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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
9C_168/2023, 9C_176/2023  
 
 
Arrêt du 25 novembre 2024  
 
IIIe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mmes les Juges fédéraux Parrino, Président, 
Stadelmann, Moser-Szeless, Beusch et Scherrer Reber. 
Greffière : Mme Vuadens. 
 
Participants à la procédure 
9C_168/2023 
A.________ S.A., 
représentée par M e Pierre-Marie Glauser et 
M e Laïla Rochat, avocats, 
recourante, 
 
contre  
 
Administration fédérale des contributions AFC, Division principale impôt fédéral direct, impôt anticipé, droits de timbre, 
Eigerstrasse 65, 3003 Berne, 
intimée, 
 
et 
 
9C_176/2023 
Administration fédérale des contributions AFC, Division principale impôt fédéral direct, impôt anticipé, droits de timbre, 
Eigerstrasse 65, 3003 Berne, 
recourante, 
 
contre  
 
A.________ S.A., 
représentée par M e Pierre-Marie Glauser et 
M e Laïla Rochat, avocats, 
intimée. 
 
Objet 
Droit de timbre de négociation, périodes fiscales 
2011-2016, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal administratif fédéral du 16 janvier 2023 (A-3279/2019). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.________ S.A. (ci-après: la Société) a pour but la participation à des entreprises industrielles, de services, commerciales et financières en Suisse et à l'étranger. Elle est assujettie au droit de timbre de négociation en qualité de commerçante de titres du fait de son bilan.  
Au terme d'un contrôle des comptes de la Société qui a porté sur la période allant du 1er juillet 2011 au 30 juin 2016, l'Administration fédérale des contributions (ci-après: l'Administration fédérale) l'a informée, par bulletin de constatation du 23 mars 2017, qu'elle avait identifié des transactions qui auraient dû être soumises au droit de timbre de négociation et qu'elle allait par conséquent procéder à des reprises à ce titre pour un montant de 2'752'472 fr. 25. Il en allait en particulier des deux transactions suivantes: 
 
1. L'acquisition, à la valeur vénale, de 14,9 % du capital-actions de B.________ SAS auprès de C.________ (ci-après: la transaction A). Au moment de l'acquisition, la Société détenait déjà 25 % du capital-actions de B.________ SAS et indirectement l'entier du capital-actions de C.________. Le droit de timbre de négociation réclamé à la Société en lien avec la transaction A s'élevait à 886'825 fr. 55. 
2. L'octroi d'actions A.________ à des collaborateurs (ci-après: la transaction B), dans le cadre de deux plans d'intéressement du personnel, le premier portant sur l'octroi de "Restricted Stock Units" et le second sur l'octroi de "Performance Share Units". Le droit de timbre de négociation réclamé en lien avec la transaction B s'élevait à 1'627'768 fr. 65. 
Dans sa réponse du 12 avril 2017, la Société a admis la reprise à hauteur de 237'878 fr. 05 et sollicité la notification d'une décision formelle, contestant que l'impôt soit dû sur les deux transactions A et B. 
Le 21 avril 2017, la Société s'est acquittée "sous réserve" du montant de 2'752'472 fr. 25, soit sans reconnaître le bien-fondé des créances fiscales qu'elle contestait. 
 
A.b. Par décision du 6 juillet 2017, confirmée sur réclamation le 28 mai 2019, l'Administration fédérale a fixé à 2'752'472 fr. 25 le montant dû par la Société à titre de reprise du droit de timbre de négociation pour la période du 1er juillet 2011 au 30 juin 2016, à quoi s'ajoutaient des intérêts moratoires par 324'192 fr. 60.  
 
B.  
La Société a recouru contre la décision sur réclamation du 28 mai 2019 auprès du Tribunal administratif fédéral, qui a statué par arrêt du 16 janvier 2023. Il a jugé que la transaction A était exonérée du droit de timbre de négociation mais confirmé que la transaction B y était soumise. En conséquence, il a partiellement admis le recours au sens des considérants, ramené le montant dû par la Société à 1'865'646 fr. 70, rejeté le recours pour le surplus et renvoyé la cause à l'Administration fédérale pour nouveau calcul des intérêts. 
 
C.  
Contre cet arrêt, tant la Société (cause 9C_168/2023) que l'Administration fédérale (cause 9C_176/2023) ont formé un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral. 
 
C.a. La Société demande au Tribunal fédéral de réformer l'arrêt du Tribunal administratif fédéral du 16 janvier 2023 en ce sens qu'elle ne doit aucun droit de timbre de négociation sur la transaction B, d'annuler les créances fiscales et les intérêts moratoires y afférents et d'ordonner à l'Administration fédérale de lui rembourser les montants déjà acquittés à ce titre; subsidiairement, d'annuler l'arrêt attaqué dans la seule mesure de l'objet du litige et de renvoyer la cause au Tribunal administratif fédéral ou à l'Administration fédérale pour nouvelle décision dans le sens des considérants.  
L'Administration fédérale conclut au rejet du recours. La Société a pris position. 
 
C.b. L'Administration fédérale demande au Tribunal fédéral d'annuler partiellement l'arrêt du Tribunal administratif fédéral du 16 janvier 2023, dans la mesure où il réduit le montant dû par la Société à titre de droit de timbre de négociation à 886'825 fr. 55 (transaction A) et renvoie le dossier à l'Administration fédérale pour nouveau calcul des intérêts moratoires, et de confirmer sa décision du 28 mai 2019 en ce sens que le montant dû par la Société est ramené à 2'752'472 fr. 25, avec intérêts moratoires de 324'192 fr. 60; subsidiairement, d'annuler partiellement l'arrêt attaqué en tant qu'il exempte la Société du paiement du droit de timbre de négociation à hauteur de 886'825 fr. 55, ainsi que des intérêts moratoires y afférents, et de renvoyer la cause au Tribunal administratif fédéral pour nouvelle décision dans le sens des considérants.  
La Société s'en rapporte à justice quant à la recevabilité du recours de l'Administration fédérale et conclut à la confirmation de l'arrêt attaqué en tant qu'il l'exonère du droit de timbre de négociation à hauteur de 886'825 fr. 55, ainsi que des intérêts moratoires y afférents. L'Administration fédérale a pris position. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Les deux recours sont dirigés contre le même arrêt. Il est partant justifié de joindre les causes (art. 24 PCF [RS 273] en relation avec l'art. 71 LTF). 
 
2.  
 
2.1. La voie du recours en matière de droit public est ouverte (art. 82 let. a, art. 86 al. 1 let. d et art. 90 LTF), la cause ne tombant sous le coup d'aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF.  
 
2.2. La Société a qualité pour recourir en vertu de l'art. 89 al. 1 LTF. Quant à l'Administration fédérale, elle a qualité pour recourir en application de l'art. 89 al. 2 let. a LTF car l'acte attaqué, qui concerne la loi fédérale du 27 juin 1973 sur les droits de timbre (LT; RS 641.10), est dans son domaine d'attribution (art. 38 LT; cf. aussi l'art. 1 al. 2 de l'ordonnance du 3 décembre 1973 sur les droits de timbre [OT; RS 641.101]).  
 
2.3. Au surplus, les recours ont été déposés dans le délai et les formes prescrites (art. 42 et 100 al. 1 LTF). Les deux recours sont donc recevables.  
 
3.  
 
3.1. Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF).  
 
3.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF).  
 
4.  
Le litige concerne, d'une part, le point de savoir si la Société est exonérée du droit de timbre de négociation sur la transaction A, ce que l'Administration fédérale conteste, et si elle doit s'acquitter du droit de timbre de négociation en lien avec la transaction B, ce que la Société conteste. Ces deux questions sont successivement traitées ci-dessous (consid. 6 à 8 pour la transaction A et consid. 9 et 10 pour la transaction B). 
 
