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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
{T 0/2} 
 
6B_552/2014  
   
   
 
 
 
Arrêt du 25 septembre 2014  
 
Cour de droit pénal  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Mathys, Président, 
Jacquemoud-Rossari et Rüedi. 
Greffière : Mme Kistler Vianin. 
 
Participants à la procédure 
X.________ représenté par Me Stéphane Coudray, avocat, recourant, 
 
contre  
 
Ministère public central du canton de Vaud, intimé.  
 
Objet 
Mise en circulation et réclame en faveur d'appareils d'écoute, de prise de son et de prise de vues (art. 179 sexies CP),  
 
recours contre le jugement du 7 avril 2014 de la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
 
Faits :  
 
A.   
Par jugement du 3 décembre 2013, le Tribunal de police de l'arrondissement de l'Est vaudois a reconnu X.________ coupable de mise en circulation et de réclame en faveur d'appareils d'écoute, de prise de son et de prise de vues (art. 179 sexies CP). Il l'a condamné à une peine pécuniaire de cent vingt jours-amende à quarante francs le jour avec sursis pendant deux ans et à une amende de 2'000 fr., la peine privative de liberté de substitution en cas de défaut de paiement de l'amende étant de vingt jours. En outre, il a ordonné la confiscation et la dévolution à l'Etat de l'intégralité des montants figurant sur les comptes ouverts au nom de A.________ Sàrl auprès de la Banque B.________ et dit que X.________ était le débiteur de l'Etat de Vaud d'une créance compensatrice de 30'000 fr.  
 
B.   
Par jugement du 7 avril 2014, la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal vaudois a rejeté l'appel formé par X.________ et confirmé le jugement de première instance. 
 
En résumé, cette condamnation repose sur les faits suivants: 
 
Du 1er décembre 2009 au 1er décembre 2013, à Villeneuve, X.________, par le biais de la société A.________ Sàrl, a proposé sur internet des logiciels " espions " à installer sur des téléphones portables ou des ordinateurs. Ces applications permettaient, dans le premier cas, d'écouter en direct les conversations et l'environnement du téléphone (mise sous écoute), de lire les sms et les e-mails, de consulter l'historique des appels et de géolocaliser le téléphone, ce à l'insu du détenteur de ce dernier. Pour les ordinateurs, le programme offrait la possibilité de visualiser l'écran de l'ordinateur surveillé, d'accéder au disque dur et de télécharger les dossiers s'y trouvant, d'activer et d'utiliser la caméra, de faire des captures d'écran et de bloquer le clavier, là encore à l'insu du détenteur habituel. Par le biais de son site Internet, X.________ a proposé à la vente trois types d'applications, dont une mise à jour en 2012, pour des prix compris entre 159 EUR et 299 EUR. Le produit de la vente des logiciels incriminés était versé sur deux comptes bancaires au nom de A.________ Sàrl auprès de la Banque B.________. 
 
 
C.   
Contre ce dernier jugement, X.________ dépose un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral. Il conclut à la réforme du jugement attaqué en ce sens qu'il est acquitté et que les sommes dont la confiscation a été ordonnée sont libérées en sa faveur. En outre, il sollicite l'assistance judiciaire. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le recourant se plaint d'une violation du principe d'accusation (art. 9 CPP). Il reproche à la cour cantonale de l'avoir condamné, non seulement pour avoir proposé des logiciels espions, mais aussi pour avoir vendu ceux-ci, alors que le terme " vendu " ne figure pas dans l'acte d'accusation. 
 
1.1. Le principe de l'accusation est posé à l'art. 9 CPP, mais découle aussi de l'art. 29 al. 2 Cst., de l'art. 32 al. 2 Cst. et de l'art. 6 ch. 1 et 3 let. a et b CEDH. Selon ce principe, l'acte d'accusation définit l'objet du procès (fonction de délimitation). Il doit décrire les infractions qui sont imputées au prévenu de façon suffisamment précise pour lui permettre d'apprécier, sur les plans subjectif et objectif, les reproches qui lui sont faits (cf. art. 325 CPP). Le tribunal est lié par l'état de fait décrit dans l'acte d'accusation, mais peut s'écarter de l'appréciation juridique qu'en fait le ministère public (art. 350 al. 1 CPP), à condition d'en informer les parties présentes et de les inviter à se prononcer (art. 344 CPP). Selon la jurisprudence constante, des imprécisions relatives au lieu ou à la date sont sans portée (arrêts 6B_1121/2013 du 6 mai 2014 consid. 3.2, 6B_210/2013 du 13 janvier 2014 consid. 1.2 et 6B_441/2013 du 4 novembre 2013 consid. 3.2).  
 
