait valoir l'absence d'antécédent et l'ancienneté des derniers faits qui lui sont reprochés, à savoir l'écoulement du temps depuis l'année 2019. Il rappelle que les experts n'ont pas qualifié le risque précité d'élevé, mais de modéré, et qu'ils ont retenu que l'incarcération actuelle, ainsi que le dévoilement des faits reprochés, diminuaient ce risque. Il ajoute qu'il aurait respecté le choix de sa fille de ne plus le voir et relève que les relations sexuelles entretenues depuis les faits avec ses précédentes compagnes auraient toutes été consenties. Ce faisant, le recourant se limite toutefois à opposer, dans une démarche appellatoire, sa propre appréciation à celle de la juridiction cantonale, sans parvenir - ni même chercher - à démontrer le caractère arbitraire des constatations et de l'appréciation de cette dernière à cet égard.
L'autorité cantonale a examiné la question de l'existence d'un risque de récidive de la part du recourant de manière circonstanciée. Pour ce faire, elle s'est référée à l'expertise psychiatrique du 26 février 2024 et aux conclusions des experts, qui ont qualifié ce risque de modéré. Elle a en substance relevé (cf., pour le détail, consid. 3.3
supra) que le recourant souffrait de troubles sévères de la personnalité, chroniques et persistants, en lien avec les infractions qui lui étaient reprochées, qu'il avait un besoin de contrôle et de domination sur l'autre qui pouvait l'amener à se livrer à des actes de violence, notamment sur le plan sexuel, qu'il manquait de culpabilité, d'empathie et d'introspection, et qu'il minimisait ses actes. Elle a ainsi considéré que quand bien même l'incarcération du recourant et le dévoilement des faits diminuaient le risque de récidive intra-familiale, le risque de violences sexuelles sur des tiers persistait, notamment en raison de ses fantasmes de type "BDSM". Elle a ajouté que ce risque de récidive envers des tiers existait en raison des pathologies diagnostiquées, des difficultés du recourant à discerner le consentement de ses partenaires et de l'absence de prise de conscience de la gravité des faits. Enfin, elle a relevé que les infractions étaient graves, nombreuses et commises au préjudice de tout type de victimes, de sorte que l'intérêt de la sécurité publique devait prévaloir en raison de l'importance des biens juridiques en cause. Ce raisonnement ne prête pas le flanc à la critique et était suffisant pour permettre à la juridiction cantonale de considérer que le recourant présentait un risque de récidive qualifié.
3.4.4. Le recourant conteste le caractère imminent du risque de récidive. Il se prévaut de l'écoulement du temps depuis les derniers évènements qui lui sont reprochés et du fait que les experts ont relevé que le risque de récidive pouvait être estimé comme lointain, à savoir qu'il pourrait se produire dans les mois ou les années à venir. Il reproche à la cour cantonale d'avoir considéré que le recourant pouvait présenter un risque de récidive dans les semaines à venir. Il se réfère au Message du Conseil fédéral concernant la modification du Code de procédure pénale (cf. FF 2019 6351 ss).
Selon le Message, le terme "imminent" inscrit à l'art. 221 al. 1
bis let. b CPP doit, comme on l'a vu, permettre de préciser que le prévenu doit présenter une lourde menace et que les "crimes" graves risquent de se produire dans un avenir proche (cf. FF 2019 6351 ss, spéc. p. 6395). Le terme "dans un avenir proche" reste vague et ne permet pas d'en déduire une temporalité ou une période prédéfinie. Il paraît laisser une marge d'appréciation à l'autorité chargée de se prononcer sur la question du risque de récidive. Le Tribunal fédéral n'a pas tranché cette question dans le cadre de son précédent arrêt qui a porté sur cette question (cf. arrêt 7B_155/2024 du 5 mars 2024 consid. 3.6.4).
Selon les faits retenus dans le cas présent, les experts ont évoqué deux scénarios relatifs au risque de récidive, à savoir, d'une part, un risque estimé comme lointain, soit dans les mois ou les années à venir, en ce qui concerne des actes redoutés dans un contexte intra-familial, ainsi que, d'autre part, un risque de violences sexuelles semblant pouvoir persister vis-à-vis de tiers. En définitive, les experts ont retenu que le risque de récidive était modéré à "moyen-long terme". L'autorité cantonale a relevé ce qui précède et a considéré, d'une part, que le recourant présentait un risque de récidive dans un contexte intra-familial, selon elle, "au mieux dans les années à venir, au pire dans les mois et donc semaines à venir". D'autre part, elle a ajouté que le risque de violences sexuelles vis-à-vis de tiers paraissait exister quoi qu'il en soit, à savoir hors du cadre intra-familial, en raison des pathologies du recourant. Au regard de ces explications, il y a lieu de considérer que le caractère imminent du risque de récidive qualifié que présente le recourant est réalisé. En effet, quoi qu'en dise le recourant, un risque pouvant survenir dans quelques mois n'apparaît pas trop lointain pour être qualifié d'imminent au sens de l'art. 221 al. 1
bis CPP lorsque des actes aussi graves que ceux reprochés au recourant sont concernés. Il importe dès lors peu que la juridiction cantonale ait évoqué sur ce point le terme de "quelques semaines". Par ailleurs, selon les faits retenus, l'expertise psychiatrique indique également qu'un risque de récidive persiste en ce qui concerne des violences sexuelles sur des tiers. Or, sur ce point, il apparaît que la cour cantonale a estimé qu'il existait un risque immédiat de récidive pour de tels actes et on ne discerne aucune mauvaise compréhension de l'expertise de la part de cette dernière, le recourant ne le faisant d'ailleurs pas valoir.