5.  
La Confédération perçoit des droits de timbre sur la négociation de titres suisses et étrangers (art. 1 al. 1 let. b LT). Selon l'art. 13 al. 1 LT, le droit de négociation a pour objet le transfert à titre onéreux de la propriété des documents indiqués à l'al. 2, si l'un des contractants ou l'un des intermédiaires est un commerçant de titres au sens de l'al. 3. L'art. 14 LT énumère une liste d'opérations exonérées de l'impôt; par ailleurs, les art. 17a et 19 LT prévoient des exceptions à son prélèvement, qui sont liées à la qualité des parties à la transaction. 
Conformément à l'art. 16 al. 1 LT, le droit de timbre de négociation est calculé sur la contre-valeur et s'élève à 1,5 pour mille pour les titres émis par une personne domiciliée en Suisse (let. a) et à 3 pour mille pour les titres émis par une personne domiciliée à l'étranger (let. b). Si la contre-valeur n'est pas constituée par une somme d'argent, la valeur vénale de la contre-prestation convenue est déterminante (art. 16 al. 2 LT). 
L'obligation fiscale incombe au commerçant de titres (art. 17 al. 1 LTF). S'il agit comme intermédiaire, il doit la moitié du droit pour chaque contractant qui ne justifie pas de sa qualité de commerçant de titres enregistré ou d'investisseur exonéré (art. 17 al. 2 let. a LT). S'il intervient comme contractant, il doit la moitié du droit pour lui-même et pour la contrepartie qui ne justifie pas de sa qualité de commerçant de titres enregistré ou d'investisseur exonéré (art. 17 al. 2 let. b LT). 
 
6.  
Dans l'arrêt attaqué, le Tribunal administratif fédéral a retenu que la transaction A était soumise au droit de timbre de négociation parce que la Société, qui était une commerçante de titres en raison de son bilan (art. 13 al. 3 let. d LT), avait acheté à C.________ - et donc acquis à titre onéreux (art. 13 al. 1 LT) - des actions de B.________ SAS, soit des documents imposables (art. 13 al. 2 let. b LT en lien avec l'art. 13 al. 2 let. a ch. 2 LT). Il a toutefois jugé que cette acquisition était exonérée de l'impôt en vertu de l'art. 14 al. 1 let. j LT, ce que l'Administration fédérale conteste. 
 
6.1. Selon l'art. 14 al. 1 let. j LT, ne sont pas soumis au droit de négociation l'acquisition ou l'aliénation de documents imposables en cas de restructurations au sens des art. 61 al. 3 et 64 al. 1bis de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'impôt fédéral direct [LIFD; RS 642.11], ainsi qu'en cas de transfert de participations d'au moins 20 % du capital-actions ou du capital social d'autres sociétés à une société suisse ou étrangère du groupe.  
 
6.1.1. En substance, le Tribunal administratif fédéral a retenu que la transaction A, qui a consisté dans le transfert d'une participation indirecte de plus de 20 % au sein du groupe, a représenté une "restructuration" au sens de l'art. 61 al. 3 LIFD auquel renvoie l'art. 14 al. 1 let. j LT et qu'elle était par conséquent exonérée de l'impôt en vertu de cette disposition.  
 
6.1.2. L'Administration fédérale soutient que le Tribunal administratif fédéral a mal interprété l'art. 14 al. 1 let. j LT et qu'il en a conclu à tort que la transaction A était exonérée, ce que la Société conteste.  
 
6.2. Le Tribunal fédéral n'a jamais eu l'occasion de déterminer la portée de l'art. 14 al. 1 let. j LT. Celle-ci doit être établie selon les règles usuelles applicables à l'interprétation de la loi (cf. ATF 149 II 462 consid. 2.2.4). La loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte se prête à plusieurs interprétations ou s'il y a de sérieuses raisons de penser qu'il ne correspond pas à la volonté du législateur, il convient de rechercher sa véritable portée au regard notamment des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l'intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d'autres dispositions légales (interprétation systématique) (ATF 149 III 242 consid. 5.1 et les références; 147 III 78 consid. 6.4). Il n'y a donc lieu de déroger au sens littéral d'un texte apparemment clair, par la voie de l'interprétation, que lorsque des raisons objectives révèlent que ce texte ne restitue pas le sens véritable de la disposition en cause, ce qui peut ressortir des travaux préparatoires, du but de la règle et de ses rapports avec d'autres (ATF 143 IV 122 consid. 3.2.3; 141 II 57 consid. 3.2; 140 II 202 consid. 5.1). Lorsqu'il est appelé à interpréter une loi, le Tribunal fédéral adopte une position pragmatique en suivant ces différentes interprétations, sans les soumettre à un ordre de priorité (ATF 149 III 98 consid. 5.2; 148 I 251 consid. 3.6; 141 III 444 consid. 2.1).  
 
7.  
En prévoyant que l'acquisition ou l'aliénation de documents imposables en cas de restructurations "au sens de l'art. 61 al. 3 LIFD" est exonéré, l'art. 14 al. 1 let. j LT renvoie à l'art. 61 al. 3 LIFD. Il convient de rappeler la portée de cette disposition de la LIFD. 
 
7.1. De manière générale, l'art. 61 LIFD expose les différents types de restructurations qui peuvent être effectuées en neutralité fiscale au plan de l'impôt fédéral direct (impôt sur le bénéfice; PETER RIEDWEG, in Umstrukturierungen, 2e éd. 2022, § 8 n° 16 s.; PIERRE-MARIE GLAUSER/XAVIER OBERSON, in Impôt fédéral direct, Commentaire de la loi sur l'impôt fédéral direct, 2e éd. 2017, n° 73 ad art. 61 LIFD). Quelle que soit la forme de restructuration rencontrée, deux conditions doivent être remplies pour permettre cette neutralité fiscale: les éléments doivent être transférés à leur dernière valeur déterminante pour l'impôt sur le bénéfice (soit à la valeur comptable) et l'assujettissement en Suisse doit être maintenu (art. 61 al. 1 LIFD). Ces deux conditions visent à garantir l'existence des réserves latentes et que celles-ci restent géographiquement soumises à la souveraineté fiscale suisse, de manière à ce qu'elles puissent être soumises à l'impôt sur le bénéfice en cas de réalisation ultérieure (cf. GLAUSER/OBERSON, op. cit., n° 10 et 12 à 14 ad art. 61 LIFD).  
 
7.2. L'art. 61 al. 3 LIFD - qui a son pendant à l'art. 24 al. 3quater LHID (RS 642.14) - envisage spécifiquement les restructurations qui prennent la forme de transferts de certains actifs isolés au sein du groupe. Il prévoit que "des participations directes ou indirectes de 20 % au moins du capital-actions ou du capital social d'une autre société de capitaux ou d'une société coopérative, mais aussi des exploitations ou des parties distinctes d'exploitation ainsi que des éléments qui font partie des biens immobilisés de l'exploitation, peuvent être transférées, à leur dernière valeur déterminante pour l'impôt sur le bénéfice, entre des sociétés de capitaux ou des sociétés coopératives suisses, qui, à la lumière des circonstances et du cas d'espèce et grâce à la détention de la majorité des voix ou d'une autre manière, sont réunies sous la direction unique d'une société de capitaux ou d'une société coopérative. Le transfert à une société fille au sens de l'art. 61, al. 1, let. d, est réservé".  
 
7.2.1. La notion de participation "indirecte" figurant à l'art. 61 al. 3 LIFD n'est pas définie dans la loi. Elle est comprise en ce sens qu'elle doit permettre le transfert en neutralité fiscale de participations inférieures à 20 % s'il existe, sous une direction unique, une participation directe ou indirecte d'au moins 20 % dans cette société (Administration fédérale, Circulaire n° 5a du 1er février 2022 sur les restructurations, ch. 4.5.2.5 et l'exemple n° 22 de l'annexe [cf. aussi la première édition de cette Circulaire, à savoir la Circulaire n° 5 du 1er juin 2004, ch. 4.5.2.5 et exemple n° 21 de l'annexe I]). Cette pratique permet de rattacher la notion de détention de plus de 20 % au pourcentage détenu par l'ensemble du groupe et de rendre ainsi possible le transfert en neutralité fiscale d'une participation directe inférieure à 20 % dans une société, si celle-ci est détenue à plus de 20 % par le groupe considéré dans son ensemble (RIEDWEG, op. cit., § 8 n° 60; REICH/TADDEI/OESTERHELT, in Bundesgesetz über die direkten Bundessteuer, Kommentar, 4e éd. 2022, n° 325 ad art. 61 DBG; GLAUSER/OBERSON, op. cit., n° 80 ad art. 61 LIFD et les auteurs cités).  
 