1.2. En l'espèce, l'état de fait figurant dans l'acte d'accusation retient que le recourant " a, sur son site internet, proposé à la vente trois types d'applications, pour des prix entre 159 euros et 299 euros " et que " le produit de la vente de ces logiciels était versé sur les deux comptes bancaires ouverts au nom de A.________ Sàrl auprès de la Banque B.________ ". En se référant au produit de la vente, l'acte d'accusation indique bien que le comportement reproché au recourant vise aussi la "  vente " de ces logiciels, et non pas seulement la "  réclame " comme le soutient le recourant. Le recourant ne peut donc prétendre qu'il ne connaissait pas les faits qui lui étaient imputés et les peines et mesures auxquelles il s'exposait. Le principe d'accusation n'a pas été violé. Le grief soulevé doit donc être rejeté.  
 
2.   
Le recourant conteste l'interprétation faite par la cour cantonale de l'art. 179 sexies CP. En outre, il invoque la mise en garde qu'il a fait figurer sur son site internet, selon laquelle une utilisation du logiciel à l'insu de la personne écoutée était illégale.  
 
2.1.  
 
2.1.1. L'art. 179 sexies CP dispose que celui qui aura fabriqué, importé, exporté, acquis, stocké, possédé, transporté, remis à un tiers, vendu, loué, prêté ou mis en circulation de toute autre manière des appareils techniques servant en particulier à l'écoute illicite ou à la prise illicite de son ou de vues, fourni des indications en vue de leur fabrication ou fait de la réclame en leur faveur sera puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire (al. 1). Lorsque le délinquant a agi dans l'intérêt d'un tiers, celui-ci encourra la même peine s'il connaissait l'infraction et n'a pas fait tout ce qui était en son pouvoir pour l'empêcher. Lorsque le tiers est une personne morale, une société en nom collectif ou en commandite ou une entreprise individuelle, l'al. 1 est applicable aux personnes physiques qui ont agi ou auraient dû agir en son nom (al. 2).  
 
2.1.2. Cette infraction a pour objet les moyens techniques qui permettent la commission des infractions prévues aux art. 179 bis à  quater CP, à savoir l'écoute et l'enregistrement de conversations entre d'autres personnes (art. 179 bis CP), l'enregistrement non autorisé de conversations (art. 179 ter CP) et la violation du domaine secret ou du domaine privé au moyen d'un appareil de prise de vues (art. 179 quater CP).  
Selon le texte légal, l'appareil doit servir « en particulier » à un usage illicite. D'après la doctrine unanime, il faut se fonder sur la destination (Zweckbestimmung) que le fabriquant, le commerçant, etc. a attribué à l'appareil et non sur l'usage concret que l'acheteur en fera (Bernard Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. I, 3e éd., 2010, n° 3 et 4 ad art. 179sexies CP; Martin Schubarth, Kommentar zum schweizerischen Strafrecht, Besonderer Teil, 3e vol, 1984, n° 4 ad art. 179sexies CP; Peter Nobel/Rolf H.Weber, Medienrecht, 3e éd., p. 297; Günter Stratenwerth/Guido Jenny/Felix Bommer, Schweizerisches Strafrecht, Besonderer Teil I, 7e éd., n° 64 ad § 12). 
 
Le juge doit se livrer à une appréciation objective et examiner si l'appareil, par sa nature, doit servir  principalement à des écoutes, des enregistrements ou des prises de vue clandestins. Il faut que,  selon l'expérience, la fonction principale de l'appareil ou, en tout cas, celle qui vient immédiatement à l'esprit, soit illicite (Bernard Corboz, op. cit., n° 4 ad art. 179sexies CP; Trechsel/Lieber, Schweizerisches Strafgesetzbuch, Praxiskommentar, 2e éd., 2013, n° 2 ad art. 179sexies CP; Michel Dupuis et al., Petit commentaire du code pénal, 2012, n° 2 ad art. 179sexies CP). Le but illicite de l'appareil doit être  manifeste, évident (Huber Andreas Metzger, Der strafrechtliche Schutz des persönlichen Geheimbereichs gegen Verletzung durch Ton- und Bildaufnahme sowie Abhörgeräte, thèse Berne 1972, p. 120). L'approche, préconisée par certaines auteurs, selon laquelle l'appareil doit servir exclusivement à un but illicite (José Hurtado Pozo, Droit pénal, partie spéciale, 2009, n° 2286; Schubarth, op. cit., n° 4 ad art. 179sexies CP), est trop restrictive (Corboz, op. cit., n° 2 et 3; Peter Nobel/Rolf H. Weber, op. cit., p. 297).  
 