3.4.5. Enfin, le recourant ne conteste pas la réalisation de la condition de la gravité du crime du même genre dont la réitération est redoutée au sens de l'art. 221 al. 1
bis let. b CPP. La juridiction cantonale n'a pas spécifiquement examiné cette condition dans le cadre de l'arrêt querellé. Cela étant, le risque de récidive que présente le recourant porte, d'une part, sur des actes du même genre dans un contexte intra-familial, dont sa fille, et, d'autre part, sur des violences sexuelles sur des tiers. Les crimes redoutés concernent dès lors notamment les infractions d'actes d'ordre sexuel avec des enfants (art. 187 ch. 1 CP) et de contrainte sexuelle (art. 189 CP), et peuvent être qualifiés de graves.
3.4.6. Ainsi, l'autorité cantonale n'a en définitive pas violé le droit fédéral ni apprécié les preuves de manière arbitraire en retenant que le recourant présentait un risque de récidive qualifié au sens de l'art. 221 al. 1
bis CPP.
3.5.
3.5.1. Le recourant propose des mesures de substitution en lieu et place de la détention provisoire, à savoir un traitement ambulatoire au sens de l'art. 63 CP, une assignation à résidence assortie du port du bracelet électronique, ainsi que son engagement de ne pas prendre contact avec sa fille et son ex-épouse par quelque moyen que ce soit et de ne pas s'approcher à moins de 200 mètres d'elles ou de leur domicile. Il fait valoir que, selon les experts, un traitement ambulatoire permettrait de diminuer le risque de récidive de la manière la plus adaptée et qu'il aurait déjà démontré qu'il était en mesure de respecter ses engagements.
3.5.2. Conformément au principe de la proportionnalité ancré à l'art. 36 al. 3 Cst., il convient d'examiner les possibilités de mettre en oeuvre d'autres solutions moins dommageables que la détention (règle de la nécessité). Cette exigence est concrétisée par l'art. 237 al. 1 CPP, qui prévoit que le tribunal compétent ordonne une ou plusieurs mesures moins sévères en lieu et place de la détention si ces mesures permettent d'atteindre le même but que la détention. Selon l'art. 237 al. 2 CPP, font notamment partie des mesures de substitution l'assignation à résidence ou l'interdiction de se rendre dans un certain lieu ou un certain immeuble (let. c), l'obligation de se soumettre à un traitement médical ou à des contrôles (let. f) et l'interdiction d'entretenir des relations avec certaines personnes (let. g). Cette liste est exemplative et le juge de la détention peut également, le cas échéant, assortir les mesures de substitution de toute condition propre à en garantir l'efficacité (ATF 145 IV 503 consid. 3.1).
3.5.3. Le recourant ne s'en prend pas à la motivation de l'autorité cantonale sur ce point, de sorte que son moyen doit être déclaré irrecevable (cf. art. 42 al. 2 LTF). Il ne conteste en effet pas le raisonnement pertinent de cette dernière selon lequel les troubles dont il souffre sont accessibles à des soins, mais ne seront efficaces qu'au long cours et nécessiteront plusieurs années pour modifier des fonctionnements ancrés le plus souvent depuis l'adolescence, ni celui selon lequel son âge représente un mauvais pronostic et la mesure proposée n'est pas susceptible d'amoindrir le risque de réitération dans l'immédiat. Il omet en outre d'indiquer que la cour cantonale a relevé que les experts n'avaient pas affirmé que le traitement ambulatoire serait préférable à la détention pour contenir le risque de récidive qualifié retenu à son endroit et que l'exécution préalable d'une peine privative de liberté ne compromettait pas considérablement le traitement ambulatoire sollicité. Pour le reste, c'est à raison que la juridiction cantonale a considéré que les autres mesures de substitution proposées (assignation à résidence; port du bracelet électronique; interdiction de prendre contact avec les victimes et de s'approcher de leur domicile) n'étaient pas propre à endiguer le risque de réitération, dès lors qu'elles ne reposeraient que sur la seule volonté du recourant et qu'elles ne permettraient pas d'assurer un contrôle en temps réel et de l'empêcher d'agir (cf. ATF 145 IV 503 consid. 3.3; arrêt 7B_464/2023 du 11 septembre 2023 consid. 5.2). Le moyen du recourant doit donc être écarté.
4.
En définitive, les recours doivent être rejetés dans la mesure où ils sont recevables.
Le recourant a demandé l'octroi de l'assistance judiciaire (cf. art. 64 LTF). Les conditions y relatives étant réalisées, cette requête doit être admise. Il y a lieu de désigner Me Aurore Gaberell-Maquelin en qualité d'avocate d'office du recourant et de lui allouer une indemnité à titre d'honoraires, laquelle sera supportée par la caisse du Tribunal fédéral (cf. art. 64 al. 2 LTF). Le recourant est toutefois rendu attentif au fait que s'il peut rembourser ultérieurement la caisse, il sera tenu de le faire (art. 64 al. 4 LTF). Il ne sera pas perçu de frais judiciaires (art. 64 al. 1 LTF), ni alloué de dépens (cf. art. 68 al. 3 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Les causes 7B_583/2024 et 7B_653/2024 sont jointes.
2.
Les recours sont rejetés dans la mesure où ils sont recevables.
3.
La requête d'assistance judiciaire est admise.
3.1. Me Aurore Gaberell-Maquelin est désignée comme avocate d'office du recourant et une indemnité de 1'500 fr. lui est allouée à titre d'honoraires, à payer par la caisse du Tribunal fédéral.
3.2. Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
4.
Le présent arrêt est communiqué au recourant, au Ministère public de l'arrondissement de Lausanne, à la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud et au Tribunal des mesures de contrainte du canton de Vaud.
Lausanne, le 25 juin 2024
Au nom de la IIe Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Abrecht
Le Greffier: Magnin