7.2.2. Pour intervenir en neutralité fiscale au plan de l'impôt sur le bénéfice, l'art. 61 al. 3 LIFD exige que le transfert intervienne à la "dernière valeur déterminante pour l'impôt sur le bénéfice" (soit à la valeur comptable) et entre des sociétés "suisses". Ces deux conditions visent à garantir qu'après le transfert et en cas de réalisation ultérieure, l'impôt sur le bénéfice pourra être prélevé en Suisse sur les réserves latentes transférées (supra consid. 7.1; GLAUSER/OBERSON, op. cit., n° 74 s. ad art. 61 LIFD; cf. aussi REICH/TADDEI/OESTERHELT, op. cit., n° 322 s. ad art. 61 DBG).  
 
8.  
 
8.1. S'agissant ensuite de la portée du renvoi de l'art. 14 al. 1 let. j LT à l'art. 61 al. 3 LIFD, le Tribunal fédéral s'est déjà exprimé sur un renvoi semblable. Dans un arrêt publié à l'ATF 138 II 557, il a été amené à interpréter la portée du renvoi à l'art. 24 al. 3quater LHID, qui a la même teneur que l'art. 61 al. 3 LIFD, figurant à l'art. 103 de la loi fédérale du 3 octobre 2003 sur la fusion, la scission, la transformation et le transfert de patrimoine (LFus; RS 221.301). Selon l'art. 103 LFus, la perception de droits de mutation cantonaux ou communaux est exclue notamment en cas de restructuration au sens de l'art. 24 al. 3quater LHID. Le Tribunal fédéral a jugé qu'il suffit que le transfert immobilier présente les caractéristiques d'une restructuration au sens de la LHID pour être exonéré du droit de mutation, sans qu'il soit nécessaire que les conditions pour que la restructuration soit fiscalement neutre au plan de l'impôt sur le bénéfice soient remplies. En effet, les conditions du maintien de l'assujettissement en Suisse et du transfert à la valeur comptable, qui visent à garantir l'imposition des réserves latentes en cas de réalisation ultérieure, ne sont pas pertinentes dans le contexte du droit de mutation, cet impôt frappant les transactions juridiques portant sur des immeubles suisses et non "la plus-value réalisée comme en matière d'impôts directs" (ATF 138 II 557 consid. 5.2).  
 
8.2. Dans l'arrêt attaqué (consid. 6.3.3.1), le Tribunal administratif fédéral a retenu, à juste titre, que les principes posés par le Tribunal fédéral dans l'ATF 138 II 557 étaient applicables pour interpréter la portée du renvoi de l'art. 14 al. 1 let. j ab initio LT à l'art. 61 al. 3 LIFD. En effet, à l'instar des droits de mutation, le droit de négociation est un impôt sur les transactions juridiques, qui vise le transfert de la propriété en tant que tel et non pas le gain obtenu (ATF 143 II 350 consid. 2.2), de sorte qu'un traitement cohérent s'impose.  
Comme le droit de négociation a pour objet le transfert de la propriété en tant que tel, c'est aussi à bon droit que le Tribunal administratif fédéral a retenu (arrêt attaqué consid. 6.3.3.2) que la condition de l'art. 61 al. 3 LIFD selon laquelle le transfert doit intervenir à la valeur comptable n'était pas pertinente dans le contexte de l'art. 14 al. 1 let. j LT. 
S'agissant de la condition, prévue à l'art. 61 al. 3 LIFD, selon laquelle le transfert doit intervenir entre sociétés suisses, le Tribunal administratif fédéral a constaté que le droit de timbre de négociation se distinguait certes sur ce point des droits de mutation, car il n'est pas rattaché à un immeuble suisse mais à un titre, dépourvu de rattachement territorial. Toutefois, il a retenu, en se référant aux débats parlementaires qui ont eu lieu lors de l'introduction de l'art. 14 al. 1 let. j LT, que le législateur avait clairement exprimé l'intention d'étendre l'exonération du droit de négociation aux transferts entre sociétés suisses et étrangères (arrêt attaqué consid. 6.3.3.4) et que le renvoi à l'art. 61 al. 3 LIFD devait donc être compris comme une référence au seul concept de restructuration, à l'exclusion des autres conditions liées aux impôts directs (arrêt attaqué consid. 6.3.3.5). Dans ces circonstances, il n'y avait pas lieu de distinguer les deux parties de l'art. 14 al. 1 let. j LT et d'exiger que le transfert intervienne entre deux sociétés suisses dans le contexte de l'art. 14 al. 1 let. j ab initio LT, puisque le législateur avait précisément voulu faire tomber cette condition à l'exonération. En définitive, le Tribunal administratif fédéral retient que l'art. 14 al. 1 let. j LT ne vise qu'une seule hypothèse, à savoir les transferts constitutifs d'une restructuration au sens de l'art. 61 al. 3 LIFD, indépendamment de leur traitement en matière d'impôt sur le bénéfice (arrêt attaqué consid. 6.3.4). 
 
8.3. L'Administration fédérale ne remet en cause ni l'application des principes posés par l'ATF 138 II 557 au droit de timbre de négociation, ni le fait que la condition du transfert à la valeur comptable n'entre pas en ligne de compte pour cet impôt. Elle soutient en revanche que la condition que le transfert doit intervenir entre sociétés suisses reste pertinente dans le contexte du renvoi à l'art. 61 al. 3 LIFD figurant à l'art. 14 al. 1 let. j ab initio LT, car, sinon, l'art. 14 al. 1 let. j in fine LT, qui vise spécifiquement les transferts de participation impliquant une société étrangère et une société suisse, serait vidé de toute portée. Elle en conclut que la transaction A, qui a impliqué une société suisse et une société étrangère, ne peut pas être exonérée du droit de timbre de négociation, parce qu'elle a porté sur une participation inférieure aux 20 % exigés à l'art. 14 al. 1 let. j in fine LT.  
 
8.4. Sous l'angle des règles applicables à l'interprétation de la loi, il est vrai que, du point de vue grammatical, l'art. 14 al. 1 let. j LT est construit en deux parties distinctes, séparées par la conjonction "ainsi que", ce qui laisse entendre qu'elle prévoit deux cas d'exonération distincts. Toutefois, une telle interprétation ne correspond à la véritable portée de la norme qui, comme l'a retenu le Tribunal administratif fédéral, ressort des travaux préparatoires.  
 
8.4.1. L'introduction d'une nouvelle lettre j à l'art. 14 al. 1 LT ne figurait pas dans le projet du Conseil fédéral lors de la révision du droit de timbre qui est intervenue à l'occasion de l'élaboration de la LFus (Message du 13 juin 2000 concernant la loi fédérale sur la fusion, la scission, la transformation et le transfert de patrimoine; FF 2000 3995). Ce sont les Chambres fédérales qui ont introduit la lettre j lors des débats. Cette introduction est intervenue en deux temps: le Conseil des États a d'abord proposé, le 21 mars 2001, l'introduction dans la loi de ce qui correspondra à l'art. 14 al. 1 let. j ab initio LT (BO 2001 E 164 s.), et le Conseil national a ensuite proposé, le 12 mars 2003, d'y ajouter ce qui correspondra à l'art. 14 al. 1 let. j in fine LT (BO 2001 N 1 253 s). Lors des débats de mars 2001 relatifs à l'introduction de ce qui correspondra à l'art. 14 al. 1 let. j ab initio LT, le Conseiller aux États Schweiger relevait ce qui suit: "Mit der neuen Bestimmung von Artikel 14 Absatz 1 Buchstabe j StG soll nun - nach Meinung der WAK - sichergestellt werden, dass entgeltliche Übertragungen im Bereiche von Beteiligungen im Konzern im In- und Ausland nicht mehr der Umsatzabgabe unterliegen" (intervention du 21 mars 2001; BO 2001 E 164). Le même jour, le Conseiller aux États Dettling s'exprimait dans le même sens: "Worum geht es hier? Zunächst ist lobend hervorzuheben, dass für die Übertragung von Beteiligungen als Sacheinlagen im Rahmen einer Fusion, Spaltung oder Umwandlung die Stempelsteuerbefreiung sowohl im Inland wie auch im Ausland vorgesehen ist. Indessen fehlt eine Steuerbefreiung bei entgeltlichen Übertragungen. Mit dem Minderheitsantrag soll nun sichergestellt werden, dass entgeltliche Übertragungen von Beteiligungen innerhalb eines Konzerns - ich betone das: innerhalb eines Konzerns - im In- und Ausland nicht mehr der Umsatzabgabe unterstellt sein sollen" (BO 2001 E 165). Lors des débats au Conseil national, le Conseiller national Cina s'est exprimé en ces termes le 12 mars 2003: "La nouvelle disposition de l'article 14 alinéa 1er lettre j LT garantirait que les transferts à titre onéreux de participation à l'intérieur du groupe, tant en Suisse qu'à l'étranger, ne soient plus soumis au droit de timbre de négociation" (BO 2003 N 253).  
 