La destination illicite de l'appareil peut se déduire de certaines de ses qualités, notamment de son camouflage; on pense notamment aux dispositifs déguisés, ayant par exemple l'apparence d'un stylo ou encore d'un bijou ou encore aux logiciels malveillants permettant d'accéder ou d'enregistrer des données, notamment des sons et des images à l'insu des utilisateurs ( Hurtado Pozo, op. cit., n° 2289; Michel Dupuis et al., op. cit., n° 3-4 ad art. 179sexies CP). 
L'infraction est intentionnelle. L'intention doit porter sur l'aptitude particulière qu'a l'appareil technique à servir pour des écoutes, des prises de son ou de vues illicites. Il n'est pas nécessaire que l'auteur connaisse la destination concrète de l'appareil. Il faut qu'il accepte l'idée que l'appareil soit utilisé de manière illicite (Bernard Corboz, op. cit., n° 8 ad art. 179sexies CP). 
 
2.2. En l'espèce, le logiciel " espion " vendu par le recourant, lequel doit être considéré comme un appareil technique au sens de la loi (Peter von Ins/Peter-René Wyder, in Basler Kommentar, Strafrecht II, 3e éd., 2013, n° 5 ad art. 179sexies CP; Dupuis et al., op. cit., n° 4 ad art. 179sexies CP), permet, notamment, d'écouter en direct les conversations et l'environnement du téléphone, pour un téléphone portable, et, pour un ordinateur, d'utiliser la caméra, et ce à l'insu de leur utilisateur habituel. Un tel usage est illicite selon les art. 179bis et 179quater CP.  
 
Ce logiciel a pour principale caractéristique d'être invisible et indétectable. Comme cela ressort du site internet du recourant, il doit permettre d' "espionner " autrui. Il est du reste proposé à la vente sous le nom de " logiciel espion ". En outre, le recourant a admis avoir fait référencer ses sites sur internet avec le mot " espionnage " après avoir constaté le peu de succès de ses produits lorsqu'ils étaient référencés sous le nom de " contrôle parental ". C'est donc à juste titre que la cour cantonale a admis que, par leur nature, les logiciels litigieux devaient servir à des écoutes et des prises de vues clandestines. 
 
Se référant à certains auteurs, le recourant soutient que seuls seraient visés par l'art. 179sexies CP les appareils servant exclusivement à un usage illicite; partant, vu que certains de ses acheteurs auraient utilisé les logiciels de manière licite, il ne serait pas punissable. Il fait également valoir qu'il a averti ses clients que l'utilisation des produits n'était pas licite sans l'accord de la personne concernée. Cette argumentation ne peut être suivie. Selon la doctrine unanime, il convient de se fonder sur les aptitudes de l'appareil, et non sur sa destination concrète. Peu importe donc que, dans certains cas, les acheteurs aient obtenu l'autorisation des personnes concernées. Ces logiciels, indétectables, étaient conçus pour espionner autrui, même si, dans certains cas, un usage licite n'était pas exclu. Si le recourant avait voulu éviter toute condamnation pénale, il aurait dû suivre les recommandations de son conseil, selon lesquelles il convenait d'intégrer aux logiciels des fonctions comme, par exemple, un signal sonore ou visuel pour mettre en garde les interlocuteurs de l'écoute et obtenir le consentement éclairé des personnes écoutées ou filmées.  
 
Sur le plan subjectif, l'arrêt attaqué constate en fait que le recourant connaissait l'aptitude particulière qu'avaient ses logiciels à servir pour des écoutes, des prises de son ou de vues illicites et qu'il acceptait l'idée que ceux-ci soient utilisés de manière illicite. L'élément intentionnel est donc réalisé. 
 
Enfin, le recourant se compare à un vendeur d'armes. Il relève que, si un armurier vend une arme qui sert à tuer une personne, il n'est pas rendu responsable de cet usage illicite. Partant, il ne devrait pas être rendu responsable de l'usage illicite que les acheteurs font de ses logiciels. Toute comparaison avec la vente d'armes est toutefois exclue, dès lors que celle-ci ne tombe pas sous le coup de l'art. 179 sexies CP ni sous une dispositions comparable, mais obéit à une réglementation administrative détaillée et spécifique. Au demeurant, contrairement à ce que laisse sous entendre le recourant, la plupart des logiciels qu'il a vendus (et non seulement un ou deux) ont été utilisés à un usage illicite (cf. notamment jugement de première instance p. 19 s.). 
 
3.   
Le recours doit être rejeté. 
 
Comme ses conclusions étaient vouées à l'échec, l'assistance judiciaire ne peut être accordée (art. 64 al. 1 LTF). Le recourant devra donc supporter les frais (art. 66 al. 1 LTF), dont le montant sera toutefois fixé en tenant compte de sa situation financière. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté. 
 
2.   
La requête d'assistance judiciaire est rejetée. 
 
3.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
 
Lausanne, le 25 septembre 2014 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Mathys 
 
Le Greffier : Kistler Vianin