8.4.2. Il ressort des débats parlementaires qu'en introduisant l'art. 14 al. 1 let. j LT dans la loi, le législateur avait pour but d'exonérer du droit de timbre de négociation les transferts de participations au sein du groupe, qu'ils interviennent entre sociétés suisses ou étrangères. En conséquence, c'est à juste titre que le Tribunal administratif fédéral a retenu que l'art. 14 al. 1 let. j LT ne vise en réalité qu'une seule et même hypothèse, à savoir les transferts constitutifs d'une "restructuration" au sens de l'art. 61 al. 3 LIFD.  
 
8.4.3. Au surplus, l'interprétation de l'Administration fédérale revient aussi à soutenir que l'exonération des transferts de participation intra-groupe impliquant une société étrangère exige le transfert d'une participation directe de 20 %, puisqu'elle conteste l'exonération de la transaction A au motif qu'elle n'a porté que sur une participation (directe) de 14.9 % (supra consid. 8.3). Cette lecture aurait pour conséquence que le transfert intra-groupe d'une participation indirecte de 20 % entre une société suisse et une société étrangère ne serait pas exonéré du droit de timbre de négociation, alors que l'Administration fédérale admet que ce même transfert est exonéré s'il intervient entre sociétés suisses, puisqu'il représente une restructuration au sens de l'art. 61 al. 3 LIFD (supra consid. 7.2.1). Or, on ne voit pas, et l'Administration fédérale ne l'explique pas véritablement, ce qui justifierait de comprendre le transfert de participation de 20 % de l'art. 14 al. 1 let. j i n fine LT d'une manière plus restrictive que celle qui est visée par l'art. 61 al. 3 LIFD auquel renvoie l'art. 14 al. 1 let. j ab initio LT. Sous cet angle également, l'interprétation soutenue par l'Administration fédérale ne convainc pas.  
 
8.5. En l'espèce, il ressort des faits constatés par le Tribunal administratif fédéral que la participation à B.________ SAS détenue au sein du groupe, sous la direction de la Société, a atteint 39,9 % (soit la somme de la participation de 25 % déjà détenue par la Société et de la participation litigieuse transférée de 14,9 %). La Transaction A a donc porté sur une participation indirecte de 20 % au moins au sein du groupe. Par conséquent, le Tribunal administratif fédéral a correctement appliqué le droit fédéral en exonérant la transaction A du droit de timbre de négociation en vertu de l'art. 14 al. 1 let. j LT.  
 
8.6. Par conséquent, le grief de l'Administration fédérale est rejeté, ce qui conduit au rejet de son recours.  
 
9.  
Le second pan du litige concerne la transaction B. Il porte sur le point de savoir si les attributions d'actions A.________ à certains collaborateurs du groupe (ci-après désignées par l'expression: actions de collaborateur) dans le cadre de deux plans d'intéressement du personnel sont soumises au droit de timbre de négociation. 
 
9.1. Pour répondre à cette question, il faut commencer par qualifier juridiquement ces attributions d'actions (infra consid. 9.1.1) et par présenter les caractéristiques du plan d'octroi de "Restricted Stock Units" et du plan d'octroi de "Performance Share Units", dans le cadre desquels des actions de collaborateur ont été attribuées à des employés du groupe A.________ (infra consid. 9.1.2).  
 
9.1.1. En droit privé, les actions de collaborateur représentent un salaire en nature. Les actions de collaborateur font en effet partie de la contre-prestation salariale due par l'employeur pour la prestation de travail fournie par le travailleur (cf. art. 319 al. 1 CO [RS 220]; WOLFGANG PORTMANN/ROGER RUDOLPH, in Obligationenrecht I, Basler Kommentar, 3e éd. 2020, n° 25 ad art. 322 OR; ANNE MEIER, in Commentaire romand, Code des obligations I, 3e éd. 2021, n° 12 ad art. 319 CO et les références). En droit fiscal, les actions de collaborateur, désignées par l'expression "participations de collaborateur proprement dites", sont aussi considérées comme faisant partie du salaire puisqu'elles sont imposables dans le chef du contribuable qui les reçoit à titre de revenu de l'activité lucrative dépendante (art. 17 al. 1 et 17a al. 1 let. a LIFD en matière d'impôt fédéral direct; art. 7c al. 1 let. a LHID pour le droit cantonal harmonisé). Celui-ci réalise en effet par là un avantage appréciable en argent qui prend la forme d'un salaire en nature, la cause de cet avantage résidant dans le rapport de travail qui le lie à son employeur (VALENTINA MOSHEK/PIERRE-MARIE GLAUSER, La nouvelle loi sur les plans de participations, in Expert-comptable suisse, n° éd. 2012 p. 724 s.). Le montant du salaire afférent à l'octroi d'actions de collaborateur correspond à la valeur vénale des titres, diminuée, le cas échéant, de leur prix d'acquisition (cf. art. 17b al. 1 LIFD; art. 7d al. 1 LHID; art. 5 al. 1 de l'ordonnance du 27 juin 2012 sur l'obligation de délivrer des attestations pour les participations de collaborateur [OPart; RS 642.115.325.1]). La valeur vénale des actions cotées correspond en principe au cours boursier à la clôture du jour de leur acquisition (Circulaire n° 37 du 30 octobre 2020 de l'Administration fédérale des contributions sur l'imposition des participations de collaborateurs, ch. 3.2.1). En droit des assurances sociales, les actions de collaborateur sont incluses dans le salaire déterminant pour le calcul des cotisations (art. 7 al. 1 let. c bis RAVS [RS 831.101]; ATF 138 V 463 consid. 8.1.2) et sont donc aussi considérées comme faisant partie du salaire de l'assuré.  
Les actions de collaborateur peuvent être attribuées dans le cadre de plans d'intéressement du personnel qui prévoient l'octroi de ce qui est qualifié en droit fiscal d'"expectatives sur des actions de collaborateur" (cf. art. 1 al. 2 let. b et art. 5 al. 2 OPart). En substance, ces plans, qui poursuivent un but incitatif, prévoient que le collaborateur se verra attribuer la propriété d'actions de l'entreprise au terme d'une certaine période (dite période de "vesting") au cours de laquelle le collaborateur doit "mériter" les actions liées aux expectatives qui lui ont été attribuées, ce qui suppose en principe qu'il doit rester au service de l'employeur durant cette période. En pratique, il s'agit souvent de plans portant sur l'octroi de "Restricted Stock Units" (RSU) soit, en français, des unités d'action soumises à restrictions. Ces unités sont converties en actions et sont acquises par le participant au terme de la période de vesting si les conditions prévues par le plan sont remplies à cette date (VIRNA VALLUCCI/THOMAS ZELLWEGER, in Bundesgesetz über die direkte Bundessteuer [DBG], Kommentar, 4e éd. 2022, n° 45 s. ad art. 17a DBG; JEAN-BLAISE ECKERT, in Impôt fédéral direct, Commentaire de la loi sur l'impôt fédéral direct, 2e éd. 2017, n° 3 et 5 ad art. 17a LIFD). Des variantes sont possibles. 
 
9.1.2. Dans le cas d'espèce, le groupe A.________ connaît un plan d'octroi de RSU, ainsi qu'un plan d'octroi de "Performance Share Units" (PSU). Selon les faits constatés, ces plans prévoient l'attribution de PSU et de RSU aux collaborateurs éligibles que sont les cadres supérieurs employés de la Société à la date de l'attribution. Après une période de vesting de trois ans, les bénéficiaires de PSU et de RSU reçoivent gratuitement des actions de la Société, alternativement leur équivalent en argent liquide. Les actions sont en revanche acquises immédiatement en cas de rupture des rapports de travail, voire perdues en présence de certains motifs de résiliation. Le nombre d'actions remises aux détenteurs de RSU au terme de la période de blocage est décidé par la Société sur la base des dispositions correspondantes du plan. S'agissant des PSU, le nombre de PSU attribué à un employé dépend de différents critères, notamment de sa performance individuelle et des considérations de "cohérence interne". Le nombre d'actions qui lui sont ensuite remises au terme de la période de vesting est fixé selon le nombre de PSU qu'il détient et des critères de performance de l'action de la Société.  
 
9.2. Selon l'art. 13 al. 1 LT, le droit de négociation a pour objet le transfert à titre onéreux de la propriété des documents indiqués à l'al. 2, si l'un des contractants ou l'un des intermédiaires est un commerçant de titres au sens de l'al. 3.  
Sous réserve des exonérations prévues à l'art. 14 LT et des exceptions au prélèvement de l'impôt figurant aux art. 17a et 19 LT (supra consid. 5), le droit de timbre de négociation est donc dû si quatre conditions sont cumulativement remplies: 1) l'existence d'un document imposable selon l'art. 13 al. 2 LT, 2) un transfert de la propriété de ce document, 3) le caractère onéreux du transfert et 4) l'intervention d'un commerçant de titres au sens de l'art. 13 al. 3 LT (MARTIN BÜELER, in Bundesgesetz über die Stempelabgaben, 2e éd. 2019, n° 1 ad art. 13 StG). 
 
9.2.1. De l'avis du Tribunal administratif fédéral, les actions de collaborateur représentent des transferts de la propriété de documents imposables qui sont soumis au droit de timbre de négociation si les conditions de l'art. 13 al. 1 LT sont remplies, parce que le droit de timbre frappe les transactions juridiques sans égard à l'objectif recherché par lesdites transactions, à la personne du contribuable, à sa capacité économique ou au gain (respectivement à la perte) réalisé; en outre, la limitation aux transactions auxquelles participe un commerçant professionnel de titres ne restreint pas matériellement l'obligation fiscale, mais sert seulement à assurer le contrôle de la perception de l'impôt (cf. consid. 7.2 de l'arrêt attaqué). En l'occurrence, le Tribunal administratif fédéral retient que les conditions de l'art. 13 al. 1 LT sont remplies s'agissant des actions de collaborateurs attribuées dans le cadre des plans RSU et PSU. En effet, la Société, commerçante de titres, a transféré à des collaborateurs du groupe la propriété d'actions A.________, soit de documents imposables. Ces transferts sont par ailleurs intervenus à titre onéreux car les attributions sont étroitement liées à la prestation de travail qui a été fournie par les employés concernés (cf. consid. 7.4 de l'arrêt attaqué).  
 
9.2.2. La Société invoque une violation de l'art. 13 al. 1 LT. Elle soutient, en substance, que les actions de collaborateur n'ont pas été octroyées à titre onéreux au sens de l'art. 13 al. 1 LT, parce que l'octroi de RSU et de PSU poursuit un but incitatif, que les transferts d'actions de collaborateur qui en découlent interviennent à titre gratuit et que ces transferts ne sont en particulier pas corrélés à une prestation de travail spécifique ou supplémentaire de la part des collaborateurs concernés. En outre, même si l'on devait admettre le caractère onéreux des attributions d'actions de collaborateur qui ont découlé des plans RSU et PSU en raison d'une contre-prestation de travail fournie par les collaborateurs concernés, il faudrait alors attribuer une valeur vénale à cette contre-prestation, comme l'exige l'art. 16 al. 2 LT. Cela impliquerait de prendre comme référence la valeur vénale de l'action au jour de son octroi, ce qui aurait pour conséquence que la valeur de la contre-prestation de travail ne serait jamais appréciée objectivement pour elle-même, mais dépendrait de la valeur de l'action au jour de l'octroi. Cela serait source d'insécurité juridique et contraire au principe de la légalité qui prévaut en droit fiscal (art. 127 al. 1 Cst.).  
 
9.2.3. Est donc avant tout litigieuse la question de savoir si les actions attribuées dans le cadre des plans RSU et PSU l'ont été à titre onéreux au sens de l'art. 13 al. 1 LT.  
 
9.3. Selon la jurisprudence, le caractère onéreux selon l'art. 13 al. 1 LT suppose que l'acquéreur de la propriété des titres négociés effectue une certaine prestation en faveur de son cocontractant (arrêt A.103/1976 du 4 février 1977 consid. 5a, publié dans Archives 46 p. 528; MARTIN BÜELER, in Bundesgesetz über die Stempelabgaben, Kommentar, 2e éd. 2019, n° 6 ad art. 13 LT; ANDRIO ORLER, in LT, Commentaire droits de timbre, 2009, n° 53 ad art. 13 LT). À défaut, le transfert a lieu à titre gratuit et aucun droit de négociation n'est dû (cf. ORLER, op. cit, n° 3 ad art. 16 LT). Il n'est pas nécessaire que la prestation de l'acquéreur soit l'une des prestations principales d'un contrat synallagmatique; elle peut être une prestation accessoire d'un contrat unilatéral, à condition qu'il y ait un lien entre le transfert de la propriété du titre et la prestation de l'acquéreur (cf. arrêt A.103/1976 du 4 février 1977 consid. 5a, publié dans Archives 46 p. 528). Il suffit qu'il existe un lien étroit entre le transfert de la propriété du titre et la prestation de l'acquéreur (ATF 108 Ib 28 consid. 5b).  
Conformément à l'art. 16 al. 1 LT, le droit de timbre de négociation est calculé sur la contre-valeur du titre transféré. Partant, la valeur de prestation de l'acquéreur représente aussi l'assiette du droit de timbre de négociation. Il s'agit généralement du prix d'achat payé par l'acquéreur pour le transfert des titres (FILIPPO LURÀ, in LT Commentaire droits de timbre, n° 55 ad art. 13 LT; ORLER, op. cit., n° 1 ad art. 16 LT). La prestation de l'acquéreur peut toutefois prendre d'autres formes qu'une prestation en argent (arrêt A.103/1976 du 4 février 1977 consid. 5a, publié dans Archives 46 p. 528). L'Administration fédérale cite à titre d'exemples de prestations de l'acquéreur la remise de créances, de titres, de métaux précieux ou de biens réels (cf. Administration fédérale des contributions, Circulaire n° 12 du 10 mars 2011 sur les droits de timbre de négociation, chiffre 2.2.2). Selon l'art. 16 al. 2 LT, si la contre-valeur n'est pas constituée par une somme d'argent, la valeur vénale de la contre-prestation convenue est déterminante. 
 
9.4. De l'avis des juges précédents, les actions A.________ qui ont été attribuées à des employés du groupe dans le cadre des plans RSU et PSU l'ont été à titre onéreux au sens de l'art. 13 al. 1 LT car ces attributions ont trouvé leur cause dans une "prestation de service passée, qui en constitue la contre-prestation" (arrêt attaqué consid. 7.4.1 in fine). Cela attesterait l'existence d'un lien étroit entre la prestation (transfert des titres) et la contre-prestation (travail), en ce sens que la première n'existerait pas sans la seconde (arrêt attaqué consid. 7.4.3).  
Ce raisonnement ne peut pas être suivi. 
 
9.4.1. D'abord, la position des juges précédents est a priori difficilement compatible avec la jurisprudence du Tribunal fédéral (supra consid. 9.3), dont on peut déduire que le caractère onéreux suppose que l'acquéreur fournisse une certaine prestation en contrepartie de l'acquisition des titres. Or il ressort des faits constatés que les collaborateurs concernés ne doivent verser aucun prix d'achat, pas même un prix de faveur, en contrepartie des actions dont ils acquièrent la propriété en vertu des plans RSU ou PSU (supra consid. 9.1.2). Contrairement à ce que soutient le Tribunal administratif fédéral, on ne peut pas retenir que l'attribution des actions a lieu à titre onéreux au sens de l'art. 13 al. 1 LT parce que les collaborateurs concernés ont fourni une prestation de travail pour les obtenir. En effet, même si les actions de collaborateur représentent du salaire en nature en matière d'impôt sur le revenu (supra consid. 9.1.1), l'attribution des actions ne peut pas pour autant être reliée à une prestation de travail spécifique de la part des collaborateurs concernés. Les juges précédents l'admettent du reste, dans la mesure où ils relèvent que l'attribution des actions ne peut pas être "corrélée à une prestation de travail définie, en ce sens qu'aucune correspondance n'est établie entre la délivrance d'un PSU ou RSU et une certaine quantité ou performance de travail" (arrêt attaqué consid. 7.4.3). L'absence de corrélation entre l'attribution des actions de collaborateur et une prestation de travail ressort au demeurant des plans PSU et RSU. L'arrêt attaqué (supra consid. 9.1.2) constate ainsi que, s'agissant du plan PSU, le nombre d'actions remises au terme de la période de vesting est fixé selon le nombre de PSU détenus et des critères de performance de l'action de la Société et que, s'agissant du plan RSU, le nombre d'actions remises aux détenteurs de RSU au terme de la période de vesting est décidé par la Société sur la base des dispositions correspondantes du plan. En outre, il ressort des plans que les actions peuvent aussi être acquises immédiatement en cas de rupture des rapports de travail (supra consid. 9.1.2). Il n'y a donc pas de lien étroit entre le transfert des titres et une contre-prestation de travail. Au demeurant, dans sa Circulaire n° 12 du 10 mars 2011 sur les droits de timbre de négociation, qui détaille pourtant les opérations susceptibles d'être soumises au droit de timbre de négociation (cf. chiffres 6 à 8), l'Administration fédérale ne fait nulle mention de l'octroi gratuit d'actions de collaborateur.  
 
9.4.2. Ensuite, et comme le souligne à juste titre la Société, même si l'on devait retenir, avec les autorités précédentes, que les actions de collaborateur ont été attribuées à titre onéreux au sens de l'art. 13 al. 1 LT parce que le collaborateur a fourni une prestation de travail, encore faut-il pouvoir attribuer une valeur vénale à cette prestation en nature pour établir l'assiette de l'impôt, comme l'exige l'art. 16 al. 2 LT. Or on ne voit pas, et le Tribunal administratif fédéral ne l'explique nullement, comment une prestation de travail peut avoir une valeur vénale. Cette incongruité dénote aussi que, lorsque des actions de collaborateur sont attribuées à titre gratuit (c'est-à-dire sans contre-prestation de la part de l'acquéreur, y compris sous la forme d'un prix de faveur), il ne s'agit pas, par nature, d'un transfert onéreux au sens de l'art. 13 al. 1 LT.  
 
9.4.3. Au surplus, même si l'on devait admettre qu'une prestation de travail est susceptible d'avoir une valeur vénale, le Tribunal administratif fédéral n'explique pas non plus comment calculer cette valeur. La Circulaire n° 12 précitée de l'Administration fédérale sur les droits de timbre de négociation ne contient logiquement aucune indication à cet égard, puisqu'elle ne mentionne pas les actions de collaborateur comme objet de l'impôt. En revanche, il ressort du résumé d'une décision du 13 août 2013 de l'Administration fédérale (cf. le résumé de cette décision dans MAJA BAUER-BALMELLI/THOMAS M. FISLER [éd.], Praxis der Bundessteuern, 2023, II. Teil, n° 47 ad art. 13 al. 1 et 3 LT et sous n° 9 ad art. 17 al. 3 LT) que celle-ci prend comme référence le montant du salaire en nature correspondant aux titres attribués, tel qu'il apparaît dans le certificat de salaire du collaborateur concerné. Cette méthode, qui revient à valoriser une prestation de travail non pas pour elle-même, mais en fonction de la valeur du titre, montre que l'Administration fédérale ne parvient pas non plus à valoriser la prestation de travail. Dans le cas d'actions cotées, telles que les actions A.________, cette méthode a en outre pour conséquence que la valorisation d'une prestation de travail pourrait varier selon le jour d'attribution, au gré du cours boursier du titre, ce qui rend l'évaluation de la prestation de travail relativement aléatoire et en tous les cas détachée de tout lien avec la prestation de travail individuelle fournie, laquelle est pourtant censée représenter la prestation étroitement liée à l'attribution des actions. Cette impossibilité de déterminer une valeur vénale à une prestation de travail montre aussi que le droit de timbre de négociation n'est pas destiné à être prélevé lorsque des documents imposables sont attribués gratuitement à des collaborateurs dans le cadre d'un plan d'intéressement du personnel.  
 
9.5. En conséquence de ce qui précède, le Tribunal administratif fédéral a violé l'art. 13 al. 1 LT en retenant que l'octroi des actions de collaborateur dans le cadre des plans RSU et PSU de la Société intervenait à titre onéreux au sens de cette disposition.  
 
10.  
La conclusion selon laquelle l'attribution à titre gratuit d'actions de collaborateur dans le cadre de plans d'intéressement du personnel n'est pas soumise au droit de timbre de négociation est confirmée par l'historique (infra consid. 10.1), la systématique (infra consid. 10.2) et le cadre constitutionnel (infra consid. 10.3) de cet impôt, tel que réglé par l'art. 13 LT
 
10.1.  
 
10.1.1. Sous l'angle historique, les droits de timbre fédéraux ont été introduits en Suisse par la loi fédérale du 4 octobre 1917 sur les droits de timbre (ci-après: aLT), entrée en vigueur le 1er avril 1918 (sur l'historique des droits de timbre, CONRAD STOCKAR, Geschichte der eidgenössischen Stempelabgaben, in Archives 56, p. 513; XAVIER OBERSON, in LT, Commentaire droits de timbre, 2006, n° 23 ss ad art. 1 LT; MAJA BAUER-BALMELLI/MARKUS KÜPFER, Bundesgesetz über die Stempelabgaben, 2e éd. 2019, n° 1 ss ad Vorbemerkungen). Dans le Message présentant ce projet de loi (Message du 23 mai 1917 concernant la promulgation d'une loi d'exécution de l'article 41bis de la constitution fédérale [loi sur les droits de timbre], FF 1917 III 64, sous I. Dispositions générales), le Conseil fédéral indiquait notamment ce qui suit:  
Les impôts sur les transactions qui doivent être introduits par la présente loi dans le système financier de la Confédération ont pour but l'imposition indirecte de la propriété. La nature de ce but détermine également le choix des objets à imposer. Il faut laisser exonérées de toute imposition les transactions relatives au trafic des marchandises destinées à la consommation; l'imposition doit au contraire se concentrer sur les opérations servant à la formation ou à l'utilisation du capital et à la réalisation de bénéfices. 
 
Un droit de timbre de négociation, alors désigné par l'expression "Droits de timbre sur titres négociés" (cf. le titre du chapitre 4 de l'aLT), a été introduit dans cette nouvelle loi fédérale à l'art. 33 aLT (FF 1917 IV 227, 236). Cette disposition soumettait à l'impôt le transfert onéreux de la propriété de titres lorsque l'un des contractants ou des intermédiaires s'occupait "professionnellement, pour son propre compte ou pour le compte d'autrui, de l'achat ou de la vente de titres". Avec l'introduction de ce nouvel impôt, il s'agissait ainsi d'imposer les transferts onéreux de titres impliquant des professionnels de l'achat et de la vente de titres, soit les banques. À l'origine, l'aLT ne prévoyait pas d'assimiler les sociétés holding aux professionnels de l'achat ou de la vente de titres. Cette assimilation est intervenue lors de la révision partielle de l'aLT, qui a été proposée par le Conseil fédéral en 1926 pour soumettre désormais également à l'impôt les "opérations sur titres" effectuées par les trusts, les sociétés financières et les sociétés holding, et ce pour les raisons suivantes: 
Le transfert à titre onéreux de la propriété de titres n'est soumis à un droit de timbre, suivant la loi du 4 octobre 1917, que si l'un des contractants ou des intermédiaires s'occupe professionnellement de l'achat ou de la vente de titres. Cette limitation a été prévue pour des considérations d'ordre pratique. Auprès des banques, le droit peut être perçu de façon simple et sûre sur la base de registres avec décomptes annuels. Les opérations directes entre particuliers ne seraient, en revanche, pas contrôlables dans la règle et l'on devrait compter avec une proportion élevée d'omissions intentionnelles ou par négligence du paiement de l'impôt. Les négociations de titres entre deux personnes privées ne jouent d'ailleurs, comparativement à celles qui se font par l'intermédiaire des banques, qu'un rôle si minime qu'il se justifie de n'en pas tenir compte. Nous ne pouvons, dès lors, pas nous décider à soumettre, suivant le système allemand, toutes les négociations à l'impôt. En revanche, nous estimons qu'il serait indiqué d'y assujettir les opérations sur titres effectuées par les trusts, les sociétés financières et les sociétés dites "Holding", sans rechercher si, dans tel cas particulier, est remplie la condition du commerce professionnel de titres. La solution de la question de savoir si cette condition est remplie par de telles entreprises, c'est-à-dire si chez ces entreprises les titres sont acquis en vue de simple placement ou en vue de les revendre avec bénéfice, présente en pratique de grandes difficultés. (...) Nous considérerions dès lors comme indiqué que toute société anonyme ou coopérative dont le but est de participer à d'autres entreprises ou dont les actifs composent pour plus de la moitié de titres, (...), soit déclarée soumise au droit de timbre sur les négociations de titres qu'elle effectue pour son compte ou pour le compte d'autrui, sans qu'il y ait lieu de rechercher si elle fait professionnellement ou non le commerce de titres (Message du 28 mai 1926 concernant la promulgation d'une loi fédérale modifiant celles du 4 octobre 1917 sur les droits de timbre et du 25 juin 1921 concernant le droit de timbre sur les coupons, FF 1926 I 779 p. 796 s., sous let. c. Négociation de titres; ci-après: le Message de 1926). 
 
 
10.1.2. La loi fédérale sur les droits de timbre de 1917 a été remplacée par l'actuelle loi fédérale du 27 juin 1973 sur les droits de timbre, entrée en vigueur le 1er juillet 1974 (RO 1974 11). Le but de la nouvelle loi était de simplifier le système de l'ancienne et de prendre en compte les développements du droit européen (Message du 25 octobre 1972 concernant une nouvelle loi fédérale sur les droits de timbre, notamment p. 1275 ch. 1, p. 1277 s. ch. 22 et p. 1282 ch. 232.2; ci-après: le Message de 1972). S'agissant du droit de timbre de négociation, le Conseil fédéral a relevé que le système et la réglementation légale "ne sont pas facilement intelligibles pour le profane parce qu'ils sont liés principalement aux opérations boursières en Suisse et à l'étranger et à cause des particularités de celles-ci" (Message de 1972, p. 1294). La nouvelle loi sur les droits de timbre n'a toutefois pas modifié sur le principe l'objet du droit de timbre de négociation tel qu'il était libellé à l'art. 33 aLT (Message de 1972, p. 1294; arrêt 2C_638/2020 du 25 février 2021 consid. 3.7.3, traduit dans RDAF 2021 II 580). Le Conseil fédéral a néanmoins et notamment proposé de modifier les critères permettant d'assimiler les sociétés financières et holdings aux commerçants de titres afin de limiter cette assimilation aux grandes sociétés, qui, au regard des "importantes transactions sur titres" qu'elles effectuaient, se comportaient comme de "véritables" commerçantes de titres:  
Aujourd'hui (art. 33, 2e al., LT) sont, assimilées aux commerçants de titres les sociétés qui ont pour but principal, d'après leurs statuts, la participation à d'autres entreprises ou dont l'actif se compose, selon le dernier bilan, pour plus de la moitié de participations, de titres et d'avances sur titres. Cette catégorie comprend actuellement plus de 20 000 sociétés (elle a augmenté de 2000 unités chacune de ces dernières années). La réglementation du 3e alinéa, lettre c, du projet réduirait les sociétés contribuables (qui doivent donc être surveillées régulièrement) d'environ 15 000 unités et ôterait la qualité de commerçant de titres à de nombreuses petites sociétés de gérance de fortune. Cette mesure se justifie d'autant plus que ces petites sociétés réalisent d'ordinaire des chiffres d'affaires très modestes (elles ne sont donc pas de véritables commerçants de titres); beaucoup d'entre elles se servent d'ailleurs d'une banque pour les quelques opérations sur titres qu'elles effectuent, si bien que ces opérations sont de toute façon soumises au droit. En revanche, il est indispensable de maintenir comme commerçants de titres contribuables les grandes sociétés financières et holdings qui réalisent régulièrement d'importantes transactions sur titres (Message de 1972, p. 1295 s.).  
 
 
10.1.3. Il ressort des extraits cités ci-dessus que, par le droit de timbre de négociation, le législateur vise depuis toujours des transactions de titres. Le Message relève ainsi à plusieurs reprises que l'impôt concerne les "opérations sur titres", les "titres négociés" ou les "transactions sur titres". À l'origine, le Conseil fédéral indiquait même que l'imposition devait se concentrer sur les opérations servant à la formation ou à l'utilisation du capital et à la réalisation de bénéfices (Message de 1917) et, dans le Message de 1972, il soulignait que cet impôt visait avant tout les "opérations boursières". En outre, quand le législateur a décidé d'assimiler à certaines conditions les sociétés holding à des commerçantes de titres au sens de la loi sur les droits de timbre, c'est précisément parce qu'il a constaté que ces sociétés procédaient aussi à des "opérations sur titres" et qu'il était partant justifié de les considérer, à l'instar des banques, comme des professionnels du commerce de titres et de soumettre leurs transactions sur titres à l'impôt. Quand l'actuelle loi sur les droits de timbre a été élaborée en 1972, les critères d'assimilation ont été modifiés pour réduire le nombre d'entités assimilables à des commerçants de titres. Le Conseil fédéral a toutefois souligné qu'il était "indispensable de maintenir comme commerçants de titres contribuables les grandes sociétés financières et holdings qui réalisent régulièrement d'importantes transactions sur titres".  
 
10.1.4. L'interprétation historique ne permet donc pas de retenir que le droit de timbre de négociation peut avoir pour objet des actions de collaborateur lorsque ces actions sont attribuées gratuitement. Ils ne représentent pas une négociation ou une opération sur titres. En outre, quand le législateur a assimilé les sociétés holding à des commerçants de titres, c'est pour soumettre à l'impôt les transactions sur titres que ces sociétés effectuaient, que ce soit à titre de placement ou en vue de réaliser un bénéfice. Il n'a jamais été question, ni en 1926, ni en 1972, de soumettre à l'impôt les actions qu'une société holding attribuerait gratuitement à des collaborateurs à titre de salaire en nature.  
 
10.2. Sous l'angle systématique, l'art. 13 al. 1 LT décrit les transferts de propriété de documents imposables qui sont soumis à un impôt qui a été intitulé droit de "négociation" (Umsatz; negoziazione). Ce droit est défini à l'art. 1 al. 1 let. b LT, qui se trouve sous le titre 1 "Objet de la loi". Selon cette disposition, le droit de négociation frappe la négociation de titres. Ainsi, un transfert de titres qui remplit objectivement les conditions de l'art. 13 al. 1 LT ne peut logiquement être soumis au droit de négociation que s'il représente une "négociation" de titres au sens de l'art. 1 al. 1 let. b LT. Dans ce contexte, ce mot, issu du latin negotiatio "commerce", doit être compris dans le sens d'"action de faire du commerce" ou de "transmission des effets de commerce" (Dictionnaire en ligne Le Grand Robert de la langue française). Depuis le milieu du XIX e siècle, il est aussi un terme de bourse désignant le marché passé dans les bourses de commerces ou des valeurs (Dictionnaire historique de la langue française, éditions Le Robert, 1992). Cette interprétation est aussi appuyée, sous l'angle systématique, par le fait que toutes les opérations qui sont exonérées de l'impôt à l'art. 14 al. 1 et 3 LT et qui, sinon, feraient partie des transactions imposables (cf. PIERRE-MARIE GLAUSER, in LT, Commentaire droits de timbre, n° 1 et 2 ad art. 14 LT), sont des transactions de titres qui interviennent dans un contexte commercial: l'émission de titres (art. 14 al. 1 let. a LT), l'apport de titres (art. 14 al. 1 let. b LT), le commerce de droits de souscription (art. 14 al. 1 let. d LT), la remise de titres en vue de leur remboursement (art. 14 al. 1 let. e LT, c'est-à-dire le rachat de titres en vue de leur remboursement, cf. GLAUSER, op. cit., n° 26 ad art. 14 LT), l'émission d'obligations de débiteurs domiciliés à l'étranger (art. 14 al. 1 let. f LT), le commerce de papiers monétaires suisses et étrangers (art. 14 al. 1 let. g LT), l'achat et la vente d'obligations étrangères (art. 14 al. 1 let. h LT), le transfert de titres imposables intervenant dans le cadre de restructurations (art. 14 al. 1 let. i et j LT), et les ventes de titres faisant partie du stock commercial (art. 14 al. 3 LT).  
Sous l'angle systématique, le droit de négociation doit donc aussi être compris comme un impôt qui frappe les transactions de titres intervenant dans un contexte commercial ou boursier, ce qui n'est pas le cas des actions de collaborateur qui sont attribuées à titre gratuit. 
 
10.3. Sous l'angle téléologique, les droits de timbre n'ont pas pour objet les titres en eux-mêmes mais sont des impôts qui frappent certaines transactions juridiques (ATF 149 II 462 consid. 2.2.1 et 2.2.2 et les références; 143 II 350 consid. 2.2). En tant qu'impôt sur les transactions juridiques, l'objet d'un droit de timbre est donc constitué de la relation juridique sous-jacente (ATF 149 II 462 consid. 2.2.2), ce que l'art. 1 al. 2 LT confirme en prévoyant que les actes juridiques soumis au droit de timbre demeurent imposables même si aucun titre n'est émis ou remis (cf. OBERSON, op. cit., n° 29 ad art. 1 LT). Les transactions juridiques que vise le droit de timbre de négociation sont les négociations de titres qui interviennent dans un contexte commercial, comme le Tribunal fédéral l'a déjà relevé en soulignant que le droit de timbre de négociation avait pour objet des transactions commerciales ("Geschäftsabschlüsse"; arrêt 2C_638/2020 du 25 février 2021 consid. 3.7.3, traduit dans RDAF 2021 II 580). Sous l'angle téléologique également, l'art. 13 al. 1 LT ne peut donc pas être compris comme étant destiné à soumettre à l'impôt des actions de collaborateur qui sont attribuées à titre gratuit.  
 
10.4. Cette conclusion est encore corroborée par l'examen du champ d'application du droit de timbre de négociation à la lumière de la compétence que la Constitution fédérale a conférée à la Confédération en matière de droits de timbre.  
 
10.4.1. La compétence accordée à la Confédération de prélever des droits de timbre figure à l'art. 132 al. 1 Cst. Selon cette disposition, la Confédération peut percevoir des droits de timbre sur les papiers-valeurs, sur les quittances de primes d'assurance et sur d'autres titres concernant des opérations commerciales; les titres concernant des opérations immobilières et hypothécaires sont exonérés du droit de timbre. Sous l'empire de la Constitution fédérale de 1874, cette compétence figurait à l'art. 41bis al. 1 let. a, qui n'a été modifié que sous l'angle rédactionnel lors de la révision totale de la Constitution fédérale de 1999. Il est par ailleurs admis que l'adoption de l'art. 132 al. 1 Cst. n'a pas modifié le sens matériel de la norme de compétence (BAUER-BALMELLI/KÜPFER, op. cit., n° 22 ad Vorbemerkungen; YVES NOËL, in Constitution fédérale, Commentaire romand, 2021, n° 2 ad art. 132 Cst.).  
 
10.4.2. L'expression "autres documents concernant des opérations commerciales" à l'art. 132 al. 1 Cst. - que l'on trouvait déjà dans une formulation similaire à l'art. 41bis al. 1 let. a aCst. - signifie que l'on doit dans tous les cas être en présence d'une opération commerciale (PETER HONGLER, in Die schweizerische Bundesverfassung, St. Galler Kommentar, 4e éd. 2023, n° 7 et 11 ad art. 132 BV). L'expression "opérations commerciales" doit être comprise par opposition aux opérations "civiles", même si cette opposition ne repose pas sur une distinction formellement reconnue dans l'ordre juridique suisse (WALTHER BURCKHARDT, Kommentar der schweizerischen Bundesverfassung vom 29. Mai 1874, 1931, n° 2 ad art. 41bis BV, p. 346; PETER LOCHER, in Kommentar der schweizerischen Bundesverfassung vom 29. Mai 1874, 1987, n° 2 ad art. 41bis BV). L'art. 132 Cst. exclut expressément les titres concernant des opérations immobilières et hypothécaires, mais cela ne signifie pas que tous les autres titres sont soumis au droit de timbre; l'existence d'une opération commerciale est dans tous les cas nécessaire (cf. LOCHER, op. cit., n° 22 s. ad art. 41bis BV, qui relève par exemple que le droit d'imposer les titres concernant le droit des successions ou le droit de la famille est également exclu).  
L'expression "opérations commerciales" ne renvoie pas à un cercle bien circonscrit d'actes et de rapports juridiques. L'adjectif "commerciales" dénote toutefois qu'il faut y inclure tous les actes de la vie économique accomplis dans le cadre d'une activité commerciale ou orientée vers le profit, sans qu'ils ne soient limités aux seules opérations intervenant entre des professionnels du commerce (HONGLER, op. cit., n° 14 ad art. 132 BV et les références; BAUER-BALMELLI/KÜPFER, op. cit., n° 25 et 27 ad Vorbemerkungen et les références; NOËL, op. cit., n° 8 ad art. 132 Cst.; OBERSON, op. cit., n° 32 ad art. 1 LT). L'expression n'est pas limitée aux titres négociés en tant que marchandises mais recouvre tous les titres propres aux relations commerciales et lucratives, c'est-à-dire ceux qui sont prescrits, nécessaires ou usuels dans ces relations (BAUER-BALMELLI/KÜPFER, op. cit., n° 27 ad Vorbemerkungen et les références; HONGLER, op. cit., n° 14 ad art. 132 BV; LOCHER, op. cit., n° 24 ad art. 41bis BV et les références; cf. aussi - sans autre précision - MADELEINE SIMONEK, in Commentaire bâlois, Constitution fédérale, 2015, n° 12 ad art. 132 Cst.). 
 
10.4.3. L'interprétation de l'art. 13 al. 1 LT à la lumière du champ d'application de l'impôt selon la Constitution permet également de conclure que cet impôt n'a pas vocation à être prélevé lors de l'attribution d'actions de collaborateur à titre gratuit et versées à titre de salaire en nature, parce que cette attribution n'intervient pas dans le cadre d'une opération commerciale.  
 
10.5. Il découle de ce qui précède que la transaction B n'est pas soumise au droit de négociation. En jugeant que cette transaction était imposable, le Tribunal administratif fédéral a violé l'art. 13 al. 1 LT. Par conséquent, le recours de la Société est admis.  
 
11.  
Au vu de l'issue des recours, l'arrêt attaqué est réformé en ce sens que le montant dû par la Société à titre de reprise de droit de timbre de négociation pour la période allant du 1er juillet 2011 au 30 juin 2016 s'élève à 237'878 fr. 05. 
L'Administration fédérale est tenue de rembourser à la Société le montant de 2'514'594 fr. 20 acquitté par la Société le 21 avril 2017, y compris les intérêts moratoires y afférents que la Société aurait déjà payés. Il appartiendra à l'Administration fédérale de calculer les intérêts moratoires sur la somme reconnue, dans l'éventualité où la Société ne s'en serait pas encore acquittée. La cause lui est renvoyée à cette fin. 
 
12.  
Les frais judiciaires des deux causes sont mis à la charge de l'Administration fédérale, qui agit dans l'exercice de ses attributions officielles et dont l'intérêt patrimonial est en jeu (art. 66 al. 1 et 4 LTF). Des dépens seront alloués à la Société (art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
Le Tribunal fédéral ne fera pas usage des art. 67 et 68 al. 5 LTF et renverra la cause à l'instance précédente pour qu'elle détermine à nouveau le sort des frais et dépens de la procédure devant elle. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Les causes 9C_168/2023 et 9C_176/2023 sont jointes. 
 
2.  
Le recours de la Société (cause 9C_168/2023) est admis. 
 
3.  
Le recours de l'Administration fédérale (cause 9C_176/2023) est rejeté. 
 
4.  
L'arrêt du Tribunal administratif fédéral du 16 janvier 2023 est réformé en ce sens que le montant dû par la Société à titre de reprise de droit de timbre de négociation pour la période allant du 1er juillet 2011 au 30 juin 2016 s'élève à 237'878 fr. 05. 
 
5.  
L'Administration fédérale est condamnée à rembourser à la Société le montant de 2'514'594 fr. 20, y compris les intérêts moratoires y afférents déjà versés. La cause est renvoyée à l'Administration fédérale pour calcul des intérêts moratoires dus sur la reprise admise par la Société au sens des considérants. 
 
6.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 27'000 fr., sont mis à la charge de l'Administration fédérale. 
 
7.  
L'Administration fédérale versera à la Société une indemnité de 27'000 fr. à titre de dépens. 
 
8.  
La cause est renvoyée au Tribunal administratif fédéral pour qu'il détermine à nouveau le sort des frais et dépens de la procédure devant lui. 
 
9.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal administratif fédéral, Cour I. 
 
 
Lucerne, le 25 novembre 2024 
 
Au nom de la IIIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Parrino 
 
La Greffière : Vuadens